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Interview 
actuel n° 106, vendredi 26 août 2011
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Sion Assidon : « Les pa rtis sont émasculés »

Pour le militant anti-corruption, c’est tout un système qui incite les élus à s’enrichir plutôt qu’à servir leur pays.

Fondateur de Transparency Maroc, Sion Assidon est aujourd’hui le secrétaire général adjoint de l’antenne marocaine de cette association internationale de lutte contre la corruption. L’éternel militant a toujours son franc-parler pour dénoncer des dérives mais il sait aussi proposer des solutions.


***

A quel point politique et corruption font-elles bon ménage ?

Je pense que notre système politique est intrinsèquement corrompu. La corruption a chassé la politique du domaine du politique pour occuper sa place. On se plaint de la dépolitisation des citoyens et de l’impuissance des partis politiques. Or c’est la manière dont est articulé l’espace politique qui met la corruption à la place du politique.

En effet, les partis politiques sont – pardonnez–moi l’expression – émasculés : ils ont accepté la place qui leur est concédée et ont fini par renoncer à la politique. Cette situation est organisée par la Constitution. Lors des dernières élections législatives, j’ai eu la désagréable impression, en regardant les programmes des partis, de lire des photocopies.

Et souvenez-vous, quand on a demandé à je ne sais quel Premier ministre quel était son programme, il a répondu : « celui du roi »…

La Constitution actuelle ne va t-elle pas changer la donne ?

Les orientations stratégiques restent décidées en conseil des ministres présidé par le roi dont la parole est indiscutable. Un parti a-t-il annoncé que son Premier ministre, qui arriverait premier de la classe avec moins de 20% des sièges, tiendrait tête en conseil sur la base de son programme ?

Les partis qui ont accepté de jouer un jeu truqué dès le départ, ont renoncé à tout débat politique. L’enjeu de la conquête d’un siège devient les avantages qui y sont attachés. On est en pleine corruption du champ politique.

C’est dommage, car les vingt-févriéristes, en mettant au cœur de leurs revendications « la chute du despotisme », demandaient clairement la limitation des pouvoirs du roi, et donc la réhabilitation de la politique.

Ce qui n’est pas outrageusement révolutionnaire. C’est même très « raisonnable » par rapport aux demandes exprimées dans d’autres pays de la région cette année… Mais leur demande n’a pas été entendue.

De même, la Constitution n’évoque pas l’incompatibilité entre l’exercice du pouvoir et la pratique des affaires, ce qui était également une revendication du 20-Février.

La détention d’un pouvoir est source d’un enrichissement d’autant plus assuré que ce pouvoir est étendu. On nourrit ainsi la corruption à sa racine.

Ă€ quels niveaux la retrouve-t-on ?

La politique devient un (bon) investissement dont on attend un retour : on investit dans l’achat d’un siège, l’achat de voix. L’immunité, le délit d’initiés, la transhumance sont autant de ressources… L’enjeu n’est plus de faire de la politique et d’orienter l’avenir du pays mais plutôt la défense d’intérêts personnels, familiaux, claniques ou encore régionaux.

 

Mais la corruption ne se limite pas au champ politique ?...

La cartographie de la corruption n’est pas toujours facile à établir, car la partie immergée de l’iceberg est encore plus volumineuse que ce que l’on peut imaginer.

Certes, dans les sondages sur la corruption, les citoyens placent en tête la circulation, la justice, les hôpitaux, les administrations, et la gestion des affaires locales. Cette cartographie ne laisse aucunement deviner les volumes financiers en jeu dans des domaines dans lesquels les citoyens n’ont pas d’expérience directe (marchés publics à dimension internationale par exemple).

Sans compter que la corruption ne prend pas nécessairement la forme d’une transaction financière ou d’un pot-de-vin. Le trafic d’influence et le népotisme lui sont apparentés, parce que basés sur le même principe : l’abus d’un pouvoir – politique ou social – pour favoriser un intérêt particulier.

 

Avez-vous constaté une évolution du phénomène ?

Oui, bien sûr, une évolution très importante. Si pendant longtemps, la corruption est restée taboue, ce n’est plus le cas maintenant, puisque le sujet est largement débattu dans l’espace public. Malheureusement, on a assisté à une banalisation de ce débat. Ce qui a mis « un tigre dans le moteur » de la corruption !

Pourquoi ? Parce qu’évoquer le problème sans faire le nécessaire pour l’éradiquer c’est envoyer un signal aux corrompus : « Surtout ne vous inquiétez pas, continuez… sans tabou et sans honte ! »

 

Malgré les rapports et les articles, rien n’a changé ?

