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14 femmes pour Benkirane
actuel n°131, vendredi 2 mars 2012
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Le gouvernement rêvé de Benkirane
L’absence de femmes au sein du gouvernement serait due à un manque de « compétences ». Pour la Journée de la Femme, actuel apporte la contradiction à cette surprenante assertion. Et dévoile la composition d’un gouvernement dont Benkirane pourrait s’inspirer.
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Entre Benkirane et les femmes, tout avait bien commencé. C’était avant les élections législatives, lors d’aimables conversations de salon, de Rabat à Casablanca, où il s’agissait pour Fathia Bennis, animatrice du Women’s Tribune, et ses amies, de découvrir le parti islamiste « tel qu’il est, loin des mythes et des fantasmes ». C’était, surtout, avant la composition du premier gouvernement à majorité islamique que le Maroc ait connu. Abdelilah Benkirane rêvait d’un gouvernement resserré – une quinzaine de ministres tout au plus ? Il en réunira une trentaine autour de lui. Il se disait ouvert à la présence de femmes au sein de son équipe ? Le PJD et ses alliés lui en accorderont une seule, naturellement cantonnée à la Famille. « Je peux vous assurer qu’il n’y avait aucune volonté d’exclure les femmes de ce gouvernement », s’est-il excusé devant la presse au lendemain de la nomination de sa dream team. On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu de Bassima Hakkaoui s’il y avait eu « volonté »…
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Tel un boomerang
« Ce qu’il faut, surtout, ce sont des gens compétents. Les partis ont essayé… mais ce n’est pas facile », a cru devoir ajouter le chef d’un gouvernement parmi les plus machistes de la planète. A-t-il, à ce moment-là , mesuré l’inanité et l’indécence de ses propos à l’égard des femmes ? Le retour du boomerang ne s’est pas fait attendre. Outre une presse quasi unanime à dénoncer cette première faute, c’est tout ce que compte le Maroc de citoyennes actives et responsables, issues de tous les milieux professionnels, associatifs, économiques et… politiques, qui s’est levé pour dénoncer un tel mépris à l’égard des femmes, jusqu’aux portes et dans l’enceinte du Parlement. Incompétentes, forcément incompétentes…
Mais Benkirane, s’il a fini par agréer les propositions de ses alliés, n’est toutefois pas le seul responsable de cette situation. L’Istiqlal, le PPS et le MP sont, avec le PJD, tout autant redevables de cette injustice faite aux femmes. Qu’est-ce que ce gouvernement dont les membres doivent en passer par le théâtre d’ombre des petits arrangements entre amis au sein des instances dirigeantes des formations politiques ? La Constitution est claire : c’est au chef de gouvernement, nommé par le roi, de constituer et de proposer la nouvelle équipe gouvernementale. Un acte d’autorité, et non de soumission aux petites combinaisons d’appareils. Car Benkirane avait toute légitimité pour imposer une large représentation féminine au sein de son équipe. N’y a-t-il pas eu bien d’autres bras de fer au sein de la coalition lors de la constitution du gouvernement ? Or, le leader du PJD a rapidement cédé face au lobby machiste de ses alliés. Et prétendre vouloir nommer, demain, des femmes à la tête d’institutions et organismes divers ne réparera en rien cette faute originelle. Des femmes « compétentes », le Maroc en regorge ! Venues de tous horizons – de la politique ou de la société civile –, elles participent depuis de longues années, avec non moins de succès que leurs pairs, au développement de ce pays et à son rayonnement à l’international. Sans doute leur arrive-t-il de le faire de manière plus discrète et moins ostentatoire que quelques-uns de ces messieurs qui s’accrochent à leur mandat. A l’occasion de la Journée de la Femme, actuel a tenté de composer un gouvernement en faisant appel aux femmes. Un gouvernement resserré, comme l’imaginait Benkirane. Quatorze ministres aux côtés du chef de gouvernement. Curieusement, nous aurions pu composer deux, trois, quatre gouvernements de ce type tant les noms venaient à l’esprit.
Les noms et… les compétences ! Nos lecteurs, et les responsables politiques, pourront en juger.
