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Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
actuel n°34, samedi 13 février 2010
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Huit mois aprĂšs le renouvellement des municipalitĂ©s, la plupart des villes semblent plongĂ©es dans une grande lĂ©thargie. La vacance ou la concentration du pouvoir y sont souvent ïŹ‚agrantes. InquiĂ©tant.

Les Ă©lections municipales de juin 2009 ont-elles servi Ă  quelque chose ? Huit mois plus tard, les habitants des villes parmi les plus importantes du Maroc sont en droit de se poser la question. En clair, si leurs Ă©lus – nouveaux ou anciens – exercent bien les responsabilitĂ©s pour lesquelles ils ont Ă©tĂ© mandatĂ©s par les Ă©lecteurs. Le constat gĂ©nĂ©ral est relativement accablant. Nombre de municipalitĂ©s tournent au ralenti, au grand dam de leurs partenaires qui peinent Ă  trouver les bons interlocuteurs, dotĂ©s des pouvoirs affĂ©rents. Et de leurs concitoyens qui voient s’accumuler les retards sur des projets structurants, ou se dĂ©tĂ©riorer la qualitĂ© des services publics municipaux.

Exception faite de Marrakech oĂč Fatima-Zahra Mansouri a pris le taureau par les cornes pour faire avancer tant bien que mal les affaires de la mairie, et de FĂšs oĂč Hamid Chabat a su asseoir sa prĂ©Ă©minence bien avant les Ă©lections de juin 2009, la plupart des mairies apparaissent singuliĂšrement ïŹgĂ©es. À Casablanca, Mohamed Sajid vient tout juste de procĂ©der aux dĂ©lĂ©gations des pouvoirs sans lesquelles la gestion de la ville n’est guĂšre possible. Alors que le PJD a pourtant emportĂ© 31 siĂšges sur 115, contre 21 pour le PAM, le maire a attendu longtemps avant de cĂ©der les fameuses dĂ©lĂ©gations aux vice-prĂ©sidents qui Ă©margent au... PAM ! Omar Farkhani a ainsi obtenu la gestion des projets d’infrastructure de Casablanca en plus des relations extĂ©rieures ; Seddik Chakir, l’ensemble des gestions dĂ©lĂ©guĂ©es dont les abattoirs, la Lydec, le transport... Khadija Latnine s’est vue octroyer l’épineux (et nĂ©anmoins juteux) dossier de l’urbanisme, SouïŹane Kertaoui, les affaires sociales. Ainsi, malgrĂ© une majoritĂ© confortable au Conseil de la ville, le PJD - qui crie dĂ©jĂ  au scandale - a hĂ©ritĂ© d’un hypothĂ©tique dossier des technologies de l’information, attribuĂ© Ă  Abderrahim Ouatass, deuxiĂšme vice-prĂ©sident du conseil.

Aucun répit

A MeknĂšs, Ahmed Hilal est pratiquement court-circuitĂ© par le wali qui ne lui laisse aucun rĂ©pit. L’homme d’affaires, qui a Ă©tĂ© Ă©lu maire de MeknĂšs Ă  l’issue du scrutin de juin 2009 sous les couleurs du Parti authenticitĂ© et modernitĂ© (PAM), en avait Ă©tĂ© exclu, peu aprĂšs son Ă©lection, « pour avoir failli aux consignes de vote du parti sur l’élection municipale de MeknĂšs » selon la direction du parti. Il est Ă©galement poursuivi en justice devant le tribunal administratif par le PJD qui ne lui a pas pardonnĂ© d’ĂȘtre derriĂšre la destitution de l’ancien maire islamiste de la ville. Ce qui en fait dĂ©sormais une brebis galeuse, d’oĂč le blocage de nombreux projets en cours. « Fouad Ali El Himma s’est servi de l’homme pour faire le procĂšs politique de Belkora, un maire islamiste qui a rĂ©ussi Ă  faire l’unanimitĂ© autour de lui. Une fois Belkora dĂ©barquĂ©, on s’est dĂ©barrassĂ© de Hilal », explique un conseiller socialiste qui ne portait pourtant pas Belkora dans son cƓur.

