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Gouvernement : Cabinets ministériels, de l’ombre à la lumière
actuel n°117, vendredi 18 novembre 2011
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Chassé-croisé des chefs de cabinet et conseillers ministériels à la veille du changement de gouvernement. Mais qui sont ces hommes de l’ombre ? D’où viennent-ils et quel est leur pouvoir réel ? Plongée dans les arcanes d’une caste d’éminences grises, réelles ou supposées.
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Branle-bas de combat dans les cabinets ministériels. A une semaine des élections législatives, la plupart des « cabinards », ces fidèles hommes et femmes de l’ombre qui assistent les ministres au quotidien, ont déjà assuré leurs arrières en repérant leur prochain point de chute.
A.Z. est un homme heureux ! Après quatre ans de bons et loyaux services comme chef de cabinet, il se retrouve à la tête d’une direction centrale du même ministère. Une ultime preuve de reconnaissance de son ministre pour son dévouement de tous les instants. Mais A.Z. n’est pas un cas isolé.
Sentant le vent tourner – c’est la règle lors de tout changement de gouvernement –, bon nombre de ministres ont, depuis plusieurs mois, manœuvré pour dénicher à leurs fidèles conseillers, et en toute discrétion, un poste stable dans leur propre département ou dans une entreprise publique relevant de leur ministère. « Les plus chanceux arrivent à se faire nommer par dahir et deviennent, ainsi, intouchables, quel que soit le successeur », confie un ex-cabinard.
En réalité, le reclassement des membres de cabinet se fait bien avant la fin du mandat du gouvernement, à l’occasion d’une restructuration ou de l’adoption d’un nouvel organigramme. « Le ministre doit justifier la création de nouveaux postes budgétaires, sans oublier que certaines nominations nécessitent des prérequis fixés par la loi », souligne Driss Aïssaoui, un connaisseur des arcanes ministériels, ancien conseiller ayant créé sa propre structure de conseil en communication et stratégie.
De plus, la nomination à un poste de directeur se fait par dahir, après proposition de trois candidats potentiels. Quant à l’affectation des postes de chefs de division, elle requiert l’aval préalable de la primature et du ministère de la Fonction publique.
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Recrutement par « réseautage »
A quelques jours des élections législatives, plusieurs ministres ont ainsi déjà bouclé ce dossier en recasant les plus fidèles de leurs « cabinards ». « Ce qui permet de libérer des places pour que les prochains ministres puissent placer leurs propres hommes de confiance ! », ironise un ancien conseiller.
Le sort de ces hommes de l’ombre – parfois éminences grises, bras droit des ministres, et dans tous les cas, hommes forts des ministères – est envié par les salariés du secteur public, et même du privé, tous subjugués par la notoriété du poste.
Bien que la loi régissant le statut des membres de cabinet interdit formellement au chef de cabinet comme aux conseillers de s’immiscer dans les affaires administratives, domaine réservé du secrétaire général du ministère, la réalité est tout autre.
Sa proximité à l’égard du ministre confère au chef de cabinet un réel pouvoir aux yeux des fonctionnaires. « Et tout l’enjeu est de savoir user de cet accès privilégié au ministre pour faire avancer les dossiers soumis par les directeurs », assure Hamid Behaj, ancien conseiller, devenu responsable de pôle à la Bibliothèque nationale.
Selon le degré de proximité, il peut même peser sur la prise de décision finale du ministre. Ce qui lui confère un rôle éminemment politique, qui peut d’ailleurs parfois s’avérer dangereux. Ces hommes et femmes de l’ombre sont directement impliqués dans la mise en œuvre de la politique gouvernementale.
Il est donc normal que l’on attende d’eux un niveau d’expertise et de compétence en rapport avec l’importance de leur mission. Or, en dépit de leur poids dans les prises de décisions ministérielles, les cabinards affichent des profils hétérogènes et sont animés par des motivations diverses. Quant à leur mode de recrutement, il demeure plutôt opaque, s’appuyant essentiellement sur le « réseautage ».
