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Sexe, alcool, haschich, jeux
 Les 7 vices des Marocains
actuel n°32, samedi 30 janvier 2010
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Le Maroc, pays de tous les interdits ? A voir comment certaines pratiques se dĂ©veloppent et prolifĂšrent, rien n’est moins sĂ»r. Sans juger, « actuel » en a listĂ© sept, parmi les plus rĂ©pandues. FlorilĂšge.

Notre culture musulmane et notre Ă©ducation nous les interdisent formellement. Dans la pratique, il n’en est pas un parmi nous qui n’ait brisĂ© au moins l’un de ces interdits. AllĂ©grement. Alcool, haschich, jeux de hasard, bakchich, paroles ou actes violents de tout acabit, sexe (sans pĂ©nĂ©tration)
 Ces interdits que d’aucuns qualiïŹent de purs pĂ©chĂ©s sont de facto une composante de la vie de tout Marocain.

Certains servent d’échappatoire Ă  une dure rĂ©alitĂ©, d’autres sont une voie hasardeuse vers un lendemain meilleur fantasmĂ©. D’autres encore une maniĂšre de se procurer du plaisir, obtenir une faveur ou s’exprimer, tant bien que mal. InstallĂ©s dans les mƓurs, nombre de ces « vices » ont Ă©tĂ© « marocanisĂ©s ».

Ce sont la plupart du temps des pĂ©chĂ©s universels, mais mijotĂ©s Ă  la sauce locale. C’est tout naturellement, parce que le Maroc est le premier producteur et exportateur mondial de cannabis que la simple Ă©vocation de nos contrĂ©es renvoie, chez bien des esprits, Ă  la drogue illicite. Tout comme il n’est pas un rapport qui n’évoque, ou traite en dĂ©tail, ce ïŹ‚Ă©au endĂ©mique qu’est la corruption. Une pratique qui atteint dans notre pays un degrĂ© de normalitĂ© pour le moins choquant.

Autre sujet choc : le sexe. Faire l’amour au Maroc, en dehors du cercle de plus en plus inaccessible du mariage, c’est d’abord prĂ©server une virginitĂ© toujours aussi essentielle dans l'esprit des hommes comme celui des femmes. A la nĂ©cessaire libĂ©ration des corps liĂ©e Ă  l’occidentalisation de la sociĂ©tĂ©, survivent, vous l’aurez compris, les blocages inhĂ©rents Ă  toute nation traditionnelle en mutation.

Être marocain, c’est s’évertuer Ă©ternellement Ă  contourner ces obstacles culturels pour pouvoir s’exprimer comme tout un chacun. Ce besoin d’expression peut revĂȘtir un caractĂšre violent et se traduit parfois par des comportements inciviques. Les plus saillants sont ceux observĂ©s dans nos rues : gesticulations, insultes et coups de klaxon sont le quotidien des grandes villes.

Tous ces vices sont drapĂ©s d’une hypocrisie qui fait que nous n’arrivons toujours pas Ă  regarder en face ces « pratiques » enveloppĂ©es dans un voile de codes et d’astuces 100% marocaines. « Il m’a fallu plus de deux ans pour enïŹn comprendre que je peux tout me permettre, mais suivant des rĂšgles locales qui s’apparentent Ă  une vĂ©ritable culture. Conduire au Maroc, c’est ĂȘtre muni d’un permis en bonne et due forme avec, dedans, un petit billet avec. Sortir avec une Marocaine, c’est respecter le fait qu’elle veuille prĂ©server sa virginitĂ© et se dĂ©brouiller autrement et ainsi de suite », tĂ©moigne Eric, un Canadien installĂ© Ă  Rabat. « Le Maroc, c’est Babel. Sa version marocaine est underground, c’est tout », ajoute-t-il.

Un Babel oĂč le malaise social est omniprĂ©sent, la culpabilitĂ© de mise. Le caractĂšre « haram » de ces vices est mal vĂ©cu. Au point de donner lieu Ă  des contradictions porteuses de plusieurs dangers. Loin d’ĂȘtre exhaustif, ce tour d’horizon de nos vices les plus populaires, se veut un moyen de lever le voile sur une partie de ce que nous sommes. Un pan de nos faiblesses. Il ne s’agit nullement de s’autoïŹ‚ageller, encore moins de juger. Mais d’essayer de comprendre.

