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RNI, le grand politic show 
Actuel n°65, samedi 16 octobre 2010
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L’opération « Trois journées à Agadir » du RNI a réuni plus de 4 000 jeunes, cadres, hommes d’affaires et notables de la région du Souss. L’occasion d’en savoir plus sur le nouveau RNI, ses hommes, menés par Salaheddine Mezouar, et sa communication 2.0. Reportage.


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Il est 11 heures du matin ce samedi 9 octobre au plus grand centre de conférences de la ville d’Agadir, la Concorde. Le stress et l’empressement dans cet espace jurent avec le calme religieux dans lequel baigne la capitale du Souss. Un invité de taille est attendu. Il s’agit de Moncef Belkhayat, ministre de la Jeunesse et des Sports, venu ce jour-là en sa qualité de membre influent du conseil exécutif du Rassemblement national des indépendants (RNI). Etaient également attendus 1 600 jeunes venant des deux préfectures et des dix-sept provinces que compte la région du Souss-Massa-Drâa. Ce territoire, qui dénombre 3,3 millions de Marocains, est également la deuxième région la plus importante économiquement avec 76 milliards de dirhams en produit local brut.

C’est dire que pour accueillir ses jeunes invités, le parti a sorti le grand jeu. Exit les tentes caïdales et place aux traiteurs de renom. Fini le temps des militants organisateurs et bienvenue aux agences de communication pour garantir le succès de la rencontre ; aux sociétés de sécurité pour veiller au grain ; aux rétroprojecteurs et écrans LCD pour bien se faire entendre et voir. La logistique est digne des prestigieux séminaires des multinationales. Soldate de l’ombre, Latifa Yacoubi, celle-là même qui chapeaute l’organisation du festival Timitar et dont les compétences font l’unanimité. Preuve de la réussite de l’opération, les jeunes étaient bel et bien là. « Je suis là pour les écouter », nous déclare le ministre RNI à son arrivée.

Le rock du groupe AC/DC

Aux discours pompeux et autre langue de bois, Belkhayat, entouré des élus et parlementaires du parti, jouera la carte de la simplicité tout au long des nombreuses heures qu’aura duré ce que l’on pourrait résumer à une séance de questions-réponses. Pour ce faire, il n’hésite pas à projeter un film sur la jeunesse, sur fond de titres rock du groupe AC/DC ! A l’instar d’un animateur de shows à l’américaine (façon Jay Leno), il adopte la darija comme langue officielle du meeting, demandant à tout le monde de tomber la veste et ponctue ses interventions par des gags : « Les gars, il faut faire vite pour qu’on puisse voir le match Maroc-Tanzanie », qui devait commencer à 13h ce jour-là. On retiendra que les jeunes ont empêché le ministre des Sports de suivre le match en l’enjoignant de répondre à leurs questions, non dénuées d'intérêt par ailleurs. Même si pour de nombreux invités cette participation a pris les allures d’un week-end de vacances tous frais payés. Quand on sait que certains jeunes viennent de zones aussi éloignées et démunies que Chtouka Aït Baha ou encore Tinghir, on ne peut que comprendre. D'ailleurs, nombreux étaient ceux qui demandaient au ministre d’intégrer leurs régions dans le programme « Vacances pour tous ».

Mais ce n’est pas tout, d’autres revendiquent la création de centres socio-sportifs, d’écoles tout près de leurs douars ou l’intervention des autorités contre la prolifération de phénomènes telle la consommation de drogue, comme c’est le cas à Koulia, une commune urbaine de la région. Belkhayat a pris note, tenté de répondre à certaines questions et fait siennes les autres. C’était juste avant d’annoncer la création en juillet prochain de la Jeunesse RNI, un organe censé regrouper les jeunes du parti. Le mode d’organisation future de cette section est des plus originaux. « On aurait pu créer une Jeunesse dès la rencontre de Casablanca, le 14 juillet. Cela aurait été trop facile. A cela, nous préférons l’émergence de capitaines d’équipes qui vont représenter leurs régions et qui seront prêts pour le congrès constitutif en juillet 2011 », explique le ministre de la Jeunesse. Mais ne nous y trompons pas : la force du RNI, ce sont ses notables et grands propriétaires terriens. Ceux-là avaient, la veille, eu droit à un dîner fermé.

