| 1 Karim Tazi  DG de Marwa Indignation  Le noir et la contrefaçon L’informel. Cette pratique est la plus grande indignation des opĂ©rateurs du secteur du textile au Maroc. Cette concurrence dĂ©loyale, que ce soit au niveau de l’importation sous forme de contrefaçon ou de sous-facturation, ou encore au niveau de la production, dĂ©truit les projets structurants. Solution  Suivre l’exemple turc Il ne faut pas laisser faire au nom de la prĂ©servation de la paix sociale. Parallèlement Ă  la lutte contre l’informel, il faut une fiscalitĂ© spĂ©cifique aux textiliens transparents qui opèrent dans le formel, Ă  l’instar de la Turquie par exemple qui a su gĂ©rer ce flĂ©au et s’est positionnĂ©e en tant que fournisseur privilĂ©giĂ© des grands donneurs d’ordre europĂ©ens.   2 Michèle Zirari Juriste, membre de Transparency Maroc Indignation  Ces lois mal appliquĂ©es Je ne suis pas indignĂ©e, mais je suis quand mĂŞme fortement Ă©tonnĂ©e par ce qui se passe en ce moment. Les changements lĂ©gislatifs prĂ©vus ne sont, je pense, pas nĂ©cessaires dans l’état actuel des choses. On pouvait faire aussi bien avec notre « ancienne » Constitution, car le problème c’est que nos lois sont mal ou pas appliquĂ©es. On n’a toujours pas compris que les lois, les nouvelles lĂ©gislations, ne changent rien si on ne change pas les comportements. Solution  Changer les comportements avant de changer la loi Ce sont les comportements qu’il faut changer, et après seulement, il faut changer la loi. Les gens doivent acquĂ©rir de la fiertĂ©, de la dignitĂ© et du civisme. Il ne suffit pas de dĂ©clarer l’indĂ©pendance de la justice, il faut former et sensibiliser les juges et tous les intervenants du système judiciaire pour qu’ils ne soient plus dĂ©pendants.   3 Ahmed Assid  Militant pour l’amazighitĂ© et la laĂŻcitĂ©  Indignation  La culture de la manigance S’il est quelque chose qui m’énerve en ce moment, c’est le recours de certains, au sein mĂŞme du Makhzen, Ă  la manigance pour faire avorter des projets aussi importants que la nouvelle Constitution. Il aura fallu attendre jusqu’à la dernière minute pour voir tout un effort et un dĂ©bat national Ă©chouer devant la force du conservatisme de certains milieux, y compris  ceux du PJD et de l’Istiqlal. RĂ©sultat, un beau gâchis et une amère impression de dĂ©jĂ -vu tellement le pays s’est – maintes fois – prĂ©parĂ© Ă  nĂ©gocier des virages historiques, pour se retrouver Ă  la case dĂ©part. Solution  La pression de la rue Il faut que la rue maintienne la pression pour que les lobbies des acquis, du fait accompli et des archaĂŻsmes cèdent.  C’est la seule garantie d’un vĂ©ritable changement futur dans ce pays. Autrement, ceux qui profitent du système continueront Ă  mettre tous les obstacles possibles devant l’établissement d’un Etat moderne, socialement Ă©quitable et vĂ©ritablement dĂ©mocratique.   4 Amina Bouayach PrĂ©sidente de l’OMDH Indignation  Nous sommes d’accord pour ĂŞtre en dĂ©saccord  Ce qui me chagrine le plus, c’est que nous, les Marocains, n’arrivons toujours pas Ă  nous entendre. Parfois, sur des Ă©vidences. J’en veux pour preuve ce projet de Constitution que nous avons aujourd’hui entre les mains et qui, malgrĂ© toutes les rĂ©ponses qu’il apporte, continue de susciter de vifs, et souvent stĂ©riles, dĂ©bats. J’y vois toute la difficultĂ© que nous avons Ă  nous Ă©couter et Ă  aller au-delĂ  de nos diffĂ©rences. J’y vois aussi toute la difficultĂ© d’une rĂ©conciliation. Solution    Apprenons Ă  ĂŞtre modeste Je pense qu’il faudra commencer par ĂŞtre modeste et avant de vouloir changer le monde, commencer par nous changer nous-mĂŞmes. Surtout, qu’on arrĂŞte de prendre nos idĂ©es et idĂ©aux pour la vĂ©ritĂ© absolue. C’est ce qui pourra amorcer une vraie Ă©coute les uns pour les autres et, je l’espère, le dĂ©but d’un vĂ©ritable dialogue et d’un dĂ©bat national sur les Ă©vĂ©nements qui nous concernent tous.   5 Driss Ksikes  Journaliste et Ă©crivain Indignation    Ce consensus qui tue S’il y a une attitude qui m’horrifie, c’est cette constante recherche de consensus et de plaire Ă  tout le monde. Un consensus mou qui fait du populisme une politique Ă  part entière. Et la nouvelle Constitution en est la meilleure illustration. Nous nous retrouvons, Ă  force de vouloir tout intĂ©grer dans nos projets, devant un Etat sans Ă©pine dorsale et qui est incapable de choisir un cap. C’est pour moi notre plus grande faiblesse. Solution   Le dĂ©bat qui vivifie Au lieu de gĂ©rer nos politiques par la peur et le consensus, nous devrions plutĂ´t opter pour la transparence, le dĂ©bat et la contradiction.   