1 - ALCOOL Vive la production (et la consommation) nationale !

300 000 hectolitres par an. Telle est notre consommation annuelle moyenne par an en alcool. Et d’annĂ©e en annĂ©e, la hausse est au rendez-vous. Elle se situe entre 3,5 % et 6 %. Une croissance portĂ©e par les jeunes de moins de 20 ans qui reprĂ©sentent plus de 50 % de la « clientĂšle ». Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des jeunes, toutes catĂ©gories sociales confondues, se prĂ©senter le plus normalement du monde devant la caissiĂšre avec leurs biĂšres ou bouteilles de vin.

Ce sont les marques locales qui ont le plus la cote. À commencer par les biĂšres, du genre Flag SpĂ©ciale, celle que l’on qualiïŹe de reine des bars. Avec 650 000 bouteilles vendues chaque jour, le surnom n’a rien d’exagĂ©rĂ©. En 35 ans d’existence, aucune autre marque de biĂšre, locale ou internationale, et mĂȘme aussi peu chĂšre que Stork, n’est parvenue Ă  dĂ©trĂŽner la SpĂ©ciale.

Viennent ensuite les vins made by Les Celliers de MeknĂšs qui dĂ©tiennent 85 % du marchĂ© avec 600 millions de dirhams de chiffre d’affaires et 28 millions de bouteilles vendues par an, presque une bouteille par citoyen. En vente partout, l’alcool est un « service » avec un systĂšme de « permanence ». PassĂ© vingt heures, les guerrabas prennent le relais. ImplantĂ©s dans les quartiers populaires, ils sont ouverts jusqu’au petit matin.

Si la consommation d’alcool relĂšve, somme toute, du libre arbitre de tout un chacun, force est de constater que l’absence d’une loi adaptĂ©e (le texte rĂ©gissant ce volet voulant toujours que la vente d’alcool soit interdite aux Marocains musulmans) laisse s’inïŹltrer aussi bien les porte-Ă©tendard du dogme qui militent pour la suppression d’un commerce rapportant pas moins de 1 milliard de dirhams de recettes ïŹscales, que les abus en tout genre. Un acte manquĂ© qui a un coĂ»t : 11% des accidents de la circulation, notamment. Et une polĂ©mique sur « l’interdiction de la vente d’alcool aux musulmans » qui n’en ïŹnira jamais.

2 - JEUX DE HASARD La ïŹĂšvre du gros lot

28 millions de bouteilles de vin vendues par an, soit une par citoyen. Pour les uns, c’est « Al Khayle » (les courses), pour les autres c’est « carta » (les cartes). D’autres encore prĂ©fĂšrent le Loto ou le Totofoot, bien de chez nous. Tous jouent
 jusqu’à leur vie pour un bon assortiment de numĂ©ros, une monture ou un jeu de devinettes avec des cartes.

L’industrie est ïŹ‚orissante. Elle a atteint un chiffre d’affaires de 2,6 milliards de dirhams, soit une dĂ©pense moyenne de 86,6 dirhams par personne et par an. C’est un peu plus du tiers de ce que dĂ©pense chaque Marocain par an
 en mĂ©dicaments. Vous avez bien lu. Il y a les ïŹdĂšles, totalement accros Ă  leur jeu prĂ©fĂ©rĂ©. Et il y a les joueurs occasionnels. Tous y laissent des sommes plus ou moins importantes d’argent. Et rares sont ceux qui gagnent le gros lot.

VĂ©ritable secteur Ă©conomique, le jeu, du moins pour la partie visible de l’iceberg est rĂ©glementĂ©. Elles sont ainsi trois sociĂ©tĂ©s Ă  se partager le marchĂ©. La Marocaine des jeux et des sports gĂšre les paris sur les matchs de foot avec, notamment, pour ïŹnalitĂ© de participer au dĂ©veloppement du sport. Le montant des produits de La Marocaine des jeux et des sports pour l’exercice 2007 s’établit Ă  411,7 millions de dirhams. Jeu favori des Marocains, Cote et foot qui a atteint un chiffre d’affaires de 150 millions de dirhams. Suivent le fameux Toto foot qui a atteint 115,1 millions de dirhams et les loteries instantanĂ©es, comme celle consistant Ă  gratter, avec un jackpot de 120,7 millions de dirhams.

