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Le 20-FĂ©vrier s'essoufle... mais le Maroc bouillonne
actuel n°124, vendredi 13 janvier 2012
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La contestation sociale prend le pas sur les revendications politiques. Le mouvement du 20-Février revoit sa stratégie de protestation mais peine à mobiliser ses troupes. Les adlistes sont partis mais les diplômés-chômeurs sont de plus en plus actifs.


 

Le 20-Février s’essouffle. Le 20-Février s’enlise. Le 20-Février repart de plus belle. Si les médias ont du mal à suivre, c’est que le mouvement lui-même échappe à l’analyse tant ses composantes sont hétéroclites et fluctuent sans arrêt.

 Le dĂ©part des militants d’Al Adl a ajoutĂ© Ă  la confusion et aujourd’hui, ce qui est certain, c’est que cette dĂ©fection est un coup dur pour ce mouvement qui ne rassemble plus les foules. Dimanche dernier, dans le quartier populaire du Hay Mohammadi Ă  Casablanca, ils Ă©taient quelques milliers Ă  scander des slogans appelant Ă  des rĂ©formes politiques et Ă©conomiques urgentes, qui « rĂ©pondent aux attentes du peuple ».

 Ils Ă©taient un peu moins nombreux Ă  Sidi Moumen, malgrĂ© la proximitĂ© des bidonvilles. A Rabat, une ou deux centaines de protestataires ont arpentĂ© la principale avenue de la capitale du Royaume. Dans les autres villes du pays, ce sont les diplĂ´mĂ©s-chĂ´meurs et autres bidonvillois qui ont ravi la vedette au mouvement du 20-FĂ©vrier.

 Les slogans Ă©taient plus mesurĂ©s bien que le gouvernement Benkirane, accusĂ© de « jouer les Mr. Propre » du pouvoir, en ait pris largement pour son grade. Il semble que les recommandations de la dernière rĂ©union de la coordination du 20-FĂ©vrier, visant Ă  rester dans les limites des revendications de « changement dans la douceur », aient Ă©tĂ© dans l’ensemble bien respectĂ©es.

 D’une manière gĂ©nĂ©rale, mis Ă  part quelques sorties incendiaires Ă  l’adresse des mĂŞmes personnalitĂ©s du sĂ©rail, les revendications du Mouvement n’ont pas vraiment changé : une monarchie (rĂ©ellement) parlementaire.

 Sans oublier le droit Ă  l’emploi, la rĂ©forme de l’éducation, la rĂ©forme profonde de la justice, la justice sociale – la « SantĂ© pour tous » entre autres –, la lutte contre la corruption et les poursuites contre tous ceux qui sont impliquĂ©s dans le dĂ©tournement de deniers publics....

 

Le poids d’un retrait

Si le mouvement s’essouffle, c’est d’abord et en grande partie à cause du retrait des disciples de cheikh Yassine. Dès le début des manifestations, la Jamaâ s’est positionnée comme le moteur principal de ce mouvement de contestation.

 Tout au long de l’annĂ©e, les islamistes de la Jamaâ ont façonnĂ© le visage des marches dominicales du 20-FĂ©vrier, avec une prĂ©sence visible des gauchistes qui sont nĂ©anmoins beaucoup moins nombreux.

 Au lendemain de la « dĂ©mission » des adlistes, le mouvement du 20-FĂ©vrier qui avait organisĂ©, le dimanche 25 dĂ©cembre, plusieurs manifestations dans quelques villes, s’est trouvĂ© esseulĂ©. Pour sa première sortie sans la mouvance d’Al Adl Wal Ihsane, le mouvement a dĂ» se dĂ©mener afin de rassembler le minimum dĂ©cent pour occuper quelques artères.

 L’absence des disciples de Yassine a fait que dans des villes comme Rabat par exemple, fief des leaders emblĂ©matiques du M20, le nombre de manifestants n’a pas dĂ©passĂ© les 300 ou 400 personnes.

 Depuis, les membres du mouvement eux-mĂŞmes ont fait ce constat et reconnaissent avoir des difficultĂ©s Ă©normes Ă  mobiliser un aussi grand nombre de manifestants. MĂŞme si des militants actifs, comme Nizar Benamate, minimisent l’impact de la dĂ©fection des adlistes.

 Â«â€‰Il est clair qu’il y a un recul du mouvement mais mĂŞme si on ne nie pas que le dĂ©part des adlistes y est pour beaucoup, nous misons sur le retour de bon nombre de personnes qui avaient justement quittĂ© le mouvement parce qu’ils ne se voyaient pas militer cĂ´te Ă  cĂ´te avec les islamistes de la Jamaâ », explique le jeune homme.

 Il ajoute d’ailleurs que la participation des membres de la Jamaâ a permis de dĂ©mystifier le nombre des adeptes de Yassine qui, bien que visibles, sont loin de reprĂ©senter cette « armĂ©e » de militants que la Jamaâ laisse entendre.