Absences et présences remarquées

Passées ces deux rencontres, le temps dans la soirée du samedi était à la « Rencontre des 1 000 », après les « 500 » de Casablanca. Les 1 000, ce sont les cadres supérieurs, hauts fonctionnaires, médecins, pharmaciens, ingénieurs, banquiers, avocats, notaires et hommes d’affaires de la région qui ont répondu présent au dîner-débat organisé ce soir-là. Ils y sont allés comme on va à une cérémonie officielle ou, mieux encore, à un mariage, avec des costumes cravates pour les messieurs et des robes ou tailleurs de marque pour les dames. Les dirigeants du parti étaient cette fois nombreux avec Salaheddine Mezouar en vedette. Certains ont regretté l’absence de responsables comme Amina Benkhadra, ministre RNI de l’Energie ou de Mohamed Boussaid, devenu wali… d’Agadir ! La présence d’autres a été des plus remarquée. C’était le cas, encore une fois, de Aziz Akhannouch, qui n’a pas caché sa fierté d’être face à un parterre aussi impressionnant de cadres, mais aussi de responsables de partis amis, comme le maire UC de Casablanca, Mohamed Sajid. Le thème du débat a porté sur la régionalisation, volet sur lequel le Souss, qui a peu bénéficié des interventions du pouvoir central, est à l’avant-garde. C’est ce qui explique en partie le choix de la région pour un événement d’une telle importance. Salaheddine Mezouar n’a pas manqué de le souligner. Pour lui, l’implication des élites dans l’action politique est une question de vie ou de mort pour les partis (voir entretien p.20). « Cette élite a besoin de réalisme, d’action palpable, de méthodes de travail modernes et d’un discours concret pour être convaincue. Et c’est ce que nous essayons d’incarner », nous dit-il. Politique économique, plans sectoriels, mesures d’encouragement des initiatives privées, évolution sociale… tous les thèmes intéressant de près ou de loin l’assistance ont été abordés, quatre heures durant. Pour autant, la qualité n’a pas toujours été au rendez-vous, certaines interventions de l’assistance ayant porté sur des soucis et des intérêts d’ordre personnel. Comme par exemple cette dirigeante opérant dans le secteur de la pêche, qui se demandait si sa propre flotte allait bénéficier du programme Halieutis.

Une carence rattrapĂ©e, dès le lendemain dimanche, au cours de l’universitĂ© rĂ©gionale du parti dont la clĂ´ture a marquĂ© la fin des trois jours et d’un long marathon RNIste. Trois jours  durant lesquels le parti a tentĂ© de marquer une rupture avec son image d’un parti de l’administration. Le nouveau RNI se veut « cool », ouvert sur son monde et sur les questions des jeunes, des femmes et des cadres… des Ă©lĂ©ments particulièrement prisĂ©s dans l’échiquier Ă©lectoral. Par de telles tournĂ©es (Marrakech, Oujda, Casablanca et Agadir jusque-lĂ ), le RNI se positionne comme un parti moderne, capable de grands manifestations Ă  l’amĂ©ricaine. On veut impressionner et Ă  tout prix (voir article ci-contre).

Tarik Qattab, envoyé spécial à Agadir

Législatives 2012 : RNI SA mode d’emploi

On le croyait submergé par la déferlante du PAM, édulcoré par son alliance avec l’UC, mais le RNI entend bien tenir toute sa place en 2012.

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Le RNI a toujours Ă©tĂ© un parti novateur. Le premier show Ă  l’amĂ©ricaine au Maroc a Ă©tĂ© fait par le RNI lors d’un congrès en 2000 Ă  Marrakech. Il s’est soldĂ© par une fĂŞte aux confettis comme pour le Parti rĂ©publicain aux Etats-Unis. » Les propos sont de Aziz Cherkaoui, Ă©lu RNI, rencontrĂ© Ă  Marrakech en compagnie de Si Ahmed Osman, le père fondateur du parti, qui n’a pas tenu Ă  s’exprimer. Nostalgiques, ils ne cachent pas le fait que l’ancienne garde du parti est dĂ©sormais dĂ©passĂ©e par les changements opĂ©rĂ©s au sein de la formation et par ses nouvelles ambitions. Autant de changements et d’ambitions qui se traduisent par un slogan :  « La politique autrement, pourquoi pas. » L’objectif est clairement affiché : sortir des Ă©lections lĂ©gislatives de 2012 en Ă©tant le numĂ©ro un de la scène politique au Maroc.