L’impunité reste la règle, et la punition l’exception. La Cour des comptes, malgré la misère de ses moyens, a mis au jour un grand nombre d’affaires, la plupart du temps sans suite. Si elle avait plus de moyens, elle pourrait découvrir d’autres foyers, d’autres scandales, d’autres situations de corruption...

A la justice, qui devrait être l’un des instruments clefs dans la lutte contre le fléau, de prendre le relais. Elle n’a pas été capable, jusqu’à présent, de jouer son rôle, aussi parce qu’elle est elle-même corrompue…

 

Notre arsenal juridique est-il insuffisant ?

Il souffre de plusieurs failles. Par exemple, dans les situations d’extorsion : des personnes abusent de leur pouvoir et érigent des obstacles entre les citoyens et leurs droits, obligeant ceux-ci à payer. Or, dans ce dernier cas, la loi continue de traiter les deux parties de la même manière. Celui qui abuse de son pouvoir, comme le citoyen à sa merci.

La loi sur la protection des témoins est encore en gestation et les projets accessibles ne sont pas rassurants. Rien pour le moment ne protège les témoins et les donneurs d’alerte.

Ces personnes, qui ont des informations sur des cas graves de corruption, peuvent se retrouver dans des situations très délicates si elles révèlent leurs secrets. Elles risquent des sanctions disciplinaires, des mutations, des dégradations… ou même de faire face à des accusations de corruption !

 

Il faut donc encourager la délation ?

La loi doit prévoir des garde-fous contre la délation calomnieuse. Mais comme en matière de corruption, c’est à l’accusé de prouver son innocence, il n’y a pas grand risque. L’enrichissement illicite est facilement constatable.

Est-ce que l’on vous rapporte des cas de corruption politique ?

Oui. Nous recevons régulièrement des témoignages à travers notre Centre d’assistance juridique anti-corruption (CAJAC), dont le rôle est d’orienter les victimes d’abus à travers la pauvreté des mécanismes existants. Notamment sur l’une des formes les plus courantes de corruption dans la politique, l’abus de pouvoir dans la gestion locale.

De plus, il arrive à Transparency de recevoir des dossiers très épais  – et pleins d’enseignements – sur de grosses affaires de corruption, au plus haut niveau… Mais on ne peut pas agir : cela risquerait de mettre en danger nos sources... Nous travaillons pour que la loi sur la protection des témoins ne soit pas décevante.

 

Comment mettre le holà à une corruption si généralisée ?

Comme on est dans une situation caractérisée par une corruption systémique, il faudrait commencer par faire un grand ménage, et régler les comptes du passé. Et à cela, un système judiciaire « normal » ne suffirait pas : il faudrait des années pour liquider notre passif de corruption.

De la même manière que juger les crimes de l’apartheid en Afrique du Sud dans des tribunaux « normaux » n’aurait pas été possible. Il faudrait inventer autre chose, une structure, une procédure spéciale, pour remettre les compteurs à zéro. Ensuite seulement, on pourrait recommencer avec une justice « propre ».

 

Et ensuite ?

Il y a bien une loi sur la déclaration de patrimoine des acteurs publics, mais malheureusement, sa mise en œuvre souffre d’un manque de volonté politique, et, en conséquence, d’un manque de moyens.

Or, il serait tellement simple d’obliger l’ensemble des fonctionnaires de la fonction publique (à tous les niveaux) et des élus à effectuer annuellement une déclaration de patrimoine par Internet.

A l’instar de ce que font, dans d’autres pays, l’ensemble des citoyens qui remplissent une déclaration annuelle de revenus. On disposerait ainsi d’une base de données qui permettrait de cibler précisément les foyers de corruption. A condition de le vouloir et d’y consacrer les moyens humains nécessaires. Il me semble qu’on ne manque pas de diplômés- chômeurs ? [Sourire…]

Evidemment, il y a mille autres moyens de combattre la corruption. On peut aussi aller enseigner dans les écoles que « la corruption, ce n’est pas bien » : mais dire à un enfant, qui voit ses parents le faire quotidiennement, de ne pas mentir, c’est complètement contre-productif.

 

Quel rôle peut jouer la société civile, et en particulier Transparency Maroc ?

Faire de la sensibilisation, mais aussi être une force de suggestion et de proposition. On a également un rôle d’observateur et de contrôle des politiques publiques à jouer. C’est ce qu’essaie de faire TM depuis sa création.