Yanis Bouhdou
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Chef de gouvernement : Abdelilah BENKIRANE
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1. Ministre d’Etat : Bassima HAKKAOUI
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2. Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire : Fouzia IMANSAR
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3. Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, en charge des MRE : Latifa AKHARBACH
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4. Ministre de la Justice et des Libertés : Assia EL OUADIE
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5. Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget : Fouzia ZAABOUL
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6. Ministre de l’Equipement, du Transport, du Tourisme et de l’Environnement : Khadija BOURARA
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7. Ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime : Hassania CHERKAOUI
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8. Ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique : Rahma BOURQIA
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9. Ministre de la Santé : Oum EL BANINE LAHLOU
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10. Ministre de la Culture et de la Communication, porte-parole du gouvernement : Khadija ROUISSI
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11. Ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de la Fonction publique : Nabila MOUNIB
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12. Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies : Ghita LAHLOU
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13. Ministre de la Femme, de la Famille, de la Jeunesse et des Sports : Fatima Zahra MANSOURI
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14. Ministre des Habous et des Affaires islamiques : Asma LAMRABET
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Ministre d’Etat sans portefeuille
Bassima Hakkaoui : La survivante
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Si Benkirane n’a plus son Abdellah Baha, il faut lui trouver un nouveau cerveau gauche. Le chef du gouvernement a besoin d’un adjoint qui le cadre et Bassima Hakkaoui est apparue à ses yeux comme la candidate idéale. Psychologue de formation, la théoricienne du féminisme islamique est réputée pour son sérieux et un sens certain de l’organisation.
Elle est l’unique femme du gouvernement actuel... elle restera l’unique membre du PJD de notre gouvernement virtuel. En dépit de toutes les critiques dont elle a fait l’objet, elle a acquis ses galons de féministe paritaire en applaudissant les députées PAM au Parlement qui protestaient contre l’absence de femmes au gouvernement !
Si certaines de ses positions sur les festivals, les poses suggestives de Shakira ou sa légitimation de la polygamie défrisent, elles sont au moins cohérentes avec l’idéologie de son parti. Notre seule rescapée du gouvernement Benkirane 1 sait aussi surprendre et tenir un vrai discours politique en n’excluant pas, dans nos colonnes (voir actuel n° 127), d’organiser un référendum sur l’avortement.
Eric Le Braz
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Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire
Fouzia Imansar : La dame de fer
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Pour l’Intérieur, il fallait une femme réputée pour sa rigueur et sa connaissance intime du Makhzen. Fouzia Imansar, première femme gouverneur du Royaume, a d’abord fourbi ses armes, à partir de 1986, à la tête de l’Agence urbaine du Grand Casablanca. L’incorruptible va bouleverser le quotidien d’une structure qui brasse des montants vertigineux et qui fut longtemps soupçonnée de générer des revenus considérables aux fonctionnaires ripoux de la boîte. Plans d’aménagement, permis de construire, dérogations, tout a été passé au crible, ce qui a provoqué l’ire des requins de l’immobilier qui ont usé de tous les moyens pour la faire tomber.
Bardée de diplômes, celui de l’ENA, en plus d’un doctorat de l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (Iscae), jouissant de la confiance du monarque, Imanssar est nommée gouverneur, en 2006, de l’une des préfectures urbaines les plus importantes, celle de Aïn Chock, à Casablanca. C’est la première fois dans l’histoire du Maroc qu’une femme se retrouve à un rang aussi élevé dans le temple du Makhzen. Si la future liste des agents d’autorité sera hautement féminisée, c’est un peu grâce à la réputation d’efficacité que s’est faite cette dame au tailleur strict, à la tête de cette province. On racontait d’ailleurs que la hiérarchie du PJD avait un faible pour celle dont le père fut un grand imam d’Essaouira. Sa nomination à l’Intérieur est donc logique...
Abdellatif El Azizi
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Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, en charge des MRE
Latifa Akharbach Au cœur de la diplomatie marocaine
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Elle était déjà secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères sous le gouvernement Abbas El Fassi, mais ce n’est pas pour autant qu’elle ne sera pas reconduite au même département, cette fois-ci en tant que ministre. Ceux qui la connaissent de près vous le diront sans hésiter : Latifa Akharbach est un modèle de compétence, de rigueur et de sérieux. C’est aussi quelqu’un de très serviable. « Durant la période où Mme Akharbach a occupé les fonctions de secrétaire d’Etat, j’ai été très heureux d’avoir eu l’opportunité de travailler et de collaborer étroitement avec une dame affable d’une telle envergure… Elle est devenue, dans un laps de temps très court, membre à part entière de la famille diplomatique marocaine. Je me réjouissais de pouvoir bénéficier de son expérience », raconte Karim Medrek, directeur de la diplomatie et des relations non étatique au département des Affaires étrangères.
Professeur, journaliste, ancienne directrice de l’Institut supérieur de journalisme (ISIC) et de la radio nationale… elle a porté avec brio toutes ces casquettes avant d’atterrir en diplomatie. Native de Tétouan, Latifa Akharbach a d’abord cultivé un esprit scientifique couronné par un doctorat en mathématiques. Mais elle entreprendra rapidement un virage à 180 degrés en intégrant l’Institut supérieur de journalisme. Elle s’envolera ensuite pour l’Institut français de presse, à Paris, où elle décrochera un doctorat en sciences de l’information et de la communication en 1988. Si Latifa Akharbach a travaillé au « défunt » quotidien rniste Al Maghrib et à l’hebdomadaire La Vie Eco, ce n’est pourtant pas à l’exercice du journalisme qu’elle se voue, mais à l’enseignement. C’est donc en tant que professeur qu’elle revient à l’ISJ, baptisé ISIC en 1995. Elle y enseignera la communication d’entreprise et la presse écrite. « Les cours de Latifa Akharbach sont un vrai régal, on y va avec plaisir », se souvient l’une de ses anciennes étudiantes. Ses qualités humaines et professionnelles font d’elle une excellente diplomate.
