Tanger Le maire aux abonnés absents
Mais oĂč est donc passĂ© le maire de Tanger ? Les premiers pas de Samir Abdelmoula en politique se soldent par une criante vacance de pouvoir. EnquĂȘte au cĆur dâune ville sans boussole.
ll Ă©tait dâaccord pour une interview. DisposĂ© Ă clariïŹer la situation. Mais une fois de plus, câest un rendez-vous manquĂ© : Samir Abdelmoula est injoignable. « Il a toujours Ă©tĂ© comme ça, conïŹe lâune de ses amies. Il rappelle quinze jours plus tard, toujours trĂšs calme, sans penser Ă mal. » Certes, mais le malaise grandissant est dĂ©sormais portĂ© sur la place publique : lâĂ©lu est aux abonnĂ©s absents. Ce riche et convoitĂ© cĂ©libataire de 36 ans est un novice en politique. Et sur le CV du maire â disponible sur le site de la mairie www.villedetanger. ma - sâil y a bien quelques lignes sur son modeste « parcours politique », sa vĂ©ritable « vocation » est parfaitement prĂ©cisĂ©e en ïŹn de page : « crĂ©ation dâentreprises ».
Ă ceux qui lâignoreraient, son domaine, câest le business. DiplĂŽme de ïŹnances en poche, Samir Abdelmoula a fait ses armes auprĂšs de son pĂšre Ă la tĂȘte de la COMARIT, premier transporteur du pays. Au terme de quinze annĂ©es, il sây est forgĂ© une rĂ©putation dâhomme dâaffaires respectable. En 2007, il se lance dans les mĂ©dias en cofondant Cap Radio, une station rĂ©gionale basĂ©e Ă Tanger. Il sâoffre alors une fastueuse soirĂ©e de lancement avec la trĂšs pulpeuse Haifa Wahbi, sur un navire de la famille. Vogue la galĂšre, le clan Adbelmoula nâa pas de souci Ă se faire et le jeune Samir en proïŹte. « Il a toujours Ă©tĂ© bon vivant et fĂȘtard », poursuit lâune de ses proches. Lâhomme est toujours aussi « sociable » mĂȘme sâil nâest guĂšre rĂ©putĂ© pour sa ponctualitĂ©. Ses responsabilitĂ©s de maire sâen trouvent aujourdâhui gravement affectĂ©es.
LâArlĂ©sienne
Samir Abdelmoula a souvent Ă©tĂ© « absent » des rendez-vous importants. Et trois mois Ă peine aprĂšs son Ă©lection, la presse locale en fait ses choux gras. En octobre dernier, le jeune Ă©lu est ainsi attendu Ă Malaga pour un Sommet mĂ©diterranĂ©en sur la « SolidaritĂ© numĂ©rique, la coopĂ©ration et le dĂ©veloppement durable ». Les Espagnols sont dâimminents investisseurs dans la rĂ©gion et le PNUD (Programme de dĂ©veloppement des Nations unies) qui collabore au forum est un bailleur de fonds non nĂ©gligeable Ă Tanger. Les Espagnols lâattendent encore⊠Samir Abdelmoula dĂ©cide dây envoyer un adjoint et rĂ©colte un premier titre dans un journal : « Le maire de Tanger brille par son absence. »
VoilĂ quelques semaines, nouvel « oubli ». Le tout premier colloque international sur le dĂ©veloppement durable est organisĂ© Ă Tanger par lâAssociation des Ă©lu-es locaux pour la MĂ©diterranĂ©e (AELM), potentiel partenaire de la ville. LâĂ©vĂ©nement dĂ©bute le jour mĂȘme du lancement des dĂ©bats pour la Charte nationale sur lâenvironnement et le dĂ©veloppement durable voulue par Sa MajestĂ©. Mais le maire joue lâArlĂ©sienne. Sâil est bien prĂ©sent au dĂźner organisĂ© par le wali de Tanger, face aux citoyens et aux invitĂ©s Ă©trangers, il assoit sa nouvelle rĂ©putation en se gardant dâintervenir dans les dĂ©bats.