Propos recueillis par

Amanda Chapon

Fraude Ă©lectorale : mode d’emploi

 

En cinq leçons, voici comment devenir un parfait candidat corrupteur avant de se métamorphoser en élu corrompu.

***

La moindre irrégularité pendant les élections peut déboucher sur la fraude électorale. Cela va des opérations électorales elles-mêmes ( bourrage des urnes avec des bulletins en faveur d’un candidat, disparition de bulletins) aux manœuvres constatées pendant la durée de la campagne électorale ( tracts diffamatoires contre un adversaire politique, propagande après la clôture officielle de la campagne électorale).

Des techniques mûrement réfléchies par une armada de chevronnés et judicieux spécialistes des urnes aiguisés pour ce type d’opérations dans d’authentiques camps d’entraînements que sont devenus les échéances électorales.

Bourrer les urnes

La technique est obsolète, vu que les urnes en plexiglas laisse peu de chance aux tripatouillages préélectoraux qui consistaient à effectuer un pré-bourrage des urnes. Il s’agissait, au moment des élections, de consigner dans des bureaux de vote choisis longtemps à l’avance des stocks d’urnes bourrées de bulletins de vote, remplies auparavant et que l’on mettra à la place de celles qui ont servi au vote.

Leur injection dans le circuit normal, en remplacement de celles ayant accueilli les « voix lĂ©gales », se font en distribuant de gros bakchichs aux observateurs qui accepteraient de jouer le jeu. Dans ce scĂ©nario, il faut tomber sur des militants des partis politiques et de la sociĂ©tĂ© civile assez vĂ©reux pour accepter de  fermer les yeux.

Le procédé, plutôt grossier, en vogue à l’époque de Basri, est en voie de disparition en raison notamment des multiples observateurs internationaux qui écument les bureaux de vote.

DĂ©tourner des voix

Des analphabètes, le pays en compte des millions. Ils constituent la cible privilégiée des élus ripoux. Lors des opérations électorales, il est laissé aux analphabètes le soin d’exprimer leur choix au vu des logos des partis auxquels sont affiliés les candidats.

Dans les campagnes reculées, on ferme les yeux sur la présence d’un tiers qui devrait aider en principe chaque électeur ou électrice ne sachant ni lire ni écrire à voter pour la liste de son choix. Ces individus payés par tel ou tel candidat racolent ainsi un maximum d’électeurs analphabètes en vue de détourner leurs voix au profit du candidat en question.

Jouer les croque-morts occasionnels

Les futurs candidats ont un allié de taille : la mort. Ils la sentent à mille lieux à la ronde. Il suffit qu’une personne décède dans le quartier pour qu’un traiteur patenté dresse la tente, place les chaises et propose le dîner qui va avec les funérailles.

Les agents électoraux qui connaissent la cartographie des décès se font un plaisir de présenter les condoléances de monsieur le maire ou le faire part attristé du parlementaire de la circonscription, de préférence dicteés au moment de grande affluence de manière à ce que toute l’assistance sache que c’est le grand mécène qui a réglé l’addition.

Le petit frère des pauvres n’a plus qu’à espérer se voir rendre l’ascenseur au moment du vote. Certains n’hésitent pas à faire de même à l’occasion d’une naissance, voire même d’un mariage.

Organiser moussem, méchoui et circoncision

Qui refuserait de financer un festival bidon, un pseudo séminaire ou encore une vaste opération de circoncision dont l’objectif réel est de mettre de son côté le maximum de promesses de vote ?

Par ce financement détourné, on permet à beaucoup de personnes de se sucrer, même les journalistes en profitent puisque des enveloppes sont mises à leur disposition pour une soi-disant couverture médiatique de l’évènement.

Sous couvert de citoyenneté, les entreprises n’auront donc pas le moindre problème pour se plier et se conformer aux propositions des élus. Il y va de leur survie puisque les mairies ont diverses possibilités de bloquer les activités, voire de mettre à genoux toute entreprise qui ne marche pas dans la combine.

« On achète une tranquillité toute relative puisque le jour où il y a vraiment un pépin, les élus nous tournent tout de suite le dos », explique un cadre dirigeant d’une grosse boîte de Mohammedia.

Quant aux députés, ils ont toujours le loisir d’épingler l’entreprise dans une de ces questions orales qui ont souvent un relent de bras de fer comme ce fut le cas dernièrement entre l’OCP et plusieurs députés de la région, trop contents de trouver dans la crise sociale qui secoue Khouribga l’occasion rêvée de se payer une pré-campagne à moindres frais.