6 Jamal Belahrach  PDG de Manpower Maroc Indignation  Un chĂ´mage des jeunes qui n’intĂ©resse personne En l’espace de 14 ans au Maroc, je n’ai jamais vu ou lu une vision globale pour lutter contre le chĂ´mage, celui des jeunes en particulier. Je trouve inadmissible que nos leaders politiques se dĂ©sintĂ©ressent totalement de ce sujet. De l’éducation Ă  la formation initiale en passant par la formation continue, jamais une rĂ©flexion qui fasse sens. Je m’indigne car c’est l’avenir de notre pays qui est en jeu. Solution  Un think-tank sans politiques Il faut un plan Marshal digne de ce nom et il faut d’abord crĂ©er d’urgence un think-tank dĂ©diĂ© Ă  ce sujet majeur avec des experts - hors politiques - dont la mission serait de produire un plan d’action avec des objectifs chiffrĂ©s, des recommandations sur les institutions, sur les rĂ©formes nĂ©cessaires et bien Ă©videmment sur une gouvernance qui s’engage sur les livrables.   7 AĂŻcha Mezroua  Directrice d'un centre de qualification sociale Indignation   Le culte du « Non » Dans son discours du 17 juin, le roi est allĂ© « Ă  la rencontre des Marocains ». Pour rĂ©pondre Ă  la demande de dĂ©mocratie, il a prĂ©sentĂ© une Constitution qui n'a rien Ă  envier aux monarchies europĂ©ennes. Il y a bien entendu une constante dans la dĂ©marche du roi : la prĂ©servation de  l'identitĂ© du Maroc, la dĂ©finition d'un modèle politique et social qui protège des dĂ©rives. Pour la majoritĂ© des Marocains, cela correspond Ă  leur vision de l'avenir. Une poignĂ©e de citoyens refusent pourtant la mouture proposĂ©e par Mohammed VI. C'est bien, dans une dĂ©mocratie saine, il faut des voix discordantes mais, « pour faire autrement », aucune alternative n’est proposĂ©e. C'est juste un niet systĂ©matique, nĂ©gatif, une opposition frontale Ă  tout ce qui Ă©mane du Palais. On refuse mĂŞme de s'asseoir Ă  la mĂŞme table que « l'ennemi » comme au temps des procès staliniens. Solution  Signer un traitĂ© de paix  Les militants de l'extrĂŞme gauche, ceux-lĂ  mĂŞmes qui ont souffert des geĂ´les de Hassan II, devraient commencer par comprendre qu'ils ont aujourd'hui une immense responsabilitĂ© : celle de prĂ©parer un projet de sociĂ©tĂ©, de rassembler la gauche autour d'idĂ©aux communs au lieu de continuer Ă  alimenter des polĂ©miques stĂ©riles. Au lieu d'ĂŞtre les plus grands opposants du Makhzen, ils gagneraient Ă  ĂŞtre les meilleurs « proposeurs » de la sociĂ©tĂ©.   8 Mehdi Mezouari  Membre du bureau national de la jeunesse USFP Indignation     La marginalisation des jeunes dans les partis politiques La classe politique est en dĂ©calage profond avec les rĂ©alitĂ©s du pays, dont justement la marginalisation de la jeunesse qui reprĂ©sente pourtant plus de 60 % de la population marocaine. Sa reprĂ©sentativitĂ© au sein des partis est pratiquement nulle. Dans les directions des partis, les places rĂ©servĂ©es aux jeunes se situent gĂ©nĂ©ralement dans les mouvements de jeunesse créés par ces derniers, ou parfois dans des tâches subalternes telles que les secrĂ©tariats Ă  l'organisation et Ă  la propagande. La reprĂ©sentation des jeunes au Parlement est très faible alors qu'au niveau des conseils communaux, elle est pratiquement nulle. Solution    Limiter les mandats des leaders politiques Pour un meilleur positionnement dans l'environnement politique et public, les principaux obstacles et les dĂ©fis majeurs Ă  la promotion politique des jeunes sont Ă  combattre Ă  plusieurs niveaux : par l'imposition d'un quota de jeunes dans les commissions d'investiture, en renforçant leurs capacitĂ©s financières et techniques et en encourageant l'Ă©lection d'un plus grand nombre de jeunes comme conseillers municipaux et dĂ©putĂ©s.     9 Simon LĂ©vy  Fondateur du musĂ©e du judaĂŻsme Indignation  L’absence de dĂ©bat Ce qui m’exaspère en ce moment, ce sont les fausses promesses et la prĂ©cipitation dans laquelle certains s’engouffrent pour nous faire miroiter des choses qui, finalement, ne se rĂ©alisent pas. Je pense Ă  tous les espoirs qu’on a nourris envers ce projet de Constitution. Je nous en veux aussi parce que, mĂŞme conscients des limites de pareilles dĂ©marches, nous continuons Ă  y croire. Solution   Se donner les moyens d’une vraie discussion Une Constitution n’est pas un jeu, mais un texte qui trace la voie de l’avenir et qui doit ĂŞtre mĂ»rement rĂ©flĂ©chi. Pour le peu de temps qui nous reste avant le vote, il est impĂ©ratif d’ouvrir un dĂ©bat national et d’en sortir des rĂ©solutions sĂ©rieuses. Il faut se donner les moyens d’une vraie discussion.   