Chantiers pharaoniques

A Rabat, Fathallah Oualalou marche, lui, au diesel. L’ex-argentier du Royaume a rĂ©ussi le tour de force de rassembler autour de lui les Ă©lus du PJD, et ceux du PAM pour un « bureau Ă©largi », dont les membres participent Ă  Ă©galitĂ© Ă  la gestion de la ville. Si les socialistes s’en sortent plutĂŽt bien dans la liquidation du lourd passif de l’ex-patron de la mairie, la gestion de Rabat est sĂ©rieusement plombĂ©e par le sulfureux dossier des transports urbains et l’épineux dossier des chantiers pharaoniques, Ă  l’instar de l’amĂ©nagement de la vallĂ©e du Bouregreg. Quant Ă  Tarik Kabbaj, le maire d’Agadir, ses dĂ©mĂȘlĂ©s avec le wali Rachid Filali, ont sĂ©rieusement nui Ă  la gestion de la ville. À Tanger, oĂč le jeune Samir Abdelmoula - choisi par le PAM pour damer « le pion aux barons des urnes spĂ©ciaisĂ©s des tripatouillages Ă©lectoraux » - peine Ă  expĂ©dier les affaires courantes, c’est la wilaya qui se charge de gĂ©rer la ville au quotidien. Un cas d’espĂšce sur lequel actuel a choisi d’enquĂȘter tant le pouvoir semble y ĂȘtre vacant (lire pages 17 Ă  21).

DĂšs lors, la question des retards dans la gestion des affaires municipales Ă  travers le pays est posĂ©e. IncompĂ©tence en matiĂšre de gouvernance locale ? C’est la critique la plus Ă©voquĂ©e. Le politologue Mohamed Darif ajoute Ă  cela les erreurs de casting d’un nouveau venu sur la scĂšne politique : le PAM qui a imposĂ© Ă  la plupart de ses Ă©lus de contracter des alliances contre nature. « À Casablanca, on a un maire qui a Ă©tĂ© Ă©lu Ă  la tĂȘte du Conseil de la ville grĂące aux voix du PJD et du RNI et qui s’est empressĂ©, juste aprĂšs, de former un bureau oĂč le PAM a la majoritĂ© ! Son lieutenant Mohamed Brija qui a Ă©tĂ© Ă©lu dans son arrondissement de Sidi Moumen, sous les couleurs du RNI, a retournĂ© sa veste et Ă©marge dĂ©sormais au PAM aprĂšs avoir rejoint la mairie en tant que vice-prĂ©sident », explique le chercheur. Au-delĂ  de cette mĂ©diocre gouvernance observĂ©e ici et lĂ , beaucoup s’interrogent Ă©galement sur de multiples opĂ©rations d’investissement hasardeuses et des projets mort-nĂ©s.

Contrats juteux

Pour ce conseiller de l’opposition Ă  la mairie de Casablanca, le paradoxe entre les Ă©normes besoins en services et en infrastructures de la mĂ©tropole, et la lĂ©thargie dans laquelle se dĂ©battent les communes, a plusieurs explications. A commencer par les batailles entre Ă©lus pour accorder tel ou tel marchĂ© Ă  des promoteurs prĂ©cis. Il est vrai que les enjeux sont Ă©normes. Entre le lancement d’un tramway et la construction d’un pont, il y a de nombreux autres contrats juteux qui suscitent bien des convoitises. « C’est le rĂšgne absolu des commissions, si le prĂ©sident ne lĂąche pas quelques marchĂ©s aux conseillers, il se fera chahuter Ă  tous les coups », s’indigne notre conseiller. Qui ajoute qu’en l’absence d’évaluation de l’efficacitĂ© des dĂ©penses publiques, d’une nouvelle gouvernance des politiques publiques et d’un suivi de chaque denier public (salaire, prime, frais, etc.) publiĂ© et rendu accessible Ă  chaque administrĂ©, il ne faut pas s’attendre Ă  des progrĂšs en matiĂšre de gestion de ces budgets. On sait depuis Montesquieu que « c’est une expĂ©rience Ă©ternelle que tout homme qui a du pouvoir est portĂ© Ă  en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites ».