 Â«â€‰En fait, le 20-FĂ©vrier, qui constitue un mouvement politique et social de type nouveau, s’est fait en dehors des partis et syndicats traditionnels. Parce que d’une part, il est dans la contestation politique et, d’autre part, il n’a pas confiance dans les structures politiques en place. Il ne faut donc pas s’étonner que le 20-FĂ©vrier, contrairement Ă  d’autres pays arabes, ne soit pas soutenu par la classe politique, d’oĂą la faiblesse du nombre », prĂ©cise Kamal Lahbib.

 Mais le prĂ©sident du forum altermondialiste marocain met en garde contre une tentative trop rapide d’enterrer le 20-FĂ©vrier : « Le mouvement s’essouffle, certes, mais est-ce que les revendications de dignitĂ©, les aspirations Ă  plus de dĂ©mocratie, les aspirations particulières sont susceptibles de s’essouffler ? D’une façon gĂ©nĂ©rale, la jeunesse a du mal Ă  trouver sa place dans une sociĂ©tĂ© encore fermĂ©e Ă  ses aspirations. Ce que je crains le plus, c’est que d’autres porteurs de revendications prennent le relais et, surtout, que ces attentes sociales ne dĂ©bouchent sur des confrontations violentes. »

 

Tendance à la « catégorisation »

Pour empêcher le glissement vers une disparition pure et simple, le M20 cherche davantage à recruter dans les rangs des catégories sociales les plus démunies, qui ont un cahier revendicatif précis comme les diplômés-chômeurs ou les bidonvillois.

 La dĂ©marche, menĂ©e essentiellement par les groupuscules d’extrĂŞme gauche qui noyautent le mouvement, ne suscite pas l’enthousiasme gĂ©nĂ©ral au sein du M20, mais il s’agit lĂ  du seul moyen de continuer Ă  exister.

 RĂ©sultat, la tendance Ă  une « catĂ©gorisation » des mouvements de protestation se prĂ©cise. On aura bientĂ´t des « franchises » du 20-FĂ©vrier Ă©margeant au sein de la famille des enseignants, au cĹ“ur du personnel de la santĂ© ou tout simplement parmi les usagers des services publics.

 Dans une sorte de « rĂ©volution par le bas », les mouvements de diplĂ´mĂ©s-chĂ´meurs, soutenus par leurs familles et proches, bien organisĂ©s, rompus Ă  « la guĂ©rilla urbaine » par des dĂ©cennies de sit-in et de marche dans toutes les villes du pays, sont en train d’occuper le devant de la scène.

 Aujourd’hui, les diplĂ´mĂ©s-chĂ´meurs des rĂ©gions pauvres du pays semblent ĂŞtre passĂ©s Ă  une vitesse supĂ©rieure avec des revendications qui ne se cantonnent plus seulement au registre professionnel.

 Des slogans anti-corruption apparaissent ça et lĂ , et les plus jeunes des diplĂ´mĂ©s ont exprimĂ© leur ras-le-bol du clientĂ©lisme dans le recrutement. Ils tirent Ă  boulets rouges sur une politique d’Etat qui a consistĂ© pendant longtemps Ă  acheter la paix sociale contre des mesures prĂ©caires et temporaires.

 Les promesses manquĂ©es de Driss Basri, vizir de Hassan II, garantissant un emploi dans le secteur public, ont fini par transformer  ces protestataires occasionnels en professionnels de la contestation, faisant de la manif une activitĂ© Ă  plein temps.

 

Des retombées multiples

Si le 20-FĂ©vrier a Ă©chouĂ© Ă  court terme, il n’en laissera pas moins une empreinte profonde. Ses retombĂ©es sont multiples.   La crise de 2011 a accouchĂ© d’une nouvelle Constitution, d’un nouveau Parlement et d’un nouveau gouvernement.

 Paradoxalement, c’est justement la rĂ©ponse rapide du pouvoir qui a dĂ©stabilisĂ© quelque peu le mouvement. Dès l’apparition des premiers signes d’une contestation gĂ©nĂ©rale, le Makhzen a eu la prudence de canaliser les mouvements de protestation en Ă©vitant de cĂ©der Ă  l’envie de matraquer Ă  tout va.

 La pĂ©rennitĂ© de la contestation doit beaucoup au sang froid « imposé » des forces de l’ordre qui – mis Ă  part quelques Ă©chauffourĂ©es – ont plutĂ´t bien gĂ©rĂ© les manifestations qui se sont succĂ©dĂ© depuis fĂ©vrier 2011.

 En plus, les rĂ©ponses politiques n’ont pas manqué : le roi a mĂŞme devancĂ© la rue en faisant passer par les urnes une nouvelle Constitution et en lançant des Ă©lections anticipĂ©es pour accĂ©lĂ©rer le dĂ©part du gouvernement honni de Abbas El Fassi.