10 Hammada Bekouchi Professeur Ă  la Sorbonne Indignation  La violence des gens Je voyage beaucoup Ă  travers le monde et dès que je rentre au pays, la première chose qui me frappe toujours, c'est la violence des gens. Le douanier qui vous fouille avec une  agressivitĂ© non feinte, le chauffeur de taxi qui pense que, sans brutalitĂ©, il n'aura pas un pourboire consĂ©quent, la fureur des gens qui vocifèrent en public, l'insulte faite au savoir-vivre par des rustres, parfois bien sous tous rapports et qui crachent devant vous,  la virulence des fonctionnaires, la sauvagerie des klaxons, etc. Beaucoup de Marocains dĂ©versent ainsi leur rancĹ“ur, leurs dĂ©ceptions, leurs peurs et parfois leur lâchetĂ© sur le premier venu. Une furie, qui va ĂŞtre certainement revue Ă  la hausse en raison de lendemains incertains. Solution   Des sanctions symboliques Je pense notamment Ă  ce maire en France qui fait signer un engagement Ă  tous les futurs mariĂ©s afin qu'ils Ă©vitent de klaxonner la nuit pour fĂŞter leur union. Des sanctions symboliques pourraient avoir, Ă  la longue, un effet dissuasif sur les rĂ©cidivistes en tout genre.     11 Zakaria Fahim Managing Partner BDO Sarl Indignation  La culture brutale du profit Je suis consternĂ© par le fait qu’on enseigne toujours Ă  l’école que la rentabilitĂ© de l’entreprise se mesure uniquement par la diffĂ©rence entre les recettes et les charges et que, pour gagner, il faut Ă©craser l’autre. Solution   Tester des modèles de rupture Tous les jeunes doivent avoir la possibilitĂ© de tester leurs idĂ©es. Pour cela, il est important de changer de paradigme et de dĂ©velopper des modèles de rupture qui font appel au bon sens. Le projet d’auto-entrepreneur est un modèle de rupture qui consiste Ă  faciliter l’acte d’entreprendre, en simplifiant les formalitĂ©s de crĂ©ation. De plus, il faut montrer par l’exemple que 1+1 peut faire 10 Ă  condition que la performance soit la rĂ©sultante d’une rĂ©ussite Ă  la fois Ă©conomique, sociale et sociĂ©tale.   12 Abdou Jouahri  Professeur universitaire, vice-prĂ©sident de l'Association Fès SaĂŻss Indignation   Haro sur l'indiscipline ! Je hais l'indiscipline, cet incivisme galopant, ces chauffards en puissance, ce manque de politesse qui est devenu une règle de vie chez de nombreux jeunes et moins jeunes Ă  l'insulte facile. L’absence de discipline ouvre la porte Ă  toutes les formes de violence (organisationnelle, psychologique et physique). Le moins que l'on puisse dire, c'est que le civisme qui est l'un des piliers de la sociĂ©tĂ© est rĂ©ellement en crise. Solution   Remettre le civisme Ă  l'honneur Il faut favoriser le changement de politique Ă  travers un management par le sens et opĂ©rer un rĂ©veil des consciences. Savoir agir sur la charge Ă©motionnelle des individus, rebondir sur les infractions Ă  la discipline et les transformer en opportunitĂ©s de conduire le changement. L'essentiel, c'est que les citoyens assument davantage leurs responsabilitĂ©s vis-Ă -vis de la  collectivitĂ©, qu'il soient davantage imprĂ©gnĂ©s de sens civique.   13 Mohamed El Aouni  Membre du conseil national de soutien au Mouvement  du 20 fĂ©vrier Indignation   La rĂ©pression des manifs Ce qui m’indigne actuellement au Maroc est l’option rĂ©pressive choisie par l’Etat contre les revendications du Mouvement du 20 fĂ©vrier. Après plusieurs tentatives de ternir l’image du mouvement, en lui collant diverses accusations mensongères au dĂ©but, la campagne a pris un autre tournant depuis le mois de mars. En brutalisant les participants aux rassemblements organisĂ©s par le Mouvement du 20 fĂ©vrier dans plusieurs villes du Maroc, l'Etat donne un mauvais signal. Ce mouvement Ă©tant de nature pacifique, l’option rĂ©pressive ne fait pas du Maroc une exception dans la rĂ©gion. Il y a eu deux morts depuis le 20 fĂ©vrier, et  plusieurs autres  que nous considĂ©rons comme des victimes, ceux d’Al Hoceima.   