Régler tous les problèmes

Vous vous posez des questions sur la longévité de nos maires et sur l’incroyable capacité à se faire réelire de nos députés ? Le scénario est pourtant d’une simplicité déconcertante : l’achat de votes se fait dans un rapport de confiance de longue durée entre le candidat et la population d’une commune, voire d’une ville entière.

Au lieu d’attendre la prochaine échéance électorale, les élus les plus futés entretiennent avec leurs administrés des rapports fidélisés par des dons de toute nature. Tel élu a ouvert une ligne de crédit dans une pharmacie, à proximité d’un bidonville, où une liste de personnes a le droit de piocher allègrement. Tel autre fournit le panier de la ménagère durant tout le mois de Ramadan. Dans ce type de rapports, l’élu n’a aucun contact avec les citoyens, ce sont des agents électoraux qui agissent comme intermédiaires entre les hommes politiques et l’électorat. Cette relation de favoritisme permet aux électeurs potentiels d’avoir accès aux services publics et d’accéder efficacement à la résolution de leurs problèmes administratifs. Par conséquent, les citoyens à faibles revenus sont plus susceptibles d’être la cible privilégiée pour les achats de votes. La technique est d’autant plus efficace que le censeur le plus doué aura des difficultés majeures à démontrer la corruption électorale. Qui pourrait reprocher à Chabat ou à Sajid de bichonner leurs administrés ?

Abdellatif El Azizi


 

Comment font les autres ?

Contrairement aux nations arabes, les pays d’Amérique latine ont pris à bras le corps le phénomène pour tenter d’éradiquer totalement l’achat des votes.

Même si l’échange entre l’homme politique corrompu et l’électeur est personnalisé, l’achat de votes est désormais considéré dans ces pays comme une infraction criminelle aux répercussions négatives graves.

Au Brésil ou encore au Mexique, les changements ont porté, dans un premier temps, sur la sensibilisation des électeurs et la modification de leurs comportements et, ensuite, sur la réforme du cadre réglementaire et

institutionnel des élections, afin de dissuader sérieusement les candidats à acheter des votes. Deux modifications apportées récemment à la loi brésilienne sur l’achat de votes la rendent plus efficace : la nouvelle loi invalide la candidature de ceux qui ont tenté d’acheter des votes et n’impose aucune sanction à ceux qui ont vendu leur voix afin d’encourager les électeurs à dénoncer les candidats qui tentent d’acheter des voix.

Le degré élevé de transparence, prévu dans les règles régissant le financement des campagnes électorales, incite les candidats à consacrer leurs fonds de campagne à des activités légitimes.

Au Mexique on s’est attaqué d’abord aux problèmes sous-jacents, tels que la pauvreté, le favoritisme et l’aliénation des électeurs avant de revoir la législation. Le gouvernement a ensuite engagé une lutte ciblée contre l’achat de votes, grâce notamment à la réforme des lois et des institutions.

Résultat, l’évolution constatée après les dernières législatives dans ce pays, semblent indiquer qu’un changement s’est effectivement produit dans la culture politique et a influencé la façon dont les électeurs perçoivent et réagissent à l’achat de votes.



Argent et politique : combines en eaux troubles

A la veille de l’ouverture de la campagne électorale, le roi a mis en garde les professionnels des urnes sur les dérapages attendus. Et comme la chasse aux votes est de plus en plus contrôlée, les maquignons ont peaufiné leurs pratiques au moyen de leurres de plus en plus sophistiqués. Plongée dans le monde de la corruption politique.

***

Discours particulièrement musclé que celui du 20 août. L’approche des échéances électorales remet sur la table la question de l’utilisation de l’argent sale pour l’achat des voix des électeurs.

Le roi n’a pas hésité à mettre en garde les partis politiques : « Tout le monde – gouvernement, Parlement, partis, citoyens, acteurs associatifs et médias – se trouve, de ce fait, face à un véritable test, imposant à chacun de prendre ses responsabilités historiques et de placer les intérêts de la Nation au-dessus de toute autre considération », a souligné le Souverain.

Quant aux partis, « Il leur incombe aussi de s’opposer avec fermeté à toutes les irrégularités et de lutter contre l’usage de l’argent et l’achat des voix visant à pervertir les élections ».

La mise en garde royale suffira-t-elle à mettre fin au phénomène ? Quand on voit, en effet, comment des notables achètent des voix pour se faire adouber sénateurs, quand on assiste à cette foire où se mélangent coquins et copains, il est permis d’en douter.