Abdellatif El Azizi

Tanger Le maire aux abonnés absents

Mais oĂč est donc passĂ© le maire de Tanger ? Les premiers pas de Samir Abdelmoula en politique se soldent par une criante vacance de pouvoir. EnquĂȘte au cƓur d’une ville sans boussole.

ll Ă©tait d’accord pour une interview. DisposĂ© Ă  clariïŹer la situation. Mais une fois de plus, c’est un rendez-vous manquĂ© : Samir Abdelmoula est injoignable. « Il a toujours Ă©tĂ© comme ça, conïŹe l’une de ses amies. Il rappelle quinze jours plus tard, toujours trĂšs calme, sans penser Ă  mal. » Certes, mais le malaise grandissant est dĂ©sormais portĂ© sur la place publique : l’élu est aux abonnĂ©s absents. Ce riche et convoitĂ© cĂ©libataire de 36 ans est un novice en politique. Et sur le CV du maire – disponible sur le site de la mairie www.villedetanger. ma - s’il y a bien quelques lignes sur son modeste « parcours politique », sa vĂ©ritable « vocation » est parfaitement prĂ©cisĂ©e en ïŹn de page : « crĂ©ation d’entreprises ».

À ceux qui l’ignoreraient, son domaine, c’est le business. DiplĂŽme de ïŹnances en poche, Samir Abdelmoula a fait ses armes auprĂšs de son pĂšre Ă  la tĂȘte de la COMARIT, premier transporteur du pays. Au terme de quinze annĂ©es, il s’y est forgĂ© une rĂ©putation d’homme d’affaires respectable. En 2007, il se lance dans les mĂ©dias en cofondant Cap Radio, une station rĂ©gionale basĂ©e Ă  Tanger. Il s’offre alors une fastueuse soirĂ©e de lancement avec la trĂšs pulpeuse Haifa Wahbi, sur un navire de la famille. Vogue la galĂšre, le clan Adbelmoula n’a pas de souci Ă  se faire et le jeune Samir en proïŹte. « Il a toujours Ă©tĂ© bon vivant et fĂȘtard », poursuit l’une de ses proches. L’homme est toujours aussi « sociable » mĂȘme s’il n’est guĂšre rĂ©putĂ© pour sa ponctualitĂ©. Ses responsabilitĂ©s de maire s’en trouvent aujourd’hui gravement affectĂ©es.

L’ArlĂ©sienne

Samir Abdelmoula a souvent Ă©tĂ© « absent » des rendez-vous importants. Et trois mois Ă  peine aprĂšs son Ă©lection, la presse locale en fait ses choux gras. En octobre dernier, le jeune Ă©lu est ainsi attendu Ă  Malaga pour un Sommet mĂ©diterranĂ©en sur la « SolidaritĂ© numĂ©rique, la coopĂ©ration et le dĂ©veloppement durable ». Les Espagnols sont d’imminents investisseurs dans la rĂ©gion et le PNUD (Programme de dĂ©veloppement des Nations unies) qui collabore au forum est un bailleur de fonds non nĂ©gligeable Ă  Tanger. Les Espagnols l’attendent encore
 Samir Abdelmoula dĂ©cide d’y envoyer un adjoint et rĂ©colte un premier titre dans un journal : « Le maire de Tanger brille par son absence. »

VoilĂ  quelques semaines, nouvel « oubli ». Le tout premier colloque international sur le dĂ©veloppement durable est organisĂ© Ă  Tanger par l’Association des Ă©lu-es locaux pour la MĂ©diterranĂ©e (AELM), potentiel partenaire de la ville. L’évĂ©nement dĂ©bute le jour mĂȘme du lancement des dĂ©bats pour la Charte nationale sur l’environnement et le dĂ©veloppement durable voulue par Sa MajestĂ©. Mais le maire joue l’ArlĂ©sienne. S’il est bien prĂ©sent au dĂźner organisĂ© par le wali de Tanger, face aux citoyens et aux invitĂ©s Ă©trangers, il assoit sa nouvelle rĂ©putation en se gardant d’intervenir dans les dĂ©bats.