Il y a aussi la Loterie nationale, qui contrĂŽle les jeux de hasard oĂč les combinaisons ne sont choisies sur aucune base; et qui a brassĂ© en 2008 des ventes de l’ordre de 562,8 millions de dirhams. La Loterie nationale, c’est d’abord le Loto, vĂ©ritable sport national avec 205 millions de dirhams de ventes en 2008. C’est aussi le Keno (135 millions de dirhams), dont les rĂ©sultats sont afïŹchĂ©s sur nos chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision, et le tout nouveau Pick’n’play (168 millions de dirhams). EnïŹn, il y a la SociĂ©tĂ© royale d’encouragement du cheval (SREC), relevant du ministĂšre de l’Agriculture et du DĂ©veloppement rural, qui dĂ©tient le monopole sur les paris de course de chevaux et de lĂ©vriers et qui, elle, bat tous les records en brassant au moins 1,5 milliard de dirhams par an.

Avec des points de vente dĂ©diĂ©s, des cafĂ©s « spĂ©cialisĂ©s » et une armĂ©e d’accros, c’est le jeu le plus populaire, mais aussi celui oĂč les joueurs laissent le plus de plumes. Quant aux plus riches, ils ne sont pas exempts de ce vice : le succĂšs du casino de Mazagan est lĂ  pour le prouver.

3 - SEXE Virgin suicide

ExceptĂ© dans les grandes villes, oĂč les hommes commencent Ă  accepter que leurs femmes aient un passĂ©, la virginitĂ© est encore importante dans la mentalitĂ© des Marocains. « Or, les femmes ne peuvent se libĂ©rer qu’en arrĂȘtant de mettre en avant leur virginitĂ© », martĂšle Ghita El Khayat.

En attendant, on se protĂšge en s’aidant de moyens dĂ©tournĂ©s pour satisfaire son partenaire. C’est pour cela que la sexualitĂ© la plus frĂ©quente chez les cĂ©libataires, c’est le fameux sexe sans pĂ©nĂ©tration, vĂ©ritable spĂ©cialitĂ© locale, ou des pratiques telles que la fellation et la sodomie. C’est que, en pleine pĂ©riode de dĂ©couverte (de leur corps, de leur sexualitĂ©, de leur libertĂ©), les jeunes hĂ©sitent entre tradition et modernitĂ©.

La peur du jugement familial et social, l’apprĂ©hension de la rĂ©action du ïŹancĂ© crĂ©ent un vĂ©ritable blocage. Pour Abdessamad Dialmy, qui vient de publier La sociologie de la sexualitĂ© dans le monde arabe, « nous sommes en train de passer d’un ordre sexuel traditionnel Ă  un ordre moderne, alors que la majoritĂ© des sociĂ©tĂ©s occidentales sont dĂ©jĂ  dans une phase postmoderne ».

RĂ©sultat : les relations sexuelles hors mariage sont frappĂ©es du sceau du secret. La sexualitĂ© est prĂ©sentĂ©e comme une relation Ă  haut risque, une source de problĂšmes et de souillures. Ce n’est donc pas pour rien que les Marocains vivent encore une grande misĂšre sexuelle. Seulement 33% des hommes et 23 % des femmes se disent satisfaits de leur vie sexuelle.

C’est ce qui ressort d’une Ă©tude mondiale menĂ©e dans vingt-sept pays par le cabinet d’étude Harris Interactive de PïŹzer. Preuve que le dĂ©bat mĂȘme sur la sexualitĂ© n’est pas encore « libĂ©rĂ© », seuls 55% des hommes et 46% des femmes de l’échantillon ayant servi de base Ă  l’enquĂȘte, se sont exprimĂ©s sur le sujet.