Le marché des voix a évolué mais les tractations en coulisses faisant foi, la course à ce sésame qui ouvre grandes les portes aux entrepreneurs en mal de marchés, aux hommes d’affaires douteux et aux personnages à la réputation sulfureuse est toujours en vogue. Certains candidats sont toujours prêts à mettre un milliard sur la table pour s’offrir une place au Parlement.

D’un autre côté les anciens, les députés au pouvoir qui pendant six ans, ont pris goût à côtoyer la jet-set rbatie et de parler d’égal à égal aux ministres et hauts responsables de l’Etat veulent rempiler à tout prix. « On s’attend à une énième farce de l’électoralisme marocain.

Vous allez voir, le paravent démocratique de la nouvelle Constitution va vite voler en éclats quand on va voir les mêmes corrompus, les mêmes dinosaures qui trônent à la tête des partis se présenter aux législatives et réussir, ce qui décline d’ores et déjà une image d’un pays peu soucieux de mettre fin à la corruption politique », s’indigne Mustapha Mchiche Alami, homme d’affaires ex-député de Kénitra.

Aussi dégradant qu’il soit, l’électoralisme sur fond de financement occulte ne rebute aucun des partis en lice, exception faite du PJD qui ne peut se permettre de cautionner des pratiques qu’il dénonce à longueur de journée sur les bancs de l’hémicycle.

L’homme d’affaires explique que la plupart des partis n’hésitent pas à donner leur bénédiction aux corrompus sachant que ce sont ces derniers qui sont capables de rafler le maximum de sièges.

Le prix d’une campagne électorale

La représentation populaire, réduite à une simple course aux strapontins à très forte valeur ajoutée booste les achats de voix vendues en millions de centimes au nez et à la barbe des autorités, qui font mine de ne rien voir.

L’opinion n’a aucun mal à mettre des visages et des noms sur ces gens qui mettent des sommes colossales en jeu pour être élus. Alors que l’on estime à près d’un million de dirhams pour une campagne à peu près correcte, les ripoux n’hésitent pas à mettre jusqu’à 10 millions de dirhams dans le coup en attendant le retour sur investissement.

Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil à la fortune des maires après quelques années d’exercice pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. N’étaient les scandales à répétition d’achats éhontés de voix et le mercato politique qui fait migrer des militants d’un parti à un autre, on ne saurait pas grand-chose de ces histoires d’achat de voix.

En 2006, lors du renouvellement du tiers des membres de la chambre des Conseillers, les autorités ont mis sur écoute tous les candidats aux élections, suite à une circulaire conjointe de la Justice et de l’Intérieur, une première au Maroc.

Plus de 20 candidats ont été épinglés, condamnés pour corruption électorale à des peines d’emprisonnement, et frappés d’inéligibilité... mais la plupart se sont retrouvés dans le circuit après avoir été grâciés.

Dans le lot, on trouve l’ex-maire de Kénitra, Mohamed Talmoust, condamné à 10 ans de prison avec sursis assorti d’une amende de 70 000 DH. On a là, le modèle idéal du candidat ripoux qui traîne des casseroles avec la justice, avec une réputation de corrompu notoire et qui réussit, à chaque échéance électorale, à se faire adouber par un parti politique, dont le dernier en date est le PPS .

Alors si les barons de la drogue, les notables ripoux et autres spécialistes des élections sont fichés par toutes les polices du pays, pourquoi les autorités n’interviennent-elles pas ? Que fait Taieb Cherkaoui ? La question taraude autant l’opinion publique que les leaders politiques qui veulent réellement le changement.

Pour Abdelilah Benkirane, le ministère de l’Intérieur, qui reste l’unique interlocuteur, n’a pas encore compris les énormes enjeux de la nouvelle Constitution : « Pour l’anecdote, le chef de notre parti à la première chambre avait soulevé une question dans ce sens, s’interrogeant sur un département qui a réussi à arrêter l’auteur de l’attentat de Marrakech en une semaine alors qu’il n’arrive pas à mettre la main sur les candidats qui distribuent de l’argent à tour de bras.

L’issue de cet épineux examen de passage que sont les premières élections de la nouvelle Constitution dépend de la capacité de ce ministère à prendre les mesures coercitives qui s’imposent et d’observer une neutralité réelle ». Pourquoi ce département a-t-il aussi mauvaise presse en matière de gestion des élections ?