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La confiance avant la compétence
Certains d’entre eux sont choisis par le ministre lui-même, d’autres lui sont imposés par son parti politique, en dépit de leur méconnaissance des dossiers. Autant dire que, dans ce microcosme, le recours aux services d’un cabinet de recrutement n’est pas encore à l’ordre du jour ! « Lors de sa prise de fonction, le ministre ramène dans ses valises un chef de cabinet et deux à six conseillers techniques et politiques dans lesquels il place son entière confiance. »
Confiance, le mot est lâché, celle-ci l’emportant souvent sur la compétence. Depuis 2007, une bonne partie des membres du cabinet est issue du parti politique ou de l’environnement professionnel du ministre, parfois même de son entourage proche, voire familial.
Tout le monde a encore à l’esprit le cas de Touria Jabrane, ex-ministre de la Culture, qui a nommé comme chef de cabinet… son mari. Ni plus ni moins. Une expérience qui s’est d’ailleurs mal terminée suite à des dissensions dans le couple.
« Sans tomber dans ce cas extrême, nombreux sont les ministres obnubilés par le souci de confiance, qui préfèrent s’entourer de personnes fiables et ferment les yeux sur leurs qualifications professionnelles », déplore un conseiller. Depuis le gouvernement de l’alternance, les conseillers partisans ont pris leur quartier auprès des ministres et secrétaires d’Etat.
« Il est normal que des membres du parti ayant planché sur le programme de la formation politique, entourent et conseillent le ministre », souligne Mohamed Merghadi, ancien chef de cabinet, devenu aujourd’hui secrétaire général du Conseil de la concurrence. Sauf que, parfois, les partis vont jusqu’à imposer leurs militants pour suivre de près le travail du ministre et leur rendre compte.
Mais là aussi, tout dépend de la personnalité et du profil du membre du gouvernement. Au sein des départements techniques, les conseillers politiques se voient souvent confier des missions « subalternes » comme les relations avec le Parlement ou le suivi de la circonscription du ministre quand celui-ci est un élu local.
En revanche, les dossiers techniques sont confiés à des conseillers jouissant d’une expertise pointue dans le secteur. Ces derniers sont soit de jeunes cadres à fort potentiel provenant du secteur privé, soit des directeurs centraux du ministère jouissant d’une parfaite maîtrise des dossiers. C’est le cas des ministères des Travaux publics, de l’Equipement, du Tourisme, de l’Habitat ou encore du Commerce et de l’Industrie.
Le prochain gouvernement ne devrait pas déroger à la règle. Mais la chasse aux talents, nouveaux ou confirmés, est déjà ouverte. Certains prétendants s’agitent au sein des partis pour se positionner, d’autres réactivent leurs réseaux dans l’espoir de décrocher un poste de conseiller, accélérateur de carrière.
Bien entendu, tous les candidats potentiels mettent en avant leur sens de l’intérêt général et leur volonté de servir le pays. Mais la soif de pouvoir et l’accès à certains avantages, sans oublier l’opportunité d’enrichir son carnet d’adresses, ne sont pas étrangers à cette frénésie.
Mouna Kably & Khadija El Hassani
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Primature, changement de cap
Entre les gouvernements Jettou et El Fassi, les rapports de force entre cabinards et fonctionnaires se sont inversés. La proximité qu'entretenait le premier avec ses conseillers a renforcé leurs pouvoirs. Cela aurait permis de faire avancer plusieurs chantiers en parallèle.
Avec le second, le secrétaire général reprend la main. Le chef de cabinet renoue, lui, avec sa fonction initiale : gestion de l'agenda et des relations avec les conseillers. Autre différence et non des moindres : la moyenne d'âge des cabinards est passée de 35 à 45 ans. A contre-courant de ce qui se passe ailleurs.
