« I-MA-ZI-GHEN ! » Après quatre jours passés dans l’Agadir de Timitar, le cri de guerre amazigh défile en mode repeat dans le crâne. Ce qui est intéressant, quand on n’est pas amazigh, c’est d’observer la spécificité des goûts musicaux de ce peuple qui, le temps d’un festival, s’en est donné à cœur joie.
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Les sons qui déferlent sur le public, depuis la scène Bijaouane, sont proprement stupéfiants. Les Colombiens de Bomba Estereo se sont fabriqué une musique qui fait immanquablement penser à la fusion qui a envahi le Maroc il y a quelques années. L’idée : s’inspirer de la Cumbia traditionnelle de leur pays et la doper à coups de beats electro. Pour enfoncer le clou, rien de tel que la chanteuse Liliana Saumet, à la prestation aussi fébrile que sexy. L’interprète bondit dans tous les coins de la scène, se trémousse derrière le micro, allume un public qui reste pétrifié. Trop-plein de libido, incompréhension générale ? La question reste en suspens. A part une dizaine de personnes aux premiers rangs qui se déchaînent allègrement, rien. Si : quelques slogans entre deux morceaux. Dans le même genre, Earth Wind and Fire, la légendaire formation funk, a donné un concert d’anthologie dans une ambiance unique en son genre. Les musiciens de Los Angeles semblaient découvrir, non sans amertume, le festival à la marocaine : avec VIP aux premiers rangs et places gratuites entassées au fond.
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Le coup de gueule
Passés les trois premiers morceaux, un des meneurs de la machine n’a pas hésité à interpeller la sécurité : « On a besoin de plus de monde devant. On n’est pas venus de Los Angeles pour voir nos fans bloqués au fond ! » Au fond, c’est vrai, la foule est impressionnante. Pas sûr pourtant, au regard de l’applaudimètre, qu’elle soit composée de purs fans de Earth Wind and Fire. Plus tard, le groupe se calme : « On va faire ce qu’on a à faire. Mais s’il vous plaît, la prochaine fois, unissons-nous comme un seul peuple. Car seul l’amour peut sauver le monde ! »
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Le réveil du public
C’est quand on met l’Occident de côté qu’on découvre à quoi ressemble un « vrai » concert de Timitar. Quand Izenzaren, réclamé par le public depuis le début de la soirée, monte sur scène, les drapeaux amazighs s'agitent plus frénétiquement que jamais et la foule hurle comme un seul homme. Comme celui qu’on aperçoit, dessiné de trois traits rouges, sur l’étendard local. Une grande question nous interpelle : comment les jeunes peuvent-ils tenir aussi longtemps debout sur les épaules de leurs camarades ? Du côté du Théâtre de Verdure, l’amphithéâtre en plein air, la communion est plus frappante entre l’assistance et des artistes comme Amouri M’Barek, Malika Zarra ou Younès Migri. Et au milieu, entre musique gnaoua, amazighité et influences pop, il y avait Aziz Sahmaoui et son University of Gnawa. L’ancien franc-tireur de l’Orchestre national de Barbès a su transmettre à Agadir sa bonne humeur contagieuse. Autres temps forts sur la place El Amal : la prestation survoltée du violoniste à onze doigts Abdelaziz Stati, et le concert de Kadim Al Sahir, crooner irakien qui a su faire fondre les cœurs des filles et des garçons. Un festival aux allures de tour du monde, où chaque étape réservait une surprise, sur scène ou dans la fosse.
Nicolas Salvi
Reportage photos Brahim Taougar/actuel |