4 - HASCHICH Le pays qui valait 1 milliard
 de joints

On l’appelle lahchicha, zetla, hia, la ghalla (la pure)
 Les autoritĂ©s ne cessent de se fĂ©liciter de la rĂ©duction des superïŹcies de culture de cannabis. Elles ont baissĂ© de 50% durant la pĂ©riode 2004-2008, passant de 130 000 Ă  60 000 hectares. En 2008, le Maroc a produit 43 850 tonnes de cannabis.

Pour autant, le Maroc demeure le principal producteur et exportateur mondial de rĂ©sines de cannabis. Et le haschich reste la drogue prĂ©fĂ©rĂ©e des Marocains. Normal, dans un pays oĂč le commerce du kif Ă©tait lĂ©gal il n’y a pas si longtemps (la fameuse RĂ©gie nationale du kif et du tabac).

Les chiffres 2005 du groupe Altadis permettent de s’en faire une idĂ©e par extrapolation. En 2005, la RĂ©gie des tabacs a vendu 15,2 millions de cahiers (appelĂ©s ainsi dans le jargon des cigarettiers) de feuilles Ă  rouler, soit l’équivalent de 1,14 milliard de feuilles. Sachant que le tabac Ă  rouler n’est pas trĂšs populaire au Maroc, c’est un milliard de feuilles qui serviraient Ă  confectionner des joints.

Ainsi, 1,1 milliard de joints ont Ă©tĂ© fumĂ©s au Maroc. Sans compter le kif que les Marocains, habitant les zones rurales notamment, continuent d’affectionner particuliĂšrement et qu’ils fument par le biais du sebsi, la pipe traditionnelle.

Depuis quelques annĂ©es, un autre type de pĂ©chĂ© a fait son entrĂ©e sur le marchĂ©. Sauf que celui-lĂ  n’a rien de « mignon » : les psychotropes. D’aprĂšs, Mustapha Daouf, coordonnateur du Rassemblement pour la lutte contre les psychotropes, il faut distinguer deux types de produits. L’extasy, consommĂ© par une classe aisĂ©e, vient d’Espagne. Actuellement, il est prĂ©parĂ© et commercialisĂ© par la maïŹa italienne. Il comprend cinq marques : «Requin bleu», « Mitsubishi », « Ben Laden », « Moulin rouge » et « Moulin viagra ».

GĂ©nĂ©ralement, il transite par FĂšs et Casablanca avant d'arriver Ă  Marrakech, Agadir et Essaouira. L’autre catĂ©gorie de psychotropes est destinĂ©e aux consommateurs dĂ©favorisĂ©s. En provenance d’AlgĂ©rie, leur diffusion date de 1970. Ils sont introduits au Maroc par le biais de la contrebande et sont surtout disponibles Ă  Khemisset et Casablanca. Un comprimĂ© ne coĂ»te que 3 dirhams. Un paquet de 10 comprimĂ©s est vendu de 25 Ă  30 dirhams.

EnïŹn, un autre genre de psychotrope dont les jeunes sont accros: el maĂąjoun qui comporte trois types « chkilita », « katila » et « scood » ; des drogues rĂ©centes dont on ne connaĂźt pas encore les effets
 Accessibles, ces drogues restent cependant dangereuses et seraient Ă  l'origine de pas moins de 75% des agressions et vols commis au Maroc.

5 - VIOLENCE La voix de la rage

Il y a d’abord la violence dans toutes ses formes Ă  l’égard des femmes et dont seraient victimes 74% de nos concitoyennes (d’aprĂšs le RĂ©seau national des centres d’écoute des femmes victimes de violence). Il y a aussi celle perpĂ©trĂ©e contre les enfants, des giïŹ‚es aux viols Ă  l’école, Ă  la maison, chez l’employeur pour les petites bonnes
 (prĂšs de 6 000 affaires par an devant les tribunaux).

Sans oublier les actes d’agression qui se produisent au quotidien dans la rue, les attaques physiques ou verbales dont nous sommes auteurs ou victimes et qui vont des coups de klaxon aux coups de hachette et autres armes blanches.