Ali Hassan Eddehbi
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Ministre de la Justice et des Libertés
Assia El Ouadie : Soif de justice
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La soif de justice, Assia El Ouadie l’a biberonnée dès le berceau. Engagée dans une lutte sans merci contre l’injustice des années de plomb, la famille El Ouadie a payé un lourd tribut par un passage obligé dans tous les bagnes du pays. Alors que son père, un poète connu, compagnon de Ben Barka de surcroît, et ses trois frères faisaient de la prison à satiété, Assia faisait le tour des parloirs accrochée à la jellaba de sa maman. C’est pour cela que la jeune fille optera tout naturellement pour des études de droit. Elle a ainsi occupé les fonctions de magistrate au parquet du tribunal de première instance de Casablanca de 1971 à 1980. En 1988, elle participe à la naissance de l’Organisation marocaine des droits humains. Après un séjour à l’École supérieure de la magistrature à Bordeaux, elle rallie la justice mais de l’autre côté, celui de la défense, en intégrant le barreau aux débuts des années 80. En 2000, elle reprend langue avec le prétoire au poste de magistrat au sein de l’administration pénitentiaire où elle se spécialise dans la rééducation des délinquants mineurs. C’est pour cela que Benkirane, qui rêve de laisser une empreinte profonde sur le fonctionnement de la justice, n’a pas hésité à coopter cette magistrate qui ne cache pas ses préférences pour le respect de l’indépendance des juges, des droits de l’homme, et pour une politique pénale juste, visant à coordonner équitablement les volets préventifs, répressifs et sociaux de la lutte contre la délinquance.
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Abdellatif El Azizi
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Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget
Fouzia Zaâboul : L’experte
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The right woman at the right place. Sa nomination aux commandes des deniers publics fait l’unanimité, y compris au sein des organismes multilatéraux comme le FMI et la Banque mondiale. Le monde fermé de la finance n’a aucun secret pour Fouzia Zaâboul qui a été la cheville ouvrière de toute la réforme du marché des capitaux et de la Bourse depuis les années 90. Elle gèrera ensuite la dette intérieure en introduisant les techniques de gestion active, avant d’être promue directrice du Trésor. Sa nomination à la tête du ministère de l’Economie et des Finances vient donc couronner le parcours sans faute de cette haute fonctionnaire, connue pour sa rigueur et sa probité. Elle arrive aux commandes à un moment particulièrement difficile où les finances de l’Etat sont au plus mal. Zaâboul devra à la fois tenir tête aux lobbies des exportateurs qui réclament la dévaluation du dirham, et explorer de nouvelles voies pour limiter l’effondrement des réserves en devises. En professionnelle de la gestion de la dette, elle aura également à arbitrer entre le financement du Trésor sur le marché intérieur et la levée de capitaux à l’international, au moment opportun. La partie est loin d’être gagnée. Mais Fouzia Zaâboul a l’avantage de maîtriser parfaitement ces dossiers pour prendre rapidement les bonnes décisions.
Mouna Kably
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Ministre de l’Equipement, du Transport, du Tourisme et de l’Environnement
Khadija Bourara : Une copilote enfin aux commandes
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Numéro deux durant toute sa carrière aux côtés de ses deux mentors, Driss Benhima et Karim Ghellab, Khadija Bourara vit aujourd’hui une véritable consécration. C’est qu’elle connaît sur le bout des doigts les problématiques des infrastructures, y compris touristiques, et surtout celles du transport. Le fait d’avoir participé activement aux réflexions stratégiques, et à la mise en œuvre des principales réformes de ces secteurs, va lui être d’une grande utilité. La jeune femme ministre de l’Equipement, du Transport, du Tourisme et de l’Environnement saura aller droit au but, connaissant déjà les priorités : activer la stratégie de lutte contre l’insécurité routière via une commission interministérielle, nommer un patron de la Logistique pour accélérer la mise en œuvre de la stratégie nationale et créer l’Agence nationale de la logistique. Et puis et surtout, mettre à plat le problème du transport urbain. Doter le pays d’infrastructures est une bonne chose, mais faciliter la mobilité urbaine est une exigence que réclame un nombre croissant de citoyens. Un nouveau chantier auquel Bourara, qui quitte l’ONCF pour ce poste, compte bien s’attaquer durant son mandat.