Le mécontentement des investisseurs

Une semaine plus tard, l’ambassadeur d’Allemagne est invitĂ© par le Club Unesco, l’Institut Goethe et la mairie, Ă  l’hĂŽtel de ville, pour une exposition photographique sur le mur de Berlin. Peu avant 16 heures, la voiture ofïŹcielle se gare. Panique. « C’est l’ambassadeur qui a ïŹ ni par accueillir le maire dans sa propre mairie, il avait vingt minutes de retard ! », conïŹe un invitĂ©. Certes, Samir Abdelmoula a ensuite pris le temps, photo aprĂšs photo, de s’intĂ©resser aux commentaires avisĂ©s de son hĂŽte, mais le mal Ă©tait fait. MĂȘme les habituĂ©s de la mairie font aujourd’hui les frais du nouvel espace-temps tangĂ©rois. Les promoteurs immobiliers, en tĂȘte de liste, ont Ă©tĂ© trĂšs vexĂ©s de ne pas ĂȘtre reçus comme Ă  l’accoutumĂ©e. Ils ont d’abord patientĂ© dans l’antichambre d’un cabinet, avant d’apprendre que le maire Ă©tait retenu à
 des funĂ©railles. Depuis, ils fulminent : « Plus aucun dossier immobilier n’est signĂ©, tous les projets sont bloquĂ©s ! » Certains promoteurs sont mĂȘme dĂ©jĂ  passĂ©s chez leur banquier pour revoir leur calendrier. Ils prennent trĂšs au sĂ©rieux ce blocage car le maire n’est pas lĂ  pour les rassurer. Il ne communique rien de ses projets politiques.

Mais il y a plus grave. Pour son premier exercice, le jeune maire a rĂ©ussi le tour de force, en octobre dernier, d’échouer Ă  faire voter son budget. C’était lĂ  le premier test politique de l’équipe Adbelmoula. Un exercice imposĂ© qu’aucun de ses prĂ©dĂ©cesseurs n’avait ratĂ© jusque-lĂ . Le projet a Ă©tĂ© rejetĂ© par 54 voix contre 17. Un vĂ©ritable camouïŹ‚et. Pressentiment ? Le maire n’était mĂȘme pas lĂ  au moment du vote. « Il savait dĂ©jĂ  que nous allions voter contre », conïŹe l’actuel responsable de la commission des ïŹnances de la ville.

L’outsider du PAM

Le citoyen crie au scandale, l’investisseur s’inquiĂšte de son fonds de roulement et l’opposition se frotte les mains. Quelques internautes se seraient mĂȘme dĂ©foulĂ©s en ligne en publiant le portrait du maire sur une afïŹ che de western titrĂ©e « Wanted ». Si la blague a pu faire sourire, la question, sur le fond, inquiĂšte plus qu’elle ne prĂȘte Ă  rire. Que fait Samir Abdelmoula ? Le jeune promu du PAM est-il politiquement inconscient ou stratĂšge de haute voltige ? Les dĂ©tracteurs du Tracteur ont leur rĂ©ponse : « Il n’a aucun sens politique ! » Mais dans les bureaux du PJD, opposant ofïŹciel, le discours est Ă©tonnamment plus arrangeant. « Effectivement, c’est un nouveau en politique et c’est bien lĂ  tout le problĂšme : nous le considĂ©rons comme un homme honnĂȘte mais il est trĂšs mal entourĂ©. Il se mĂ©ïŹe, donc il ne dĂ©lĂšgue rien et bloque tout. Il est aujourd’hui seul au pouvoir. » Une thĂ©orie dĂ©jĂ  entendue dans la bouche de ses dĂ©fenseurs.

La famille Abdelmoula n’a qu’une courte expĂ©rience du pouvoir. En 2003, le pĂšre, Ali, se prĂ©sente aux Ă©lections municipales mais ne rĂ©siste pas au candidat fort du moment, Dahman Derham. Six ans plus tard, Samir Abdelmoula n’a pas fait grand cas de cette dĂ©convenue politique. Il n’est question d’aucune revanche offerte au pĂšre par son ïŹls. Mais l’occasion se prĂ©sente. Le PAM veut Samir Abdelmoula en tĂȘte de liste Ă  Tanger et l’intĂ©rĂȘt des municipales apparaĂźt nettement plus ïŹ nancier que politique. Depuis 2003, le pouvoir des maires a Ă©tĂ© renforcĂ© et c’est Ă  eux que revient dĂ©sormais la dĂ©cision du budget allouĂ© aux arrondissements.