Une véritable entreprise

Principale arme du moment : occuper le terrain. A tout prix et par tous les moyens possibles. Cela passe par un gros effort de communication et une restructuration destinée à faire du RNI une véritable entreprise, avec un conseil d’administration, une direction générale et des filiales (voir encadré). « Il faut faire savoir et partager avec le public en recueillant le maximum de feed-back possible. C’est ce qui permet d’évoluer. Se poser dans une tour d’ivoire en se disant que nous sommes les détenteurs de la science infuse, quant à ce qu’il y a de meilleur pour les Marocains, est non seulement inutile mais nocif », s’exclame Anis Birrou, secrétaire d’Etat à l'Artisanat.

Une raison pour laquelle le RNI investit l’ensemble des régions et s’intéresse à toutes les catégories d’âge et de la société. Une démarche qui obéit à un agenda précis. Le RNI joue désormais sur trois tableaux à la fois. En premier, les notables, véritable machine électorale et qui a de tout temps fait la force du RNI. En pleine crise, le parti avait trouvé les ressorts nécessaires pour occuper la quatrième position aux législatives de 2007 (34 sièges et près de 12 % des voix) ainsi que la troisième place aux élections communales de 2009. Mais le RNI s’active aussi sur ses deux autres terrains de prédilection que sont les élites et les cadres d’un côté, et les jeunes de l’autre. Deux maillons faibles de la politique marocaine. « C’est de notre faute puisque nous n’avons pas été suffisamment à leur écoute. C’est d’autant plus dommage que quand nous étions jeunes, à l’université comme dans les administrations et les entreprises où nous travaillions, la politique était omniprésente », commente Anis Birrou. Comme pour pallier ce fossé, le RNI veut donner l’image d’un parti moderne, ouvert sur son monde et avec un programme réaliste et réalisable. Mais à part des précisions sur l’identité du parti et des propositions sur la régionalisation, celui-ci tarde encore à se matérialiser. Ministre RNI de la Jeunesse et des Sports, Moncef Belkhayat affirme que c’est une question de temps. « Nous voulons d’abord écouter les gens avant de répondre par des propositions adaptées et un cahier des charges qui sera notre programme pour 2012 », dit-il.

En attendant, les opérations de charme se suivent et se ressemblent avec un net partage des rôles. Ancien homme d’affaires, deux fois ministre et doté d’un charisme à toute épreuve, le président Salaheddine Mezouar est l’interlocuteur privilégié de l’élite. Sa récente distinction en tant que ministre des Finances de l’année 2010 dans la région Mena par la revue Emerging Markets ajoute à son aura. Auprès des notables, la réputation de Aziz Akhannouch le précède et fait pratiquement tout le travail. D’autant que, maîtrisant des dossiers aussi complexes et épineux que l’agriculture ou la pêche, l’homme sait de quoi il parle et arrive à convaincre sans coup férir. Véritable mascotte du RNI, Moncef Belkhayat a fait siennes les questions se rapportant aux jeunes. On le dit déjà en lice pour le poste de secrétaire général de la future Jeunesse RNI. Si elles plaisent, ses sorties provoquent cependant l’ire de certains qui lui reprochent d’en faire trop et de « ne pas toujours être au fait de ce qu’il avance. D’autant qu’il assiste rarement aux travaux du conseil exécutif du parti et tente de mettre en valeur non pas la formation à laquelle il appartient, mais sa propre personne ». Ce dont le concerné s’offusque. « L’ensemble des instances du parti travaillent dans un sens unique et uni », nous dit-il. Toujours est-il que le trio est désormais sur tous les fronts et qu’à lui seul, il incarne toute la mutation que connaît le parti. Principales forces, une extraordinaire capacité de travail, une impressionnante simplicité et une grande ouverture au dialogue.