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Ghita Bargach, La compétence technique avant tout
Conseillère économique à la primature sous Driss Jettou, Ghita Bargach est un pur produit du privé. « La fonction de conseiller permet un gain de temps, la constitution d’un carnet d’adresses et l’accès à des dossiers stratégiques  », se souvient cette jeune consultante conseillère en stratégie ayant, depuis, créé sa propre structure.
Elle travaillera avec l’équipe interministérielle pour mettre sur les rails le plan Emergence, la Vision 2010, le plan stratégique de l’Artisanat, des contrats programmes sectoriels (textile) et le lancement de nouveaux métiers (Offshoring). « Ma mission a consisté à recueillir l’avis des protagonistes, à ressortir des propositions pour faciliter l’arbitrage du Premier ministre. » Jettou entretient alors un contact direct avec chacun de ses conseillers spécialisés par secteur.
Autant dire que la compétence technique primait sur l’affinité politique. « S’il est vrai que la coloration politique des cabinets est importante, la compétence technique l’est tout autant  », nuance Ghita Bargach. Sa grande découverte durant son passage à la primature : la compétence et l’humilité des fonctionnaires, « de fins négociateurs  qui font avancer le Maroc ».
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Mohamed Merghadi, L’économiste engagé
Bras droit de Fathallah Oualalou, ex - ministre des Finances, Mohamed Merghadi garde un souvenir très vivace de son expérience au cabinet du ministre des Finances et de la Privatisation entre 1998 et 2007, d’abord comme conseiller puis comme chef de cabinet. Il y découvre le mode de fonctionnement et les rouages de l’Etat.
« J’en suis sorti avec une vision différente de celle du militant ou de l’analyste, une vision beaucoup plus profonde, mais aussi un peu sombre », confie l’ancien chef de cabinet. Durant le gouvernement de l’alternance, il veillera au suivi des lois de Finances, des discours et présentations au Parlement. Sa grande fierté reste sa contribution au redressement des finances publiques avec la fixation à 3%, du déficit budgétaire. Aujourd’hui, Merghadi s’attèle à d’autres défis au sein du Conseil de la concurrence dont il assure le secrétariat général depuis fin 2008.
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Que sont-ils devenus ?
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Mohamed Boussaïd est connu pour avoir été le poulain de Abdelaziz Meziane Belfquih. C’est l’ancien ministre de l’Equipement qui le propulsera directeur de cabinet en 1995, avant d’être nommé à la tête de la direction de la programmation et des études dans le même ministère.
Sa carrière dans la haute administration est alors lancée jusqu’au jour où il devient ministre en charge de la Modernisation du secteur public. Il est l’inventeur de la tristement célèbre opération DVD qui videra les ministères de leurs meilleures compétences, sans aucun effet sur la masse salariale. Il sera ministre du Tourisme avant d’être wali de la région Souss Massa Draâ.
Hassan Bernoussi a, avant de piloter la direction des investissement extérieurs, mené une longue carrière de chef de cabinet, aux côtés de Hassan Abouyoub, ministre du Commerce extérieur en 1991. Il aura en charge le dossier PAS II (Plan d’ajustement structurel II) dans sa composante Commerce extérieur. En 1993, il cumulera les fonctions de chef de cabinet d’Abouyoub et de chef de division des Incitations à l’investissement.
Malgré le remaniement ministériel survenu la même année, il sera maintenu chef de cabinet de Mourad Chérif et promu directeur des Investissements extérieurs. En 1994, Chérif devient ministre des Finances et des Investissements et le nomme chef de son cabinet, puis chef de la division des incitations à l’investissement au ministère des Finances. A l’époque, le cumul de fonctions de cabinard et de directeur ne choquait personne.
Noureddine Bensouda, peu le savent, débute sa carrière en tant que chef de cabinet du ministre des Finances, Mohamed Berrada, en 1991. Deux ans plus tard, il est nommé adjoint au directeur des Impôts avant de prendre les rênes de la DGI en 1999, poste qu’il occupera jusqu’en avril 2010, date à laquelle il est nommé Trésorier général du Royaume.
