Le Maroc, pays de tous les interdits ? A voir comment certaines pratiques se dĂ©veloppent et prolifĂšrent, rien nâest moins sĂ»r. Sans juger, « actuel » en a listĂ© sept, parmi les plus rĂ©pandues. FlorilĂšge.
Notre culture musulmane et notre Ă©ducation nous les interdisent formellement. Dans la pratique, il nâen est pas un parmi nous qui nâait brisĂ© au moins lâun de ces interdits. AllĂ©grement. Alcool, haschich, jeux de hasard, bakchich, paroles ou actes violents de tout acabit, sexe (sans pĂ©nĂ©tration)⊠Ces interdits que dâaucuns qualiïŹent de purs pĂ©chĂ©s sont de facto une composante de la vie de tout Marocain.
Certains servent dâĂ©chappatoire Ă une dure rĂ©alitĂ©, dâautres sont une voie hasardeuse vers un lendemain meilleur fantasmĂ©. Dâautres encore une maniĂšre de se procurer du plaisir, obtenir une faveur ou sâexprimer, tant bien que mal. InstallĂ©s dans les mĆurs, nombre de ces « vices » ont Ă©tĂ© « marocanisĂ©s ».
Ce sont la plupart du temps des pĂ©chĂ©s universels, mais mijotĂ©s Ă la sauce locale. Câest tout naturellement, parce que le Maroc est le premier producteur et exportateur mondial de cannabis que la simple Ă©vocation de nos contrĂ©es renvoie, chez bien des esprits, Ă la drogue illicite. Tout comme il nâest pas un rapport qui nâĂ©voque, ou traite en dĂ©tail, ce ïŹĂ©au endĂ©mique quâest la corruption. Une pratique qui atteint dans notre pays un degrĂ© de normalitĂ© pour le moins choquant.
Autre sujet choc : le sexe. Faire lâamour au Maroc, en dehors du cercle de plus en plus inaccessible du mariage, câest dâabord prĂ©server une virginitĂ© toujours aussi essentielle dans l'esprit des hommes comme celui des femmes. A la nĂ©cessaire libĂ©ration des corps liĂ©e Ă lâoccidentalisation de la sociĂ©tĂ©, survivent, vous lâaurez compris, les blocages inhĂ©rents Ă toute nation traditionnelle en mutation.
Ătre marocain, câest sâĂ©vertuer Ă©ternellement Ă contourner ces obstacles culturels pour pouvoir sâexprimer comme tout un chacun. Ce besoin dâexpression peut revĂȘtir un caractĂšre violent et se traduit parfois par des comportements inciviques. Les plus saillants sont ceux observĂ©s dans nos rues : gesticulations, insultes et coups de klaxon sont le quotidien des grandes villes.
Tous ces vices sont drapĂ©s dâune hypocrisie qui fait que nous nâarrivons toujours pas Ă regarder en face ces « pratiques » enveloppĂ©es dans un voile de codes et dâastuces 100% marocaines. « Il mâa fallu plus de deux ans pour enïŹn comprendre que je peux tout me permettre, mais suivant des rĂšgles locales qui sâapparentent Ă une vĂ©ritable culture. Conduire au Maroc, câest ĂȘtre muni dâun permis en bonne et due forme avec, dedans, un petit billet avec. Sortir avec une Marocaine, câest respecter le fait quâelle veuille prĂ©server sa virginitĂ© et se dĂ©brouiller autrement et ainsi de suite », tĂ©moigne Eric, un Canadien installĂ© Ă Rabat. « Le Maroc, câest Babel. Sa version marocaine est underground, câest tout », ajoute-t-il.
Un Babel oĂč le malaise social est omniprĂ©sent, la culpabilitĂ© de mise. Le caractĂšre « haram » de ces vices est mal vĂ©cu. Au point de donner lieu Ă des contradictions porteuses de plusieurs dangers. Loin dâĂȘtre exhaustif, ce tour dâhorizon de nos vices les plus populaires, se veut un moyen de lever le voile sur une partie de ce que nous sommes. Un pan de nos faiblesses. Il ne sâagit nullement de sâautoïŹageller, encore moins de juger. Mais dâessayer de comprendre.
1 - ALCOOL Vive la production (et la consommation) nationale !