Le mécontentement des investisseurs
Une semaine plus tard, lâambassadeur dâAllemagne est invitĂ© par le Club Unesco, lâInstitut Goethe et la mairie, Ă lâhĂŽtel de ville, pour une exposition photographique sur le mur de Berlin. Peu avant 16 heures, la voiture ofïŹcielle se gare. Panique. « Câest lâambassadeur qui a ïŹ ni par accueillir le maire dans sa propre mairie, il avait vingt minutes de retard ! », conïŹe un invitĂ©. Certes, Samir Abdelmoula a ensuite pris le temps, photo aprĂšs photo, de sâintĂ©resser aux commentaires avisĂ©s de son hĂŽte, mais le mal Ă©tait fait. MĂȘme les habituĂ©s de la mairie font aujourdâhui les frais du nouvel espace-temps tangĂ©rois. Les promoteurs immobiliers, en tĂȘte de liste, ont Ă©tĂ© trĂšs vexĂ©s de ne pas ĂȘtre reçus comme Ă lâaccoutumĂ©e. Ils ont dâabord patientĂ© dans lâantichambre dâun cabinet, avant dâapprendre que le maire Ă©tait retenu à ⊠des funĂ©railles. Depuis, ils fulminent : « Plus aucun dossier immobilier nâest signĂ©, tous les projets sont bloquĂ©s ! » Certains promoteurs sont mĂȘme dĂ©jĂ passĂ©s chez leur banquier pour revoir leur calendrier. Ils prennent trĂšs au sĂ©rieux ce blocage car le maire nâest pas lĂ pour les rassurer. Il ne communique rien de ses projets politiques.
Mais il y a plus grave. Pour son premier exercice, le jeune maire a rĂ©ussi le tour de force, en octobre dernier, dâĂ©chouer Ă faire voter son budget. CâĂ©tait lĂ le premier test politique de lâĂ©quipe Adbelmoula. Un exercice imposĂ© quâaucun de ses prĂ©dĂ©cesseurs nâavait ratĂ© jusque-lĂ . Le projet a Ă©tĂ© rejetĂ© par 54 voix contre 17. Un vĂ©ritable camouïŹet. Pressentiment ? Le maire nâĂ©tait mĂȘme pas lĂ au moment du vote. « Il savait dĂ©jĂ que nous allions voter contre », conïŹe lâactuel responsable de la commission des ïŹnances de la ville.
Lâoutsider du PAM
Le citoyen crie au scandale, lâinvestisseur sâinquiĂšte de son fonds de roulement et lâopposition se frotte les mains. Quelques internautes se seraient mĂȘme dĂ©foulĂ©s en ligne en publiant le portrait du maire sur une afïŹ che de western titrĂ©e « Wanted ». Si la blague a pu faire sourire, la question, sur le fond, inquiĂšte plus quâelle ne prĂȘte Ă rire. Que fait Samir Abdelmoula ? Le jeune promu du PAM est-il politiquement inconscient ou stratĂšge de haute voltige ? Les dĂ©tracteurs du Tracteur ont leur rĂ©ponse : « Il nâa aucun sens politique ! » Mais dans les bureaux du PJD, opposant ofïŹciel, le discours est Ă©tonnamment plus arrangeant. « Effectivement, câest un nouveau en politique et câest bien lĂ tout le problĂšme : nous le considĂ©rons comme un homme honnĂȘte mais il est trĂšs mal entourĂ©. Il se mĂ©ïŹe, donc il ne dĂ©lĂšgue rien et bloque tout. Il est aujourdâhui seul au pouvoir. » Une thĂ©orie dĂ©jĂ entendue dans la bouche de ses dĂ©fenseurs.
La famille Abdelmoula nâa quâune courte expĂ©rience du pouvoir. En 2003, le pĂšre, Ali, se prĂ©sente aux Ă©lections municipales mais ne rĂ©siste pas au candidat fort du moment, Dahman Derham. Six ans plus tard, Samir Abdelmoula nâa pas fait grand cas de cette dĂ©convenue politique. Il nâest question dâaucune revanche offerte au pĂšre par son ïŹls. Mais lâoccasion se prĂ©sente. Le PAM veut Samir Abdelmoula en tĂȘte de liste Ă Tanger et lâintĂ©rĂȘt des municipales apparaĂźt nettement plus ïŹ nancier que politique. Depuis 2003, le pouvoir des maires a Ă©tĂ© renforcĂ© et câest Ă eux que revient dĂ©sormais la dĂ©cision du budget allouĂ© aux arrondissements.
Pour ces nouvelles Ă©lections, le PAM a fĂ©dĂ©rĂ© une bonne partie de « lâintelligentsia » du Nord, sâassurant la faveur des grands entrepreneurs de la rĂ©gion. Mais les adversaires sont trĂšs installĂ©s et Samir Abdelmoula fait ïŹ gure de jeune premier, notamment face au PJD qui tient ses positions. Aux Ă©lections lĂ©gislatives, le parti a remportĂ© trois des six siĂšges parlementaires et Tanger garde sa rĂ©putation de bastion islamiste. Avantage : jusquâici, ils nâont jamais obtenu la mairie. LâUSFP et lâIstiqlal ont rĂ©gressĂ©. Reste le RNI. A quelques jours des Ă©lections, le Rassemblement national des indĂ©pendants fait alliance avec le Parti de la justice et du dĂ©veloppement.
