Le troisième prix littéraire de La Mamounia a été attribué à Mohamed Nedali pour son nouvel opus, Triste jeunesse. Il se distingue parmi six autres auteurs marocains.
Cela fait trois ans que le prix de la Mamounia s’est installé dans le paysage littéraire marocain. La première édition a consacré Mahi BineBine à travers Les étoiles de Sidi Moumen, la seconde a rendu hommage à Mohamed Leftah et à son livre, toujours interdit, Le dernier combat du captain Ni’amat. Cette année, et dans un tout autre registre, c’est l’auteur marocain Mohamed Nedali, instituteur de son état, qui a reçu le prestigieux prix d’une valeur de 200 000 dirhams pour Une triste jeunesse. Le livre était en compétition à côté de Héros Anonymes de Saphia Azzedine (Editions Leo Sheer), La Vieille dame du riad de Fouad Laroui (Julliard), Lettre de Fès : Son monde à Elle de Aïcha Benamour Benis (Editions La Croisée des Chemins), Le détroit, l’Occident barricadé de Mustapha Nadi (Editions Riveneuve), L’Incompris du Hay Mohammadi de Fouad Souiba (Editions Smein), et Une même nuit nous attend tous de Lamia Berrada-Berca (Edition La Cheminante). Des auteurs marocains vivant au Maroc ou ailleurs, édités ici ou là -bas, ont concouru pour la troisième édition du prix littéraire de La Mamounia. Le roman de Mohamed Nedali a obtenu la majorité des voix et s’est distingué par son « style singulier ». Mais revenons-en aux voix justement. Sur les huit membres du jury, la présence de Leila Chaouni, directrice des éditions Le Fennec (qui publie l’œuvre primée, ndlr) interpelle. L’éditrice s’inscrit, encore une fois, dans une démarche protéiforme où elle vacille entre juge et partie. Ce qui était également le cas de la première édition lorsque BineBine a été primé. Même si la plume de Nedali est irréprochable, son talent confirmé, la présence de l’éditrice dans le jury va à l’encontre de toute déontologie. D’ailleurs, ce sujet a animé de vives discussions lors des déjeuners à La Mamounia. Mais si certains l’ont pensé tout bas, d’autres l’ont dit tout haut. Lors de la conférence de presse, la question a été posée. La présidente du jury, Christine Orban a eu une phrase malheureuse comme seul élément de réponse, « Le jury avait déjà voté majoritairement pour Triste jeunesse, la voix de madame Chaouni n’a pas compté », a-t-elle déclaré sans sourciller. Une question reste tout de même en suspens, Madame Orban, si la voix de Madame Chaouni n’a pas compté, on ne comprend pas ce qu’elle faisait dans ce jury ; et si sa voix a compté, on ne comprend toujours pas ce que faisait la directrice du Fennec dans ce jury littéraire ? Dans tous les cas, elle n’a pas sa place et rien ne pourrait justifier sa présence. A côté du livre de Nedali, d’autres romans se sont distingués, comme celui de Lamia Berrada-Berca, Une même nuit nous attend tous. Saphia Azzeddine, en revanche, n’a pas eu beaucoup de chance avec la critique cette année. Au rayon des épidermiques, le chroniqueur Gabriel Banon n’a pas hésité à la fustiger publiquement sur Luxe Radio. Mustapha Nadi, quant à lui, n’a pas obtenu le sacro-saint prix avec son livre Le détroit, l’Occident barricadé. Une œuvre que nous n’avons pas pu lire, le livre n'étant tout simplement pas disponible dans les librairies du Royaume. « Mon éditeur a cherché à faire une coédition au Maroc pour que le livre soit accessible et disponible mais il n’a trouvé personne », déplore l’auteur. C’est aussi cela le prix de La Mamounia, un rendez-vous qui nous met en contact avec la fiction, mais aussi avec la triste réalité. A La Mamounia, on a scellé des liens ou des inimitiés.
Lors de ce week-end littéraire, on a pu croiser des critiques aux conversations un tantinet animées ou intello, tout autant que des auteurs en peignoir de bain se faufilant vers le spa. The show must go on… A suivre, le 28 septembre 2013.
Amira-GĂ©hanne Khalfallah |
Triste jeunesse de Mohamed Nedali
Editions Le Fennec
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Après avoir obtenu le prix Grand Atlas en 2005 pour son livre, Morceaux de choix, Nedali est primé par La Mamounia. Son dernier roman est un concentré de ce Maroc profond où des jeunes en déperdition cherchent une bouée de sauvetage, chacun à sa façon.
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C'est un livre qui met en relation notre réalité et nos rêves, qui nous fait balancer entre fiction et quotidien. Triste jeunesse fait écho à des choses que nous voyons tous les jours sans y penser vraiment, et nous renvoie à ces jeunes diplômés à la recherche d'un travail et de l’amour. La lame de fond du roman s’appelle : survie. On lit le livre avec un certain intérêt comme si on connaissait déjà tous les personnages. Saïd et Houda forment un jeune couple amoureux jusqu’au jour où les amours deviennent pesantes, où la dure réalité fait basculer les choses. Cette œuvre est un questionnement sur le sentiment d’amour, les rapports qu’entretiennent les jeunes entre eux. L’auteur y multiplie les points de vue. Les personnages sont aussi multiples.
Le corps de Houda devient cette chair, brûlée ou martyrisée. Il incarne tous les maux de la société. C’est dans sa chair que s’inscrit la douleur des autres. Le Maroc devient un grand corps malade, à l’image de cette rue appelée Lemrid Lekbir, Le grand malade. « Les anciens du quartier racontaient qu’un malade avait effectivement habité là toute sa vie. Atteint d’une pathologie des os rare et bizarre, il ne pouvait marcher, ni se tenir debout, ni même s’asseoir, écoulant ainsi ses jours et ses nuits étendu sur sa couche comme un bébé, un éternel bébé. Un matin pourtant, le Grand malade se dressa subitement sur ses pieds, frais et dispo comme un adolescent [...] De retour chez lui, il regagna sa couche et y rendit l’âme. » L’histoire de cette rue résume un peu celle des protagonistes de l’histoire. Un livre doux-amer avec une grande qualité, celle de la vérité qui est rendue présente et vivante.
A.G.K |
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