Nezha Lahrichi, l’une des rares « cabinardes » pour lesquelles le « métier » de conseillère à la primature n’a pas de secret. Abdellatif Filali fait appel à elle en 1994, pour une mission de courte durée qui courra… 9 ans !
Après les gouvernements Filali I et II, elle sera maintenue dans ses fonctions par Abderrahmane Youssoufi, puis par Driss Jettou, avant d’être nommée PDG de la SMAEX. Docteur d’Etat en sciences économiques, Lahrichi touchera aux dossiers chauds comme la réforme des marchés des capitaux et du secteur financier et les privatisations.
Aujourd’hui, parallèlement à ses responsabilités à la Smaex, elle s’embarque dans une nouvelle aventure à la tête du CNCE (Conseil national du commerce extérieur) qui entame un tournant avec sa transformation en observatoire.
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Combien touche un cabinard ?
La rémunération des membres du cabinet, telle qu’elle est définie par le dahir de 1996, est peu attrayante. La réalité du terrain est tout autre.
Le dahir du 1er janvier 1996 (qui remplace et complète celui de 1975) définit le mode d’organisation des cabinets ministériels. La fonction de directeur de cabinet disparaît et laisse place à un seul maître à bord, le chef de cabinet. A titre d’exemple, le cabinet du Premier ministre est composé d’un chef de cabinet, de six conseillers techniques et d’un attaché de presse.
Les autres membres du gouvernement disposent d’un chef de cabinet, de cinq conseillers (juridique, relations avec le Parlement et communication notamment) et d’un chef du secrétariat particulier. Ce qui est modeste au regard des responsabilités ministérielles.
Quant au secrétaire d’Etat, il doit se contenter d’un chef de cabinet et de deux conseillers techniques. Matériellement, les plus gâtés sont les chefs de cabinet qui perçoivent mensuellement 16 000 dirhams bruts, en plus de la prise en charge de la facture d’eau, d’électricité, de téléphone, de chauffage et d’une voiture de fonction.
Le conseiller technique gagne à peine 12 000 dirhams et le chef du secrétariat particulier 8 000 dirhams. Tous les cabinards bénéficient toutefois de primes qui varient de 2 500 à 12 000 dirhams, selon les ministères. Cependant, dans les départements à gros budget, comme les Finances, l’Equipement, la Pêche ou l’Habitat, les primes peuvent passer du simple au quadruple.
En réalité, pour recruter des profils pointus capables de mener des réunions préparatoires avec les directeurs du ministère avant d’établir des fiches qui facilitent la prise de décision, les ministres qui en ont la possibilité recourent aux contrats spéciaux conclus avec des organismes sous leur tutelle (ANPME pour le ministère de l’Industrie et du Commerce, ONCF pour le ministère de l’Equipement, SODEA pour le ministère de l’Agriculture…). Du coup, les rémunérations deviennent nettement plus attractives et peuvent graviter autour de 30 000 dirhams.
Un cas particulier émerge du lot, celui de George Guibert, fidèle accompagnateur de Salaheddine Mezouar depuis le ministère de l’Industrie et du Commerce. De nationalité étrangère, il n’est pas officiellement nommé au poste de chef de cabinet mais en tant qu’expert. Il serait, selon des sources bien informées, rétribué à partir d’un budget de coopération de l’Union européenne, et son salaire mensuel graviterait autour de… 7 000 euros.
Droit de réserve oblige !
Quant aux ministres disposant d’un budget plus limité, ils font appel aux fonctionnaires de leur propre département ou détachés d’autres ministères, moyennant une majoration de leur salaire par une prime.
Outre la discrétion, le dahir de 1996 impose aux membres du cabinet d’observer un droit de réserve et un secret professionnel absolus. Des recommandations respectées à la lettre, si l’on en juge par l’extrême discrétion dont ont fait preuve les cabinards en exercice, sollicités par actuel pour la préparation de ce dossier.
M.K. & K.E.H.