 Dans la foulĂ©e, Mohammed VI n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  valider une rĂ©forme constitutionnelle qui fait dĂ©sormais du chef du gouvernement le chef de l’exĂ©cutif, avec une sĂ©paration nette des pouvoirs. « Nous rĂ©flĂ©chissons sĂ©rieusement Ă  une reformulation de nos appels car il faut reconnaĂ®tre que des slogans comme le dĂ©part du gouvernement ou encore la dissolution du Parlement ne sont plus Ă  l’ordre du jour », prĂ©cise Benamate.

Un jour ou l’autre, le mouvement du 20-Février, qui a démarré coincé entre le « califat » des islamistes et la révolution pure et dure des marxistes léninistes, devra trouver sa propre voie.

 

Des alliés potentiels

Les classes moyennes comme les populations démunies, qui regardaient ces jeunes avec suspicion, pensent toujours que ces militants « jouent à la révolution », un jeu dangereux par essence pour des franges sociales frileuses qui préfèrent de loin, la réforme à la révolution.

 Le mouvement du 20-FĂ©vrier a bien tentĂ© d’abandonner les quartiers cossus des grandes villes pour se concentrer dans les quartiers populaires, notamment Ă  Casablanca et Rabat, et ce, avec l’objectif avouĂ© de gagner la sympathie des « masses populaires ». Mais l’approche n’a fait que susciter, Ă  de nombreuses reprises, le rejet de la part d’une grande partie des habitants de ces quartiers.

 Reste la possibilitĂ© de se transformer en formation politique, chose que rejettent, pour l’instant, ces militants dont la plupart prĂ©fèrent Ă©marger Ă  une formation dĂ©jĂ  en place. Sur le fond, le mouvement du 20-FĂ©vrier a toujours des alliĂ©s bien commodes : la paupĂ©risation croissante d’une grande partie de la population, le chĂ´mage des jeunes et des moins jeunes, la chertĂ© de la vie, la mal-vie, le dĂ©ficit de logements, l’injustice, les richesses affichĂ©es de manière ostentatoire, et souvent sans origine connue. Tous les ingrĂ©dients d’une explosion sociale sont lĂ .

Abdellatif El Azizi

L’insoluble question du chômage

« Les chômeurs ne doivent pas compter sur moi pour les embaucher directement sans concours », affirmait Abdelilah Benkirane lors d’une rencontre à la Bourse de Casablanca, en pleine campagne électorale.

 Le chef de gouvernement a tout de mĂŞme promis de rĂ©duire le taux de chĂ´mage de deux points, le faisant passer Ă  7%. Maintenant qu’il est aux affaires, il se voit contraint de faire des concessions et de continuer le chantier ouvert timidement par son prĂ©dĂ©cesseur, Abbas El Fassi.

 Ce dernier, loin de concrĂ©tiser sa promesse Ă©lectorale de crĂ©er deux millions d’emplois au terme de sa lĂ©gislature, s’est vu contraint de lancer Ă  la hâte un programme d’embauche de 4 304 demandeurs d’emploi, sous la pression du 20-FĂ©vrier.

 Mais cela n’a pas calmĂ© les groupes de chĂ´meurs, dont la tĂŞte de file est l’Association nationale des diplĂ´mĂ©s chĂ´meurs au Maroc (ANDCM), crĂ©Ă©e en 1991, en plus de dizaines d’autres groupes locaux. Un problème insoluble depuis des dĂ©cennies, compliquĂ© par le climat politique et les besoins pressants de cette frange de la population.

 Selon les statistiques « officielles », mais contestĂ©es du haut-commissariat au Plan, le chĂ´mage toucherait dans les villes 31,3% des jeunes âgĂ©s entre 15 et 24 ans. Le Conseil Ă©conomique et social en a fait aussi une prioritĂ© et a publiĂ© un premier rapport sur cette question.

 Le CES y rĂ©vèle que deux tiers des jeunes sont au chĂ´mage depuis plus d’un an, et que parmi ceux qui travaillent, 40% occupent des emplois sous-payĂ©s. Le nouveau ministre de l’Emploi Abdelouahed Souhail, a dĂ©clarĂ© Ă  Al Massae, au lendemain des Ă©vĂ©nements de Taza, qu’il travaille d’arrache-pied sur la problĂ©matique et que pour lui la solution est « l’investissement ».

 Avant sa nomination, il avait soutenu une idĂ©e innovante intĂ©grĂ©e dans le programme du PPS : crĂ©er une « armĂ©e du savoir » composĂ©e de chĂ´meurs pour combattre l’analphabĂ©tisme et faire d’une pierre deux coups. 

Z.C.

***

Prix en hausse, salaires gelés

Théoriquement, l’économie marocaine reste faiblement inflationniste. Selon les chiffres du HCP pour la période janvier 2010 et novembre 2011, soit 23 mois, l’indice global des prix à la consommation a crû de 3,38%, soit 1,97% au cours de l’année 2010 et 1,38% durant les onze premiers mois de 2011.