Pour ces nouvelles Ă©lections, le PAM a fĂ©dĂ©rĂ© une bonne partie de « l’intelligentsia » du Nord, s’assurant la faveur des grands entrepreneurs de la rĂ©gion. Mais les adversaires sont trĂšs installĂ©s et Samir Abdelmoula fait ïŹ gure de jeune premier, notamment face au PJD qui tient ses positions. Aux Ă©lections lĂ©gislatives, le parti a remportĂ© trois des six siĂšges parlementaires et Tanger garde sa rĂ©putation de bastion islamiste. Avantage : jusqu’ici, ils n’ont jamais obtenu la mairie. L’USFP et l’Istiqlal ont rĂ©gressĂ©. Reste le RNI. A quelques jours des Ă©lections, le Rassemblement national des indĂ©pendants fait alliance avec le Parti de la justice et du dĂ©veloppement.

Les Ă©lus du PJD s’énervent

L’alliance de derniĂšre minute fonctionne : elle obtient le plus grand nombre de siĂšges, divisĂ©s Ă  parts Ă©gales. Commencent alors, ici comme ailleurs, les tractations d’aprĂšs scrutin. Celles qui font vraiment les maires. Samir Abdelmoula est sauvĂ©, le PJD et le RNI sont majoritaires dans la ville mais n’obtiennent aucune vice-prĂ©sidence. Les Ă©lus du PJD s’énervent, protestent. Dans la presse, le nouveau maire minimise : « Ces rĂ©actions de protestation, c’est “ un non Ă©vĂ©nement ”. » Les postes sont attribuĂ©s, ïŹ n de l’histoire. Vraiment ?... Fin 2009, Samir Abdelmoula est en fonction. Il a eu le temps de constituer son bureau, il peut commencer Ă  appliquer son programme.

Mais quel programme ? En juin, l’élu PAM avait tentĂ© une entrĂ©e en matiĂšre : « Notre programme tourne autour de trois axes. Concernant l’axe social, nous allons Ɠuvrer en faveur de l’amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie des citoyens et la qualitĂ© environnementale de Tanger. Nous cherchons dans le mĂȘme cadre Ă  amĂ©liorer les prestations administratives au proïŹt des habitants de la ville. Tandis que l’axe Ă©conomique prĂ©voit de conïŹrmer l’orientation touristique de Tanger Ă  travers, entre autres, la rĂ©alisation du grand projet de construction d’un Palais des congrĂšs dont la ville a grandement besoin. » Sept mois plus tard, qu’en est-il ?

CĂŽtĂ© environnement, son absence du colloque mĂ©diterranĂ©en sur le dĂ©veloppement durable ne plaide pas pour son engagement. Sur « les prestations administratives », les promoteurs immobiliers sont lĂ  pour dĂ©noncer les nouveaux dĂ©lais qui leurs sont opposĂ©s... Quant aux « grandes rĂ©alisations dont la ville a besoin », on voit mal comment concilier cette ambition en l’absence de tout budget ... « Mais ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas qu’il ne lit pas ses dossiers, afïŹrme Hakim Oualit, prĂ©sident des patrons du Nord et vieil ami de la famille. Lorsqu’il a fallu rĂ©cemment dĂ©bloquer une affaire, il m’a reçu, a Ă©tudiĂ© le dossier et rĂ©glĂ© le problĂšme. »

Un problĂšme de conïŹance

Le problĂšme viendrait donc « d’un entourage mal intentionnĂ© » Hakim Oualit continue sa dĂ©monstration. En dĂ©cembre, le prĂ©sident de la CGEM Nord reçoit un appel de Tanger Free Zone (TFZ). Un gros projet prend du retard, l’opĂ©rateur ne sait plus quoi faire. Le prĂ©sident appelle le maire. « Il tournait dans la zone industrielle de Tanger, les inondations avaient fait de nouveaux dĂ©gĂąts. Il m’a donnĂ© rendez-vous sur le champ. Quelqu’un lui avait racontĂ© n’importe quoi sur le projet et en l’état il refusait de valider. J’ai donc rĂ©expliquĂ© les choses, il a repris le temps de vĂ©riïŹer et rĂ©solu le problĂšme. » Hakim Oualit assure donc ne pas ĂȘtre inquiet. « D’abord parce que tous les projets Ă©conomiques ne dĂ©pendent pas de la mairie. Ensuite parce que j’ai vu Samir Ă  l’Ɠuvre quand il Ă©tait membre de la CGEM : il voulait planiïŹer nos activitĂ©s avec un an d’avance ! ».