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Akhannouch, le cas particulier
Le ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime est le seul ministre à prendre complètement en charge la rémunération de tous les membres de son cabinet sur le compte de son groupe. Ce qui lui a permis de recruter des profils issus du secteur privé et d’instaurer ses propres critères de performance.
Une démarche tout à son honneur, mais qui révèle les dysfonctionnements d’un Etat, incapable d’offrir des rémunérations attrayantes aux meilleurs de ses collaborateurs. Et qui crée des distorsions entre ministères. Reste à savoir si une démarche consistant à rétribuer à partir de fonds privés une équipe ayant pour mission de servir l’intérêt général n’engendre pas de conflit d’intérêt. |
Cabinards / fonctionnaires
Je t’aime, moi non plus !
Si certains dossiers stratégiques bloquent durant des années, c’est souvent dû au bras de fer que se livrent en coulisses directeurs et chefs de cabinet.
Si de l’avis général, cabinards et directeurs réussissent souvent à travailler en bonne intelligence, il n’est pas rare que les deux parties engagent des bras de fer souvent contreproductifs parce que source de blocage de dossiers ou de décisions stratégiques. Combien de réformes sont restées sans suite ou bloquées durant des années faute de dialogue entre la garde rapprochée du ministre et les directeurs en charge des dossiers ?
Pour exemple, la polémique née autour de la création d’une entité autonome de régulation et de contrôle du secteur des assurances, à l’initiative du ministère des Finances. L’idée a été lancée durant le premier mandat du gouvernement El Youssoufi, mais n’a pas pu se concrétiser en raison de dissensions entre la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (la célèbre DAPS) relevant du ministère des Finances, chapeauté, alors, par l’usfpéiste Fathallah Oualalou.
« Le cabinet a essayé de faire aboutir cet ambitieux chantier qui allait accélérer la modernisation de tout un secteur, mais la DAPS s’y est farouchement opposée », affirme un ancien membre du cabinet Oualalou.
Des rôles pas bien précisés
Une décennie plus tard, et au-delà de la responsabilité des uns et des autres, le chantier n’est toujours pas bouclé. Ce conflit de personnes illustre parfaitement les tensions qui peuvent gripper la machine de décision stratégique.
Et c’est loin d’être un cas isolé. Preuve que le ménage à trois, composé du ministre, de son cabinet et des fonctionnaires relevant de son administration, ne se passe pas toujours sans encombre, comme le laissent entendre la plupart des conseillers interrogés. Si de tels conflits surgissent, c’est que dans le dahir de 1996, l’organisation des cabinets ministériels et les rôles de leurs équipes ne sont pas clairement précisés, ni mêmes reconnus au plan administratif.
« Le risque pour un cabinard est d’outrepasser ses prérogatives, plus par ignorance que par vanité », explique un chef de cabinet. Par manque d’expérience, les membres du cabinet sont tentés de tirer partie de leur proximité avec le ministre et de la possibilité de parler en son nom, pour jouer de leur influence.
Ils peuvent même s’arroger le droit d’émettre des critiques sur les avis fournis par les fonctionnaires. Par réaction, les directeurs se braquent et rappellent que les membres de cabinets n’ont ni les compétences ni les prérogatives nécessaires pour intervenir dans l’élaboration des stratégies publiques, invoquant le rôle marginal que leur confère la loi.
« Le chef de cabinet comme le conseiller doivent faire un travail sur eux-mêmes pour effacer leur ego, servir leur ministre et surtout ne pas freiner la bonne marche de l’administration. Sachant que si le fonctionnaire les a dans le collimateur, il finira par avoir leur peau ! » Mais en définitive, c’est la personnalité du ministre et la qualité de son entourage politique qui déterminent la nature de la relation entre les cabinards et les fonctionnaires.
K.E.H.