 Rien d’alarmant a priori. Sauf que ces chiffres, aussi scientifiques soient-ils, n’auront aucune chance de convaincre la mĂ©nagère qui trouve que son panier est de plus en plus coĂ»teux. Pour elle, l’inflation, c’est de dĂ©penser aujourd’hui plus qu’hier.

 Et elle n’a pas totalement tort, puisqu’en l’absence d’un système d’indexation des salaires sur les prix, les petits mĂ©nages ne font que subir la valse des Ă©tiquettes. 

A.H.E.

***

Le Maroc des Ă©meutes

 Depuis quelques annĂ©es, des villes s’embrasent soudainement dans le Royaume. Chronologie d’une poudrière.

 

9 juin 2008. Sidi Ifni, petit port paisible au sud d’Agadir, s’embrase. En cause, une manifestation de chômeurs qui a dégénéré en affrontements ouverts avec la population. Le rapport d’une commission parlementaire dénonce l’usage disproportionné de la force.

 

23 septembre 2007. Près de 2 500 habitants de la petite ville de Séfrou se soulèvent contre les forces de l’ordre. Au départ, il ne s’agissait que d’une manifestation contre la cherté de la vie.

 

8 novembre 2010. Les autorités donnent l’assaut contre le camp de Gdim Izik, à Laâyoune. Aggravé par le conflit du Sahara, l’événement est d’origine sociale. La population sahraouie manifestait contre les différences de traitement entre les habitants de la région.

 

10 décembre 2010. La bourgade de Aït Youssef Ouali, dépendante d’Al Hoceima, s’embrase. Les habitants protestaient contre la dépossession d’une vieille dame de sa maison. Bilan : 25 blessés et 6 véhicules incendiés.

 

20 février 2011. La première manifestation du 20-Février dégénère à Al Hoceima. La population locale garde un profond sentiment de rancœur envers le pouvoir central qui a longtemps marginalisé le Rif.

 

25 février 2011. Dakhla, réputée pour être une des villes les plus paisible du Sahara, connaît elle aussi des émeutes. Là encore, le climat social délétère, plus que la politique, est en toile de fond.

 

15 mars 2011. Le mouvement de protestation des fils de retraité de l’OCP dégénère en émeute à Khouribga. Le chômage, la mauvaise répartition des richesses et le sous-développement de la ville en sont les causes profondes.

***

Bidonvilles

Un cancer en phase terminale

En 2050, on estime que plus de 3 milliards de personnes vivront dans des bidonvilles à travers le monde. On compte déjà plus de 100 millions de personnes sans abri et plus d’un milliard de mal-logée.

Le Maroc connaît à l’instar des autres pays en développement, un essor démographique sans précédent. Est-ce à dire que le programme « Villes sans bidonvilles » qui a débuté en 2004, et qui devrait se terminer cette année, est voué à l’échec ?

Vu comment les choses évoluent, il est permis de douter du fameux slogan lancé en grande pompe par Taoufiq Hejira. Ce programme concerne 83 villes et 298 000 ménages résidant dans près de 1 000 bidonvilles, un chiffre fluctuant malgré les assurances du département de l’Intérieur et du ministère chargé de l’Habitat.

Aujourd’hui, avec plus ou moins de bonheur, seulement « 42 centres urbains ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s villes sans bidonvilles » alors que la prolifĂ©ration des bidonvilles, qui a baissĂ© il y a quelques annĂ©es, a repris de plus belle depuis un an. Les raisons ? Le retour de la corruption des Ă©lus et des agents d’autoritĂ© a fait flamber la course aux baraques. Les bĂ©nĂ©ficiaires, encouragĂ©s par l’impunitĂ© ambiante qui règne depuis le dĂ©but du Printemps arabe, sont devenus plus gourmands et n’hĂ©sitent plus Ă  battre le pavĂ© pour avoir le maximum de privilèges comme, par exemple, celui d’obtenir un appartement pour chaque adulte rĂ©sidant dans une mĂŞme baraque dans le cadre du relogement.   

A.E.A.


Gouvernement

4 dossiers explosifs

Le gouvernement a mis du temps Ă  se former.  Il aura intĂ©rĂŞt Ă  ĂŞtre plus rapide Ă  agir.

Des dossiers aussi brûlants que le budget 2012, le spectre de la sécheresse ou les diplômés-chômeurs, occuperont le haut de la pile sur le bureau déjà bien encombré de Abdelilah Benkirane.

 

1) Un budget Ă  boucler

Première urgence du nouveau patron de l’exécutif : les finances avec une priorité, réformer la caisse de compensation qui a atteint un record de plus de 50 milliards de dirhams en 2011, alors que Mezouar avait misé sur moins de 17 milliards.

Nizar Baraka a travaillé sur un système qui tend à rompre avec une attribution des subventions et qui profite essentiellement aux populations les plus aisées. Avec la hausse des matières premières et la flambée des cours du pétrole, la situation est devenue carrément intenable.

Sur un plan plus général, le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé qu’une série de mesures seraient prises sur les plans financier, économique et social, pour permettre au nouveau gouvernement de financer ses vastes chantiers sociaux.

