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Sondage exclusif : Benkirane, Monsieur 82%
actuel n° 120, vendredi 9 décembre 2011
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Rarement chef de gouvernement aura bénéficié d’une telle adhésion au lendemain de sa nomination. 82% des Marocains font aujourd’hui confiance au leader du PJD. Un score qui l’oblige.


La nomination, par le roi, de AbdelilahBenkirane au poste de chef de gouvernement au lendemain de la victoire du PJD aux élections législatives, ouvre assurément une période inédite dans l’histoire du Royaume. Cet « An 1 » de la nouvelle Constitution, animé par la coalition que s’apprête à réunir le (futur ex) secrétaire général du PJD sera observé à la loupe, tant les attentes et les défis à relever sont grands pour le leader d’une formation qui a beaucoup promis.

Le sondage réalisé du 2 au 5 décembre pour actuel par l’institut LMS-CSA, auprès de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus, en face à face, est une première. Il éclaire sur le degré de confiance, exceptionnel, dont le chef du gouvernement bénéficie au lendemain de sa nomination.

Surtout, il hiérarchise les dossiers prioritaires auxquels le prochain gouvernement doit s’atteler sans tarder, il révèle les principales attentes de la population en matière de politique économique et sociale, il traduit un ancrage profondément conservateur de la société marocaine.

Enfin, il porte les espérances d’un Maroc, acteur reconnu sur la scène internationale et partenaire des grands, ou réputés tels, de ce monde. A New York demain au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, à Ankara aux côtés de la Turquie, en Afrique pour assumer un nouveau leadership sur le continent, au Maghreb et au Proche-Orient pour tirer tous les enseignements du Printemps arabe avec les pays frères.

AbdelilahBenkirane porte désormais une lourde responsabilité. Lorsque 82% de vos concitoyens ont « plutôt » ou « tout à fait » confiance en vous pour conduire les rênes du nouveau gouvernement et appliquer sans tarder le programme pour lequel ils vous ont donné la victoire, le défi est immense.

A la mesure, précisément, de la confiance accordée. Un tel plébiscite impose au nouveau leader de la majorité une obligation de résultat. S’il est naturellement réjouissant pour le mentor du PJD, un tel degré de confiance demande à être confirmé. C’est là tout l’enjeu des premières mesures fortes qui seront prises et, surtout, de la capacité de la nouvelle équipe gouvernementale à les mettre réellement, ou non, en œuvre.

Henri Loizeau

***

MĂ©thodologie

Ce sondage, réalisé par LMS-CSA pour actuel, a été effectué auprès d’un échantillon de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus, sur l’ensemble du Royaume, en milieu urbain (55,2%) et rural (44,8%), durant la période du 2 au 5 décembre.

Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire structuré, administré en arabe dialectal, au cours d’entretiens en face à face dans des lieux publics ou à domicile. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas, par application des variables : genre, âge, niveau d’instruction, et catégorie socio-économique.

Corruption, santé et enseignement

Les attentes des Marocains

Ces trois chantiers prioritaires aux yeux des personnes interrogées demanderont du temps… et de l’argent. Dans l’immédiat, il faut un sommet social pour dresser l’état des lieux avant de passer à l’acte.

Grosse surprise au niveau des attentes de l’électorat. Si 82% des Marocains ont donné leur quitus à Benkirane, ils attendent de son gouvernement qu’il tienne toutes ses promesses et vite. Mais au regard des revendications énoncées, ce ne sera pas une mince affaire.

C’est même quasi impossible à court terme. Lutter contre la corruption (62%), faciliter l’accès aux soins (59%) et réformer l’enseignement (51%) sont des chantiers de longue haleine qui, même lancés dans l’immédiat, ne porteront leurs fruits que dans une dizaine d’années au moins !