Le patron des patrons reste donc persuadĂ© que Samir Abdelmoula a une « vision » et insiste : « Samir n’a pas pu choisir son Ă©quipe. » Le PJD, qui a tout intĂ©rĂȘt Ă  savonner le plancher des conseillers en place, s’engouffre dans la brĂšche. « A peine arrivĂ©, Samir Abdelmoula a dĂ» lui-mĂȘme invalider une dĂ©cision prise dans son camp ! » C’est le cas du chantier du nouveau marchĂ© de poissons. Sur la route menant du port au Grand Socco, les commerçants ont suivi les travaux, satisfaits d’un nouveau confort, avec trĂšs exactement 112 places attribuĂ©es. « Mais en mairie, un vice-prĂ©sident a offert d’en installer huit de plus, crĂ©ant un marchandage sans ïŹ n et la colĂšre gĂ©nĂ©rale. Le maire a dĂ» gĂ©rer le conïŹ‚ it et restaurer le projet initialement validĂ©. »

Gros dossiers bloqués

RegrettĂ© pour ses absences Ă  rĂ©pĂ©tition, dĂ©noncĂ© pour avoir Ă©chouĂ© Ă  faire adopter son premier budget, le consensus est en revanche gĂ©nĂ©ral pour qualiïŹer le jeune maire d’« intĂšgre ». S’il est moins courtois que ces prĂ©dĂ©cesseurs avec certains entrepreneurs, c’est pour cette raison. S’il n’est pas de tous les dĂźners, c’est encore pour la mĂȘme raison. Et s’il n’est pas joignable, c’est « parce qu’il gĂšre un gros dossier ». Cette thĂ©orie du « rĂ©ïŹ‚Ă©chir-avant-d’agir » semble valable sur un point. Tanger a bien des cadavres dans le placard et assurĂ©ment, une mauvaise rĂ©putation. La « simple » affaire du duc de Thovar se raconte toujours Ă  Tanger depuis le dĂ©but des annĂ©es 90. Ce duc espagnol est mort en 1952 et aprĂšs moult pĂ©ripĂ©ties, un legs Ă©tĂ© fait Ă  Tanger. Coffrets de bijoux, toiles de maĂźtre, immobilier, ces biens valaient une petite fortune.

Folles rumeurs

En 2005, un ancien employĂ© de la wilaya raconte que les joyaux du dĂ©funt se sont peu Ă  peu Ă©vaporĂ©s dans la nature et la presse enquĂȘte : « Une partie des biens a effectivement Ă©tĂ© vendue par le Conseil municipal de Tanger dans les annĂ©es 60, sous la prĂ©sidence d’ Abaroudi, pour construire l’ hĂŽpital qui porte toujours le nom du duc de Thovar. Mais, sur cette question, on ne sait pas quelle a Ă©tĂ© la recette des ventes opĂ©rĂ©es et quel budget a Ă©tĂ© rĂ©ellement consacrĂ© Ă  la construction dudit hĂŽpital. » L’ancien maire de la ville a rĂ©cupĂ©rĂ© le dossier, une commission a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e. Aujourd’hui certains avancent le chiffre de 28 millions de dirhams, mais pour faire quoi, comment ?
 Tanger bruit des rumeurs les plus folles.

Ce dossier, parmi d’autres reçus en « hĂ©ritage », n’est pas de ceux qui facilitent une heureuse passation de pouvoir. Reste l’image du maire. Ses relations assument un lĂ©ger problĂšme de disponibilitĂ© et le prĂ©sident de la CGEM, son ami, ne s’offusque pas de reporter une rĂ©union parce que le maire ne pourra ïŹnalement pas se libĂ©rer. Les observateurs Ă©trangers ne condamnent pas non plus le nouvel Ă©lu. Mehdi Guadi, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’Association des Ă©lus locaux pour la MĂ©diterranĂ©e, a ravalĂ© sa colĂšre aprĂšs l’incident du colloque, et il sera de retour Ă  Tanger ce mois-ci. Mais pour le commun des mortels, Ă  commencer par ses concitoyens, le maire se doit de communiquer davantage. « S’il veut faire le mĂ©nage, tant mieux, mais il faut le dire ! », profĂšre Abdelaziz, chauffeur de taxi dont le siĂšge passager est recouvert de journaux. Quand le fond n’est pas clair, il faut au moins y mettre les formes...