300 000 hectolitres par an. Telle est notre consommation annuelle moyenne par an en alcool. Et dâannĂ©e en annĂ©e, la hausse est au rendez-vous. Elle se situe entre 3,5 % et 6 %. Une croissance portĂ©e par les jeunes de moins de 20 ans qui reprĂ©sentent plus de 50 % de la « clientĂšle ». Il nâest dâailleurs pas rare de voir des jeunes, toutes catĂ©gories sociales confondues, se prĂ©senter le plus normalement du monde devant la caissiĂšre avec leurs biĂšres ou bouteilles de vin.
Ce sont les marques locales qui ont le plus la cote. Ă commencer par les biĂšres, du genre Flag SpĂ©ciale, celle que lâon qualiïŹe de reine des bars. Avec 650 000 bouteilles vendues chaque jour, le surnom nâa rien dâexagĂ©rĂ©. En 35 ans dâexistence, aucune autre marque de biĂšre, locale ou internationale, et mĂȘme aussi peu chĂšre que Stork, nâest parvenue Ă dĂ©trĂŽner la SpĂ©ciale.
Viennent ensuite les vins made by Les Celliers de MeknĂšs qui dĂ©tiennent 85 % du marchĂ© avec 600 millions de dirhams de chiffre dâaffaires et 28 millions de bouteilles vendues par an, presque une bouteille par citoyen. En vente partout, lâalcool est un « service » avec un systĂšme de « permanence ». PassĂ© vingt heures, les guerrabas prennent le relais. ImplantĂ©s dans les quartiers populaires, ils sont ouverts jusquâau petit matin.
Si la consommation dâalcool relĂšve, somme toute, du libre arbitre de tout un chacun, force est de constater que lâabsence dâune loi adaptĂ©e (le texte rĂ©gissant ce volet voulant toujours que la vente dâalcool soit interdite aux Marocains musulmans) laisse sâinïŹltrer aussi bien les porte-Ă©tendard du dogme qui militent pour la suppression dâun commerce rapportant pas moins de 1 milliard de dirhams de recettes ïŹscales, que les abus en tout genre. Un acte manquĂ© qui a un coĂ»t : 11% des accidents de la circulation, notamment. Et une polĂ©mique sur « lâinterdiction de la vente dâalcool aux musulmans » qui nâen ïŹnira jamais.
2 - JEUX DE HASARD La ïŹĂšvre du gros lot
28 millions de bouteilles de vin vendues par an, soit une par citoyen. Pour les uns, câest « Al Khayle » (les courses), pour les autres câest « carta » (les cartes). Dâautres encore prĂ©fĂšrent le Loto ou le Totofoot, bien de chez nous. Tous jouent⊠jusquâĂ leur vie pour un bon assortiment de numĂ©ros, une monture ou un jeu de devinettes avec des cartes.
Lâindustrie est ïŹorissante. Elle a atteint un chiffre dâaffaires de 2,6 milliards de dirhams, soit une dĂ©pense moyenne de 86,6 dirhams par personne et par an. Câest un peu plus du tiers de ce que dĂ©pense chaque Marocain par an⊠en mĂ©dicaments. Vous avez bien lu. Il y a les ïŹdĂšles, totalement accros Ă leur jeu prĂ©fĂ©rĂ©. Et il y a les joueurs occasionnels. Tous y laissent des sommes plus ou moins importantes dâargent. Et rares sont ceux qui gagnent le gros lot.
VĂ©ritable secteur Ă©conomique, le jeu, du moins pour la partie visible de lâiceberg est rĂ©glementĂ©. Elles sont ainsi trois sociĂ©tĂ©s Ă se partager le marchĂ©. La Marocaine des jeux et des sports gĂšre les paris sur les matchs de foot avec, notamment, pour ïŹnalitĂ© de participer au dĂ©veloppement du sport. Le montant des produits de La Marocaine des jeux et des sports pour lâexercice 2007 sâĂ©tablit Ă 411,7 millions de dirhams. Jeu favori des Marocains, Cote et foot qui a atteint un chiffre dâaffaires de 150 millions de dirhams. Suivent le fameux Toto foot qui a atteint 115,1 millions de dirhams et les loteries instantanĂ©es, comme celle consistant Ă gratter, avec un jackpot de 120,7 millions de dirhams.