« Le fort taux de confiance traduit d’abord un désir de changement, après avoir tout essayé sans grand résultat ! », interprète Jamal Belahrach, président de la commission Emploi à la CGEM. En tout cas, ceux qui ont voté PJD croient qu’il réussira là où les autres ont échoué.

Et notamment dans ces trois domaines où le Maroc est classé parmi les derniers de la classe. Ainsi, les citoyens de la région du centre comptent sur Benkirane pour s’attaquer à la corruption, normal, c’est le poumon économique du pays (78% des réponses). Les femmes, elles, veulent d’abord une réforme de la santé (65%)... avant la défense de leurs droits. Sans surprise, ce sont les jeunes de 18-24 ans qui exigent une réforme rapide de l’enseignement (60%).

Instaurer la confiance

« Mais l’exercice du pouvoir n’a rien à voir avec les prises de position du PJD à l’opposition. » Il faudra bien que Benkirane se frotte aux règles de la realpolitik… si ce n’est déjà fait. D’autant qu’il arrive au pouvoir à un moment très critique, où les finances publiques sont au plus mal.

A un moment aussi où les tensions sociales tiraillent les classes les plus défavorisées, broyées par le chômage et le renchérissement du coût de la vie, et où l’état déplorable des économies des pays partenaires limite les perspectives d’entrées en devises.

« C’est d’ailleurs étonnant que dans le sondage, la lutte contre le chômage et les mesures en faveur de l’emploi ne figurent pas parmi les trois premières priorités des Marocains ! », relève Mohamed Soual, économiste, membre du bureau politique du PPS.

Le chômage constitue pourtant une plaie dans toutes les régions du Royaume. « Sans doute que les gens en marge de la société ne se font guère d’illusion, après des décennies de promesses non tenues… »

A signaler au passage que la régionalisation (4% des réponses) et la renégociation des ALE (3%) constituent le cadet de leurs soucis. En revanche, le désir d’une redistribution des richesses est fort : encouragement à l’habitat social (36%), réforme de la Caisse de compensation (28%), réforme fiscale (26%), plus grande justice sociale (21%).

Alors, quelle mesure immédiate doit prendre le gouvernement Benkirane pour préserver les finances publiques, sans décevoir son électorat, et indirectement, envoyer un signal à l’international ?

Instaurer la confiance. C’est le mot d’ordre, à croire l’homme d’affaires et l’économiste. Il est vrai que le PJD n’a aucune expérience dans la pratique du pouvoir et ses premières décisions seront suivies de très près, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

« Avant d’initier toute action, le gouvernement doit, d’urgence, tenir un sommet social en présence de tous les partenaires sociaux et acteurs de la société civile », suggère Belahrach. Avis partagé par Soual qui recommande la tenue d’une réunion avec le Conseil économique et social (CES) pour dresser l’état des lieux dans trois mois.

« Il est nécessaire de faire le diagnostic de la situation, avant de prendre toute décision », précise-t-il. En revanche, la mesure phare qui frapperait les esprits serait « de publier le patrimoine de tous les membres du gouvernement et de leur faire signer l’engagement de ne pas mélanger les genres, en facilitant l’accès de leurs proches, aux marchés publics ».

Un engagement ferme

Autre signal fort qui rétablirait la confiance : l’engagement de Benkirane, dans sa déclaration gouvernementale, de respecter les libertés personnelles, de la femme, et la liberté d’expression.

« Les investisseurs étrangers et bailleurs de fonds y sont extrêmement attentifs, au même titre que la sécurité juridique », ajoute Soual. De même, l’architecture même du gouvernement sera révélatrice de la cohérence de son action à venir. La création de deux grands pôles majeurs construits autour de l’Economie et Finances d’un côté, et du Social de l’autre, faciliterait son travail.

« Mais surtout, il faut doter la primature de conseillers de très haut niveau pour assurer la coordination du travail gouvernemental », explique avec pragmatisme l’économiste en chef du PPS.