Autre atout et non des moindres : les moyens, beaucoup de moyens. Pour cela, le RNI a systématiquement recours à des bienfaiteurs qui n’hésitent pas à mettre la main à la poche. Il s’agit essentiellement de notables élus du parti, de parlementaires et de certains ministres. Sur ce registre, ce sont les noms de Aziz Akhannouch et de Mohamed Boudlal qui reviennent le plus souvent. « C’est du win-win, dans la mesure où ce sont des personnes que le parti a appuyées pour qu’elles accèdent aux postes qu’elles occupent aujourd’hui. L’argent est un moyen de renvoyer l’ascenseur », confie cette source au sein du parti, sous couvert d’anonymat. Par ailleurs, « inviter, loger et nourrir plusieurs milliers d’invités dans un cadre des plus fastueux, et sur plusieurs jours, est difficilement justifiable dans la comptabilité d’un parti politique », ajoute-t-elle.

Parler un marocain vrai

L’effet recherché est au rendez-vous : « Le parti s’ouvre. Nous sommes clairement loin de la tutelle qu’exercent encore certains dirigeants de partis sur leurs membres et sympathisants », note Lhoucine Zaz, un industriel ayant assisté aux Trois jours d’Agadir. Jeune MRE fraîchement rentré au Maroc, Saïd Ejdaa va plus loin. « Les propos tant de Mezouar que du reste des dirigeants impressionnent parce qu’ils parlent un marocain vrai. Et la communication est pour moi la preuve que la modernité est là. » Ce qui n’empêche pas certains militants de nuancer. Membre du conseil national du RNI, Asmae Abidar affirme que « dès lors que les tentes sont pliées et les chaises rangées, le contact se perd ». « Ce que nous voulons, c’est que la réforme qui a touché le sommet s’élargisse à la base du parti. Si Osman et Mansouri ont été changés, nos dirigeants dans les régions restent indétrônables. Cela biaise toute la donne », continue-t-elle. Un grief auquel le RNI entend répondre par une restructuration de ses conseils régionaux en vue de plus de transparence et d’efficacité. Pour arriver au premier rang en 2012, le RNI entend s’assurer de solides alliances. Si le rapprochement avec le PAM est désormais un acquis, et l’alliance avec l’UC un fait, le RNI hésite encore entre un prolongement vers la Koutla ou vers le Mouvement populaire. Mais une chose est sûre, l’ennemi est d’ores et déjà identifié : le PJD. Tout comme l’ultime objectif : porter Salaheddine Mezouar à la Primature. Il lui faudra cependant compter avec une variable, celle de son mandat de ministre d’un département que d’aucuns ne manqueront pas d’épingler si les tensions sur l’économie nationale devaient perdurer dans les deux prochaines années.

Tarik Qattab


Leila Ouachi, la spin doctor

Le parti s’est contenté de lui confier son programme mais c’est elle qui a pris en charge sa traduction en actions. Elle, c’est Leila Ouachi, ancienne conseillère de Driss Jettou du temps où il était Premier ministre. Aujourd’hui, la directrice d’OL Consulting (une des très rares agences conseil en communication d'influence) est l’éminence grise du RNI.

Analyses, réseaux, messages clefs… de l’événementiel au contenu, tout passe par elle. Et pour mener à bien l’action du parti, une segmentation (élite, jeunes, femmes… ) a été opérée. Chacune de ces catégories est gérée selon des objectifs et suivant des démarches distinctes. « Par exemple, chez les jeunes, ce que nous essayons de créer, c’est l’intérêt et le partage de nos idées, en vue de les inciter à s’engager dans les élections et la politique. Chez l’élite, ce que nous recherchons, c’est l’adhésion », explique la spin doctor de Mezouar. Le tout avec pour objectif final de consolider l’image de leadership du parti.

Cela passe par d’étroites relations presse, des campagnes de communication Ă  grande Ă©chelle, mais aussi de futurs projets de street marketing, de sondages et d’enquĂŞtes d’opinion. Un vaste chantier que le parti et son agence conseil mènent dĂ©jĂ , avec des messages et des discours chaque jour plus pointus.  T.Q.