Solution   L'Etat doit se rĂ©concilier avec tous  les citoyens Pour que nous soyons vraiment une exception dans le monde arabe, le gouvernement doit remiser les matraques car, jusqu'Ă  prĂ©sent, il a fait le choix le plus lourd Ă  payer en termes d'image : la rĂ©pression.   14 Faouzi Chaâbi   Vice-prĂ©sident d’Ynna holding Indignation   L’anarchie de la distribution  L’un des problèmes rĂ©currents qui compromettent l’avenir des entreprises marocaines est l’économie de rente. La production au Maroc se base sur une structure non organisĂ©e. En Europe, il y a un suivi, en amont de la production jusqu’à la livraison au consommateur final. Ici, c’est l’anarchie et le diktat des intermĂ©diaires, ou des spĂ©culateurs qui ne paient pas d’impĂ´ts, qui plombent les marges des commerçants. Solution   Exigez des tickets de caisse !  La rĂ©glementation et l’obligation de payer les impĂ´ts. Le consommateur doit exiger son ticket de caisse ou sa facture Ă  chaque paiement d’un service ou d'un produit. Si tout le monde paie ses impĂ´ts, les spĂ©culateurs n’auront plus de marges et disparaĂ®tront. En Chine par exemple, l’Etat a pu dĂ©mocratiser cette mĂ©thode en mettant en place une tombola quotidienne. Chaque citoyen a dans son ticket de caisse un numĂ©ro de 14 chiffres et il peut gagner une maison ou une voiture lors du tirage au sort. Ainsi, tout le monde exige un ticket de caisse.   15 RĂ©da Benharrou Chef d’entreprise Indignation  Le mĂ©pris de l’espace public J'ai l'impression que l'on ne se considère que dans son espace intime. Au Maroc, l’espace public n’existe pas. Le manque de citoyennetĂ© et de civisme est la règle. Un ami de mon père m’a racontĂ© une histoire qui lui est arrivĂ©e en Hollande. Il se baladait dans un jardin public et, voyant une jolie fleur, il se baisse, la hume, et comme feraient beaucoup de Marocains, il l'arrache pour l’emporter. Une petite fille le voit, lâche la main de sa maman et court vers lui pour lui assĂ©ner : « Vous n'avez pas honte d'arracher cette fleur. » On parle souvent de patriotisme, mais bizarrement cette notion ne prend forme que lorsqu'on atteint le score de 4 Ă  0 au foot. Solution  Un service civil pour tous Je suis pour des stages de citoyennetĂ© obligatoires, comme il existe un service militaire. Je suis Ă©galement pour que l'on dispense davantage d’heures d’éducation citoyenne Ă  l’école.   16 Ali Lotfi  Syndicaliste, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’Organisation dĂ©mocratique du travail Indignation   SOS personnes âgĂ©es Dans cette paupĂ©risation grandissante de la population, Ă  cause de la politique anti-sociale du gouvernement, il y a une catĂ©gorie que nous sommes en train de sacrifier. Il s’agit des personnes âgĂ©es qui sont au nombre de 2,4 millions aujourd’hui et dont 80% ne bĂ©nĂ©ficient d’aucune couverture sociale, et encore moins d’une assurance maladie. Au lieu d’en prendre soin, de par nos valeurs mais aussi pour ce qu’elles ont apportĂ© Ă  ce pays, nous sommes en train d’en faire les plus grands marginalisĂ©s de la sociĂ©tĂ©. Et c’est tout simplement inadmissible. Solution  Un plan d’urgence pour une cause nationale Les jours de ce gouvernement-lĂ  Ă©tant comptĂ©s, ce sera au prochain d’ériger la cause des personnes âgĂ©es en tant que prioritĂ© nationale. C’est de nos parents et de nos grands-parents que nous sommes en train de parler. Et c’est un peu notre propre avenir que nous abordons. Et Ă  moins d’un plan d’urgence pour sauver les personnes âgĂ©es aujourd’hui, notre modèle, non seulement de pays mais de sociĂ©tĂ©, risque de s’effondrer.   17 Hassan Jai  PrĂ©sident du directoire de Rimal Indignation La loi au Maroc n’est pas toujours souveraine Dans de nombreux secteurs et dans de nombreuses situations, nous sommes contraints de constater que la loi n'est pas appliquĂ©e et devient donc souvent facultative. Il en est ainsi dans notre secteur. Vous pouvez commercialiser du sable sans avoir d’autorisation d’exploitation, ou tout simplement en dĂ©clarant votre exploitation en arrĂŞt, sans rĂ©colter de TVA, sans fournir de facture et sans respecter le cahier des charges d’exploitation. Vous pouvez charger les camions en dĂ©passant leur PTC et faire plus de 100 kilomètres sans ĂŞtre inquiĂ©tĂ©. Solution  Une application stricte de la loi Ce qui vaut pour l'exploitation du sable vaut pour les autres secteurs sauf que je trouve que l’on ne s’indigne pas sur le fait que 1 milliard de dirhams de recettes fiscales Ă©chappe au trĂ©sor. Ces recettes permettraient de renforcer les actions de l’Etat. De toute façon, un Etat fort induit une application et un respect strict des lois, et vice versa.   