Sauf que d’un autre côté, la discussion du budget sera forcément marquée par la nécessité pour le gouvernement de réduire coûte que coûte le déficit de l’Etat. La quadrature du cercle, quoi !

 

2) Des chômeurs en colère

De l’argent frais, le gouvernement en a d’abord besoin pour désamorcer la bombe des diplômés-chômeurs. Jamais auparavant, les intéressés n’avaient montré autant de détermination à décrocher un emploi dans l’administration.

Si le pays s’embrase, ce ne sera pas à cause de l’activisme du 20-Février mais plutôt en raison du jusqu’au-boutisme des diplômés-chômeurs, qui n’hésitent plus à croiser le fer avec les forces de l’ordre comme en témoignent les troubles de Taza (voir pages 26 à 29).

Quand le nouveau ministre de l’Enseignement a voulu rejoindre son quartier général, il en a été empêché par une foule en délire. Même quand le ministère de l’Intérieur organise un vaste concours pour recruter plus de 5 000 diplômés dans les collectivités locales, les associations de diplômés chômeurs appellent au boycott « en raison des suspicions qui planent sur l’intégrité des examens et sur la volonté réelle du ministère de recruter sans favoritisme dans les rangs des demandeurs d’emploi ».

 

3) L’impossible résorption des bidonvilles

Autre dossier brûlant, les bidonvilles. Prenant chaque jour plus d’ampleur, ce dossier qui devait être soldé dès les premières années du mandat Hejira est devenu pratiquement insoluble en raison des nouveaux venus : des armées de ruraux chassés par la misère et qui réussissent aisément à acheter des baraques dans de nouveaux bidonvilles pour faire chanter les pouvoirs publics.

Signe des temps, ces bidonvillois gagnent en audace puisqu’ils n’hésitent plus à bloquer un cortège royal pour obtenir gain de cause. Pire, il y a maintenant des squatteurs économiques ! Un rapport récent du ministère de l’Intérieur a révélé une situation catastrophique, dont des usines érigées dans des entrepôts clandestins, qui ne figurent pas dans les registres du Conseil de la ville de Casablanca. Nabil Benabdallah devra s’armer de courage pour s’attaquer à ce dossier qui implique de gros enjeux financiers.

 

4) La santé toujours malade

Toujours sur le plan social, El Hossein El Ouardi n’a pas pris ses fonctions que les hĂ´pitaux ont Ă©tĂ© paralysĂ©s par une sĂ©rie de grèves. La grève gĂ©nĂ©rale observĂ©e dans l’ensemble des Ă©tablissements et centres hospitalo-universitaires marocains, Ă  l’appel de la FĂ©dĂ©ration marocaine de la santĂ© (FNS) affiliĂ©e Ă  l’UMT (Union marocaine du travail), vise Ă  mettre la pression sur le nouveau gouvernement pour accĂ©lĂ©rer la rĂ©ponse au dossier revendicatif du personnel de ce secteur. Les grĂ©vistes rĂ©clament notamment l’amĂ©lioration des conditions de travail et de la situation sociale et financière. Les 46 000 fonctionnaires du secteur de la santĂ©, dont 26 000 infirmiers, avaient donnĂ© des cheveux blancs Ă  Yasmina Baddou qui avait choisi le bras de fer au lieu de trouver un terrain d’entente avec les mĂ©decins.  Benkirane aura-t-il assez de marge de manĹ“uvre pour mener Ă  bien le travail titanesque qui attend son Ă©quipe ? Sachant qu’il dĂ©marre sa lĂ©gislature dans une conjoncture Ă©conomique trop difficile pour avoir rĂ©ellement les moyens d’acheter la paix sociale. On en saura plus Ă  la fin du mois, puisque c’est Ă  ce moment-lĂ  que la première mouture de la  loi de Finances devrait ĂŞtre prĂ©sentĂ©e au Parlement.

Abdellatif El Azizi

***

La corruption dans l’âme

« Le peuple veut la chute de la corruption. » C’est l’un des slogans phares du mouvement du 20-Février, qui a recueilli l’adhésion de tous, y compris des détracteurs du mouvement. C’est que le Maroc souffre d’une corruption qui le gangrène depuis longtemps et qui se répercute manifestement sur son classement mondial (honteux) en la matière.

 Le premier dĂ©cembre 2011, Transparency International a dĂ©voilĂ© son Indice de perception de la corruption (IPC) 2011. Le Maroc passe de la 85e Ă  la 80e place, mais avec une note de 3,4 sur 10, comme en 2010. La corruption n’a donc pas reculĂ© dans le Royaume.

 Pire, entre 2007 et 2011, le Maroc a reculĂ© de 8 places. La raison de cet Ă©chec, c’est que le phĂ©nomène est d’abord culturel. Sur ce registre, le PJD a promis dans son programme de « revitaliser les valeurs nationales ».