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Khadija Bourara, L’énergique
Bien plus qu’une conseillère en communication, Khadija Bourara maîtrise tous les dossiers chauds, parle du code de la route comme si elle en avait été la cheville ouvrière, défend bec et ongles les chantiers initiés par son ministre Karim Ghellab. « Un cabinard doit être les yeux et les oreilles de son ministre et avoir le sens de l’intérêt général. »
Au-delà de ce profil idéal, les bons souvenirs submergent la conseillère connue pour être une femme de poigne. Elle n’a aucune expérience dans l’administration quand Driss Benhima, ex-DG de l’ONE, la nomme en 1997 chef de cabinet d’un ministère aux multiples portefeuilles : Tourisme, Transport, Energie, Mines et Marine marchande !
« Une période exaltante de 7 mois avec une équipe jeune, ramassée, qui a eu pour mission de baliser le terrain et de préparer l’alternance. » Quelques années plus tard, même scénario, mais avec un ministre istiqlalien. De l’ONCF, elle suit Karim Ghellab au ministère de l’Equipement en tant que conseillère en communication, tout en restant détachée de l’Office pour ne pas avoir à gérer l’après-mandat.
Alors, ministre technocrate ou ministre politique ? « Avec le recul, l’affinité politique a son importance pour faire avancer les dossiers. » En témoigne l’efficacité avec laquelle Ghellab et Adil Douiri, ex-ministre du Tourisme, ont mis sur les rails la Vision 2010 et la libéralisation du ciel… même si la RAM en fait les frais aujourd’hui. |
Une aubaine pour les jeunes diplômés
Les ministres technocrates ouvrent la voie aux jeunes diplômés pour la première fois. Depuis, ils ont fait leur nid et rentabilisent au mieux leur première expérience.
Ce sont les gouvernements technocrates, en particulier sous la houlette de Driss Jettou, qui ont ouvert la voie de l’administration aux jeunes diplômés d’ici et d’ailleurs. Une population en quête d’une première expérience exaltante et rentable à moyen terme. Quoi de mieux que d’évoluer à l’ombre d’un ministre pour donner un coup d’accélérateur à sa carrière et tisser un réseau de relations à utiliser au moment opportun ?
Dans cette « faune », on trouve également des opérationnels venus du secteur privé dont l’expérience bat de l’aile, et qui décident d’intégrer momentanément l’administration dans l’espoir de se « refaire » et de fructifier, par la suite, leur business.
C’est le cas de cette ex-chef de cabinet du ministère du Tourisme qui, au terme de son expérience, a créé son agence de communication, et grâce à son capital relationnel, remporté divers marchés dans le secteur du tourisme. Idem pour plusieurs conseillers et chargés de mission placés notamment à la primature, qui n’auront aucun mal à voler de leurs propres ailes, courtisés pour leur maîtrise des rouages administratifs et leur capital relationnel.
D’ailleurs, ce n’est pas étonnant que la plupart quittent définitivement le salariat, au terme de leur mandat, pour monter leur propre structure de conseil en tout genre (communication, coaching, stratégie, restructuration…). L’atout majeur de cette population (pour la plupart féminine) demeure sans conteste le carnet d’adresses.
Les protégés de Youssoufi
Même si les jeunes diplômés ont le vent en poupe, seule une poignée de ministres (surtout d’anciens technocrates ayant intégré in extremis des partis politiques) peuvent se permettre de les recruter.
Les autres confrères continuent de privilégier des fonctionnaires, directeurs et ex-enseignants. Sur ce registre, le gouvernement El Youssoufi a battu tous les records et certains chefs de cabinets et conseillers usfpéistes ont fini par faire une carrière de cabinard.
L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Avant de quitter son poste, Abderrahman El Youssoufi avait instamment demandé à son successeur, Driss Jettou, de « conserver » ses conseillers préférés, en l’occurrence, Driss Guerraoui qui restera en poste à la primature jusqu’à sa nomination récente en tant que secrétaire général du Conseil économique et social.
