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Les Ă©toiles filantes du FIFM 
actuel n°171, jeudi 6 décembre 2012
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Malgré le froid, le vent et la pluie, la soirée d’ouverture du Festival international du film de Marrakech a attiré les foules. Cette 12e édition a rendu un vibrant hommage à cent ans de cinéma indien. Une édition marquée par la magie de Bollywood mais endeuillée par la mort de Tayeb El Alej.

 

Le Festival international du film de Marrakech vient à peine de commencer. Mais lorsque vous lirez ces lignes, il aura déjà pris fin. Alors que peut-on raconter de ce début de festivités ? Dire peut-être que les conditions climatiques étaient des plus défavorables. Il pleuvait des cordes lors de cette soirée inaugurale mais, malgré le froid et une humidité insoutenables, le public a été fidèle au rendez-vous comme tous les ans. Pour l’amour du FIFM, des jeunes, des vieux, des enfants ont passé des heures sous la pluie dans l’espoir d’entrevoir une célébrité ou d'obtenir un autographe. Chacun attendait patiemment son étoile, sa star… le temps d’un tapis rouge.

 

DĂ©claration d'amour

Si les goûts et les couleurs ne se discutent pas, les divergences d’opinion s’arrêtent là où commence le cinéma indien. A Marrakech, Bollywood est sacré ! Shahrukh Khan était la star incontestée de cette folle semaine. Adulé, il n’a pas lésiné non plus à aller à la rencontre de ses fans sous la pluie, à prendre le temps de serrer une main, de signer un autographe, d'offrir un sourire. L’acteur, par son charisme et son talent, séduit sans distinction, grands, petits, hommes, femmes mais aussi … journalistes ! Une déclaration d’amour publique lui a été faite par une consœur lors de la conférence de presse qu’il a donnée dès son arrivée sur le sol marocain. Shahrukh Khan n’est pas venu seul. Amitabh Bachchan était l'autre célébrité indienne que les journalistes s’arrachaient. Même s’il a pris de l’âge, et malgré une perruque sur la tête, il continue de charmer et d’attirer les foules. C’est Catherine Deneuve qui lui a remis un trophée après avoir lu – sans aucune conviction – un discours qu’on lui avait préparé pour l’occasion !

Du cinéma réaliste, contemplatif, aux compositions les plus contemporaines et déroutantes (comme In Another Country de Hong Sang-soo avec l’excellente Isabelle Huppert), la programmation de cette 12e édition du FIFM est assez éclectique (malgré quelques mauvaises surprises comme le film canadien Camion, en compétition officielle).

Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch, en revanche, s’est distinguĂ© par sa thĂ©matique et par sa facture. Dans ce film inspirĂ© du roman Les Ă©toiles de Sidi Moumen de Mahi BineBine (Le Fennec 2010), le rĂ©alisateur s’est penchĂ© sur la vie des kamikazes qui ont commis les attentats de mai 2003 Ă  Casablanca. Dans la salle des ministres, oĂą le long-mĂ©trage a Ă©tĂ© projetĂ© en prĂ©sence de l’équipe de tournage, n’étaient pas rares ceux qui ont versĂ© une larme. Le rĂ©alisateur et ses comĂ©diens, enfants et adultes issus des bidonvilles ont Ă©tĂ© longtemps applaudis. Une vĂ©ritable success story pour cette Ă©quipe qui revient de Cannes après  avoir obtenu le prix François Chalais. Au Palace Es Saadi, lieu de rĂ©sidence de l’équipe du tournage, on a vu les enfants jouer, se jeter Ă  l’eau. Une parenthèse dans leur vie avant de retourner dans leur quotidien, au cĹ“ur d'un bidonville… Ce film qui a Ă©mu la rĂ©daction d’actuel est notre coup de cĹ“ur de la semaine (lire aussi page 46). Aussi avons-nous eu l’occasion de rencontrer Nabil Ayouch qui nous a relatĂ© les conditions de tournage et l’histoire de ce film Ă©mouvant.

Entretien avec Nabil Ayouch, réalisateur.

« Avec de vrais comédiens, je n’aurais jamais eu ce rendu »

 

actuel : Vous avez tourné dans un bidonville. Comment avez-vous été accueilli ? Avez-vous rencontré des difficultés ?