Il y a aussi la Loterie nationale, qui contrĂŽle les jeux de hasard oĂč les combinaisons ne sont choisies sur aucune base; et qui a brassĂ© en 2008 des ventes de lâordre de 562,8 millions de dirhams. La Loterie nationale, câest dâabord le Loto, vĂ©ritable sport national avec 205 millions de dirhams de ventes en 2008. Câest aussi le Keno (135 millions de dirhams), dont les rĂ©sultats sont afïŹchĂ©s sur nos chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision, et le tout nouveau Pickânâplay (168 millions de dirhams). EnïŹn, il y a la SociĂ©tĂ© royale dâencouragement du cheval (SREC), relevant du ministĂšre de lâAgriculture et du DĂ©veloppement rural, qui dĂ©tient le monopole sur les paris de course de chevaux et de lĂ©vriers et qui, elle, bat tous les records en brassant au moins 1,5 milliard de dirhams par an.
Avec des points de vente dĂ©diĂ©s, des cafĂ©s « spĂ©cialisĂ©s » et une armĂ©e dâaccros, câest le jeu le plus populaire, mais aussi celui oĂč les joueurs laissent le plus de plumes. Quant aux plus riches, ils ne sont pas exempts de ce vice : le succĂšs du casino de Mazagan est lĂ pour le prouver.
3 - SEXE Virgin suicide
ExceptĂ© dans les grandes villes, oĂč les hommes commencent Ă accepter que leurs femmes aient un passĂ©, la virginitĂ© est encore importante dans la mentalitĂ© des Marocains. « Or, les femmes ne peuvent se libĂ©rer quâen arrĂȘtant de mettre en avant leur virginitĂ© », martĂšle Ghita El Khayat.
En attendant, on se protĂšge en sâaidant de moyens dĂ©tournĂ©s pour satisfaire son partenaire. Câest pour cela que la sexualitĂ© la plus frĂ©quente chez les cĂ©libataires, câest le fameux sexe sans pĂ©nĂ©tration, vĂ©ritable spĂ©cialitĂ© locale, ou des pratiques telles que la fellation et la sodomie. Câest que, en pleine pĂ©riode de dĂ©couverte (de leur corps, de leur sexualitĂ©, de leur libertĂ©), les jeunes hĂ©sitent entre tradition et modernitĂ©.
La peur du jugement familial et social, lâapprĂ©hension de la rĂ©action du ïŹancĂ© crĂ©ent un vĂ©ritable blocage. Pour Abdessamad Dialmy, qui vient de publier La sociologie de la sexualitĂ© dans le monde arabe, « nous sommes en train de passer dâun ordre sexuel traditionnel Ă un ordre moderne, alors que la majoritĂ© des sociĂ©tĂ©s occidentales sont dĂ©jĂ dans une phase postmoderne ».
RĂ©sultat : les relations sexuelles hors mariage sont frappĂ©es du sceau du secret. La sexualitĂ© est prĂ©sentĂ©e comme une relation Ă haut risque, une source de problĂšmes et de souillures. Ce nâest donc pas pour rien que les Marocains vivent encore une grande misĂšre sexuelle. Seulement 33% des hommes et 23 % des femmes se disent satisfaits de leur vie sexuelle.
Câest ce qui ressort dâune Ă©tude mondiale menĂ©e dans vingt-sept pays par le cabinet dâĂ©tude Harris Interactive de PïŹzer. Preuve que le dĂ©bat mĂȘme sur la sexualitĂ© nâest pas encore « libĂ©rĂ© », seuls 55% des hommes et 46% des femmes de lâĂ©chantillon ayant servi de base Ă lâenquĂȘte, se sont exprimĂ©s sur le sujet.
4 - HASCHICH Le pays qui valait 1 milliard⊠de joints
On lâappelle lahchicha, zetla, hia, la ghalla (la pure)⊠Les autoritĂ©s ne cessent de se fĂ©liciter de la rĂ©duction des superïŹcies de culture de cannabis. Elles ont baissĂ© de 50% durant la pĂ©riode 2004-2008, passant de 130 000 Ă 60 000 hectares. En 2008, le Maroc a produit 43 850 tonnes de cannabis.
Pour autant, le Maroc demeure le principal producteur et exportateur mondial de rĂ©sines de cannabis. Et le haschich reste la drogue prĂ©fĂ©rĂ©e des Marocains. Normal, dans un pays oĂč le commerce du kif Ă©tait lĂ©gal il nây a pas si longtemps (la fameuse RĂ©gie nationale du kif et du tabac).
Les chiffres 2005 du groupe Altadis permettent de sâen faire une idĂ©e par extrapolation. En 2005, la RĂ©gie des tabacs a vendu 15,2 millions de cahiers (appelĂ©s ainsi dans le jargon des cigarettiers) de feuilles Ă rouler, soit lâĂ©quivalent de 1,14 milliard de feuilles. Sachant que le tabac Ă rouler nâest pas trĂšs populaire au Maroc, câest un milliard de feuilles qui serviraient Ă confectionner des joints.