Une question d’équilibre

C’est qu’on ne gomme pas d’un seul trait l’héritage de Basri. Au-delà de son utilité à lutter contre le crime, l’hégémonie de ce département a surtout servi à Basri à mettre en place un régime exceptionnel, où nul ne pouvait discuter les choix faits par le maître des lieux.

Le vizir de Hassan II avait la haute main sur la sécurité, sur l’aménagement du territoire, sur les autorisations d’ouverture des bars et autres débits de boisson, ce qui faisait beaucoup de secteurs et de personnes obligés de lui prêter allégeance.

A l’occasion de toutes les échéances électorales, le « candidat unique » Basri faisait la pluie et le beau temps dans l’obscurité des isoloirs. L’homme ne s’en cachait d’ailleurs pas puisqu’il avouait au Journal hebdomadaire en mai 2003 que le fait de favoriser tel ou tel candidat au détriment d’un autre n’avait pas d’importance puisque l’essentiel était de maintenir les équilibres nécessaires à la continuité et à la stabilité de la nation.

En réalité, la carte politique du pays était complètement imaginée dans les couloirs feutrés du ministère et l’équilibre dont il parlait consistait à affaiblir les partis de la gauche au profit des partis de l’administration.

Chose qu’avait dénoncé à l’époque Mhammed Boucetta quand il était secrétaire général de l’Istiqlal. L’essentiel, c’est d’empêcher la naissance d’un parti fort qui dicterait ses conditions. Les moyens utilisés, tout le monde les connaît : trafic des listes électorales, vote des morts, remplacement des urnes, Basri faisait feu de tout bois pour avoir une carte électorale sur mesure.

Pour ce faire, les hommes qui entouraient le puissant ministre étaient sommés de rameuter des candidats douteux au passé commun, notables ripoux, barons de la drogue et même des repris de justice blanchis à l’occasion : tout était bon pour barrer la route aux élus insensibles aux cadeaux proposés pour acheter leur compromission. Depuis, les nouveaux locataires des lieux tentent régulièrement de faire le ménage. Avec des résultats plus ou moins mitigés.

Abdellatif El Azizi


Un personnage clef : le maquignon

Vous ne risquez pas de le rater. Vous débarquez dans n’importe quelle mairie de la métropole ou autre commune, le personnage le plus haut en couleurs, c’est le maquignon. Tout en muscles, le plus souvent analphabète, sans aucune formation politique si ce n’est celle des banquets organisés la veille de la campagne, plutôt grande gueule, c’est le conseiller politique que s’arrachent les élus qui lui offrent l’étiquette politique necessaire pour émarger au conseil de la ville.

Il est admis d’office dans la cour des grands en tant que conseiller, voir vice-président parce que les bureaux de vote n’ont pas de secret pour lui. Il n’a pas de couleur politique, il peut changer de veste plusieurs fois dans la journée, l’essentiel de sa carrière consiste à organiser des réussites électorales ou des putschs pour l’opposition.

Il n’a pas son pareil pour trouver les quelques centaines de voix qui manquent ou dénicher les conseillers qui sont prêt à vendre leur soutien au premier candidat venu. A voir son train de vie, on comprend que le personnage monnaye très cher ses services.

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Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
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Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°91 : Le grand nettoyage 
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Actuel n°89 : Ruby : sexe, mensonges et vidĂ©o 
Actuel n°88 : ImpĂ´ts : Halte Ă  la fraude 
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Actuel n°86 : Marine Le Pen : L’islam, les Arabes et moi 
Actuel n°85 : Vive le Maroc libre 
Actuel n°84 : Rumeurs, intox : Ă  qui profite le crime ? 
Actuel n°83 : ET MAINTENANT ? Une marche pour la dĂ©mocratie
Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un système  
Actuel n°69-70 : Benguerir sur les traces de Settat 
Actuel n°68 : Art, sexe et religion : le spectre de la censure 
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Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
Actuel n°63 : Ex-ministres :  y a-t-il une vie après le pouvoir ?
Actuel n°62 : Le code de la route expliquĂ© par Ghellab
Actuel n°61 : La vie sexuelle des Saoudiennes… racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
N°58 : Onze ans, onze projets 
N°57 : Raid sur le kif 
N°56 : Sea, Sun & Ramadan 
N°55 : Casablanca, mais qui est responsable de cette pagaille ?
N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cĹ“ur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂ´mĂ©s chĂ´meurs : le gouvernement pris au piège
N°51 : 2M : Succès public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux… Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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