 L’expression reste vague, mais le parti de la lampe ferait mieux de l’interprĂ©ter dans ce sens plutĂ´t que de mettre l’accent sur les aspects moralistes superficiels. Ceci pour la corruption quotidienne. Autrement, pour les affaires de gros sous, et autres privilèges et pots de vin qui se comptent en millions de dirhams, ce sera du ressort de la justice appelĂ©e Ă  ĂŞtre indĂ©pendante ou, Ă  la rigueur… moins corrompue. 

 â€‰A.H.E.

 ***

 


Taza

Les raisons de la colère

La ville de Taza a vécu un mercredi noir où de violents affrontements ont éclaté. Pourtant, cette situation aurait pu être évitée si la population avait été prise au sérieux.

 

Taza est paisible ce vendredi 6 janvier. Mais le « mercredi noir », jour de la révolte populaire qui s’est soldée par une vingtaine de blessés officiellement, près d’une centaine selon les manifestants, est dans tous les esprits.

Les habitants du quartier El Koucha, foyer de la contestation, se mobilisent dès 13h pour marcher vers le siège de la province à 16h30. L’édifice est protégé par une centaine d’agents des forces de l’ordre armés de boucliers, de matraques et de gilets.

Les slogans entonnés résument la colère grandissante de la population à l’égard des autorités locales, en commençant par les élus locaux jusqu’au gouverneur de la ville, Abdelghani Sebbar, et aux forces de police.

« Gouverneur dégage », « Taza a ses hommes », « Mamfakinch, Mamfakinch, on ne payera pas l’eau et l’électricité », « Mon Dieu quelle honte, l’odeur de la pourriture est devenue trop étouffante ». A l’avant du cortège, une grande banderole où l’on peut lire : « La population de Taza réclame le départ du gouverneur et du directeur des offices de l’eau et de l’électricité ».

 

La « hogra » attise la révolte

La rue principale, qui va du quartier El Koucha au siège de la province situé à une dizaine de mètres, porte encore les stigmates des affrontements du mercredi. Des traces de pneus brûlés, des débris de verre et des pierres jonchent le sol.

Les cafés et les magasins n’ont pas souffert des affrontements, pourtant très violents, qui ont eu lieu l’avant-veille. « Vous voyez, c’est la preuve que contrairement à la version officielle, nous ne sommes pas des émeutiers mais des citoyens exaspérés par la gestion des autorités locales. Ici, le Makhzen s’est transformé en monstre », témoigne Abdelaziz, un habitant de la ville.

Et d’ajouter : « Nous aurions pu brûler la province, mais nous ne l’avons pas fait. Tout ce qu’on a fait, c’est nous protéger. » Les habitants accusent les autorités de violence verbale et d’autisme face au problème des Tazaouis.

« J’emmenais mon fils à l’école quand un mokhazni m’a empêché de passer. Je lui ai expliqué où j’allais. Il m’a répondu : "Alors comme ça les gens d’El Koucha vont à l’école eux aussi !" », s’indigne un père de famille. Au fond, quand on prête bien l’oreille à ce que dit la population locale, c’est le peu de considération et la « hogra » qui ont fait exploser la ville.

La population et les cadres associatifs rapportent des discussions qu’ils auraient tenues avec les responsables, mais qui sont malheureusement impossibles Ă  vĂ©rifier  en raison du refus du gouverneur de nous rĂ©pondre, malgrĂ© nos sollicitations multiples.

Omar Kachmar, membre du bureau du Groupe des licenciés chômeurs de Taza (GLCT), un collectif qui compte 480 jeunes, affirme que le gouverneur leur aurait dit : « Si vous essayez de pénétrer à l’intérieur de la préfecture, je vous renverrai tous en chaise roulante […] Vous n’êtes pas des Sahraouis pour que je vous embauche directement dans la fonction publique. »

Et ça ne s’arrête pas là. Quand les employées de la zone industrielle ont réclamé la régularisation de leur situation (CNSS, droits syndicaux, etc.), le gouverneur leur aurait dit : « Taza est connu pour ses jolies filles. Ne polluez par leur esprit avec cela car c’est les pousser à faire le trottoir. »

 

Une facture de 9 000 dirhams

C’est cette exaspĂ©ration, couplĂ©e aux problĂ©matiques sociales que connaĂ®t la ville, qui a fait exploser la marmite.  Abdeslam El Himout, membre de la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), rĂ©sume ces problèmes.

« Il y a les chômeurs, puis le manque d’infrastructures notamment à la faculté polydisciplinaire qui n’a pas de cité universitaire, ainsi que le problème du quota des bourses qui n’est pas respecté. Les travailleurs de la zone industrielle sont dépourvus de leurs droits, notamment le plus élémentaire, le droit d’affiliation syndicale. Enfin, il y a les habitants du quartier El Koucha qui souffrent du manque d’infrastructures et de factures faramineuses d’eau et d’électricité », explique-t-il.