18 Mbarka Bouida  DĂ©putĂ©e RNI Indignation  Les Marocains boudent leur citoyennetĂ© Je suis indignĂ©e par le taux d’abstention, lors des Ă©lections au Maroc, et par la faible implication de nos concitoyens dans le processus Ă©lectoral. Il faut bien reconnaĂ®tre que, pour l’instant, nous n’avons eu que des solutions compliquĂ©es Ă  leur proposer : il est quand mĂŞme aberrant de demander aux gens de se dĂ©placer pour s’inscrire sur les listes Ă©lectorales. Et ce qui m’indigne enfin – il s’agit au fond du mĂŞme problème d’accès Ă  la citoyenneté –, c’est que tous les Marocains n’ont pas la carte nationale. Solution   Le vote obligatoire !  Il faut d’abord une opĂ©ration commando pour qu’en six mois, tous les Marocains obtiennent une carte nationale. Et il faut ensuite automatiser le lien entre CIN et enregistrement sur les listes Ă©lectorales : il n’y aura plus de dĂ©placements inutiles. Et enfin, il faut rendre le vote obligatoire.   19 Youssef Chehbi  Avocat Indignation  Un simulacre de campagne pour le rĂ©fĂ©rendum L’orchestration de la campagne du rĂ©fĂ©rendum m’indigne. Il n’y a pas de dĂ©bat. MĂŞme quand on veut voter « Oui », l’envie passe quand on voit comment se dĂ©roule le rĂ©fĂ©rendum. Moi je dois rouler trois quarts d’heure pour aller voter alors que je suis certain du rĂ©sultat. Il n’y a pas d’enjeu. L’unanimitĂ© est dangereuse. Dangereuse pour tout le monde. Car les Marocains se rendent compte que les partis politiques ne les reprĂ©sentent pas. Comment les gens peuvent-ils s’impliquer dans la politique quand ça se passe de cette manière ? Donc ils vont chercher des solutions chez les extrĂŞmes ou s’abstiennent de voter. Solution  Des dĂ©bats tĂ©lĂ©visĂ©s entre Oui et Non Il faut laisser les tenants du « Non » s’exprimer. Les trois premiers jours Ă  la tĂ©lĂ©, on n’a entendu que les partisans du « Oui ». Il faut que le temps accordĂ© Ă  ceux qui vont dĂ©fendre le « Oui » soit Ă©gal Ă  celui imparti Ă  ceux qui vont dĂ©fendre le « Non ». C’est simple. Ça aurait Ă©tĂ© extraordinaire que cette Constitution, dans laquelle il y a beaucoup d’avancĂ©es, soit dĂ©battue de manière dĂ©mocratique. Comme lors du rĂ©fĂ©rendum sur le traitĂ© de Maastricht, en France, oĂą Mitterrand a affrontĂ© SĂ©guin en 1992 dans le grand amphi de la Sorbonne.   20 Nizar Bennamate  Militant au Mouvement du 20 fĂ©vrier Indignation  Le refus du dĂ©bat Les Marocains ont du mal Ă  sĂ©parer le dĂ©bat public de la vie privĂ©e. Cela se vĂ©rifie toujours quand vous dĂ©battez avec quelqu’un, surtout quand il s’agit de sujets sensibles, comme la libertĂ© de conscience par exemple. Au lieu de rĂ©pondre aux interrogations et de nourrir le dĂ©bat, l’interlocuteur va personnifier les choses et vous accuser d’athĂ©isme et autres raccourcis. Solution  Militer contre la pensĂ©e unique RĂ©gler ce problème n’est pas simple. Il trouve son essence dans les trĂ©fonds de la culture marocaine. Il faudrait arriver Ă  faire accepter l’avis diffĂ©rent et militer contre la pensĂ©e unique. Pour cela, on doit revoir les mĂ©thodes d’éducation, le fonctionnement des mĂ©dias, celui des partis politiques, etc. C’est un long chemin Ă  parcourir.   21 FatĂ©ma Oufkir Indignation Les enfants des rues Ce qui m’indigne le plus, c’est de voir des enfants mendier. On fait des lois sans les appliquer. La loi stipule qu’on peut enlever les enfants des femmes qui les traĂ®nent pour mendier ou emprisonner ces dernières. Mais elles sont toujours lĂ . A une heure du matin, vous voyez des enfants mendier aux carrefours avec des kleenex, je ne le supporte pas ! A Casablanca, des adolescentes de 12-14 ans traĂ®nent avec des roses dans les rues mal famĂ©es pour Ă©chapper Ă  la prostitution. A Marrakech, vers le Plazza, des enfants de 10-12 ans se droguent avec de la colle, du cirage, des bouts de pain prĂ©alablement introduits dans les pots d’échappement des bus. Solution   L’école obligatoire Aujourd’hui, les enfants en bas âge ne vont pas Ă  l’école, ils ne sont mĂŞme pas inscrits ! Tout vient du fameux discours de Hassan II, en 1965, après les Ă©meutes de Casablanca, quand il a dit qu’il ne voulait pas d’une gĂ©nĂ©ration de lettrĂ©s. RĂ©sultat : il a créé trois ou quatre gĂ©nĂ©rations qui ne savent ni lire ni Ă©crire. Il faut revenir Ă  ce qui se passait du temps de Mohammed V : l’école Ă©tait obligatoire Ă  l’âge de 5 ans et demi. Et quand le moqaddem trouvait un enfant dans la rue, il allait voir ses parents.   