Mouna Kably
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Ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime
Hassania Cherkaoui : Les pieds sur terre et sur mer
De la fermeté, de la rigueur et une bonne dose d’expertise. Ce sont les maîtres mots de la feuille de route de Hassania Cherkaoui au gouvernail de ce département stratégique. Grande spécialiste du droit maritime et femme de poigne, l’experte a accumulé des années d’expérience sur le terrain, dans l’enseignement, au Maroc et à l’étranger, mais aussi auprès de grands établissements publics et privés dont elle a été conseillère juridique. Une expertise qui lui a valu d’être nommée conseillère de Portius, premier centre au monde dédié à l’enseignement, au consulting et à la recherche européenne et internationale dans le domaine portuaire. Elle estime que le Maroc dispose de tous les atouts pour repositionner le secteur maritime face à la concurrence internationale. Une des grandes priorités serait de « développer la flotte maritime marchande » et de renforcer la présence du Maroc sur les routes maritimes internationales en faisant montre de plus de fermeté et en veillant à imposer le principe de réciprocité avec ses différents partenaires. Parallèlement, la formation d’expert en droit maritime, notamment des magistrats, devrait figurer au premier plan des chantiers prioritaires. Par ailleurs, la nouvelle ministre, qui estime que le Maroc a aussi une carte à jouer dans l’industrie maritime, entend mettre le paquet pour relancer la construction navale.
Khadija El Hassani
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Ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
Rahma Bourqia : La révolution tranquille
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Les rouages de l’enseignement n’ont plus de secret pour elle. Enseignante, ancienne doyenne et première femme présidente d’université au Maroc (celle de Mohammédia), Rahma Bourqia présente toutes les qualités requises pour reprendre en main le vaste chantier de la réforme de l’enseignement. Ses longues années de travail en tant qu’enseignante et sa formation initiale – doctorat en sociologie de l’université de Manchester (Royaume-Uni) – sont un atout supplémentaire pour mener à bien sa mission, et surtout tenter de sortir l’enseignement national de son marasme. Sans oublier sa contribution en tant que membre du Comité d’animation et de coordination de la réforme pédagogique de l’enseignement supérieur. Sage parmi les sages qui ont planché sur la réforme de la Moudawana, Bourqia est aussi connue pour ses nombreux travaux de recherche et essais de sociologie. Ce qui lui confère une bonne vision des réalités de la société marocaine et des attentes, aussi bien des jeunes que du marché de l’emploi. Une carte qu’elle saura faire jouer pour réussir là où ses prédécesseurs ont échoué, à savoir adapter la formation aux exigences du marché de l’emploi.
Khadija El Hassani
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Ministre de la Santé
Oum El Banine Lahlou : Une praticienne multi-spécialiste
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Ses cartes de visite parlent pour elle : ancienne urgentiste, médecin du travail, échographe, présidente du Forum libéral pour la santé, coordinatrice de l’Observatoire marocain de l’intégration de la femme dans la vie politique, membre du bureau politique de l’UC et députée... Oum El Banine Lahlou a un CV de ministrable et une double compétence rare : ce docteur en médecine est aussi titulaire d’un master de Sciences Po et d’un doctorat de droit public avec une thèse sur « La coopération internationale en matière de santé et son impact sur le développement du Maroc » (mention très honorable). Ouf ! Malgré son prénom, on conçoit qu’avec un tel parcours, on ne nommera pas à la famille cette candidate idéale au ministère de la Santé.
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Si vous étiez ministre de la Santé...
Actuel : Femme et médecin, c’est un plus pour être à la Santé ?
Oum El Banine Lahlou : Au cours de mon travail sur la coopération sanitaire, j’ai milité pour le développement socio-économique de mon pays. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de développement dans un pays sans une politique volontariste pour la promotion des femmes. Et c’est pour cela que j’ai créé l’Observatoire marocain de l’intégration de la femme dans la vie politique. Oui, il faut de toute évidence des femmes aux postes ministériels. Quant à mes compétences de médecin, je crois qu’un ministre doit avoir la formation de son secteur. Si on me proposait le ministère de l’Equipement, je refuserais. Il faut au minimum être ingénieur. Un ministre peut être un politique qui sait travailler avec des techniciens. Mais jamais il n’excellera s’il n’a pas la formation dans son secteur.
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Comment s’appliqueraient vos conceptions libérales si vous étiez ministre de la Santé ?
Ce n’est pas le libéralisme sauvage que nous préconisons mais le libéralisme à connotation sociale. L’Etat doit superviser, orienter et diriger la politique mais laisser les gens libres d’un point de vue économique. Il doit en même temps développer des structures d’accompagnement et de solidarité pour les gens qui ne peuvent subvenir à leurs besoins, et aider les indigents. Certains secteurs ne peuvent être privatisés. Mais dans les hôpitaux publics, il faut une gestion semi-privée et semi-publique plus rationnelle avec une gouvernance correcte.
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Quelle serait votre première mesure en tant que ministre ?
