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Entretien avec Hicham Bahou 
actuel n°158, jeudi 6 septembre 2012
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Cet été, Casablanca a vécu sous les annonces d’annulation de ses festivals. Celui de Casa Music d’abord et puis les très attendus L’Boulevard Festival et Tremplin L’Boulevard.


 

« La culture à Casa, c’est le Morocco Mall »

A ce rythme, la capitale économique mériterait bien la nomination de capitale « aculturelle » du Maroc. Analyse de la situation avec Hicham Bahou, figure emblématique de L’Boulevard et militant culturel depuis quatorze ans.


Actuel : Vous avez annoncé l’annulation de L’Boulevard Festival et du Tremplin L’Boulevard cette année. Il y a peu, Casa Music l’a été également. Que se passe-t-il réellement ? N’y a-t-il plus de place pour la culture dans la capitale économique ?

Hicham Bahou : D’abord, peut-on imaginer une ville de sept millions d’habitants sans aucun lieu culturel appartenant à la ville, je veux dire des lieux officiels ? Je ne connais que des centres culturels étrangers à Casablanca : l’Institut français, le Cervantès, le Goethe Institut…

Ce sont des lieux où il y a une programmation culturelle régulière. On nous dit, par ailleurs, que nous avons treize centres culturels marocains à Casablanca. Mais ce sont des lieux fermés à la rue, aux quartiers, alors qu’ils sont censés générer un dynamisme culturel. Or, on voit bien que c’est le contraire qui se passe. Ces centres supposés dédiés à la culture ressemblent davantage à une moqataa qu’à un lieu culturel. Casablanca est une ville très faible culturellement. Et tout le problème vient de là.

 

Que voulez-vous dire ? Quel rapport établissez-vous entre la tenue des festivals et l’absence de lieux culturels ?

Le défi de la culture, c’est la régularité des actions. Pour moi, il est bien plus facile de faire un grand événement une fois par an que de mener des actions tout le temps. Cette année, nous n’avons pas pu maintenir nos deux événements, à savoir L’Boulevard Festival ainsi que le Tremplin parce que tout simplement nous n’avons pas eu le temps d’aller chercher l’argent, les sponsors, etc.

Depuis que nous avons créé le Boultek, tous les jeunes viennent frapper à notre porte. Et depuis un an et demi, on organise un à deux concerts par semaine. Nous accueillons aussi quotidiennement les groupes. Nous mettons du matériel, du son et un régisseur à leur disposition, et surtout un super lieu et de très bonnes conditions de travail. On avance par priorité, par urgence.

Nous avons trois studios de répétition qui fonctionnent toute la semaine jusqu’à 23 heures au prix symbolique de cinquante dirhams de l’heure. Ils travaillent donc confortablement. En parallèle de tout cela, il y a cette ouverture qui permet aux jeunes de développer beaucoup d’autres projets qui se font de manière alternative et accessoire. Le Boultek est devenu un lieu central. Nous sommes six à gérer tout cela. C’est difficile d’être partout. L’urgence, c’était des actions tout au long de l’année.

 

Quelles musiques accueillez-vous dans vos locaux ?

Le Boultek est un centre culturel qui a bâti sa réputation sur la culture urbaine. Mais nous allons au-delà du rock, du hip-hop et du metal. On touche à tout. Au Maroc, avec le vide ambiant, on ne peut pas se permettre d’être spécialisé dans un style. Nous sommes ouverts à tous les genres musicaux, du traditionnel jusqu’au jazz.

Le Boultek est aussi un lieu de formation. Nous organisons des ateliers, des résidences autour de la musique. Cela dit, notre structure reste extrêmement fragile. Nous ne sommes pas soutenus par les autorités de la ville. Si on avait un soutien régulier, on pourrait certainement aller plus loin.

 

Pourquoi ne trouve-t-on pas un modèle économique viable pour la culture au Maroc ?

Si on veut penser culture, il faut d’abord une politique culturelle. C’est à la fois des actions, des gens, des lieux, et c’est surtout de la régularité. Prenons, à titre d’exemple, le projet des abattoirs dont nous faisons partie. Nous n’arrivons pas à avancer par manque d’interlocuteurs dans la ville. Ce projet est piloté par des associations, des gens de la société civile qui n’ont pas les moyens de le porter à eux seuls.

Il n’y a pas de véritable implication des autorités. Mais en fait, qui sont les autorités culturelles ? Existent-elles vraiment ? Est-ce qu’il y a des gens conscients pour s’inquièter de la culture et vouloir développer les choses ? On est dans un système qui est tourné vers le business. On nous parle de « viabilité économique » d’un projet culturel : il faut arrêter ! Ce n’est pas l’économie qui décide de la culture.

D’autres considèrent la culture comme une sous-catégorie du tourisme. C’est-à-dire qu’ils organisent une manifestation pour remplir les hôtels. Oui, à moyen et long terme, c’est envisageable. Mais ce n’est pas l’objectif. Tout est fait à l’envers. C’est lorsque Casa deviendra ville culturelle que nous pourrons espérer des touristes et des retombées économiques. On ne peut pas créer un événement pour ramener les gens.

Nous n’avons rien construit et on ose parler de marché culturel. Il faut faire un constat de la situation actuelle, elle est tout simplement alarmante, déficitaire, catastrophique. L’Etat ne fait pas ce qui doit être fait pour le développement de la culture. On n’a même pas de véritable organisme de gestion des droits d’auteur. Si les artistes ne sont pas protégés, comment peut-on parler d’économie de la culture ?

On ne peut pas poser le préalable de l’économie et chercher la culture par la suite. La culture, c’est forcément un marché, une économie. Il y a des artistes qui travaillent, il faut bien qu’ils mangent, il y a des métiers autour, des circuits, des lieux… Il faut d’abord qu’il y ait une volonté de développer tout ça comme de développer le réflexe culturel. Ce n’est pas de l’immobilier ni du tourisme.

 

Pourquoi n’y a-t-il pas de cafés à Casa équipés de scènes pour accueillir des formations musicales, des troupes de théâtre, du stand-up ? Les gens ne ressentent pas un besoin de culture car ils n'y sont pas habitués. Et la responsabilité revient à l’école publique. On a grandi en privilégiant le scolaire et le technique, et on voit bien le résultat aujourd’hui.

 

Où peut-on trouver de la culture aujourd’hui à Casablanca ?

La culture à Casa ? C’est le Morocco Mall. Le Barça et le Real ont remplacé la culture, la mosquée a remplacé la culture. Allons dans le rural où la culture populaire existe toujours. Elle est mieux organisée, plus riche que notre culture urbaine actuelle. Mes parents ont grandi avec leur quota de culture. Ils chantaient, dansaient, jouaient de la musique, récitaient les poèmes des raïs et autres… Ils avaient la culture du verbe, du mot. On a détruit notre culture populaire considérée comme celle des ploucs et des ringards. Mais il n’y a pas eu de substitution. On est la génération du no man’s land culturel. Moi, je ne vois aucun signe d’amélioration de cette vacuité.

 

Propos recueillis par Amira GĂ©hanne Khalfallah


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