Ainsi, 1,1 milliard de joints ont Ă©tĂ© fumĂ©s au Maroc. Sans compter le kif que les Marocains, habitant les zones rurales notamment, continuent dâaffectionner particuliĂšrement et quâils fument par le biais du sebsi, la pipe traditionnelle.
Depuis quelques annĂ©es, un autre type de pĂ©chĂ© a fait son entrĂ©e sur le marchĂ©. Sauf que celui-lĂ nâa rien de « mignon » : les psychotropes. DâaprĂšs, Mustapha Daouf, coordonnateur du Rassemblement pour la lutte contre les psychotropes, il faut distinguer deux types de produits. Lâextasy, consommĂ© par une classe aisĂ©e, vient dâEspagne. Actuellement, il est prĂ©parĂ© et commercialisĂ© par la maïŹa italienne. Il comprend cinq marques : «Requin bleu», « Mitsubishi », « Ben Laden », « Moulin rouge » et « Moulin viagra ».
GĂ©nĂ©ralement, il transite par FĂšs et Casablanca avant d'arriver Ă Marrakech, Agadir et Essaouira. Lâautre catĂ©gorie de psychotropes est destinĂ©e aux consommateurs dĂ©favorisĂ©s. En provenance dâAlgĂ©rie, leur diffusion date de 1970. Ils sont introduits au Maroc par le biais de la contrebande et sont surtout disponibles Ă Khemisset et Casablanca. Un comprimĂ© ne coĂ»te que 3 dirhams. Un paquet de 10 comprimĂ©s est vendu de 25 Ă 30 dirhams.
EnïŹn, un autre genre de psychotrope dont les jeunes sont accros: el maĂąjoun qui comporte trois types « chkilita », « katila » et « scood » ; des drogues rĂ©centes dont on ne connaĂźt pas encore les effets⊠Accessibles, ces drogues restent cependant dangereuses et seraient Ă l'origine de pas moins de 75% des agressions et vols commis au Maroc.
5 - VIOLENCE La voix de la rage
Il y a dâabord la violence dans toutes ses formes Ă lâĂ©gard des femmes et dont seraient victimes 74% de nos concitoyennes (dâaprĂšs le RĂ©seau national des centres dâĂ©coute des femmes victimes de violence). Il y a aussi celle perpĂ©trĂ©e contre les enfants, des giïŹes aux viols Ă lâĂ©cole, Ă la maison, chez lâemployeur pour les petites bonnes⊠(prĂšs de 6 000 affaires par an devant les tribunaux).
Sans oublier les actes dâagression qui se produisent au quotidien dans la rue, les attaques physiques ou verbales dont nous sommes auteurs ou victimes et qui vont des coups de klaxon aux coups de hachette et autres armes blanches.
RĂ©sultat, on ne compte plus le nombre de vols Ă lâarrachĂ© de sacs Ă main ou de GSM, et dâagressions. Pour les dix premiers mois de lâannĂ©e 2008, plus de 250 000 plaintes pour vols et agressions ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es. Mais une bonne part de ces attaques ne sont pas dĂ©noncĂ©s. Les parents se plaignent dâagressions perpĂ©trĂ©es devant les Ă©tablissements scolaires contre leurs enfants par des malfaiteurs armĂ©s dâobjets tranchants, si bien que nombre de ces Ă©tablissements recourent Ă des vigiles.
De mĂȘme, les Ă©tablissements bancaires renforcent de plus en plus leur dispositif de sĂ©curitĂ© pour parer Ă dâĂ©ventuelles attaques. Les Marocains ont de tout temps nourri lâimage dâune sociĂ©tĂ© apaisĂ©e oĂč le dialogue et la mĂ©diation ont toujours servi Ă rĂ©gler les conïŹits.
Mais ces temps semblent rĂ©volus. Pour bon nombre de nos compatriotes, la violence est un moyen pour se dĂ©fendre ou ramener lâordre mais c'est aussi un moyen pour exprimer ses idĂ©es et autres idĂ©ologies. Des inĂ©galitĂ©s sociales aux jeux de pouvoir en passant par les problĂšmes de civisme et lâabsence dâune culture non violente... Le dĂ©bat Ă©tant Ă peine installĂ©, la violence a encore de « beaux » jours devant elle.