Autre priorité : mettre sur pied une politique de la Ville en intégrant les préoccupations sécuritaires, la qualité de vie… « Il faut choisir des hommes d’Etat, à même d’élaborer, au terme de ce grand débat national, un modèle social qui intègre les attentes de la population et qui tienne compte des contraintes financières du pays », résume Belahrach. Vaste programme.

MounaKably

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Avis d’expert

Omar Balafrej, président de la Fondation Bouabid

« La corruption est le système inégalitaire par excellence »


Le résultat ne m’étonne pas du tout. C’était une évidence que les questions sociales arrivent en premier. C’est la grosse attente des Marocains. Ils veulent des choses concrètes. La corruption est le système inégalitaire par excellence. Les riches qui n’ont pas de valeurs aiment la corruption.

On a besoin de taper en haut de la pyramide. Si la lutte contre la corruption est si souvent citée au premier rang des réponses, c’est aussi parce qu’il s’agit d’un combat transversal qui touche toutes les autres questions liées à la santé ou à l’éducation. On paye un bakchich pour se faire soigner ou pour que son enfant ait des bonnes notes.

Tous les partis ont fait de cette lutte contre la corruption leur cheval de bataille. La différence, c’est que le PJD n’a jamais exercé le pouvoir et qu’on lui accorde un crédit. Aujourd’hui, il y a une petite fenêtre d’espoir.

Il faut les laisser essayer. Mais on saura très vite s’ils sont à la hauteur de la situation. Je leur donne cent jours. Ou plutôt, je leur donne jusqu’au 19 février 2012. Car la rue n’est pas avec Benkirane. Si jamais il se plante, l’histoire ne retiendra pas le 20 février 2011 mais une autre date en 2012, celle où ça pètera.

Propos recueillis par E.L.B.


Smig Ă  3 000 dirhams

Un leurre dangereux

Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le slogan brandi durant les deux semaines de la campagne électorale est pris pour argent comptant. Comment le PJD préservera-t-il sa crédibilité ?

Le Smig à 3 000 dirhams ? 71% des personnes interrogées y croient dur comme fer. C’est dire si les slogans de la campagne électorale du PJD ont marqué les esprits ! Bien entendu, ce sont les habitants de la région du centre, où se concentre l’essentiel de l’activité industrielle, qui tablent le plus sur une augmentation imminente de 700 dirhams du salaire minimum (84% des citations).

Cherté du coût de la vie, du logement et du transport oblige. « Si le gouvernement Benkirane cède sur le Smig, ce serait une hérésie, un crime économique et social ! », s’insurge Jamal Belahrach, président de la commission Emploi au sein de la CGEM.

En effet, toutes les entreprises marocaines qui tournent grâce à la faiblesse de leurs coûts de production, en particulier une main-d’œuvre bon marché (textile, bâtiment, industries de transformation…), ne seront plus compétitives.

Elles auront vite fait de fermer boutique. Résultat : licenciements en masse et explosion du nombre de chômeurs. Déjà, le gouvernement El  Fassi laisse une ardoise de 8 milliards de dirhams liée à la hausse des salaires des fonctionnaires concédée sous la pression de la rue, au lendemain du 20 février. La préoccupation immédiate de l’équipe de Benkirane sera d’ailleurs de chercher les moyens de financer cette facture, avant de songer à une quelconque rallonge.

Une réforme fiscale globale

« Ce qui est surprenant, c’est que les trois priorités formulées par l’échantillon, à savoir la lutte contre la corruption, la réforme de la santé et de l’enseignement, ne concordent pas avec les trois premières mesures attendues ! », relève Mohamed Soual, membre du bureau politique du PPS.

En réalité, le questionnaire énonce des mesures d’ordre économique et social, susceptibles d’améliorer le quotidien des citoyens. Outre le Smig à 3 000 dirhams, les personnes interrogées réclament une baisse de la fiscalité des entreprises pour favoriser la création d’emplois.

