« Quand je fais un film, je ne raisonne pas en termes de carrière »
Monica Bellucci est une icône internationale du mannequinat, une ambassadrice de choix de la beauté méditerranéenne fatale et tout le « tralala » qui va avec. Depuis qu’elle y a fait son entrée, Bellucci a certes joué dans des navets, mais elle a aussi collaboré avec des réalisateurs doués comme Gaspar Noé, Giuseppe Tornatore ou encore Philippe Garrel.
Au FIFM, vous avez présenté Rhino Season, le nouveau long-métrage du réalisateur iranien Bahman Ghobadi. Vous interprétez un rôle aux antipodes de ce que vous avez fait auparavant.
Vous savez, le pianiste a son piano pour s’exprimer et l’acteur dispose de son corps. Rhino Season est un film très fort où les émotions passent à travers les visages et les corps. Effectivement, ce fut un défi pour moi, femme occidentale et libre, de camper le rôle d’une femme iranienne, oppressée et sans voix qui doit lutter pour exister.
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Mais après tout, même en Europe, les femmes subissent la misogynie, non ?
Oui, c’est vrai. Je viens d’un pays fortement marqué par une tradition machiste. En Italie, les femmes mènent un combat perpétuel pour leurs droits. Il y a à peine vingt ans, une femme pouvait être tuée par son mari sans qu’il ne soit inquiété. Dans des villages au sud de l’Italie, les filles doivent être vierges avant le mariage. Les Italiennes se sont battues et continuent de le faire, et c’est admirable ! Donc, finalement, la distance culturelle entre mon personnage dans Rhino Season et moi est assez fine.
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Vous avez eu l’occasion (la chance) de travailler avec Gaspar Noé dans Irréversible, film choc, intense en brutalité…J’imagine que l’expérience fut très spéciale ?
J’aime beaucoup la possibilité de travailler avec des réalisateurs assez différents. Faire un film français, iranien, américain me motive beaucoup, mais travailler avec Gaspar est une expérience très particulière. On n’avait pas de scénario, juste quelques lignes. Il nous a donné un très grand champ de liberté, on a vraiment improvisé du début à la fin du film. C’était la première et unique fois que j’ai fait cela.
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Malgré le fait d'avoir pris des cours de théâtre, on peut dire que vous êtes autodidacte. Comment abordez-vous le jeu d’acteur ?
Quand je fais un film, je ne raisonne pas en termes de carrière. Je ne fais pas de business, je fais un métier où la dimension émotionnelle est assez importante, et c’est exactement ce que je cherche à travers le choix de mes rôles. Quand on aborde un personnage, il y a un volet technique comme par exemple apprendre une langue (l’iranien dans Rhino Season). Et il y a un volet émotionnel qui touche le subconscient, le vécu… C’est là que tout se joue. Par exemple, moi je suis faite de strates, il y a en moi ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, et la liste est longue. Toutes ces femmes ont forgé ce que je suis actuellement. Elles m’aident à faire les bons choix. Après, je n’ai plus qu’à me lancer.
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Vous allez collaborer avec Emir Kusturica. De quoi s’agit-il ?
Avec Kusturica, on a deux projets de films. On débute le tournage du premier en avril, en Serbie. Une histoire d’amour où il sera devant et derrière la caméra, il va incarner mon compagnon. Et le deuxième sera une histoire marocaine, qu’il souhaiterait tourner au Maroc. C’est tout ce que je sais, je n’ai pas d’autres informations. Emir a beaucoup de projets de films en tête, du coup on ne sait jamais ce qu’il va faire.
Propos recueillis par Kaouthar Oudrhiri |