22 Abdelmounaim Faouzi  AssociĂ© gĂ©rant Maroc Consulting Indignation Les grèves des enseignants Je suis indignĂ© par la facilitĂ© avec laquelle les grèves se multiplient dans le secteur de l'enseignement et les conditions dans lesquelles l'Ă©cole publique Ă©volue. Cette prĂ©caritĂ© et cette banalisation traduisent l'irresponsabilitĂ© des acteurs et confirment un Ă©goĂŻsme dĂ©vastateur. Force est de constater que toutes les dĂ©marches et tous les dĂ©bats sont orientĂ©s « enseignant » au lieu d’être centrĂ©s sur l’élève, le principal concernĂ©. Nul ne parle pour lui. Solution  Une responsabilisation des acteurs Il ne s'agit pas d'Ă©voquer le droit de grève qui est acquis mais d'appeler Ă  une responsabilitĂ© envers ceux qui n'ont pas les moyens ni la chance d'Ă©voluer dans le secteur privĂ©e. L'Ă©cole publique, considĂ©rĂ©e durant des annĂ©es comme un ascenseur social, un espace de rĂŞve et d'ouverture, se retrouve aujourd'hui source d'inĂ©galitĂ©s, de rupture et de dĂ©sespoir.   23 Ali Faraoui Musicien engagĂ© Indignation  Une Ă©ducation rĂ©trograde  Ce qui m’énerve, c’est qu’on ne rĂ©alise pas que la manière dont on Ă©duque nos enfants – à l’école surtout –, basĂ©e sur le rapport de force et l’arbitraire, est complètement nĂ©faste. De mĂŞme, le programme religieux par lequel on commence l’éducation scolaire des enfants, avant d’attaquer les sciences, sans blasphĂ©mer, cela nous fait prendre beaucoup de retard... Les Marocains en pâtissent toute leur vie, parce que, et c’est mon sentiment, ils ont peur de l’apprentissage. Ils perdent l’envie d’apprendre. Solution Une Ă©cole laĂŻque L’école doit ĂŞtre laĂŻque pour privilĂ©gier un apprentissage raisonnĂ©, sans punitions corporelles (coups de règle et autres) et la pĂ©dagogie ne doit pas ĂŞtre basĂ©e sur un rapport de force mais sur le plaisir d’apprendre.   24 Zahra Beloudi  Militante au Mouvement du 20 fĂ©vrier Indignation  Les mĂ©dias qui ferment les yeux Mon coup de gueule, c’est la partialitĂ© des mĂ©dias marocains, tous supports confondus, et leur inaptitude Ă  Ă©clairer le citoyen. Ils nous livrent un produit de mauvaise qualitĂ© qui tire la sociĂ©tĂ© et surtout les jeunes vers le bas, alors que les gens se rĂ©fèrent maintenant aux mĂ©dias Ă©trangers, notamment arabes. Sur la couverture des Ă©vĂ©nements, les mĂ©dias ferment les yeux sur des vĂ©ritĂ©s, n’exposent pas les avis de tous et donnent une image dĂ©formĂ©e de l’évĂ©nement qu’ils sont chargĂ©s de relayer. Solution  Des journalistes impartiaux Nous comptons sur les journalistes intègres et sur les associatifs pour dĂ©velopper des mĂ©dias parallèles plus objectifs. On ne demande pas aux mĂ©dias de relayer notre avis ou d’être acquis Ă  notre cause. Qu’ils soient uniquement justes et impartiaux.   25 Nour-Eddine Lakhmari  CinĂ©aste Indignation  Le Marocain ne s’aime pas Ce qui m’indigne le plus, c’est le regard du Marocain sur lui-mĂŞme. Il ne s’aime pas assez. On est dans les complexes, on a toujours des modèles qu’on voit ailleurs. On ne prend pas de risque, on ne se regarde pas dans le miroir alors qu’on est capable de faire de belles choses. Le Marocain se cache ! Solution   Apprendre Ă  s’aimer grâce Ă  l’art Il est temps que le Marocain sorte, cesse de se cacher et qu’il se dise « je suis capable de faire... » MĂŞme si c’est pour faire une connerie ! Mais on ne peut pas imposer Ă  quelqu’un de s’aimer malgrĂ© lui, ça ne passe pas par une loi ! Ca passe par la culture et l’art. Mon prochain film porte sur cette attitude et sur la rĂ©demption. Tu ne peux parvenir Ă  la rĂ©demption si tu ne t’aimes pas. C’est grâce Ă  l’amour de quelqu’un d’autre que tu peux te redĂ©couvrir et t’aimer.   26 Najia Adib  PrĂ©sidente de l’association « Touche pas Ă  mes enfants » Indignation  Laxisme envers les pĂ©dophiles et mĂ©pris des victimes Les pĂ©dophiles n’en prennent, la plupart du temps, que pour un an. Et encore... Les procès se passent dans un climat très traumatisant pour l’enfant. Ils s’étalent dans le temps et durent parfois plus de cinq ans avant le verdict. Le rĂ©sultat : j’ai vu une petite fille grandir et mettre le hijab avant de voir la fin du tunnel, et des enfants terrorisĂ©s par un juge qui s’adressait Ă  eux comme Ă  des adultes. Solution  PrĂ©server l’enfant et ĂŞtre intraitable envers les coupables Il faut des jugement Ă  huis clos pour Ă©viter les chocs psychologiques, des juges spĂ©cialisĂ©s qui savent s’adresser Ă  des enfants en bas âge et des jugements dans des dĂ©lais raisonnables. Il ne faut plus accorder la libertĂ© provisoire Ă  des pervers qui profitent de leur sortie pour provoquer les familles, et surtout, il convient de prononcer des sanctions de prison ferme et de longue durĂ©e Ă  l’encontre des dĂ©linquants sexuels.   