Il faut mettre en œuvre un vrai système de solidarité sociale. L’AMO ne concerne que 30% de la population. Le Ramed (Régime d’assistance médicale) ne fonctionne que dans une seule région. Ce système n’est pas non plus très efficace. Il n’y a pas une adéquation entre ce que payent les gens pour leur ordonnance et ce que l’AMO leur rembourse. Dans certains cas, l’AMO oblige les médecins à prescrire des génériques. Sinon, on ne rembourse pas ! Or tous les génériques ne se valent pas. Certains n’ont aucune action, c’est comme si on mangeait du pain. Il n’y a pas plus intolérable pour un médecin que lorsque le malade revient avec une ordonnance pour lui dire que le médicament n’a eu aucun effet. Prenez les antihypertenseurs, avec la molécule originelle de 5 mg, on peut stabiliser la tension ; mais un générique de 10 mg ne fait presque rien ! Au final, il faut dépenser plus avec le générique pour avoir le même effet qu’avec le princeps. Le gouvernement doit instaurer un système pour exiger la bioéquivalence avec le princeps.
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D’autres propositions ?
Il faut bien que je garde quelque chose pour l’appliquer plus tard ! Vous verrez prochainement que je déposerai des propositions de lois.
Eric Le Braz
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Ministre de la Culture et de la Communication, porte-parole du gouvernement
Khadija Rouissi : La liberté au pouvoir
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La nouvelle vice-présidente PAM du Parlement nous a affirmé qu’elle n’était pas candidate à un poste de ministre et que si elle avait à choisir, elle préférerait l’Education pour couvrir le Maroc de crèches.
Mais la fondatrice de Bayt Al Hikma est aussi une femme de convictions qui pourrait exceller dans des domaines où les valeurs de liberté qu’elle a toujours défendues sont primordiales... et malmenées. Reste que pour Khadija Rouissi : « J’aurais quand même du mal à être porte-parole de Benkirane. La mission ne sera pas facile ! »
Trop macho, notre chef du gouvernement ? « Lorsqu’on n’a pas intégré l’égalité comme valeur de la démocratie, ce n’est pas une erreur d’avoir une seule femme au gouvernement. C’est une culture, c’est ancré. » Madame la députée a cependant bien voulu se prêter au jeu...
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Si vous étiez ministre de la Culture…
Actuel : Quelle est votre conception de la culture Madame la ministre ?
Khadija Rouissi : La question de la culture est stratégique et dépasse un seul ministère, elle touche l’éducation, le tourisme, l’urbanisme... Mais surtout, la culture dépend d’une valeur fondamentale, c’est la liberté. Sans liberté, on ne peut pas parler de culture. L’art se nourrit de la liberté. C’est ce qui donne la créativité !
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Il n’y aura pas d’« art propre » avec vous ?
Je suis stupéfaite devant cette notion qui vient de naître en même temps que ce gouvernement. Lorsque Rouicha commence à écrire son poème, fallait-il lui dire avant qu’il ne le chante : « Attention, ça doit être propre ! »
Regardez l’histoire de l’humanité, le Siècle des lumières ou la Renaissance sont étroitement liés à la création et à la liberté. Lorsque les sociétés se referment sur elles-mêmes et violent cette valeur fondamentale qu’est la liberté, il n’y a plus de création.
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Ministre de la Culture et de la Communication, vous serez à l’intersection de la censure. Serez-vous aussi une ministre de la censure ?
Maintenant, on ne peut plus rien interdire. Le monde est devenu un petit village. La société doit être mûre et adulte pour supporter les critiques, même celles qui dérangent.
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Votre prédécesseur Mustapha El Khalfi a déclaré dans TelQuel qu’un journaliste était la parole du peuple...
Mais un journaliste a ses opinions, il a ses intérêts propres. Il ne peut être le porte-parole de personne, même du peuple. ça ne veut rien dire ! En revanche, il doit accompagner la construction démocratique en créant une opinion publique favorable à cette consolidation et aux valeurs démocratiques : la solidarité, la justice, la liberté, l’égalité... et ça s’arrête là  !
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Comment concevez-vous votre rĂ´le de porte parole ?
Aujourd’hui, le porte-parole vient pour nous dire ce qu’il s’est passé au conseil du gouvernement. Il doit en faire plus, ce n’est pas un facteur ! Il doit aussi aviser l’opinion publique des stratégies, de la vision, des difficultés du gouvernement. On attend toujours la loi de Finances et on n’explique pas pourquoi. Il faut expliquer les difficultés. Sinon, on ne prend pas au sérieux les citoyens...
