Carlos Santana, icĂŽne de la world music, vĂ©ritable guitar-hero, sâest produit vendredi 28 mai devant un public acquis de plusieurs milliers de personnes. Lâoccasion pour actuel dâaller Ă la rencontre de ce musicien lĂ©gendaire.
***
Avant dâenflammer lâOLM Souissi, Carlos Santana nous a accordĂ© une interview aussi longue quâun de ses solos. Il a achevĂ© son concert avec un guembri... et quand on lit son interview, on comprend pourquoi !
On assimile souvent la world music à la fusion et vice-versa. Ces appellations ont-elles un sens pour vous ? Les choses ont-elles changé ?
« Fusion is confusion » ! Mettre des Ă©tiquettes sur des courants musicaux est totalement hors sujet, hors de propos. Pour moi, les Ă©tiÂquettes nâexistent pas. Elles ne concernent pas les artistes. Bien que lâĂȘtre humain y ait souÂvent recours, elles nâont de sens que pour les responsables marketing qui aiment tout segÂmenter, certainement pas pour les musiciens.
DĂšs vos dĂ©buts, vous avez mariĂ© diffĂ©rents styles de musique. Et, dans les annĂ©es 90, vous avez privilĂ©giĂ© les collaborations avec des artistes plus jeunes. Quâest-ce qui a motivĂ© cette Ă©volution dans votre dĂ©marche ?
La dĂ©marche Ă©tait simple : se remettre en question, se rĂ©gĂ©nĂ©rer, se renouÂveler. De confronter son ouverture dâesprit Ă de nouvelles ambiances et harmonies, dâabsorber de nouÂveaux beats. Et cela mâa permis de rester en contact avec la musique et les talents de lâĂ©poque.
AprÚs avoir visité tant de styles musicaux, la « Santana touch » demeure inaltérée, toujours reconnaissable, unique en somme. Pouvez-vous révéler votre secret ?
VoilĂ une belle question ! Il sâagit en fait dâĂȘtre transparent Ă lâĂ©nergie qui mâhabite, de la laisser me traÂverser tel un cristal aussi pur que possible. Cela implique de taire, dâĂ©carter lâĂ©go. Cela permet de se regarder en face, de sâaccepter tel que lâon est, afin de projeter une Ă©motion la plus claire possible. Et câest lorsque lâon y parvient que le public peut Ă©galement sây retrouÂver comme dans un miroir, et senÂtir la magie de lâinstant.
En tant que natif du Mexique, pensez-vous que votre parcours puisse inspirer les artistes world/fusion du monde entier, et leur insuffler un espoir de reconnaissance globale, tels un Bob Marley ou une Myriam Makeba ?
Pour moi, le succĂšs Ă long terme implique lâhonnĂȘtetĂ©. Dans le cas dâun solo, ce qui importe câest : dâoĂč venons-nous ? OĂč allons-nous ? OĂč voulons-nous emmener notre puÂblic ? Quel message voulons-nous partager avec lui ? Le constat que tout artiste peut changer, faire Ă©voÂluer les choses dĂšs quâil transmet de lâauthenticitĂ©, quâil se donne pleinement, dâune maniĂšre pure et claire, et quâil permet ainsi au public de vivre un instant « vrai », fort, intense. Il faut avoir envie de participer Ă un miracle, garder aussi longtemps que possible la capacitĂ© dâĂ©merveillement quâont les enfants.
En tant que pionnier du mélange des genres musicaux, avez-vous des conseils pour vos nombreux émules marocains, confrontés au défi de fondre différentes influences culturelles ?
Le conseil que je pourrais donner : vivre le moment prĂ©sent. Tout se passe en temps rĂ©el : je recherche la magie de lâinstant. Atteindre la grĂące, momentanĂ©ment. Me senÂtir bien, en phase avec le monde.
Quels sont les artistes qui pourraient ĂȘtre vos « fils spirituels » ?
Je pense notamment Ă quelquâun comme Ben Harper, ou Jamie Lang.
Avez-vous eu lâoccasion dâĂ©couter ou de voir des groupes marocains ?
Malheureusement, je ne connais pas les artistes marocains. Je ne connais que Cheb Khaled au MaÂghreb. En revanche, jâadore le guembri : il y a quelque chose dâunique dans le mouvement que lâon peut insuffler Ă la musique Ă lâaide dâun tel instrument.
Propos recueillis par Jamil El Andaloussi |