Encore une mesure budgétivore, si elle est adoptée de manière isolée. En fait, les mesurettes retenues ici et là, au gré des lois de Finances, n’ont pas d’effet à long terme, si elles n’entrent pas dans le cadre d’une réforme fiscale globale. Pour cela, une remise à plat complète est nécessaire. Et attendue depuis de nombreuses années. Benkirane aura-t-il le courage de s’y attaquer ?

Parmi ses promesses électorales, l’exonération de la TVA sur les produits de base et l’augmentation du taux sur les produits de luxe pour assurer une redistribution des revenus et améliorer le pouvoir d’achat des ménages à faibles revenus. Le message a été reçu 5 sur 5 par 44% de l’échantillon.

Là aussi, Benkirane résistera-t-il aux pressions des différents lobbies ? Et surtout, réussira-t-il à ne pas effaroucher les opérateurs qui font tourner la machine économique ? Gros dilemme.

Des indemnités chômage

La création d’une caisse d’allocation chômage est citée comme prioritaire par 46% des sondés, mais seuls 9% d’entre eux la citent comme la priorité des priorités, alors que l’augmentation du Smig est attendue comme première mesure gouvernementale par 42% de l’échantillon.

« Ceux qui ont voté PJD pour des mesures immédiates seront à coup sûr déçus », pronostique Belahrach. L’équipe Benkirane devra hiérarchiser les mesures prioritaires, et compte tenu de la situation économique et financière du pays, l’augmentation du Smig n’en est pas une.

Quant à la réduction des impôts en faveur des entreprises et des produits de base, elle nécessitera des réformes structurelles, et donc du temps. A commencer par la réforme de la Caisse de compensation et du système de la retraite. Deux patates chaudes léguées par le gouvernement El Fassi.

« OK pour la création d’une caisse d’allocation chômage comme filet de sécurité. Mais si la loi qui réglemente le droit de grève n’est pas votée rapidement, les investisseurs étrangers plieront bagage », déclare Belahrach. Et les industriels locaux opteront pour le négoce ou la spéculation.

Autre surprise de l’enquête : 39% des sondés sont pour le développement rapide des banques islamiques. Quant on sait que le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdelatif Jouahri, est farouchement opposé à l’implantation de nouvelles enseignes, et qu’il a difficilement permis aux banques marocaines, en 2007, de commercialiser des produits « alternatifs », au succès d’ailleurs mitigé, la partie n’est pas gagnée d’avance. A ce jour, seule Attijariwafabank a sauté le pas en créant une filiale dédiée, Dar Assafa… Le PJD sonnera-t-il la fin de ce quasi-monopole ?

Enfin, la rencontre des partenaires sociaux et la relance du dialogue social ne mobilisent pas les foules. Cela confirme la faiblesse du taux d’adhésion des salariés aux syndicats en mal de crédibilité. Pourtant, la première sortie de Benkirane, fraîchement nommé Premier ministre, a été réservée aux syndicats…

MounaKably

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Avis d’expert

Jamal Belahrach, président de la commission Emploi à la CGEM

Va-t-on vers une déception ?


Avue d’œil, les attentes économiques de l’échantillon sont difficilement réalisables à court terme. Ce qui me rassure, c’est que les gens ne sont pas pour une chasse aux sorcières. Ensuite, le gouvernement doit démontrer sa capacité à hiérarchiser les priorités et les chantiers à lancer.

Le PJD doit laisser de côté son dogmatisme et ses messages populistes. Sa réussite aux affaires dépendra de sa méthode et de son style. Tous deux doivent transparaître dans la déclaration gouvernementale.

Pour entretenir cette confiance qui a été placée par le peuple dans le parti de la lampe, la communication de proximité est très importante. Jusqu’à présent, le PJD a réussi cette prouesse.

Mais la situation du Maroc est aujourd’hui telle, que les chantiers ouverts n’ont aucune coloration politique. Ils s’imposent à nous, quelles que soient nos convictions, si l’on veut sauver ce pays.