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Une entreprise politique… et un DG

L’organisation du RNI obĂ©it aux règles adoptĂ©es par tous les partis. Il dispose d’une instance suprĂŞme, le bureau exĂ©cutif, organe dĂ©cisionnel qui s’apparente Ă  un conseil d’administration pour une entreprise. Suit un comitĂ© central, qui fait office de parlement de la formation et qui est Ă©lu par le conseil national au suffrage universel. Le tout, Ă  deux diffĂ©rences majeures près. La première est que le prĂ©sident est Ă©lu au suffrage universel et que le parti vient de se doter d’une direction gĂ©nĂ©rale. Celle-ci a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  Jaâfar Heikel, militant RNI depuis 1995 et membre du comitĂ© central depuis 10 ans. C’était jeudi 7 octobre, sur proposition du prĂ©sident et après un vote en conseil exĂ©cutif… oĂą il a naturellement Ă©tĂ© confirmĂ©. Et Ă  l’unanimitĂ©. Mission, « gĂ©rer pour compte la machine du parti. Un parti est une entreprise Ă  caractère politique. Et tout en laissant les organes de la formation faire leur travail, il fallait une structure qui prenne sur elle le volet management. Avec la direction gĂ©nĂ©rale, c’est dĂ©sormais acquis », nous explique-t-il. Dans les dĂ©tails, cette structure devra prend en charge l’organisation financière et administrative, la stratĂ©gie commerciale et marketing (des valeurs et programmes) et les « ressources humaines » du RNI. Sans oublier les rĂ©gions, Ă©rigĂ©es dĂ©sormais en filiales. Une des premières actions de la nouvelle direction gĂ©nĂ©rale sera d’ailleurs la crĂ©ation d’un site Web, avec un forum de dĂ©bat ouvert au public. Si Heikel n’est pas un salariĂ© de la formation politique, il comptera en revanche sur quelques collaborateurs : 10 Ă  12 employĂ©s Ă  plein temps – secrĂ©taires, responsables de stratĂ©gie et de marketing… – et rĂ©munĂ©rĂ©s. Pourquoi tout cela ? « Ce sera une manière pour nous de prouver que le RNI mĂ©rite de gagner les Ă©lections de 2012 », affirme Heikel. Comme si la victoire aux prochaines lĂ©gislatives Ă©tait dĂ©jĂ  derrière le parti.  T.Q.



Salaheddine Mezouar, président du RNI et ministre de l'Economie et des Finances

« Le pays a besoin de sa jeunesse et de ses cadres»

Son arrivĂ©e Ă  la tĂŞte du RNI, Ă  la faveur de l’éjection de Mansouri, a Ă©tĂ© mouvementĂ©e. Mais il est aujourd’hui serein avec la conviction que sa formation fera la diffĂ©rence. En attendant, le nouveau leader du RNI multiplie les rencontres, les dĂ©bats et teste son argumentaire. Entretien.

Une année après votre accession à la tête du RNI, en quoi votre formation politique a-t-elle changé ?

SALAHEDDINE MEZOUAR : Il y a eu tout d’abord une prise de conscience que la société marocaine a véritablement changé. Et tout parti politique digne de ce nom ne peut rester immobile, dans un décor politique figé, devant ces changements. Dans une première phase, il nous a fallu faire une autocritique, pour retracer nos limites. Au lieu de donner des leçons, nous avons opté pour l’échange avec toutes les forces vives du pays, pour sonder leurs besoins et opinions et pour nous corriger en fonction. D’où la série de rencontres que nous avons entamée dans de nombreuses villes et régions. S’en sont suivis des engagements que nous avons pris et une phase de restructuration. Aujourd’hui, le RNI est en train d’avancer sur tous les engagements qu’il a pris, de sa doctrine politique – avec le choix que nous avons fait pour un libéralisme social – à son organisation, avec la mise en place de toutes les garanties de la démocratie interne et du renforcement des régions. Sans parler de l’ouverture.

Justement, le constat est que le RNI s’ouvre aujourd’hui sur les jeunes et les élites. Qu’est-ce qui explique un tel choix en sachant que ce sont là les maillons faibles de notre système politique et électoral ?

Tout simplement parce que le pays a politiquement besoin de sa jeunesse et de ses cadres. Il faut impérativement rétablir leur confiance dans l’action politique. Nous sommes en train de faire le nécessaire à notre niveau. Le répondant est magnifique. Ceci, parce que nous essayons d’incarner les besoins des uns et des autres. Ces besoins se résument dans le réalisme, l’action palpable, les méthodes modernes de travail et le discours concret basé sur la capacité de convaincre, et non pas de séduire. Aucun pays au monde n’a pu réussir sans sa jeunesse et sans ses élites. D’autant que celles-ci ont envie de s’engager. Pourvu que la crédibilité soit au rendez-vous.