Les Ă©lus du PJD sâĂ©nervent
Lâalliance de derniĂšre minute fonctionne : elle obtient le plus grand nombre de siĂšges, divisĂ©s Ă parts Ă©gales. Commencent alors, ici comme ailleurs, les tractations dâaprĂšs scrutin. Celles qui font vraiment les maires. Samir Abdelmoula est sauvĂ©, le PJD et le RNI sont majoritaires dans la ville mais nâobtiennent aucune vice-prĂ©sidence. Les Ă©lus du PJD sâĂ©nervent, protestent. Dans la presse, le nouveau maire minimise : « Ces rĂ©actions de protestation, câest â un non Ă©vĂ©nement â. » Les postes sont attribuĂ©s, ïŹ n de lâhistoire. Vraiment ?... Fin 2009, Samir Abdelmoula est en fonction. Il a eu le temps de constituer son bureau, il peut commencer Ă appliquer son programme.
Mais quel programme ? En juin, lâĂ©lu PAM avait tentĂ© une entrĂ©e en matiĂšre : « Notre programme tourne autour de trois axes. Concernant lâaxe social, nous allons Ćuvrer en faveur de lâamĂ©lioration de la qualitĂ© de vie des citoyens et la qualitĂ© environnementale de Tanger. Nous cherchons dans le mĂȘme cadre Ă amĂ©liorer les prestations administratives au proïŹt des habitants de la ville. Tandis que lâaxe Ă©conomique prĂ©voit de conïŹrmer lâorientation touristique de Tanger Ă travers, entre autres, la rĂ©alisation du grand projet de construction dâun Palais des congrĂšs dont la ville a grandement besoin. » Sept mois plus tard, quâen est-il ?
CĂŽtĂ© environnement, son absence du colloque mĂ©diterranĂ©en sur le dĂ©veloppement durable ne plaide pas pour son engagement. Sur « les prestations administratives », les promoteurs immobiliers sont lĂ pour dĂ©noncer les nouveaux dĂ©lais qui leurs sont opposĂ©s... Quant aux « grandes rĂ©alisations dont la ville a besoin », on voit mal comment concilier cette ambition en lâabsence de tout budget ... « Mais ce nâest pas parce quâon ne le voit pas quâil ne lit pas ses dossiers, afïŹrme Hakim Oualit, prĂ©sident des patrons du Nord et vieil ami de la famille. Lorsquâil a fallu rĂ©cemment dĂ©bloquer une affaire, il mâa reçu, a Ă©tudiĂ© le dossier et rĂ©glĂ© le problĂšme. »
Un problĂšme de conïŹance
Le problĂšme viendrait donc « dâun entourage mal intentionnĂ© » Hakim Oualit continue sa dĂ©monstration. En dĂ©cembre, le prĂ©sident de la CGEM Nord reçoit un appel de Tanger Free Zone (TFZ). Un gros projet prend du retard, lâopĂ©rateur ne sait plus quoi faire. Le prĂ©sident appelle le maire. « Il tournait dans la zone industrielle de Tanger, les inondations avaient fait de nouveaux dĂ©gĂąts. Il mâa donnĂ© rendez-vous sur le champ. Quelquâun lui avait racontĂ© nâimporte quoi sur le projet et en lâĂ©tat il refusait de valider. Jâai donc rĂ©expliquĂ© les choses, il a repris le temps de vĂ©riïŹer et rĂ©solu le problĂšme. » Hakim Oualit assure donc ne pas ĂȘtre inquiet. « Dâabord parce que tous les projets Ă©conomiques ne dĂ©pendent pas de la mairie. Ensuite parce que jâai vu Samir Ă lâĆuvre quand il Ă©tait membre de la CGEM : il voulait planiïŹer nos activitĂ©s avec un an dâavance ! ».