D’ailleurs, il ne faut pas oublier que la Constitution institue, comme règle d’or, la maîtrise du déficit budgétaire. Il sera très difficile de s’y conformer si Benkirane cède à son électorat et ne s’attaque pas, d’urgence, à la réforme de la Caisse de compensation. Une mesure qui ne figure pas parmi les mesures prioritaires citées par l’échantillon…

Propos recueillis par M.K.


Libertés et culture

Plus pjdistes que le PJD !

Les Marocains sont ultraconservateurs. Sur les questions sociétales, ils sont en grande majorité d’accord avec les propositions les plus radicales de certains députés et cadres du parti islamiste au pouvoir.

A la question « êtes-vous favorables à l’interdiction de vente d’alcool dans les épiceries, les grandes surfaces et les magasins spécialisés ? », l’échantillon représentatif s’est déclaré à 77% « très favorable » et à 10% « plutôt favorable ». Seuls 6% sont totalement opposés à une telle mesure, tandis que 4% sont « plutôt opposés » et 3% sans opinion.

Cela signifie-t-il que les Marocains seraient prêts à saluer largement une telle loi si elle venait à être appliquée ? La sociologue Soumaya NaâmaneGuessous ne partage pas cette opinion et préconise de nuancer ces chiffres.

« Je suis sûre que nombre de sondés consomment eux-mêmes de l’alcool mais répondent le contraire pour sauvegarder les apparences. Nous sommes dans une société du paraître, schizophrène », analyse-t-elle.

En revanche, elle voit dans cette réponse le besoin des Marocains de se dissocier des comportements néfastes qui entourent largement la consommation de l’alcool dans notre pays.

Une analyse que conforte un autre résultat : ce sont les femmes, premières victimes des ravages de l’alcool dans les foyers, qui sont les plus favorables à une telle décision (83%). « C’est pour cela qu’il faudrait interdire la consommation aux mineurs et régulariser la consommation, en s’attaquant notamment aux alcools frelatés et de très mauvaise qualité », préconise la sociologue.

IVG, pourquoi pas...

Autre chiffre, encore plus étonnant : 72% des sondés se prononcent en faveur de la suppression des festivals de musique ! Dans le lot, 57% sont « totalement favorables » au bannissement des festivals, tandis que 15% sont « plutôt favorables ».

Pire, c’est dans les rangs des 18-24 ans, pourtant cœur de cible de ces manifestations culturelles, qu’il y a le plus de désapprobation : 49% y sont hostiles ! Pourtant, comme l’explique la sociologue, avant les festivals il y avait les moussems.

« Ces festivals traditionnels sont l’occasion de fêtes et de pratiques pas toujours compatibles avec l’islam, et pourtant ils sont tolérés. Au fond, les Marocains sont fêtards. » Ce chiffre va de pair avec une autre statistique : le besoin éprouvé par une large majorité d’islamiser la culture.

Ainsi, 92% des Marocains sont pour « une nouvelle politique culturelle plus conforme aux fondamentaux de l’islam ». La sociologue Soumaya NaâmaneGuessous estime qu’il s’agit là d’un « rejet de la modernité », qu’elle explique par le fait qu’une large partie de la population se sent exclue de ces festivals qui ne concernent généralement qu’une minorité installée dans les grandes villes.

« Les jeunes sont paumés et s’attachent au discours religieux sécurisant. C’est compréhensible, car il s’agit d’une génération sacrifiée par le système d’enseignement, mal éduquée et qui n’a pas développé une pensée critique », explique la sociologue.

Un autre chiffre moins étonnant, mais tout aussi riche d’enseignements, montre une population plus divisée sur la question : 49% des sondés se disent favorables à l’avortement (32% y sont « totalement opposés » et 5% « plutôt opposés »). Et encore, la question portait sur « l’IVG dans les cas extrêmes tels le viol, l’inceste et les malformations profondes ».