Eric Le Braz
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Ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de la Fonction publique
Nabila Mounib : Une femme au royaume des machos
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Elle est belle, elle a toujours la fraîcheur et l’enthousiasme qui sied aux jeunes premiers. Ce n’est pourtant pas facile d’être la première patronne d’un parti politique au royaume des machos. Nabila Mounib a convaincu ses camarades du PSU que des convictions démocratiques solidement ancrées valaient bien le fait de confier la chefferie du parti à une femme. Incontestablement, Nabila Mounib a du répondant, et, cerise sur le gâteau, la seule patronne d’un parti politique dans le Royaume a du bagout. Depuis son élection, sensiblement, plutôt que de jouer les dames patronnesses, elle s’engouffre dans une âpre lutte pour améliorer la vie interne de sa formation politique. Au menu du PSU new look, une prise de décision collégiale, le renforcement des structures régionales et une véritable parité. « La concrétisation des acquis arrachés de haute lutte par les Marocaines est une urgence », explique-t-elle. L’autre urgence pour cette militante de la première heure, la lutte contre le chômage des jeunes que le PSU considère comme un chantier prioritaire. De quoi séduire un Benkirane à la recherche de compétences et d’idées neuves.
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Si vous étiez ministre de l’emploi…
Actuel : Quel serait votre chantier prioritaire à la tête du ministère de l’Emploi ?
Nabila Mounib. Il est paradoxal de voir tous ces diplômés chômeurs dans les rues alors que l’on parle de manque de compétences dans le pays. Il y a des milliers d’emploi qui ne trouvent pas preneurs dans les secteurs les plus porteurs en croissance. Le véritable chantier, c’est l’université, il faudrait renforcer la formation et surtout la « capacitation » des lauréats pour qu’ils puissent répondre aux besoins d’un monde en perpétuel mouvement.
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Pensez-vous Ă des mesures urgentes ?
Rétablir le service civil, par exemple, permettrait à des diplômés fraîchement promus de se frotter au monde du travail et d’acquérir une compétence inaccessible autrement. Il faudrait aussi encourager les produits du terroir. A l’ère du tout bio, le Maroc possède des richesses inexploitées, il suffit d’aider les paysans à mettre la production de leurs produits aux normes internationales.
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Cela réglerait-il la question de l’emploi ?
Celui des ruraux, en tout cas. N’oubliez pas que la précarité et le chômage endémique frappent surtout la périphérie. Or qui trouve-t-on dans ces bidonvilles d’une autre époque si ce n’est des personnes issues de l’exode rural ! En soutenant l’essor des produits du terroir, on fixera par la même occasion des populations qui forment le gros du lumpenprolétariat des villes.
Abdellatif El Azizi
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Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies
Ghita Lahlou : Une manager pour dynamiser les patrons
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Redonner un nouveau souffle au plan Emergence et sortir la machine industrielle, lourdement éprouvée par la conjoncture, de sa torpeur. Recadrer et dynamiser le secteur des technologies de l’information et la stratégie Maroc Numeric 2013. Lourde mission qui pèse sur les frêles épaules de cette centralienne, ancienne DG de CNIA assurances, qui a hérité du portefeuille d’Ahmed Réda Chami. Les attentes sont fortes sur tous les plans et les blocages aussi. La nouvelle ministre du Commerce et de l’Industrie saura-t-elle relever le challenge, mener à bien sa mission en accélérant le rythme des réalisations ? Réputée pour sa grande discrétion, Ghita Lahlou est aussi connue pour ses compétences managériales qui lui ont permis de gravir rapidement les échelons. Tour à tour directrice des ressources humaines et de la communication à l’ONA puis directrice des achats et des ressources humaines de Cofarma, la nouvelle ministre du Commerce et de l’Industrie a pendant longtemps été le bras droit de Moulay Hafid Elalami, et cheville ouvrière du groupe Saham.
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Khadija El Hassani |
Ministre de la Femme, de la Famille, de la Jeunesse et des Sports
Fatima Zahra Mansouri : Une femme de conviction
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« C’est un poste que je refuserais ! » ça commence bien. Et pourquoi la jeune député-maire refuserait un ministère où elle pourrait exceller au regard de son expérience à Marrakech ? Car elle est contre le concept même de ce département : « L’idée d’un ministère de la Femme et de la Famille, c’est une atteinte à la société. On base toute la vision sociétale sur la cellule familiale. C’est la vision du PJD et des partis extrêmes. Ma vision de la société, c’est le rapport de l’individu à l’individu et pas seulement à la cellule familiale. Un ministère de la Femme, c’est déjà dégradant pour la femme. Une seule femme dans un gouvernement, c’est une régression. Et, de surcroît, que cette femme ne puisse s’occuper que de la femme, c’est une insulte à l’intelligence des femmes. » ça, c’est dit. Mais il n’empêche que quand on lui pose des questions sur ce que pourrait faire ce ministère, elle prouve par ses réponses que sa nomination pourrait être tout à fait pertinente...
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Actuel : Votre expérience de maire (et de mère) vous a-t-elle donné des idées pour agir en faveur des jeunes ?