RĂ©sultat, on ne compte plus le nombre de vols Ă  l’arrachĂ© de sacs Ă  main ou de GSM, et d’agressions. Pour les dix premiers mois de l’annĂ©e 2008, plus de 250 000 plaintes pour vols et agressions ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es. Mais une bonne part de ces attaques ne sont pas dĂ©noncĂ©s. Les parents se plaignent d’agressions perpĂ©trĂ©es devant les Ă©tablissements scolaires contre leurs enfants par des malfaiteurs armĂ©s d’objets tranchants, si bien que nombre de ces Ă©tablissements recourent Ă  des vigiles.

De mĂȘme, les Ă©tablissements bancaires renforcent de plus en plus leur dispositif de sĂ©curitĂ© pour parer Ă  d’éventuelles attaques. Les Marocains ont de tout temps nourri l’image d’une sociĂ©tĂ© apaisĂ©e oĂč le dialogue et la mĂ©diation ont toujours servi Ă  rĂ©gler les conïŹ‚its.

Mais ces temps semblent rĂ©volus. Pour bon nombre de nos compatriotes, la violence est un moyen pour se dĂ©fendre ou ramener l’ordre mais c'est aussi un moyen pour exprimer ses idĂ©es et autres idĂ©ologies. Des inĂ©galitĂ©s sociales aux jeux de pouvoir en passant par les problĂšmes de civisme et l’absence d’une culture non violente... Le dĂ©bat Ă©tant Ă  peine installĂ©, la violence a encore de « beaux » jours devant elle.

6- CORRUPTION Une tradition nommée bakchich

Ni la prise de conscience gĂ©nĂ©rale, ni la crĂ©ation d’une instance dĂ©diĂ©e Ă  la lutte contre le phĂ©nomĂšne n’ont, pour l’heure, changĂ© la donne. La corruption est endĂ©mique au Maroc. Petite et grande, elle ne cesse de se banaliser.

En tĂ©moigne l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2009 de Transparency International. Le Maroc qui s’est classĂ© 89Ăšme (sur 180 pays continue, donc, sa « descente aux enfers » puisqu'en 2007, le Royaume Ă©tait 72Ăšme . Soit 17 places de perdues et un total de 44 places en 10 ans (45Ăšme en 1999).

Mieux encore, 60% des mĂ©nages marocains consultĂ©s lors de l’élaboration du dernier baromĂštre de perception de la corruption ont dĂ©clarĂ© avoir payĂ© des pots-de-vin au cours de l’annĂ©e qui a prĂ©cĂ©dĂ© l’enquĂȘte. De celle-ci ressort que le systĂšme judiciaire tite » corruption s’observe dans les transactions « ordinaires » de la vie, Ă  travers des formes multiples.

Elle prend souvent un aspect coercitif reliĂ© Ă  un espace de pouvoir rĂ©glementaire, de contrĂŽle, etc. L’accumulation des infractions « mineures » auxquelles elle donne lieu ïŹ nit par saper lentement les bases d’un pays.

Quant Ă  la « grande » corruption, elle imprĂšgne certains niveaux et mĂ©canismes de dĂ©cision et met en jeu des sommes d’argent importantes. Elle est souvent liĂ©e aux conditions de passation de certains marchĂ©s publics, Ă  certaines autorisations donnant lieu Ă  de grands projets d’investissements, Ă  l’établissement des contingents d’importation, Ă  la rĂ©glementation de monopoles naturels, Ă  des opĂ©rations de privatisation ou mĂȘme de dĂ©lĂ©gation de services publics locaux (eau, Ă©lectricitĂ©, assainissement
).

Le dĂ©sir du Maroc d’accueillir, en 2011, la 4Ăšme confĂ©rence des Etats parties Ă  la Convention des Nations unies contre la corruption (UNCAC) conïŹrme peut-ĂȘtre l’engagement du pays Ă  lutter contre cette gangrĂšne qu’est la corruption. Mais comme l’a soulignĂ© Transparency Maroc, « il faut mettre ïŹn aux dĂ©clarations d’intention » et agir concrĂštement.