Une proposition pourtant dĂ©battue au sein mĂŞme du PJD, et dĂ©fendue favorablement par une grande partie des Ă©lus islamistes !  Comment faut-il interprĂ©ter l’ensemble de ces chiffres ?

Soumaya NaâmaneGessous, très critique envers le discours islamiste, préfigure deux scénarios : « Soit le PJD prouvera que tout est réformable par l’islam et, à ce moment-là, ces idées seront confortées ; ou alors il ne pourra pas tenir ses promesses et, dans ce cas, cela va accélérer l’éveil des esprits critiques. » Dans les deux cas, il s’agit d’un constat d’échec sur le court et moyen terme…

Zakaria Choukrallah

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Avis d’expert

Driss Jaydane, Ă©crivain

« Un fantasme de purification »

Les sociétés arabo-musulmanes ne peuvent pas se regarder dans le miroir de la modernité car celle-ci est entrée chez eux par effraction. Nous avons perdu les valeurs de la science, du civisme, de la spiritualité, bref le code du progrès. Ce que nous pouvons espérer, c’est revenir à une identité première fantasmée d’un islam réinventé, un conte avec des personnages fabuleux, un islam déshistoricisé, chimiquement pur.

Une potion magique qui ferait de nous des individus délestés du mal qu’ils auraient pris la veille au bar et qui rentrent en religion comme au bain. Nous sommes dans un fantasme de purification. On croit que la charia, que nous ne connaissons pas réellement, nous purifiera.

On croit que, parce qu’on va interdire l’alcool ou les festivals, on vivra dans une société pure, plus juste, sans problème. Ce qui est dangereux, c’est que la question de la pureté augure des moments douloureux pour ceux qui croient à la différence et regardent le monde dans sa complexité. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour ceux qui croient qu’on est un individu unique, libre de ses choix...

***

International

Une place à reconquérir


Quel sera le nouveau visage de la diplomatie marocaine ? Nos concitoyens entendent que leur pays soit aux avant-postes.

Les Marocains ne se désintéressent nullement de la politique étrangère. Mieux, ils sont très largement favorables à l’idée de voir leur pays prendre de nouvelles initiatives. Qu’il s’agisse du conflit au Proche-Orient, de son rôle au sein du Conseil de sécurité, du renouveau de la Ligue arabe, du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ou des relations bilatérales avec l’Algérie, les Marocains sont fermement résolus à voir les dossiers évoluer.

Non pas que le Maroc ait été absent de la scène internationale ces derniers temps. Qu’il s’agisse du dossier du Sahara, de la réouverture des frontières avec l’Algérie, de l’adhésion au Conseil de Coopération du Golfe, du développement des relations avec le Qatar… la diplomatie marocaine a, sur ces terrains, multiplié les initiatives.

Mieux encore, elle s’est activée, souvent avec discrétion, pour préparer son élection au sein du Conseil de sécurité, quand l’Afrique du Sud était à la manœuvre pour contrer sa candidature au sein de l’Assemblée des Nations unies.

Son succès a témoigné d’une indéniable influence. Ce faisant, le Maroc a ouvert la voie à une reconsidération des équilibres diplomatiques au sein du continent africain, dont les autres membres du Conseil de sécurité devront tenir compte.

La Turquie pour alliée

Cette effervescence diplomatique a-t-elle séduit nos concitoyens ? Notre sondage témoigne d’un intérêt patent de la population pour l’environnement international. Un intérêt cohérent, volontariste, en faveur d’une diplomatie de l’initiative. On notera au passage que cet intérêt se manifeste aussi bien au sein de la population urbaine, que de la population rurale, réputée moins éduquée ou ouverte aux questions de politique internationale.