Une visite au quartier El Koucha permet de vérifier ces allégations. Les factures ici sont salées. Des habitants ont même enlevé des ampoules pour alléger des mensualités qui varient de 500 à 2 000 dirhams, atteignant un pic de 8 951 dirhams ! « Venez voir la piscine de ma villa », ironise un habitant qui occupe un modeste deux-pièces avec un toit en tôle.

Les habitants dénoncent les « estimations » faites par les employés de l’ONE qui ne sont pas régulières. L’accumulation des consommations fait qu’une fois le relevé établi, la tarification passe à la quatrième tranche.

Sans oublier que beaucoup de foyers partagent un même compteur, ce qui a tendance à vite gonfler la consommation et à basculer la facturation vers la quatrième tranche. Notre source au sein de la province reconnaît ce problème et assure que cette question est en train d’être réglée.

Les habitants d’El Koucha se plaignent de ne pas être pris au sérieux par les autorités, qui ne font que les calmer, notamment en attendant la fin de la période électorale. Ce quartier de 8 000 âmes, composé de trois grandes zones (Takkadoum, Tawassou3 et Wifak) souffre également du manque d’infrastructures et de la prolifération de la drogue.

La population parle de deux morts dans des bagarres en un mois. « Le chômage mène à la consommation de drogue qui nous plonge dans l’insécurité. C’est un cercle vicieux », s’indigne Mohamed Ghalaf, un habitant. A la province, on assure que le quartier est au cœur des préoccupations, avec notamment des projets d’INDH en cours. Mais cela ne paraît pas convaincre la population.

 

Le sécuritaire avant le social

« Nous n’appelons pas à la chute du régime, nous voulons juste payer des factures raisonnables et on ne veut plus être traités comme des awbach (sauvages) », témoigne un habitant.

Les riverains ont été très affectés par le traitement réservé par les médias officiels aux événements de Taza, présentés comme l’œuvre d’adolescents émeutiers. « Notre quartier a été marginalisé par l’histoire, pourtant il a donné à ce pays de hauts cadres, comme l’actuel chef de sécurité des palais royaux », assure Saïd.

Et de poursuivre : « Le traitement diffère selon que tu es issu du centre-ville ou d’El Koucha. Ici quand un crime est commis, on accuse tout le quartier. » Abdenbi Yaacoubi, un cadre associatif du quartier rappelle les richesses de sa région.

« Tous les jours, des camions qui viennent des zones d’extraction de pierres passent par ici ; à côté, nous disposons d’un patrimoine forestier, mais tout ce que nous gagnons, c’est la poussière. »

Au-delà du quartier, l’on sent que les Tazaouis se sentent heurtés dans leur fierté. Ils rappellent que c’est à partir de leur ville, plus ancienne que Fès, que la première balle a été tirée contre le colonisateur français.

Ils se remémorent le passé de leur cité, porte du Rif et zone d’insurrection qui a toujours effrayé le Makhzen. « Le souci sécuritaire a toujours primé sur le souci social. Le pouvoir central a tout fait pour diviser les tribus locales des Brans, Toul, Ghiata et Riaffa. Il nous a ensuite marginalisés à cause du fait que le colonel Ababou et nombre des élèves putchistes d’Ahermoumou sont issus de la région, divisée par la suite en plusieurs chefs-lieux : Sefrou, Guercif et Taounate », explique Mohamed Chiabri, président de la section locale de l’AMDH.

Les cadres associatifs de la ville rappellent une anecdote. Le roi Hassan II, interrogé à une époque sur la situation sociale de son pays, aurait déclaré : « Taza avant Gaza. » Une promesse restée sans lendemain pour les habitants de cette ville, qui attendent toujours de sortir de la marginalisation et de bénéficier du respect qui leur est dû.

Zakaria Choukrallah

Reportage photos Brahim Taougar

***

Chronologie des faits


23 août 2011

Le premier signal d’alarme. Les diplômés-chômeurs, constitués en deux groupes (Association nationale des diplômés-chômeurs du Maroc et le Groupe des licenciés-chômeurs de Taza), installent un campement devant la préfecture et organisent des ftours collectifs. Les autorités procèdent au démantèlement du camp le mardi 23 août à l’aube. Des affrontements éclatent mais ne font pas de blessés.

 

12 novembre 2011

Les habitants du quartier El Koucha entament une série de sit-in pour réclamer la rationalisation des factures d’eau et d’électricité, et la revalorisation de leur quartier qu’ils considèrent « marginalisé ».

 

Lundi 2 janvier

Les deux groupes de chômeurs tentent de forcer l’entrée du siège de la province. Parmi eux, une dizaine qui se fait appeler « groupe des martyrs ». Ces derniers se disent prêts à se jeter du toit de la préfecture s’ils ne sont pas embauchés.

 

Mercredi 4 janvier

Les groupes de chômeurs envahissent le siège de la préfecture. Les forces de l’ordre interviennent, et blessent, selon le GLCT, une femme enceinte et une autre jeune femme. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et pousse les habitants d’El Koucha à se solidariser, toujours selon les manifestants.