Mais aussi Nezha Lahrichi qui sera rapidement affectée à la tête de la SMAEX (Société marocaine d’assurance à l’exportation). Reste l’enseignant chercheur, Fouad Zaïm, toujours conseiller du Premier ministre qui aura survécu à trois gouvernements successifs.
M.K
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Mouâtassim Belghazi, l’art de rebondir
Titulaire d’un doctorat en sciences économiques sur le thème de la gouvernance d’entreprise, Mouâtassim Belghazi intègre le CNJA (Conseil national de la jeunesse et de l’avenir) aux côtés de Habib El Malki, avant de diriger le Centre d’étude et de documentation économique et sociale.
En 1998, il suit son mentor socialiste au ministère de l’Agriculture en tant que chef de cabinet. Au terme du mandat, il s’installe au Canada et lance deux entreprises de négoce, tout en étant consultant international en SI, coaching et gouvernance des entreprises. Retour au bercail en 2006 où il lance la Fondation de microcrédit pour le développement local et le partenariat (FONDEP), et est nommé patron de la SOMED.
Il y restera à peine deux ans, avant d’être « bombardé » PDG de l’ONA. A l’issue de la fusion avec la SNI, Belghazi quitte la holding royale en mars 2011, pour retourner à son business, notamment une société de production d’huile d’olive destinée au marché canadien. La boucle est bouclée.
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Mohamed Brahimi, L’alter ego de Jettou
Le nom de Mohamed Brahimi est souvent associé à celui de Driss Jettou. D’abord, son proche collaborateur au ministère de l’Intérieur, il le suit à la primature entre 2002 et 2005. Réputé pour sa rigueur, sa compétence et sa grande capacité de travail, Brahimi supervise alors tous les dossiers sensibles (dialogue social, réforme du régime des retraites, AMO…).
Ses anciens collaborateurs sont unanimes : infatigable, Brahimi appartient à une catégorie rare pour qui le souci du travail bien accompli est érigé en règle absolue. Ses diplômes (Sciences Po) et surtout ses responsabilités au ministère de l’Intérieur (directeur des études, DG des collectivités locales, gouverneur d’Inezegane-Aït Melloul…) lui procurent une grande aisance dans la mise en œuvre des stratégies. Sa nomination à la wilaya de la région de l’Oriental laissera un grand vide à la primature.
Aujourd’hui, il revient à son cœur de métier en tant que wali rattaché à l’administration centrale au ministère de l’Intérieur. Il serait en charge d’une bien délicate mission : l’organisation des élections.
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Hamid Behaj, L’énergique
Bien plus qu’une conseillère en communication, Khadija Bourara maîtrise tous les dossiers chauds, parle du code de la route comme si elle en avait été la cheville ouvrière, défend bec et ongles les chantiers initiés par son ministre Karim Ghellab. « Un cabinard doit être les yeux et les oreilles de son ministre et avoir le sens de l’intérêt général. »
Au-delà de ce profil idéal, les bons souvenirs submergent la conseillère connue pour être une femme de poigne. Elle n’a aucune expérience dans l’administration quand Driss Benhima, ex-DG de l’ONE, la nomme en 1997 chef de cabinet d’un ministère aux multiples portefeuilles : Tourisme, Transport, Energie, Mines et Marine marchande !
« Une période exaltante de 7 mois avec une équipe jeune, ramassée, qui a eu pour mission de baliser le terrain et de préparer l’alternance. » Quelques années plus tard, même scénario, mais avec un ministre istiqlalien. De l’ONCF, elle suit Karim Ghellab au ministère de l’Equipement en tant que conseillère en communication, tout en restant détachée de l’Office pour ne pas avoir à gérer l’après-mandat.
Alors, ministre technocrate ou ministre politique ? « Avec le recul, l’affinité politique a son importance pour faire avancer les dossiers. » En témoigne l’efficacité avec laquelle Ghellab et Adil Douiri, ex-ministre du Tourisme, ont mis sur les rails la Vision 2010 et la libéralisation du ciel… même si la RAM en fait les frais aujourd’hui. |
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