Sur ce dernier registre, le RNI continue de traîner l’image d’un parti de l’administration dont les notables, portés davantage sur leurs intérêts que sur ceux du pays, sont l’unique force…

Il est difficile pour moi de répondre à cette question. Et c’est pour y répondre que nous sommes en train de mener une enquête de perception qui va révéler où nous en sommes aujourd’hui. Cette enquête sera désormais annuelle et elle permettra de sonder le degré de perception du parti par les citoyens tout comme elle reflétera le niveau d’évolution de la mutation qualitative que le parti a engagée.

Le changement qui s’est opĂ©rĂ© au sein de votre formation semble d’abord se traduire par un souci de l’image.  Le grand effort de communication que vous menez suffit-il Ă  redorer le blason du RNI ?

Ce qui implique la communication, c’est l’action. On n’aurait pas pu mobiliser 4 000 personnes à Agadir si on n’avait rien à leur dire. C’est un programme qui sera enrichi par l’apport des acteurs et des jeunes que nous rencontrons. Cela étant, il est clair que la perception est quelque chose de fondamental. La première image qu’on a d’un parti est celle qui reste, je dirais, à jamais. Il était important que le parti agisse sur ce terrain.

Le changement de leadership opéré au sein du parti a-t-il joué un rôle dans l’adoption de cette logique ?

Effectivement ! Et nous maintiendrons le cap sur ce chemin.

Dans un paysage politique où les programmes de tous les partis politiques se ressemblent, comment comptez-vous vous différencier ?

Par ce souci de pragmatisme que nous partageons au sein du parti et par l’encadrement de nos élus que nous avons entamé, à travers des programmes de formation qui auront également à faire émerger une nouvelle élite politique RNI. Sans oublier la clarté de nos choix en termes de rapprochement avec les autres formations (pour une alliance avec l’UC et le PAM et contre tout contact avec le PJD, ndlr) en vue d’une normalisation politique. Et sans oublier la restructuration organisationnelle pour accorder toute la place aux régions. Ce sont notamment nos points d’appui pour participer à la lutte contre la déperdition politique dans laquelle le Maroc se trouve aujourd’hui. n

Propos recueillis par Tarik Qattab

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RNI, toujours parti de l’administration ?

La tentative de modernisation du parti menée sous la houlette de Mezouar a frayé le chemin à une entreprise de redistribution des pouvoirs. Histoire.

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Quand Hassan II a chargĂ© son gendre, Ahmed Osman, de crĂ©er un parti « indĂ©pendant », personne ne misait un kopeck sur la longĂ©vitĂ© du Rassemblement national des indĂ©pendants. LancĂ© juste après la Marche verte, le courant des IndĂ©pendants va pourtant rafler 59 % des suffrages exprimĂ©s au scrutin local de novembre 1976 et 140 sièges, soit plus de la majoritĂ© absolue Ă  la nouvelle Chambre des reprĂ©sentants Ă©lue en 1977. Ă€ partir de lĂ , le groupe parlementaire est officiellement baptisĂ© au dĂ©but du mois d’octobre 1978, Rassemblement national des indĂ©pendants (RNI). Au lendemain de ce record d’émergence politique, inĂ©dit mais pas inexplicable, le parti de l’administration (euphĂ©misme commode qui dĂ©signe en fait le parti du Palais) est rĂ©compensĂ© comme il se doit par des portefeuilles ministĂ©riels, ce qui n’ôte rien au mĂ©rite des intĂ©ressĂ©s. C’est alors l’âge d’or des Abdelkamel Rerhaye, Abdellatif Ghissassi, Mohamed Belkhayat, Abdesslam Znined, Tayeb Bencheikh et autres Moussa Saâdi.  Comme le PAM aujourd’hui, « le parti de l’ami du roi » est alors courtisĂ© par tout ce que compte le pays comme riches propriĂ©taires fonciers, notables ruraux, hommes d'affaires, cadres supĂ©rieurs.