7 - HYPOCRISIE « Notre » mal du siÚcle

S’il est un vice que nombre de Marocains partagent, c’est celui de l’hypocrisie. Cela se ressent dans les comportements de tous les jours, nos compatriotes Ă©tant passĂ©s maĂźtres dans l’art de dire ce qu’ils ne pensent pas et de penser ce qu’ils ne disent pas. L’hypocrisie se traduit dans l’élaboration mĂȘme de certaines lois, comme celle interdisant la consommation d’alcool alors que la vente en est libre, et dans certains discours sur des questions comme la virginitĂ© ou la religion.

Tout comme il existe des hypocrisies d’ordre pratique voulant que des personnes instruites et aux allures on ne peut plus modernes, n’hĂ©sitent pas Ă  adopter des comportements moyenĂągeux, comme le vĂ©ritable esclavage qu’est l’emploi des petites bonnes.

RĂ©sultat : une schizophrĂ©nie ambiante. A l’origine de tous ces maux, une culture voulant concilier une authenticitĂ© sĂ©culaire, avec ses rĂšgles strictes et ses rĂ©fĂ©rences intransigeantes, et une modernitĂ© qui stipule des droits et des obligations. Les deux penchants sont souvent incompatibles. Le choix est difficile. Les dĂ©gĂąts sont, eux, nombreux. Certains sont d’ordre clinique.

42% de la population, soit 12,6 millions de Marocains, ont souffert au moins d’un trouble mental lĂ©ger ou grave (y compris la dĂ©pression) selon une enquĂȘte nationale rĂ©alisĂ©e en 2007. En tĂȘte, la schizophrĂ©nie qui touche 1% de la population marocaine, soit 300 000 personnes. Un chiffre qui peut croĂźtre du fait de l’augmentation de la consommation de drogues chez les jeunes.

Tarik Qattab

L'AVIS DE Mohsine Benzakour, psychosociologue

« Les vices sont le prix de notre ouverture »

Pour Mohsine Benzakour, seules l’éducation et des valeurs personnelles afïŹrmĂ©es permettent de juguler les vices ou, du moins, de les assumer sereinement.

Les chiffres et constats sur la prolifération de certains vices dans la société marocaine interpellent. Sommes-nous plus vicieux que les autres peuples ?

MOHSINE BENZAKOUR : Dans l’absolu, pas du tout. Les vices ne sont pas l’affaire des nations mais des individus. Et toute personne est susceptible d’en avoir un ou plusieurs, n’était-ce le poids de l’éducation et des valeurs qui domptent des pulsions somme toute instinctives ou naturelles. On peut parler de phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ© quand il existe un terrain fertile pour tel ou tel vice. Cela Ă©tant dit, il est clair que les Marocains sont un peu plus portĂ©s sur le vice comparĂ© aux autres pays arabes et musulmans. C’est le prix de notre ouverture et de notre multiplicitĂ© culturelle.

La violence est omniprésente dans la société. Pour un pays qui met en avant sa « nature paisible », est-ce normal ?

La violence n’est a priori pas un vice, mais un manque de civisme. Elle traduit un mal-ĂȘtre tant individuel que collectif. Dans un pays comme le nĂŽtre, oĂč la culture de non-violence n’est inculquĂ©e nulle part, oĂč le dialogue n’existe que de façon formelle ou superïŹcielle, il est normal qu’elle fasse partie de notre quotidien, d’une maniĂšre ou d’une autre. En cela, elle s’explique par deux facteurs essentiels. Le premier est le contexte socioĂ©conomique qui est peu favorable Ă  la dĂ©tente et qui crĂ©e constamment des climats d’extrĂȘme tension. L’individu s’y trouve en situation d’otage des impĂ©ratifs de la vie quotidienne, piĂ©tinĂ© par tous ceux qui ont une autoritĂ© sur lui, des parents aux patrons en passant par le policier stationnĂ© au feu rouge. Le tout, sans grande rĂ©tribution en Ă©change. La violence, verbale ou physique, devient ainsi un moyen involontaire d’extĂ©riorisation d’un stress vĂ©cu comme une oppression importante et chronique. Le tout est doublĂ© de toutes les frustrations que peut susciter la vie moderne. Le deuxiĂšme facteur est d’ordre psychologique. De façon gĂ©nĂ©rale, le Marocain n’a jamais Ă©tĂ© prĂ©parĂ© pour dĂ©velopper une personnalitĂ© afïŹrmĂ©e et apaisĂ©e dans un mĂȘme temps. Nous avons globalement Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s pour nous soumettre, Ă  ne plus pouvoir le supporter, et, en cas d’échec, Ă  trouver des excuses Ă  toutes nos dĂ©faillances.