27 Mehdi Lahlou  Economiste Indignation Le Maroc, cancre du monde Beaucoup de choses m’indignent dans la gouvernance Ă©conomique et sociale du pays, dans l’environnement des affaires et l’affectation des ressources publiques. Mais plus on s’enfonce dans la mondialisation, plus on se rend compte de l’ampleur de l’échec de notre enseignement. Il nous place au 130e rang mondial, selon le PNUD, en matière de dĂ©veloppement humain. Solution  RĂ©former enfin l’enseignement Il faut remettre la rĂ©forme de l’enseignement et de la recherche scientifique sur le tapis. Elle doit rĂ©gler dĂ©finitivement la question de la langue d’enseignement. Elle doit aussi dĂ©finir les moyens de relever la qualitĂ© de l’école publique. La rĂ©ussite de cette rĂ©forme passe par un recyclage des corps enseignants et la reconnaissance de leur dignitĂ©.   28 Fouad Benseddik  Chroniqueur Ă  actuel, spĂ©cialiste en Ă©valuation de la responsabilitĂ© sociale en entreprise Indignation   Sortir des jĂ©rĂ©miades Si l’indignation devient Ă  la mode, il faut s’en inquiĂ©ter. En Tunisie et en Egypte, elle a vaincu deux dictateurs. Comme auparavant en Roumanie. Mais en Espagne, au nom de son ras-le-bol contre le chĂ´mage, la jeunesse a prĂ©fĂ©rĂ© s’indigner dans la rue au lieu d’aller voter. RĂ©sultat, la droite en a profitĂ© alors qu’elle se soucie encore moins de justice sociale que les socialistes au pouvoir. Les rĂ©gimes totalitaires, du fascisme mussolinien au parti communiste d’Union soviĂ©tique en passant par le populisme nassĂ©rien, rĂ©sultent tous d’une capture perverse de l’indignation des masses et de son retournement contre les libertĂ©s individuelles. Solution  Enseigner l’histoire et les mĂ©thodes critiques  Former les esprits Ă  la diffĂ©rence entre des jĂ©rĂ©miades et un dĂ©bat d’idĂ©es. Ouvrir les portes des partis et les obliger Ă  la dĂ©mocratie. MĂŞme si elle procède d’une morale Ă©levĂ©e ou d’une colère justifiĂ©e, l’indignation ne remplace pas l’action politique organisĂ©e. C’est le chaĂ®non manquant : il est de la responsabilitĂ© de tous de le crĂ©er.   29 Ahmed Ghayet  Fondateur de Marocains Pluriels  Indignation  L’ignorance sexuelle  Mon vrai gros motif d’indignation concerne l’ignorance aberrante dans laquelle nous maintenons nos jeunes en matière d’éducation sexuelle. Sous de faux prĂ©textes, tabous et autres « hachouma », nous condamnons notre jeunesse Ă  une totale approximation dans ce domaine. Ils n’ont en effet personne Ă  qui s’adresser concernant LA et LEUR sexualité : les parents ? Il n’en est pas question ! Les enseignants ? Aux abonnĂ©s absents… Reste la rue ! La rue et les copains pour les garçons, les confidences entre elles pour les filles ; avec l’émergence d’Internet, les sites pornographiques sont aussi devenus une « école », une Ă©cole de la violence sexuelle bien plus qu’autre chose. Qu’on le veuille ou non, les jeunes ont bien Ă©videmment des rapports sexuels, un monde qu’ils dĂ©couvrent sans aucune connaissance, d’oĂą nombre de drames. Quand, avec l’ADLCS, nous avons entamĂ© les sĂ©ances de dĂ©pistage du VIH, j’ai Ă©tĂ© effarĂ© d’entendre les propos des jeunes : une sĂ©rie de clichĂ©s, d’a priori et de contre-vĂ©ritĂ©s ! Personne ne remplit son rĂ´le en matière d’éducation sexuelle, ni la famille, ni la tĂ©lĂ©vision, ni les maisons de jeunes, ni les professeurs… Solution  L’éducation sexuelle Ă  l’école Lorsqu’au mois de mars dernier, nous avons créé sur Facebook notre « laboratoire de dĂ©mocratie participative » Nbni Bladi, oĂą les jeunes sont invitĂ©s Ă  Ă©mettre leurs propositions pour changer LEUR vie au quotidien, nous avons très vite vu apparaĂ®tre les demandes en matière d’éducation sexuelle. Nous avons fait nĂ´tre la proposition qui prĂ´ne l’instauration de l’éducation sexuelle Ă  l’école, et durant tout le cursus scolaire. C’est une prioritĂ© – face aux flĂ©aux croissants tels le sida, les MST, les grossesses non dĂ©sirĂ©es… – si nous voulons donner Ă  nos jeunes les outils indispensables, mais Ă©galement leur permettre d’être « bien dans leurs corps » arrivĂ©s Ă  l’âge adulte.   