Maire mystĂšre

Samir Abdelmoula est donc rarement lĂ  oĂč on l’attend. Qui est-il vraiment? La question alimente nombre de conversations. Et au ïŹ l des interviews, le mystĂšre ne manque pas de s’épaissir. Ainsi, pourquoi le PJD tient-il tant Ă  le dĂ©fendre alors que Fouad Ali El Himma a afïŹrmĂ© aussi souvent que possible que son parti, le PAM, Ă©tait un ennemi ofïŹciel des islamistes. Tanger ferait-elle exception ? Si le maire ne dĂ©voile pas ses intentions, le PJD a dĂ©cidĂ© de s’en charger. L’opposition, dont fait Ă©galement partie l’imposant RNI, est majoritaire Ă  la mairie : elle a dĂ©jĂ  enterrĂ© le vote du budget et s’est promis de continuer dans cette voie.

A moins que les ennemis d’hier ne pactisent. PAM et PJD ? Possible ? A la veille des Ă©lections municipales, Fouad Ali El Himma lui-mĂȘme n’était plus aussi virulent Ă  l’encontre du parti islamiste. A Tanger, Samir Abdelmoula ne ferait donc aucun faux pas. « Les rencontres ont commencĂ©, assure Abdellatif Berroho, l’interlocuteur du PJD. Notre dernier entretien date du 30 janvier. Avec le maire et un reprĂ©sentant du RNI, nous avons discutĂ© jusqu’à minuit. » Le prochain rendez-vous serait pour bientĂŽt, les nĂ©gociations se mettent en place. « Le maire nous a proposĂ© de crĂ©er un bureau Ă©largi avec les vice-prĂ©sidents, le prĂ©sident de la commune et ceux des arrondissements, mais il ne s’agissait que d’un simple organe de consultation. Nous voulons plus. » Le PJD entend bien redistribuer les postes de vice-prĂ©sidents. Sur dix, l’opposition veut en rĂ©cupĂ©rer trois. « Le maire obtiendrait alors une majoritĂ© de 80 %, Ă  lui de nĂ©gocier cela avec son propre camp. » Samir Abdelmoula, novice en politique, serait-il plus habile qu’il ne veut bien le laisser paraĂźtre. L’empreinte de Fouad Ali El Himma ?

Maud Minauve, Ă  Tanger.


 

Une ville toujours sans budget

Le bureau en charge des affaires Ă©conomiques de la ville est le plus important. C’est lĂ  que le maire dĂ©pose son projet de budget, dix jours minimum avant le vote, aïŹn que la commission puisse l’étudier, repĂ©rer d’éventuels problĂšmes et rendre son rapport. Ce dernier est ensuite prĂ©sentĂ© au bureau des Ă©lus dans une grande rĂ©union gĂ©nĂ©rale. Si le projet ne passe pas, il est remis en chantier.

Dans le cas du budget 2010, la commission en charge du dossier s’est rĂ©unie au moins six fois. « Nous avons vĂ©cu des journĂ©es marathon, raconte le prĂ©sident de la commission. Nous sommes parfois restĂ©s prĂšs de huit heures sans pause pour Ă©tudier les volets les plus importants du budget. Mais les propositions que nous avions sous les yeux avaient un dĂ©faut crucial : elles ne concernaient que les frais de fonctionnement, rien sur l’essentiel de notre travail, Ă  savoir l’équipement ! » Le maire avait bien fait ses comptes, la ville de Tanger tourne en gĂ©nĂ©ral avec un fonds global de 450 millions de dirhams par an. Le budget de fonctionnement est le plus « simple » Ă  faire : salaires des fonctionnaires, eau, Ă©clairage, encre des machines, voitures de fonction, essence... tout ce qui touche au fonctionnement de la ville. Il n’y pas de grand Ă©cart d’une annĂ©e sur l’autre.

