Il convoque le passé à travers le présent. Kamal Hachkar, le réalisateur du film documentaire Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah nous donne un cours d’histoire loin des salles de classe. Le jeune réalisateur revient sur les motifs et les conditions du départ des juifs du Maroc dans les années soixante. Il questionne les maisons abandonnées de Tinghir, d’autres fois la mémoire collective du village. Le documentariste reconstruit une histoire à travers des souvenirs et dresse un portrait de l’absent dont il dessine les traits une fois à … Jérusalem. « Ce n’est pas un film nostalgique », insiste le réalisateur. Et pourtant, c'est un document qui a fait couler les larmes des juifs d’ici et de là -bas. Chacun s’étant souvenu d’un ami, d’un parent. Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah a ouvert une brèche dans notre mémoire commune, notre passé oublié, éclairant des zones d’ombre.
Le film pose des questions importantes : que sont devenus ces juifs de Tinghir ? Ont-ils oublié le pays ? Ne sont-ils pas d’abord des Berbères, des Marocains ? Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah répond à toutes ces interrogations à travers des témoignages émouvants. « J’ai capté des fragments de ces paroles sans juger leur parcours. Je voulais donner de la dignité à ces gens qui viennent des montagnes. J’ai fait ce film avec mes tripes. Mes identités. » Et ce n’est pas un hasard si le jeune réalisateur parle d’identités au pluriel, lui qui a quitté le Maroc pour la France dès l’enfance pour vivre une immigration qu’il n’avait pas choisie. C’est cette idée de « départ » qui semble nourrir la quête de l’auteur. « A l’âge de 18 ans, mon grand-père me parlait de commerce qu’il faisait avec les juifs de Tinghir. Aujourd’hui, après trois mille ans de judaïsme sur ces terres, que s’est-il passé ? Pourquoi ne nous reste-il que des cimetières ? » C’est de cette recherche de vérité que se nourrit le film, construit sur des allers et retours entre deux pays et une histoire commune.
TĂ©moignages Ă©mouvants
Au commencement, Kamal Hachkar, professeur d’histoire, avait entamé un travail universitaire sur le départ des juifs du Maroc. Mais il s’est très vite posé la question : « Quelles personnes je vais pouvoir toucher avec cette thèse ? » C’est à ce moment-là qu’est né le film. S’ensuivront onze voyages en Israël pour fixer cette histoire. Depuis sa sortie (avril 2012), ce film coproduit par 2M a fait le tour du Maroc. Comme point de départ et de retour, Tinghir raconte enfin son histoire au monde entier. Après Rabat, Meknès, Fès, El Jadida, Oujda, Essaouira… Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah revient à Casablanca et sera projeté à la Sqala, lors de la soirée Café Politis le 27 décembre. Mais ce n’est qu’un début, d’autres dates suivront.
Tranchant, poignant, ce film est touchant parce que ses personnages le sont. « Même la montagne s’écroulerait sous le poids de la séparation, de la mort et de la solitude. Si je raconte mes malheurs à la mer, elle se déchaînerait. Si je les raconte à mes ennemis, ils me riraient au nez. Alors je les raconte à Dieu pour qu'il me soulage », dit en épilogue une veille femme qui a, finalement, confié ses joies et ses malheurs à Kamal Hachkar. Et elle n’a pas eu tort. La terre promise est-elle un leurre ? L’exil était-il au Maroc ou plutôt en Israël ? Si vous voulez tout savoir mieux vaut aller voir le film. Le réalisateur sera également présent pour un débat ouvert au public.
Amira-GĂ©hanne Khalfallah |