La crise du Proche-Orient demeure au cœur des priorités. 69% de nos compatriotes se disent favorables au renforcement des relations bilatérales avec la Turquie pour favoriser une solution au conflit. De ce point de vue, il sera intéressant d’observer l’efficacité des liens entre l’AKP et le PJD pour redonner un nouveau souffle aux tentatives de paix.

De même, 68% des Marocains souhaiteraient voir le gouvernement prendre l’initiative d’une rencontre au sommet avec Bouteflika pour remettre à plat les relations bilatérales et pousser à l’ouverture de la frontière. Et ils sont autant à souhaiter que soit organisé un sommet Maroc-Tunisie-Egypte-Libye pour tirer les enseignements du Printemps arabe. Un tel sommet, organisé au Maroc, scellerait la place du Royaume dans le concert des nations arabes, et plus largement auprès des parties prenantes aux réalités géopolitiques qui ont profondément modifié la donne ces douze derniers mois.

Yanis Bouhdou

***


Mustapha Khalfi « Une image de clarté et de proximité »

Cheville ouvrière du programme du PJD, directeur du journal Attajdid, Mustapha Khalfi voit dans ce sondage le reflet d’une campagne électorale accomplie.

 

actuel. Comment analysez-vous ce score de confiance de 82% enregistré par AbdelilahBenkirane ?

M. Khalfi. Ce score reflète le rôle charismatique de Benkirane tout au long de la campagne, mais aussi durant le Printemps arabe. Il a alors développé un langage franc, clair, qui a su inspirer crédibilité, fraternité et proximité. Pendant neuf mois, il a été la voix de la classe moyenne qui défend la stabilité du Maroc. Il parle le langage de la rue, un langage direct. Et il a été très clair contre des discours aventuristes.

 

Trois dossiers prioritaires se dégagent pour les Marocains : la lutte contre la corruption, un meilleur accès aux soins, une nouvelle politique de l’éducation, loin devant la justice sociale ou la régionalisation. Cela vous étonne ?...

Ces priorités renvoient à ce que nous avons développé tout au long de la campagne. Les gens disaient « notre voix, c’est notre chance ». Il y a dans ce pays un besoin réel de bonne gouvernance. C’est ce à quoi nous allons nous attacher. Tous ceux – ministres, parlementaires, responsables publics – qui seront associés à notre majorité vont devoir signer une charte fixant les devoirs de chacun dans l’utilisation des biens publics, d’éventuels conflits d’intérêts… dans un souci de bonne gouvernance. Dès la prise de fonction du gouvernement, des mesures fortes seront annoncées qui commenceront à répondre aux chantiers prioritaires attendus par nos concitoyens.

 

Le salaire minimum à 3 000 dirhams, attendu par 71% de la population, c’est possible rapidement ?

Cet engagement sera réalisé de manière graduelle, pour être au rendez-vous en fin de législature. Les réformes à engager sur le plan macro-économique (réforme de la fiscalité, de la Caisse de compensation, des mécanismes de redistribution…) nous permettront de tenir cette promesse, dans le cadre d’un renouveau du dialogue social.

Les derniers engagements du gouvernement El Fassi, qui portent sur 24 milliards de dirhams, seront également tenus. AbdelilahBenkirane a d’ores et déjà commencé à recevoir les responsables des principales centrales syndicales pour évoquer ces sujets.

Votre sondage fait référence au développement des banques islamiques, souhaité par 39% de nos compatriotes. Il s’agit moins pour nous de banques islamiques que du développement des outils qu’offre la finance islamique. Nous pensons que le poids de celle-ci représente quelque 30milliards de dirhams au Maroc. Et cela sans qu’il y ait aujourd’hui de réels encouragements pour son développement.