Le patron des patrons reste donc persuadĂ© que Samir Abdelmoula a une « vision » et insiste : « Samir nâa pas pu choisir son Ă©quipe. » Le PJD, qui a tout intĂ©rĂȘt Ă savonner le plancher des conseillers en place, sâengouffre dans la brĂšche. « A peine arrivĂ©, Samir Abdelmoula a dĂ» lui-mĂȘme invalider une dĂ©cision prise dans son camp ! » Câest le cas du chantier du nouveau marchĂ© de poissons. Sur la route menant du port au Grand Socco, les commerçants ont suivi les travaux, satisfaits dâun nouveau confort, avec trĂšs exactement 112 places attribuĂ©es. « Mais en mairie, un vice-prĂ©sident a offert dâen installer huit de plus, crĂ©ant un marchandage sans ïŹ n et la colĂšre gĂ©nĂ©rale. Le maire a dĂ» gĂ©rer le conïŹ it et restaurer le projet initialement validĂ©. »
Gros dossiers bloqués
RegrettĂ© pour ses absences Ă rĂ©pĂ©tition, dĂ©noncĂ© pour avoir Ă©chouĂ© Ă faire adopter son premier budget, le consensus est en revanche gĂ©nĂ©ral pour qualiïŹer le jeune maire dâ« intĂšgre ». Sâil est moins courtois que ces prĂ©dĂ©cesseurs avec certains entrepreneurs, câest pour cette raison. Sâil nâest pas de tous les dĂźners, câest encore pour la mĂȘme raison. Et sâil nâest pas joignable, câest « parce quâil gĂšre un gros dossier ». Cette thĂ©orie du « rĂ©ïŹĂ©chir-avant-dâagir » semble valable sur un point. Tanger a bien des cadavres dans le placard et assurĂ©ment, une mauvaise rĂ©putation. La « simple » affaire du duc de Thovar se raconte toujours Ă Tanger depuis le dĂ©but des annĂ©es 90. Ce duc espagnol est mort en 1952 et aprĂšs moult pĂ©ripĂ©ties, un legs Ă©tĂ© fait Ă Tanger. Coffrets de bijoux, toiles de maĂźtre, immobilier, ces biens valaient une petite fortune.
Folles rumeurs
En 2005, un ancien employĂ© de la wilaya raconte que les joyaux du dĂ©funt se sont peu Ă peu Ă©vaporĂ©s dans la nature et la presse enquĂȘte : « Une partie des biens a effectivement Ă©tĂ© vendue par le Conseil municipal de Tanger dans les annĂ©es 60, sous la prĂ©sidence dâ Abaroudi, pour construire lâ hĂŽpital qui porte toujours le nom du duc de Thovar. Mais, sur cette question, on ne sait pas quelle a Ă©tĂ© la recette des ventes opĂ©rĂ©es et quel budget a Ă©tĂ© rĂ©ellement consacrĂ© Ă la construction dudit hĂŽpital. » Lâancien maire de la ville a rĂ©cupĂ©rĂ© le dossier, une commission a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e. Aujourdâhui certains avancent le chiffre de 28 millions de dirhams, mais pour faire quoi, comment ?⊠Tanger bruit des rumeurs les plus folles.
Ce dossier, parmi dâautres reçus en « hĂ©ritage », nâest pas de ceux qui facilitent une heureuse passation de pouvoir. Reste lâimage du maire. Ses relations assument un lĂ©ger problĂšme de disponibilitĂ© et le prĂ©sident de la CGEM, son ami, ne sâoffusque pas de reporter une rĂ©union parce que le maire ne pourra ïŹnalement pas se libĂ©rer. Les observateurs Ă©trangers ne condamnent pas non plus le nouvel Ă©lu. Mehdi Guadi, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâAssociation des Ă©lus locaux pour la MĂ©diterranĂ©e, a ravalĂ© sa colĂšre aprĂšs lâincident du colloque, et il sera de retour Ă Tanger ce mois-ci. Mais pour le commun des mortels, Ă commencer par ses concitoyens, le maire se doit de communiquer davantage. « Sâil veut faire le mĂ©nage, tant mieux, mais il faut le dire ! », profĂšre Abdelaziz, chauffeur de taxi dont le siĂšge passager est recouvert de journaux. Quand le fond nâest pas clair, il faut au moins y mettre les formes...
Maire mystĂšre
Samir Abdelmoula est donc rarement lĂ oĂč on lâattend. Qui est-il vraiment? La question alimente nombre de conversations. Et au ïŹ l des interviews, le mystĂšre ne manque pas de sâĂ©paissir. Ainsi, pourquoi le PJD tient-il tant Ă le dĂ©fendre alors que Fouad Ali El Himma a afïŹrmĂ© aussi souvent que possible que son parti, le PAM, Ă©tait un ennemi ofïŹciel des islamistes. Tanger ferait-elle exception ? Si le maire ne dĂ©voile pas ses intentions, le PJD a dĂ©cidĂ© de sâen charger. Lâopposition, dont fait Ă©galement partie lâimposant RNI, est majoritaire Ă la mairie : elle a dĂ©jĂ enterrĂ© le vote du budget et sâest promis de continuer dans cette voie.