Le volet stratĂ©gique concerne Ă  l’évidence le budget liĂ© Ă  l’équipement. C’est avec lui que le maire dessine ses projets. Il veut une nouvelle route ? À lui de la budgĂ©ter. Il faut davantage de transports publics pour dĂ©sengorger le centre-ville ? À lui de demander les crĂ©dits dont il aura besoin. « Mais pour cela, continue notre expert en ïŹ nances, il faut avoir un programme prĂ©cis. Les partis ne valident que si les projets correspondent Ă  leur propre programme, mais cette annĂ©e, on ne savait mĂȘme pas sur quoi travailler. Nous ne sommes pas lĂ  pour payer des factures d’électricitĂ© ! » Le couperet ne tardera pas Ă  tomber. Les Ă©lus votent contre. « Le maire n’a pas pris conscience de la gravitĂ© de la situation. Il s’en est rendu compte quand la presse s’est emparĂ©e de l’affaire. » Mais il dispose jusqu’au 31 dĂ©cembre, du budget 2009.

Le maire rĂ©ussit en deux mois Ă  faire signer huit nouveaux projets concernant notamment la nouvelle route du port et la rĂ©alisation d’un chĂąteau d’eau. Et une vraie course contre la montre s’est engagĂ©e pour sauver le budget 2010. Le 24 dĂ©cembre, les partis au pouvoir sont « invitĂ©s » Ă  la wilaya. « Nous avons Ă©tĂ© reçus par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Il a tentĂ© de nous convaincre pendant prĂšs de trois heures sur les questions politiques, ïŹ nanciĂšres et techniques. » Mais rien n’y fait. Tanger n’a ofïŹciellement toujours pas de budget depuis le 1er janvier!

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N°153 : 50 Marocains Ă  la conquĂȘte du monde 
N°152 : Mohammed VI : StratĂ©gie gagnante 
N°151 : Economie 2000-2012 : le grand virage 
N°150 : Ramadan : Le pĂ©ril jeĂ»ne  
N°149 : OĂč s’amuser cet Ă©tĂ© 
N°148 : Couples mixtes : Amours sans frontiĂšres  
N°147 : Pourquoi ne peut-on plus voir le nu en peinture ? 
N°146 : La dĂ©ferlante des malls 
N°145 : Quand le Maroc Ă©tait amĂ©ricain 
N°144 : L’universitĂ© se privatise 
N°143 : Cheikh Maghraoui :  Cet homme est dangereux
N°142 : Affaire Benallou :  Une nouvelle bombe Ă  retardement
N°141 : Etre Noir au Maroc 
N°140 : Faut-il abandonner le français ? 
N°139 : Entretien avec Hamid Benalfdil : DG du CRI du Grand Casablanca.
N°138 : Le sexe au temps du cĂ©libat 
N°137 : ONG: La face cachĂ©e de la sociĂ©tĂ© civile
N°136 : Le modĂšle turc : Mythe ou rĂ©alitĂ© ?
N°135 : Caisse marocaine des retraites : La bombe Ă  retardement
N°134 : Qui a tuĂ© Amina ? 
N°133 : Moralisation de la vie publique : Le spectre de la campagne d’assainissement plane
N°132 : DĂ©linquance :  Le Maroc a peur
N°131 : 14 femmes  pour Benkirane
N°130 : Le rĂ©veil des salafistes  Demain la charia ?
N°129 : Dilapidation des deniers publics:  Benallou et l'ONDA... pour commencer
N°128 : DSK   Le marocain
N°127 : Conservation fonciĂšre : piĂšges, magouilles, corruption
N°126 : Les enfants perdus  de Casablanca
N°125 : PJD  Les rois du marketing
N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques
  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du pĂšre
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumiĂšre
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : HarcĂšlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂŽt sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangĂšre/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piĂšge  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
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Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
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Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
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Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un systĂšme  
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 racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
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N°53 : Au cƓur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂŽmĂ©s chĂŽmeurs : le gouvernement pris au piĂšge
N°51 : 2M : SuccĂšs public, fiasco critique
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N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux
 Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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