Narguer les socialistes

Fort d’une nouvelle élite politique dont certains transfuges de la gauche, le RNI va même s’essayer, en novembre 1981, à l'opposition pour narguer les socialistes qui commençaient à donner de la voix avec Abderrahim Bouabid, en rupture de ban avec la monarchie. En 2007, l’ex-gendre de Hassan II, miné par des affaires de fonds disparus des caisses du parti, va être contraint de passer la main après d’âpres négociations. À Osman, figure de proue de la politique nationale durant près de trente ans, allait succéder un homme qui allait très vite faire mine de prendre ses distances vis-à-vis de l’administration pour diriger les affaires du parti sous le signe d’un centrisme ouvert.

On sait aussi que Mustapha Mansouri devait être l’incarnation d’un courant inédit de jeunes cadres BCBG qui glorifient la résistance de la nouvelle garde au puissant milieu des notables. Sur le plan régional, il a fallu à tout prix éviter les affrontements inutiles avec les notables plus ou moins « apolitiques » qui constituaient le gros des troupes des élus du RNI. Mansouri va alors revivre l’amère histoire de l’arroseur arrosé. Non seulement il va se rendre compte de l’impuissance de la hiérarchie à encadrer le monde des élus locaux, mais sa présidence sera régulièrement mise en danger par la toute puissante capacité de mobilisation de ces notables.

A dĂ©faut de les contraindre Ă  s’adapter Ă  de nouvelles règles du jeu politique, Mansouri se verra forcĂ© de passer le tĂ©moin Ă  Mezouar, après un bras de fer qui a dĂ©marrĂ© en guerre ouverte avec le dĂ©funt Oukacha et s’est terminĂ© avec l’entrĂ©e en force du PAM sur l’échiquier politique national. Parce que l’histoire du RNI se conjugue avec celle des Ă©lites locales, mĂŞme aujourd’hui le parti ne serait rien sans la puissance financière et les rĂ©seaux des Akhannouch dans le Sud,  Tazi Alami (ex-ministre de l’Industrie) Ă  Meknes, Ben Zaroual dans le Gharb ou encore des Mansouri du Rif. Une des principales forces du RNI, c’est bien sa capacitĂ© Ă  prendre pleinement possession du terrain.

Des réseaux d'élus municipaux

A chaque échéance électorale, ce parti laisse donc en place des réseaux d’élus municipaux et des parlementaires encore solidement implantés et pourvus de points d’appui organisationnels dignes de ce nom, même si les repères politiques n’ont jamais été vraiment clairs. Il s’agit de tout un milieu d’élus influents, appartenant à des familles politiques traditionnellement associées à l’exercice du pouvoir, ayant eux-mêmes parfois occupé des fonctions de responsabilité au sommet de l’État, après l’indépendance et parfois même avant. Tout cela, Mezouar le sait. Encore lui faudra t-il ne jamais l’oublier...

Abdellatif El Azizi

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N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques…  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du père
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumière
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : Harcèlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂ´t sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangère/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piège  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
N°93 : Ces cliniques qui nous ruinent 
Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier…  
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°91 : Le grand nettoyage 
Actuel n°90 : Le retour des adlistes 
Actuel n°89 : Ruby : sexe, mensonges et vidĂ©o 
Actuel n°88 : ImpĂ´ts : Halte Ă  la fraude 
Actuel n°87 : Hassan II TV c’est fini 
Actuel n°86 : Marine Le Pen : L’islam, les Arabes et moi 
Actuel n°85 : Vive le Maroc libre 
Actuel n°84 : Rumeurs, intox : Ă  qui profite le crime ? 
Actuel n°83 : ET MAINTENANT ? Une marche pour la dĂ©mocratie
Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un système  
Actuel n°69-70 : Benguerir sur les traces de Settat 
Actuel n°68 : Art, sexe et religion : le spectre de la censure 
Actuel n°67 : Dans les entrailles de Derb Ghallef 
Actuel n°66 : Ces FQIHS pour VIP 
Actuel n°65 : RNI, le grand politic show 
Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
Actuel n°63 : Ex-ministres :  y a-t-il une vie après le pouvoir ?
Actuel n°62 : Le code de la route expliquĂ© par Ghellab
Actuel n°61 : La vie sexuelle des Saoudiennes… racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
N°58 : Onze ans, onze projets 
N°57 : Raid sur le kif 
N°56 : Sea, Sun & Ramadan 
N°55 : Casablanca, mais qui est responsable de cette pagaille ?
N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cĹ“ur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂ´mĂ©s chĂ´meurs : le gouvernement pris au piège
N°51 : 2M : Succès public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux… Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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