La troisième édition du festival Moonfest a misé cette année sur la fusion berbéro-celtique, tout en cultivant l’esprit éco-citoyen qui a fait la griffe du « Woodstock marocain ».
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Woodstock Mahgribi: 3e round. Cette année encore, la magie du lieu a opéré : un Moonfest les pieds dans le lac Lalla Takerkoust et la tête dans la lune, qui a veillé de son bel arrondi doré sur ces trois jours de musique et de fête. A 30 kilomètres de Marrakech, mais à mille lieues des vrombissements des cylindrées du grand prix autour duquel le Tout-Maroc s’agitait au même moment, cet écrin de nature accueillait le seul festival solidaire national, dont la vocation est le partage et la contribution au développement local d’une région.
Moonfest, c’est d’abord un esprit, celui de l’échange dans la tolérance, de la simplicité et un bon bol d’air pour l’homo urbanicus en mal de verdure et prêt à adopter la roots attitude ! Arriver de nuit sur le site de Moonfest est déjà en soi une aventure qui se mérite. A défaut de boussole, les routards chevronnés ont dû s’armer de constance pour accéder au lieu après moult errances... Le site enfin trouvé, le bivouac berbère aux couleurs chatoyantes s’offre à nous, éclairé à la bougie des lanternes. Car Moonfest se veut un festival éco-responsable. Economies d’énergie obligent, l’électricité et l’eau du campement ne sont disponibles qu’à certaines heures.
Musique avant tout
Au réveil, la beauté et la quiétude du site valent bien les errances de la veille : les collines arides surplombant le bleu du lac sur fond de sommets enneigés sont à couper le souffle.
Musique maestro ! Mais pas n’importe laquelle. Ici le local prime et c’est l’amazighité qui dicte la couleur musicale, mâtinée de sonorités rock, blues ou même punk. Neuf concerts ont ponctué les trois jours de ce festival. Le berbéro-celtique était à l’honneur. Se sont succédé sur scène Desert Rebel for Peace, un collectif nigéro-breton qui prône la culture équitable, mais aussi Daoudia, la diva du chaâbi, admirée par des centaines de familles venues à pied des douars environnants, suivie du punk-rock déjanté de Haoussa, perruque rouge et crête de rigueur. Le lendemain, l’expérience berbéro-celtique du Kabyle Cheikh Sidi Bémol a ravi un public berbère familial, les plus âgés installés sur des chaises en plastique quand les jeunes improvisaient des chorégraphies endiablées. Entre les plateaux, cracheurs de feu et acrobates ont distrait l’assemblée. Une bonne idée, même si l’intermède s’est prolongé pendant les concerts, accaparant l’attention du public au détriment des artistes sur scène… Puis les filles ont pu se pâmer devant le dandy du R’n’B, Ahmed Soultane, avant de sautiller sur le chaabi-groove de Mazagan qui a clos cette belle soirée du samedi.
« Plage rouge »
Outre la musique, on vient aussi à Moonfest pour se détendre. Le festival a, cette année, inauguré sa plage privée sur les berges du lac. Ambiance « chill out » pour cet espace VIP agencé sur trois niveaux, où poufs et tapis de laine rouge ont accueilli les festivaliers harassés de chaleur qui se sont prélassés au son de la house des DJ Mood et Kareem Raihany, entre deux baignades rafraîchissantes. Car comme l’annonçait le programme, « à Moonfest, il ne faudrait pas oublier de se reposer ». D’autant qu’à l’issue des concerts, des jam sessions de folie ont tenu éveillés les festivaliers jusqu’au petit matin.
Tandis que les uns se la jouaient farniente et bronzette, d’autres ont pris part aux actions écologiques organisées par l’ONG Planète Citoyenne, fréquenté le souk associatif animé par les femmes de la région ou participé aux ateliers de sensibilisation à l’environnement. Samedi matin, une soixantaine d’enfants des douars environnants ont participé à un « Moonwalk », une opération de nettoyage des berges du lac avant la projection du film Home, en version arabe. Plus engagée, plus citoyenne, mais toujours aussi festive, cette 3e édition du Moonfest a largement tenu ses promesses. Et même si on regrette le montant un peu onéreux du package « festival + campement », on se console en gardant en tête que les initiatives de ce genre ne courent pas les oueds et qu’on aura réalisé la bonne action citoyenne de l’année…
Charlotte Hennebique |
Questions Ă ...
Cheikh Sidi BĂ©mol Bluesman kabyle
A quoi fait référence l’itinéraire  « Paris-Alger-Bouzeguen », titre de votre nouvel album.
CHEIKH SIDI BEMOL . C’est un hommage au village de mes parents, Bouzeguen, en grande Kabylie, où enfant j’ai passé toutes mes vacances et où j’ai appris la musique folklorique kabyle. Cet album est un retour aux sources. Un voyage entre Paris, avec une escale à Alger avant d’arriver à Bouzeguen...
Adepte des mélanges, rock, blues, musique kabyle, vous avez cette fois choisi le mariage entre musiques berbère et celtique.
Enfant, j’écoutais de la musique irlandaise en pensant écouter de la musique kabyle ! Aujourd’hui, quand nous jouons en Bretagne, les gens pensent que nos chansons sont bretonnes. On trouve en effet beaucoup de concordances entre les sonorités, les instruments ou les rythmes de ces deux musiques qui se marient très bien.
Vous avez fédéré la diaspora musicale algérienne, exilée en France dans les années 90...
Au début des violences en Algérie, beaucoup d’artistes ont débarqué à Paris et nous nous sommes retrouvés à « L’usine », une friche culturelle d’où sont nés les groupes Sidi Bémol, Gaâda Diwane de Béchar ou l’Orchestre National de Barbès.
Votre nom de scène, Cheikh Sidi Bémol, c’est un clin d’œil ?
Je trouve qu’il sonne bien ! Sidi, pour le respect, Bémol pour ne pas prendre tout ça trop au sérieux, et Cheikh parce que j’atteins un âge respectable ! |
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