Nabil Ayouch : Ce n’est pas la première fois que je fais ça. Mon film Ali Zaoua a été tourné en partie à Sidi Moumen. Je suis retourné là-bas par la suite et j’y ai travaillé pendant deux ans en collaboration avec des associations qui œuvrent pour la réinsertion des jeunes… C’était en 2008. Et j’avais aussi commencé l’écriture d’un scénario sur Sidi Moumen. Je l’ai arrêté pour me consacrer à l’adaptation du roman.

 

C’est tout de même différent du contexte de Ali Zaoua. Les chevaux de Dieu est une mise à nu des habitants de ce quartier. C’est leur misère qui est projetée au premier plan. Quelles étaient les réactions, les appréhensions ?

J’ai commencé par la lecture du scénario dans le cadre de l’association. J’avais envie de leur raconter l’histoire que je voulais élaborer. Egalement, je leur ai expliqué mon point de vue, c’est-à-dire mon adaptation. Ça me semblait important de ne pas les trahir.

 

Racontez-nous la rencontre avec Les étoiles de Sidi Moumen de Mahi BineBine ?

L’idée de départ était basée sur les attentats du 16-Mai. Mais pas seulement, comme vous avez pu vous en rendre compte. Ce qui m’intéressait, c'était de savoir comment des gamins pouvaient se transformer en bombes humaines.

 

Certains disent que vous rendez ces terroristes presque humains. Qu’avez-vous envie de leur répondre ?

Ce ne sont pas des robots, ce sont des gamins qui habitent à quelques kilomètres à peine de Casablanca. Pour moi, la violence a un nom, un visage, une histoire. C’est plus facile de dire que ce sont des extrémistes sans essayer de comprendre. Bien sûr ce sont des extrémistes, mais ils ont aussi des parents, une famille. En racontant leur histoire, on n’essaie pas de minimiser ni d’excuser mais, en revanche, ça permet de les comprendre et forcément ça les rend humains. Est-ce qu'ils sont plus sympathiques pour autant ? Je ne le crois pas. Mais bien sûr, ce sont des humains.

 

Vous avez tourné à Sidi Moumen ?

Sidi Moumen a trop changé, il y a des immeubles qui poussent par-ci, par-là… Nous avons tourné dans un bidonville à côté. Les habitants étaient partants parce que pour eux aussi, c’était important. Ils me disaient, de toute façon nous sommes stigmatisés depuis le jour de notre naissance. Les gens pensent qu’on est tous barbus ici. Je dirais que 95% de la population était pour ce film, les contre étaient vraiment minoritaires. Mais globalement la majorité l’a bien accueilli.

 

Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec des comédiens non professionnels ?

Certains viennent de Sidi Moumen, pas tous. Mais certainement des bidonvilles. Aucun d’eux n’est professionnel. C’est un choix de réalisme. J’aurais pu prendre de vrais comédiens mais je n’aurais jamais eu ce rendu.

 

Racontent-ils leur vécu ?

Oui, carrément. Le scénario était très écrit, nous sommes arrivés avec des rôles bien définis, une histoire bien construite. Ensuite, eux-mêmes sont arrivés avec leurs propres mots, leur vécu.

 

Vous avez pris un gros risque. Etait-ce aisé de les diriger ?

L'approche est totalement différente. Ce n’est pas forcément plus difficile de fonctionner avec des non-professionnels, c’est différent. Moi, j’adore travailler comme ça. Mais avec les enfants, c’était très dur. Ça a représenté beaucoup de travail.

 

Quel regard portent-ils sur ces attentats ?

Ils portent le même regard que l’ensemble des Marocains, ils ont été effarés par ces violences. D’autant que cela venait de leur quartier. D’où leur envie et leur rage de faire ce film.

 

Jamal Belmahi a écrit le scénario. Quelqu'un d'autre y a-t-il participé ?

Mahi BineBine a eu l’intelligence de ne pas s'immiscer dans l’écriture du scénario. C’est Jamal Belmahi qui a adapté le roman. J’ai suivi de très près l’écriture.

Propos recueillis par Amira-GĂ©hanne Khalfallah
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