A moins que les ennemis dâhier ne pactisent. PAM et PJD ? Possible ? A la veille des Ă©lections municipales, Fouad Ali El Himma lui-mĂȘme nâĂ©tait plus aussi virulent Ă lâencontre du parti islamiste. A Tanger, Samir Abdelmoula ne ferait donc aucun faux pas. « Les rencontres ont commencĂ©, assure Abdellatif Berroho, lâinterlocuteur du PJD. Notre dernier entretien date du 30 janvier. Avec le maire et un reprĂ©sentant du RNI, nous avons discutĂ© jusquâĂ minuit. » Le prochain rendez-vous serait pour bientĂŽt, les nĂ©gociations se mettent en place. « Le maire nous a proposĂ© de crĂ©er un bureau Ă©largi avec les vice-prĂ©sidents, le prĂ©sident de la commune et ceux des arrondissements, mais il ne sâagissait que dâun simple organe de consultation. Nous voulons plus. » Le PJD entend bien redistribuer les postes de vice-prĂ©sidents. Sur dix, lâopposition veut en rĂ©cupĂ©rer trois. « Le maire obtiendrait alors une majoritĂ© de 80 %, Ă lui de nĂ©gocier cela avec son propre camp. » Samir Abdelmoula, novice en politique, serait-il plus habile quâil ne veut bien le laisser paraĂźtre. Lâempreinte de Fouad Ali El Himma ?
Maud Minauve, Ă Tanger.
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Une ville toujours sans budget
Le bureau en charge des affaires Ă©conomiques de la ville est le plus important. Câest lĂ que le maire dĂ©pose son projet de budget, dix jours minimum avant le vote, aïŹn que la commission puisse lâĂ©tudier, repĂ©rer dâĂ©ventuels problĂšmes et rendre son rapport. Ce dernier est ensuite prĂ©sentĂ© au bureau des Ă©lus dans une grande rĂ©union gĂ©nĂ©rale. Si le projet ne passe pas, il est remis en chantier.
Dans le cas du budget 2010, la commission en charge du dossier sâest rĂ©unie au moins six fois. « Nous avons vĂ©cu des journĂ©es marathon, raconte le prĂ©sident de la commission. Nous sommes parfois restĂ©s prĂšs de huit heures sans pause pour Ă©tudier les volets les plus importants du budget. Mais les propositions que nous avions sous les yeux avaient un dĂ©faut crucial : elles ne concernaient que les frais de fonctionnement, rien sur lâessentiel de notre travail, Ă savoir lâĂ©quipement ! » Le maire avait bien fait ses comptes, la ville de Tanger tourne en gĂ©nĂ©ral avec un fonds global de 450 millions de dirhams par an. Le budget de fonctionnement est le plus « simple » Ă faire : salaires des fonctionnaires, eau, Ă©clairage, encre des machines, voitures de fonction, essence... tout ce qui touche au fonctionnement de la ville. Il nây pas de grand Ă©cart dâune annĂ©e sur lâautre.
Le volet stratĂ©gique concerne Ă lâĂ©vidence le budget liĂ© Ă lâĂ©quipement. Câest avec lui que le maire dessine ses projets. Il veut une nouvelle route ? Ă lui de la budgĂ©ter. Il faut davantage de transports publics pour dĂ©sengorger le centre-ville ? Ă lui de demander les crĂ©dits dont il aura besoin. « Mais pour cela, continue notre expert en ïŹ nances, il faut avoir un programme prĂ©cis. Les partis ne valident que si les projets correspondent Ă leur propre programme, mais cette annĂ©e, on ne savait mĂȘme pas sur quoi travailler. Nous ne sommes pas lĂ pour payer des factures dâĂ©lectricitĂ© ! » Le couperet ne tardera pas Ă tomber. Les Ă©lus votent contre. « Le maire nâa pas pris conscience de la gravitĂ© de la situation. Il sâen est rendu compte quand la presse sâest emparĂ©e de lâaffaire. » Mais il dispose jusquâau 31 dĂ©cembre, du budget 2009.
Le maire rĂ©ussit en deux mois Ă faire signer huit nouveaux projets concernant notamment la nouvelle route du port et la rĂ©alisation dâun chĂąteau dâeau. Et une vraie course contre la montre sâest engagĂ©e pour sauver le budget 2010. Le 24 dĂ©cembre, les partis au pouvoir sont « invitĂ©s » Ă la wilaya. « Nous avons Ă©tĂ© reçus par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Il a tentĂ© de nous convaincre pendant prĂšs de trois heures sur les questions politiques, ïŹ nanciĂšres et techniques. » Mais rien nây fait. Tanger nâa ofïŹciellement toujours pas de budget depuis le 1er janvier! |