Autres vices, les abus d’alcools et les addictions aux drogues. Comment peut-on expliquer la « popularitĂ© » de produits et substances interdits tant par la religion et les textes de loi ?

Ces abus s’expliquent d’abord par la grande disponibilitĂ© et facilitĂ© d’accĂšs des alcools et autres drogues. On peut s’en procurer partout, Ă  tout moment et pour un prix accessible. Et ce ne sont pas les raisons qui poussent Ă  en consommer qui manquent. On se drogue gĂ©nĂ©ralement pour exprimer, ou rĂ©primer, un malaise, pour fuir une rĂ©alitĂ© quelle qu’elle soit. Quand on boit, c’est pour nous inscrire dans les normes des sociĂ©tĂ©s modernes tout en nous libĂ©rant de nos inhibitions. Les excĂšs en tout genre tiennent d’ailleurs Ă  ce dernier Ă©lĂ©ment. En gĂ©nĂ©ral, les Marocains boivent d’ailleurs mal. Dans les sociĂ©tĂ©s oĂč il existe une culture de l’alcool, celui-ci est associĂ©, Ă  faibles doses, Ă  une bĂ©nĂ©diction d’ordre religieux, Ă  une volontĂ© de se procurer de la gaietĂ© dans un environnement stressant ou Ă  la cĂ©lĂ©bration d’un Ă©vĂ©nement heureux. Chez nous, boire, c’est perdre la tĂȘte.

Les comportements des Marocains au quotidien sont souvent marqués par une grande hypocrisie. Celle-ci serait-elle devenue une culture ?

Quand il y a hypocrisie, il y a au prĂ©alable un manque d’audace. Et force est de constater que nous manquons d’audace au Maroc. Pour contourner cette dĂ©faillance culturelle, on a tendance Ă  avoir une double face. L’une est celle de la soumission Ă  l’ordre Ă©tabli, qu’il soit familial, culturel, politique ou Ă©conomique. L’autre est celle d’une volontĂ© d’expression de ce que nous sommes rĂ©ellement ou tel que nous nous percevons. Pour cela, on attend des moments, comme celui oĂč on se trouve devant une bouteille l’alcool, ou encore les disputes et les colĂšres qui sont souvent injustiïŹĂ©es. Le contexte d’aujourd’hui n’y est pas Ă©tranger. Le Maroc vit une Ă©tape de grands changements. Une transition. Cette Ă©tape a Ă©tĂ© plus imposĂ©e que choisie. Et dans la perte de repĂšres qui en rĂ©sulte, nos jeunes ne savent pas s’ils doivent croire le professeur de philosophie ou celui des Ă©tudes islamiques. Jeunes et moins jeunes n’arrivent pas Ă  trancher quant Ă  la direction Ă  donner Ă  leur vie. Or, celle-ci est faite de choix assumĂ©s. Dans ce ïŹ‚ottement, l’hypocrisie restera. A moins que chacun d’entre nous croie en son potentiel et ses valeurs propres et qu’on renoue avec des comportements qui se sont perdus. Je pense notamment Ă  notre facultĂ© Ă  nous battre pour nos idĂ©es, Ă  assumer nos diffĂ©rences et Ă  accepter celles des autres.

T.Q

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N°128 : DSK   Le marocain
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N°126 : Les enfants perdus  de Casablanca
N°125 : PJD  Les rois du marketing
N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques
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N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du pĂšre
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumiĂšre
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
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N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : HarcĂšlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
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N°107 : ImpĂŽt sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
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N° 104/105 : Presse Ă©trangĂšre/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
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N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
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N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
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N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux
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