6- CORRUPTION Une tradition nommée bakchich
Ni la prise de conscience gĂ©nĂ©rale, ni la crĂ©ation dâune instance dĂ©diĂ©e Ă la lutte contre le phĂ©nomĂšne nâont, pour lâheure, changĂ© la donne. La corruption est endĂ©mique au Maroc. Petite et grande, elle ne cesse de se banaliser.
En tĂ©moigne lâIndice de perception de la corruption (IPC) 2009 de Transparency International. Le Maroc qui sâest classĂ© 89Ăšme (sur 180 pays continue, donc, sa « descente aux enfers » puisqu'en 2007, le Royaume Ă©tait 72Ăšme . Soit 17 places de perdues et un total de 44 places en 10 ans (45Ăšme en 1999).
Mieux encore, 60% des mĂ©nages marocains consultĂ©s lors de lâĂ©laboration du dernier baromĂštre de perception de la corruption ont dĂ©clarĂ© avoir payĂ© des pots-de-vin au cours de lâannĂ©e qui a prĂ©cĂ©dĂ© lâenquĂȘte. De celle-ci ressort que le systĂšme judiciaire tite » corruption sâobserve dans les transactions « ordinaires » de la vie, Ă travers des formes multiples.
Elle prend souvent un aspect coercitif reliĂ© Ă un espace de pouvoir rĂ©glementaire, de contrĂŽle, etc. Lâaccumulation des infractions « mineures » auxquelles elle donne lieu ïŹ nit par saper lentement les bases dâun pays.
Quant Ă la « grande » corruption, elle imprĂšgne certains niveaux et mĂ©canismes de dĂ©cision et met en jeu des sommes dâargent importantes. Elle est souvent liĂ©e aux conditions de passation de certains marchĂ©s publics, Ă certaines autorisations donnant lieu Ă de grands projets dâinvestissements, Ă lâĂ©tablissement des contingents dâimportation, Ă la rĂ©glementation de monopoles naturels, Ă des opĂ©rations de privatisation ou mĂȘme de dĂ©lĂ©gation de services publics locaux (eau, Ă©lectricitĂ©, assainissementâŠ).
Le dĂ©sir du Maroc dâaccueillir, en 2011, la 4Ăšme confĂ©rence des Etats parties Ă la Convention des Nations unies contre la corruption (UNCAC) conïŹrme peut-ĂȘtre lâengagement du pays Ă lutter contre cette gangrĂšne quâest la corruption. Mais comme lâa soulignĂ© Transparency Maroc, « il faut mettre ïŹn aux dĂ©clarations dâintention » et agir concrĂštement.
7 - HYPOCRISIE « Notre » mal du siÚcle
Sâil est un vice que nombre de Marocains partagent, câest celui de lâhypocrisie. Cela se ressent dans les comportements de tous les jours, nos compatriotes Ă©tant passĂ©s maĂźtres dans lâart de dire ce quâils ne pensent pas et de penser ce quâils ne disent pas. Lâhypocrisie se traduit dans lâĂ©laboration mĂȘme de certaines lois, comme celle interdisant la consommation dâalcool alors que la vente en est libre, et dans certains discours sur des questions comme la virginitĂ© ou la religion.
Tout comme il existe des hypocrisies dâordre pratique voulant que des personnes instruites et aux allures on ne peut plus modernes, nâhĂ©sitent pas Ă adopter des comportements moyenĂągeux, comme le vĂ©ritable esclavage quâest lâemploi des petites bonnes.
RĂ©sultat : une schizophrĂ©nie ambiante. A lâorigine de tous ces maux, une culture voulant concilier une authenticitĂ© sĂ©culaire, avec ses rĂšgles strictes et ses rĂ©fĂ©rences intransigeantes, et une modernitĂ© qui stipule des droits et des obligations. Les deux penchants sont souvent incompatibles. Le choix est difficile. Les dĂ©gĂąts sont, eux, nombreux. Certains sont dâordre clinique.
42% de la population, soit 12,6 millions de Marocains, ont souffert au moins dâun trouble mental lĂ©ger ou grave (y compris la dĂ©pression) selon une enquĂȘte nationale rĂ©alisĂ©e en 2007. En tĂȘte, la schizophrĂ©nie qui touche 1% de la population marocaine, soit 300 000 personnes. Un chiffre qui peut croĂźtre du fait de lâaugmentation de la consommation de drogues chez les jeunes.
Tarik Qattab |