A Rabat se tient jusqu’au 30 avril, la 14e édition du SNAP, l’occasion de créer une proximité entre des photographes venus des quatre coins du Maroc et du Chili, et de leur donner l’occasion de brosser notre portrait.
Pour cette quatorzième édition du Salon national d’art photographique, l’AMAP (Association marocaine d’art photographique) a vu triple puisqu’elle a réquisitionné trois galeries à Rabat qui exposent les photos d’une dizaine d’artistes marocains, et de quelques artistes chiliens invités d’honneur de cette édition, tous réunis sous le thème du quotidien.
La tournée commence par la galerie de Bab El Kebir, située aux Oudayas. L’espace est dédié totalement aux photographes marocains qui reproduisent, chacun derrière son objectif, sa vision du quotidien : des moments de la journée, routiniers pour certains mais totalement étrangers à une grande majorité.
Ce sont les clichés du jeune prodige de 18 ans, Ghita Skali, qui attirent l’attention. Son atmosphère d’une grande sobriété et son rapport au temps poussent à la réflexion. On y retrouve l’agriculteur en train de labourer sa terre, la mère de famille faisant sa prière, le client fidèle à sa table de café, le jardin secret d’un artiste, ou encore le futur candidat à l’immigration clandestine.
Le temps d’un regard, on a l’impression de reconstituer le puzzle de plusieurs vies avec leur lot de vérités et d’hypocrisies, que des artistes comme Maazouz Fouad, Jaafar Akil, Britel Driss et bien d’autres ont su immortaliser sans détruire l’âme de leurs protagonistes. Et l’on ne peut s’empêcher de s’identifier, l’espace d’un instant, à tous ces personnages.
La galerie Mohammed El Fassi accueille une exposition collective de neuf artistes chiliens. Si à Santiago ou à Rabat, le quotidien peut être le même, l’approche des photographes et leur démarche artistique sont différentes.
L’engagement chilien
Ce qui interpelle chez les artistes chiliens, c’est un certain engagement dans leur manière d’aborder les scènes du quotidien. Le plus surprenant est Alvaro Hoppe qui a choisi d’intituler son œuvre « L’étoile solitaire ». Le photographe représente sur une dizaine de clichés le drapeau national de son pays, un drapeau jadis entaché par un régime militaire mais qui reste présent lors de tous les événements politiques, culturels, religieux ou familiaux.
D’autres clichés plus traditionnels, mais qui ne manquent pas de pertinence, ont été réalisés par Alexis Diaz. L’artiste revient sur un quotidien partagé par bon nombre de ses concitoyens : l’atmosphère est aux moyens de surveillance et de sécurité, aux affrontements, au crime… Le photographe nous expliquera que, pendant 80 jours, il a sillonné, en compagnie d’un auteur, la ville de Santiago ; alors que le premier prenait des photos, le second écrivait des vers de poésie pour les commenter.
Mais s’il y a une photo qu’on ne pouvait ignorer et qui captivait les regards, c’est celle de Leonora Vicuna représentant un homme et un chien. Un profane pourrait dire que c’est avec cette photo que le chien est devenu le meilleur ami de l’homme ; l’instant immortalisé est un partage intense où l’homme et la bête échangent un regard chargé de mille mots, où chacun troque sa solitude contre un moment d’éternité.
Humanisme déroutant
L’Espace Expressions CDG héberge, quant à lui, l’exposition qui a marqué cette édition : « Valparaiso dans les années 40 et 50 » par Antonio Quintana. Figure emblématique de la photographie du Chili au XXe siècle, son approche sociale et son humanisme sont déroutants. à travers cette exposition, Quintana pose son regard sur l’enfance et ses jeux : carnaval, cerfs-volants, course pour rattraper le bus… Paysages urbains qui dessinent les contours de la ville, son atmosphère, ses reliefs. Vallée Paradis ou Valpo, comme l’appellent ses résidents, n’était pas différente des photos d’époque de Casablanca. Et cette exposition d’un quotidien du passé est un rappel de tous ces petits mondes qui façonnent une même ville, laquelle va, à son tour, faire d’eux ce qu’ils sont.
Cette 14e édition est un réel voyage dans le monde qui nous entoure, auquel on ne porte même plus attention et que l’on redécouvre à travers le regard d’artistes singuliers. Et cette édition est par-dessus tout une réelle occasion de sensibiliser le public marocain à l’art de la photographie.
Meriama Moutik |