Fatima Zahra Mansouri : Oui. Je retiens de mon expérience marrakchie qu’il y a une absence de concertation entre les institutions et la jeunesse. La jeunesse s’est vu imposer des politiques la concernant sans jamais y contribuer. C’est pour ça que les jeunes boudent les institutions. A Marrakech, nous avons d’abord mené une étude dont le diagnostic était que la jeunesse était mal intégrée dans le paysage urbain. Le jeune n’a plus le sentiment d’appartenir à son quartier, sa ville ou son pays. On a longtemps exigé de lui des devoirs et aujourd’hui, il se contente de réclamer des droits. Le ministère aurait pour rôle de rétablir l’équilibre entre ces droits et ces devoirs. A Marrakech, nous avons d’abord commencé par écouter cette jeunesse, lors de réunions de concertation dans les quartiers, avant la mise en œuvre du plan communal de développement. Il en est sorti un plan d’action pour les équipements : nous avions un déficit de 60% d’équipements de proximité pour la jeunesse, des maisons de culture aux terrains de sport. Entre l’école et la famille, il n’y a que la rue ! L’institution doit jouer son rôle d’encadrant. Mais au niveau national rien ne pourra se faire sans concertation transversale entre les ministères. Car le premier problème des jeunes, c’est quand même l’emploi ! Et un ministère de la jeunesse ne peut pas y répondre seul...
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Pensez-vous qu’il faille légaliser l’avortement ?
Incontestablement. Nous savons que l’avortement est très pratiqué au Maroc et nous rendons les médecins délinquants et les femmes criminelles ! Mais j’ai sur cette question une réflexion religieuse. Il me semble que l’individu dans l’islam existe au moment du premier cri contrairement au code Napoléon où, théoriquement, l’individu peut hériter dans le ventre de sa mère ! Cependant, je ne suis pas pour des avortements anarchiques. Car l’interruption volontaire de grossesse peut être le plus souvent évitée si la mère prend des précautions. Mais quand il y a viol, danger pour la mère ou l’enfant, l’avortement se justifie.
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Que pouvez-vous faire pour les mères célibataires ?
Il faut d’abord changer le regard d’autrui et donc mener une campagne de sensibilisation. Il faut casser ce tabou qui est plus culturel que religieux. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille encourager les femmes à devenir mères célibataires ! Mais davantage les éduquer dans le sens des précautions à prendre.
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Votre prédécesseure à ce ministère a déclaré à Illi qu’elle était toujours contre les relations sexuelles hors mariage et que la parité consisterait à pénaliser les hommes comme les femmes...
Si sa vision de la parité est la répression, c’est dramatique. Elle nie les évidences ! Je n’aime pas nier l’évidence.
Eric Le Braz
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Ministre des Habous et des Affaires islamiques.
Asma Lamrabet : «Rien n’interdit que l’imam soit une femme »
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Asma Lamrabet est médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé pendant huit ans comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d’Amérique latine. Engagée depuis plusieurs années dans la réflexion sur la problématique de la femme, elle est coordinatrice d’un groupe de recherche et de réflexion sur la femme musulmane et le dialogue interculturel. Asma Lamrabet travaille actuellement à la « relecture des textes sacrés » à partir d’une perspective féminine. Devenue ministre des Habous à l’occasion de la féminisation du gouvernement marocain, elle peut aujourd’hui mettre en avant un islam moderne, décomplexé et novateur, et le diffuser grâce à un clergé... enfin mixte !
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Actuel : Que feriez-vous concernant les inégalités en héritage ?
Asma Lamrabet : La répartition inégale de l’héritage, dans le cas de la fratrie, dans le Coran a été considérée comme « révolutionnaire », dans le contexte de l’époque, pour les femmes qui n’en espéraient pas tant ! La pédagogie divine répondait à une conjoncture donnée, mais selon la lecture des finalités du Coran, cette révolution juridique ne devait pas s’arrêter là . Il faudrait poursuivre l’élan initial de cette dynamique et savoir reconnaître qu’aujourd’hui l’esprit de justice voulu par le Coran ne peut plus être concrétisé dans la réalité socio-économique que nous vivons, et qui n’a absolument rien à voir avec celle de l’époque de la Révélation !
Mais malheureusement, on ne peut pas régler la question de l’héritage sans avoir réglé toute la question de la « culture égalitaire » tant au niveau religieux que sociopolitique, les deux étant intimement liés. Il s’agit donc d’inculquer une véritable pédagogie de l’égalité telle qu’elle est symbolisée par les finalités du message coranique, et cela doit commencer très tôt dans le cursus scolaire. La société marocaine, qu’on le veuille ou non, est profondément religieuse, et instaurer l’égalité à partir du référentiel religieux et du message spirituel de l’islam est la meilleure manière de solutionner ce genre de problème. Ce sont les interprétations religieuses à travers des siècles de lecture patriarcale, à travers des discours religieux de plus en plus rigoristes et littéralistes, qui cautionnent cette culture de l’inégalité très présente encore dans notre société. Seule une réforme profonde de la pensée musulmane et surtout de l’éducation religieuse, est à même de permettre de débattre, de résoudre et de dépasser sereinement ce type de problème.
