C’est grâce à Venise Cadre que les Casablancais ont pu découvrir, pour la première fois, l’œuvre de Joseph Beuys. L’artiste mondialement connu, réfractaire, dissonant, est à Casablanca jusque début novembre.
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L'œuvre de Beuys, enfant terrible de l’art contemporain, master des années 60, circule toujours avec autant de force dans le monde de l’art. A la galerie casablancaise, Venise Cadre, elle ressuscite à travers l’exposition « Beuys Ici ». On avance délicatement entre les multiples, les affiches, les vidéos comme dans un champ de mines parsemé de fleurs. L’artiste y dégoupille l’une ou égraine l’autre, dans un équilibre parfait. On est éblouis, interpellés. On l’est d’abord par ses idées, on l’est ensuite par son originalité, ses prédictions surprenantes.
Beuys fut un fervent défenseur de la nature. Un précurseur. Un sculpteur de la société, un fin observateur des mœurs, un anthropologue. A travers installations, vidéos, performances, sculptures, il a refaçonné le monde de l’art, nous a raconté de nouvelles histoires, a inventé des concepts. Il a voulu démocratiser l’art en participant aux grands mouvements de son époque, notamment le groupe Fluxus. Ses engagements auprès du Parti vert allemand imprègnent également ses œuvres. Le grand artiste germanique, né en 1921 et mort en 1986 (à 65 ans), a dû vendre de l’huile d’olive pour vivre, alors qu’aujourd’hui ses œuvres sont hors de prix !
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Enfermé avec un coyote
A Venise Cadre, une des œuvres emblématiques de l’artiste est une vidéo réalisée en 1974. La performance, au titre ô combien moqueur, « I like America and America likes me », résume l’un des engagements de l’artiste mais aussi sa ténacité et son originalité non dénuée d’humour. L’artiste se rend à New York, en se faisant transporter en ambulance de son domicile de Düsseldorf à l’aéroport. Il est enveloppé de feutre isolant pour éviter tout contact physique avec l’Amérique. De l’aéroport John-Fitzgerald Kennedy, il est à nouveau transporté en ambulance directement à la galerie d’art René Block pour son inauguration. Mais ce n’est que la partie soft de l’histoire. Beuys s’enferme durant une semaine derrière un grillage avec « Little John », un coyote sauvage capturé dans le désert. Il demeure seul face à l’animal durant toute la performance, muni d’une lampe de poche. Les visiteurs de la galerie peuvent ainsi les observer à travers le grillage. Mais ce n’est pas par simple caprice que Beuys s’enferme avec le coyote. La symbolique de l’animal vénéré par les Indiens d’Amérique, et méprisé par les Blancs, en dit long sur ce qu’il pense de l'animalité de son époque et permet toutes les digressions…
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Les idées les plus folles
Les œuvres de Beuys sont autant de questionnements sur la vie, la nature. Il a exploré les matières les plus improbables, les médiums les plus déroutants (terre, graisse, sang…), pour porter les idées les plus folles. L’art de Beuys ne s’est jamais dissocié de celui des préoccupations de sa société. Poétique, Beuys savait l’être, mais il a su également remettre en question les principes de l’art, même s’il n’y est pas toujours parvenu.
Amira-GĂ©hanne Khalfallah
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Beuys Ici, jusqu’au 3 novembre
Venise Cadre, Casablanca |