 Selon la Map, les heurts ont Ă©clatĂ© quand des Ă©tudiants qui ont rejoint les manifestants ont caillassĂ© les forces de l’ordre. Selon une source de la province, qui a requis l’anonymat, des chĂ´meurs auraient mis le feu aux poudre.

 Â«â€‰Cela fait six mois qu’ils manifestent et on ne les a pas touchĂ©s. Ils ont investi le siège de la province chargĂ© de pierres et de diluant pour incendier le bâtiment. Nous Ă©tions obligĂ©s de rĂ©agir et de nous dĂ©fendre », assure-t-il.

 Les associatifs ne nient pas la violence de certains manifestants venus soutenir les chĂ´meurs, mais assurent pour leur part que ce sont les forces de l’ordre qui ont provoquĂ© l’émeute. Les affrontement, très violents, entre la population et les forces de sĂ©curitĂ© commencent Ă  11h30 et se poursuivent jusqu’à 19h.

Ils font officiellement 20 blessés, dont 14 parmi les forces auxiliaires, 3 policiers et 3 citoyens. Les habitants déclarent qu’il y a plus de blessés, et que ces derniers se sont fait soigner dans des maisons par des habitants, des médecins et des infirmiers bénévoles afin d’éviter d’éventuelles arrestations.

 La population de BĂ©ni Bouayach se solidarise et bloque la route nationale n°2. Objectif : empĂŞcher les renforts de police d’arriver de la ville d’Al Hoceima, oĂą ils sont stationnĂ©s. Ces derniers arriveront en rĂ©alitĂ© du Sud, des villes de Fès et d’Ifrane.

 

Jeudi 5 janvier

Les associations et organisations politiques organisent une conférence de presse et adressent des recommandations : la démission du gouverneur, l’ouverture d’une enquête menée par des instances indépendantes, la démission du conseil de la ville et des directeurs locaux de l’ONE et de la Radeta.

 Le soir, des manifestations de soutien ont lieu Ă  BĂ©ni Bouayach, Ă  Fès et Ă  Tanger. Les coordinations du mouvement du 20-FĂ©vrier annoncent des manifestations nationales le week-end sur le thème « On est tous Taza ».

 

Epilogue

La majorité gouvernementale réagit de façon brouillonne aux événements. Il n’y a aucune décision officielle, mais les médias rapportent une divergence d’opinion entre le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, et son ministre de la Justice, Mustafa Ramid, allégations niées par les principaux intéressés.

Le Parti de la justice et du dĂ©veloppement (PJD) dĂ©pĂŞche sur les lieux l’acteur et dĂ©putĂ© Ahajjam, puis des rumeurs annoncent l’arrivĂ©e de Benkirane lui-mĂŞme. Affaire Ă  suivre !  

Z.C.

***

BILLET

Circulez, il n’y a rien à dire

Bonjour, nous sommes journalistes au magazine actuel et nous voudrions parler à monsieur le gouverneur », déclarons-nous, Brahim Taougar (photo-reporter) et moi-même, à l’employé posté à la réception.

 Affable, il note nos noms, prĂ©noms, numĂ©ros de cartes de presse et nationale. Un de ses collègues, muni d’un talkie-walkie fait son entrĂ©e, nous interroge sur notre identitĂ© avant de recommander Ă  son collègue « de ne rĂ©pondre Ă  aucune question ».

 Je lui tends ma carte, il l’ignore, puis son collègue sourit et m’explique que cet agent de la DAG (Direction des affaires gĂ©nĂ©rales) « ne sait pas lire ». Les prĂ©sentations faites, on nous demande d’attendre Ă  l’extĂ©rieur.

 Quelques minutes plus tard, l’employĂ© au talkie-walkie nous explique qu’en haut, ils se renvoient la balle, et que personne ne peut rĂ©pondre pour le moment. Je lui confie ma carte et lui explique que tout ce qu’on veut, c’est donner l’occasion aux autoritĂ©s de rĂ©pondre aux accusations des citoyens. Plus tard, je croise un pacha, très souriant, qui s’étonne de la prĂ©sence des mĂ©dias.

Je lui explique que nous ne serions pas venus si la situation n’avait pas dégénéré. Très aimable, il nous dit « bah, parlez-moi, je suis là ». Je sors mon carnet, il prend le large et me tapote l’épaule comme pour s’excuser.

 Un fax et plusieurs coup de fil plus tard, une source de la province daigne enfin nous rĂ©pondre. Sous couvert d’anonymat. La loi ne protège toujours pas les fonctionnaires de l’Etat qui encourent des sanctions s’ils parlent.

 Ils prĂ©fèrent donc se taire. Des situations similaires se reproduisent Ă  longueur de temps lors des reportages. Cette fois-ci, nous avons eu « la chance » de tomber au moins sur des gens souriants. Les autoritĂ©s accusent souvent les journalistes de la presse indĂ©pendante de ne rapporter que la version des habitants. Vous savez maintenant pourquoi.

Z. C.

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