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Pensez-vous qu’il faille contrôler le contenu des prêches ? Que pensez-vous de la formation des imams ? Quel peut être leur statut ? Allez-vous augmenter leur salaire ?
Rien ne peut être résolu sous la contrainte ou le contrôle. Là aussi ce n’est qu’une réforme radicale de l’enseignement religieux en amont qui peut donner des solutions appropriées et particulièrement dans le cas de la formation des imams qui est, disons-le aujourd’hui, « dramatique », et ce, sur tous les plans. Cette fonction est dévalorisée aussi bien sur le plan de la formation qu’au niveau des statuts et des salaires qui sont dérisoires. Mais la question à mon avis qui reste à poser c’est, au-delà de la formation académique, comment gérer la relation entre le contenu du prêche, le statut officiel et le salaire des imams ? On est au cœur d’une dimension très sensible mais importante à résoudre, à savoir celle de l’instrumentalisation du religieux par le politique et vice versa ! La solution serait de penser une véritable « laïcité musulmane » mais c’est là un vaste débat pour lequel, il faut l’avouer, notre société n’est malheureusement pas encore prête !
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Quel regard portez-vous sur le prosélytisme, et les expulsions que nous avons vécues l’année dernière ?
Ce qui s’est réellement passé l’année dernière au Maroc n’a en fait jamais été très clair, et autant il s’agit de refuser le prosélytisme quel qu’il soit, autant il serait sage aussi de savoir affronter la réalité socioculturelle de certaines régions du Maroc qui sont dans la précarité et l’exclusion, et ne pas mélanger les registres ! Si l’on veut éviter ce genre de confusion à l’avenir, il faudrait aussi savoir se pencher sur les problèmes qui restent tabous tels que les enfants dits illégitimes, pauvres victimes de l’hypocrisie sociopolitique régnante. Il faut offrir de véritables et réalistes alternatives à ce type de problème.
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Faut-il protéger la liberté de culte au Maroc ?
Les croyants, quelle que soit leur religion, doivent être libres d’exercer leur culte et de vivre sereinement en conformité avec leurs convictions religieuses. Mais davantage encore, les non-croyants aussi devraient avoir le droit de vivre librement leur « non-croyance » et, un véritable Etat démocratique est justement celui qui offre un espace de neutralité, de respect et de protection pour tous ses citoyens. Cette liberté de conscience n’est pas, comme le pensent beaucoup, une valeur exclusivement occidentale, mais c’est bien une éthique fondamentale du message spirituel de l’islam, qui a malheureusement été marginalisée avec le temps, car une certaine lecture politisée de l’islam a toujours été réfractaire aux libertés individuelles !
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Peut-on espérer avoir une femme imam ?
Aucun texte religieux ne l’interdit. Aucun. Ce sont les traditions et les mentalités qui, durant des siècles, ont exclu les femmes de l’espace du sacré mais aussi du politique. Toutes les institutions religieuses, notamment des trois religions monothéistes, rivalisent avec la présence d’un « clergé » exclusivement masculin, et où le refus des femmes à des fonctions de leadership religieux est la norme ! En terre d’islam, on ne pourra espérer voir une femme imam que si l’on s’attelle, là aussi, et au préalable, à penser, à appliquer et à transmettre l’égalité entre femmes et hommes, à partir du référentiel spirituel de l’islam dans l’éducation et l’enseignement.
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Pensez-vous qu’il faille construire encore plus de mosquées ?
Il serait important de souligner ici le nombre de fois où nous remarquons une construction accrue de mosquées au sein d’un quartier qui en possède déjà plusieurs alors qu’il y aurait une nécessité flagrante d’écoles, de centres de formation ou de dispensaires de santé. Eduquer, soigner et instruire les gens, c’est aussi « islamique » – sinon même plus – que prier dans une mosquée… Là aussi, on accorde plus d’importance au rituel et donc aux apparences. Vivre en accord avec notre religion c’est être utile aux autres, travailler, combattre l’ignorance et l’injustice sociale. Ce sont là les véritables fondements de l’éthique de l’islam. Autre point important à dénoncer au sein de nos mosquées « modernes » : la « non-mixité » qui, paradoxalement à ce que l’on croit, est contraire aux enseignements du prophète. La mosquée au temps de la Révélation était un espace où femmes et hommes priaient ensemble, et débattaient des problèmes de leur société. Ce n’est qu’ultérieurement, sous le poids des traditions machistes qui ont refait surface, que fut proclamée l’interdiction de la mixité et que la séparation entre femmes et hommes, comme aujourd’hui, est devenue l’un des symboles majeurs du conformisme religieux !
Propos recueillis par Amira-GĂ©hanne Khalfallah |
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