Nous entendons y contribuer. S’agissant d’éventuelles privatisations destinées à dégager de nouvelles ressources budgétaires, nous pensons qu’il est prioritaire de s’attaquer aux niches fiscales qui sont sans impact sur l’économie, soit quelque 3 milliards de dirhams. Par ailleurs, notre pays a vu croître très sensiblement ses recettes en les portant de 400 milliards pour la période 2004/2007 à environ 600 milliards entre 2008 et 2001. Or, ces recettes sont souvent mal utilisées. Nous aurons à veiller à la rationalisation des dépenses publiques et à leur efficacité.

 

Les questions touchant au champ sociétal – qu’il s’agisse d’alcool ou de politique culturelle – révèlent un profond conservatisme, amplement partagé. Comment vous en accommodez-vous ?

S’agissant de l’alcool, il y a déjà des lois qu’il convient de faire respecter. Mais plus précisément, je voudrais dire que, dans ce domaine précis, nous avons un modèle. Et ce modèle, c’est la France. Ce pays a su mettre en place une stratégie globale, incluant les abus – qui sont réprimés –, les questions de santé publique, les questions sanitaires, les dangers à l’égard des jeunes, les questions de sécurité routière… bref, c’est un modèle dont nous pourrions nous inspirer.

Ce n’est en rien une question religieuse, mais bien de politique générale. Pour l’interruption de grossesse, nous sommes là dans l’obligation d’une réforme, face à une réalité douloureuse et à une question sanitaire de première importance. Cela se fera dans le cadre d’un dialogue avec les acteurs religieux, les oulémas, et les acteurs sociaux, en toute transparence. Nous ne devons pas ignorer une réalité sociale qui voit chaque année quelque 300 000 avortements clandestins.

 

En matière de culture, le Maroc doit-il s’en tenir aux seuls fondamentaux de l’islam ?

Il faut que la société marocaine soit une société vivante, ouverte et qui se réclame de son identité islamique. Nous devons développer des partenariats entre le gouvernement et les acteurs culturels, sur la base de valeurs partagées. La Constitution prévoit que l’action publique renforce les composantes de l’identité marocaine. Il y a donc deux éléments à faire valoir : la liberté et la responsabilité.

Propos recueillis par Henri Loizeau

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N°139 : Entretien avec Hamid Benalfdil : DG du CRI du Grand Casablanca.
N°138 : Le sexe au temps du cĂ©libat 
N°137 : ONG: La face cachĂ©e de la sociĂ©tĂ© civile
N°136 : Le modèle turc : Mythe ou rĂ©alitĂ© ?
N°135 : Caisse marocaine des retraites : La bombe Ă  retardement
N°134 : Qui a tuĂ© Amina ? 
N°133 : Moralisation de la vie publique : Le spectre de la campagne d’assainissement plane
N°132 : DĂ©linquance :  Le Maroc a peur
N°131 : 14 femmes  pour Benkirane
N°130 : Le rĂ©veil des salafistes  Demain la charia ?
N°129 : Dilapidation des deniers publics:  Benallou et l'ONDA... pour commencer
N°128 : DSK   Le marocain
N°127 : Conservation foncière : pièges, magouilles, corruption
N°126 : Les enfants perdus  de Casablanca
N°125 : PJD  Les rois du marketing
N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques…  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du père
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumière
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : Harcèlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂ´t sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangère/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piège  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
N°93 : Ces cliniques qui nous ruinent 
Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier…  
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
Actuel n°91 : Le grand nettoyage 
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Actuel n°89 : Ruby : sexe, mensonges et vidĂ©o 
Actuel n°88 : ImpĂ´ts : Halte Ă  la fraude 
Actuel n°87 : Hassan II TV c’est fini 
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Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un système  
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Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
Actuel n°63 : Ex-ministres :  y a-t-il une vie après le pouvoir ?
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Actuel n°61 : La vie sexuelle des Saoudiennes… racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
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N°57 : Raid sur le kif 
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N°55 : Casablanca, mais qui est responsable de cette pagaille ?
N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cĹ“ur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂ´mĂ©s chĂ´meurs : le gouvernement pris au piège
N°51 : 2M : Succès public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux… Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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