30 Ghizlane Ghallab  Fondatrice de Maroc sans nuclĂ©aire, Maroc solaire. Indignation   Non au nuclĂ©aire au Maroc Je m’indigne contre le projet de construction d’une centrale nuclĂ©aire entre Safi et Essaouira alors que c’est une Ă©nergie coĂ»teuse et peu crĂ©atrice d’emplois. Sans compter les risques humains, la consommation en eau et les dĂ©chets radioactifs polluants sur des milliers d'annĂ©es, que l'on ne sait pas encore traiter. Je m'indigne contre ceux qui disent que le nuclĂ©aire est un domaine rĂ©servĂ© et que « moins on en parle, mieux c'est » ! Les pays nuclĂ©arisĂ©s cherchent Ă  en sortir. Nous l’avons vu avec l’Allemagne qui a compris l’intĂ©rĂŞt Ă©conomique du solaire par exemple. Et au Maroc, ce n’est justement pas le soleil qui manque ! Solution  Plus de solaire pour zĂ©ro risque et plus d’emploi ! Je souhaite passer Ă  100% d’énergie renouvelable au Maroc d’ici 2050. L'Ă©olien crĂ©e 3,8 fois plus d'emplois que le nuclĂ©aire par unitĂ© d'Ă©lectricitĂ© produite, et le solaire 144 fois plus ! Avec une maĂ®trise marocaine de l’ensemble de la filière solaire : construction de panneaux solaires, formation d’ingĂ©nieurs spĂ©cialisĂ©s… nous nous assurons des gains sĂ»rs en emplois. Et avec des politiques encore plus volontaristes, nous pourrons alimenter en Ă©lectricitĂ© les zones rurales Ă  coĂ»t rĂ©duit. Je pense aussi au tarif de rachats garantis : tout producteur d'Ă©lectricitĂ© solaire (dont les particuliers) peut vendre sa production Ă  l'Etat qui garantit un tarif de rachat minimal, fixĂ© sur une longue pĂ©riode, typiquement 20 ans.   31 Mohamed Horani PrĂ©sident de la CGEM  Indignation   Non Ă  la culture de la mĂ©fiance  Il faut croire que les Marocains sont très mĂ©fiants. Une Ă©tude rĂ©cente rĂ©vèle que le Marocain serait le citoyen le plus mĂ©fiant de tout le pourtour mĂ©diterranĂ©en. Une culture Ă©trange et incomprĂ©hensible dans une sociĂ©tĂ© musulmane comme la nĂ´tre oĂą la confiance devrait ĂŞtre la règle qui gouverne nos relations. Dans les annĂ©es 40 du siècle dernier, la cĂ©lèbre chanson Hdi rassek de Houcine Slaoui n'incitait-elle pas les Marocains Ă  se mĂ©fier les uns des autres ? Encore aujourd'hui et plus que jamais, la majoritĂ© des Marocains sont convaincus que prendre de la distance avec son voisin est une vertu (« Attikar hssan »). Tout le monde se mĂ©fie de tout le monde. Cette culture a marquĂ© notre façon d'ĂŞtre et nous la subissons au quotidien. Ses traces sont visibles sur nos procĂ©dures inefficaces. Nous les construisons chaque jour, confondant prudence et mĂ©fiance et privilĂ©giant ainsi la sĂ©curitĂ© au dĂ©triment de l'efficience. Solution La Constitution rĂ©tablira la confiance La nouvelle Constitution annoncĂ©e par Sa MajestĂ© le roi, le 17 juin 2011, n'est-elle pas la preuve irrĂ©futable de la confiance du souverain en la capacitĂ© des Marocains d'assumer pleinement leurs nouvelles responsabilitĂ©s ? Il est temps de combattre la culture de la mĂ©fiance si nous voulons rĂ©ellement ĂŞtre Ă  la hauteur de cette confiance, et rĂ©ussir l'opĂ©rationnalisation de notre nouvelle Constitution. Etablissons la confiance entre l'administration et les administrĂ©s, les employeurs et les centrales syndicales, les entreprises et les associations professionnelles, les salariĂ©s et les syndicats, les citoyens et les partis politiques, les jeunes et leurs aĂ®nĂ©s, les hommes et les femmes, sans oublier d'avoir confiance en soi. Le Maroc a rĂ©ussi Ă  produire une Ă©lite que beaucoup d'autres pays lui envient. J'ai la conviction que nous pouvons faire confiance Ă  nos institutions et permettre Ă  notre pays d'entrer par la grande porte dans le club des pays les plus dĂ©mocratiques dans le monde.     32 Najib Cherfaoui  IngĂ©nieur portuaire Indignation   Le Maroc oublie ses mers Je suis indignĂ© par l'ignorance des choses de la mer de ceux qui prĂ©sident aux destinĂ©es du secteur maritime du Maroc. La flotte marchande a diminuĂ© de moitiĂ© en vingt ans ; en consĂ©quence, le coĂ»t des transports maritimes s’est aggravĂ© jusqu’à atteindre l’équivalent de la facture pĂ©trolière. Si rien n’est fait, le dĂ©sĂ©quilibre ira en s’accentuant avec perte concomitante d’une source durable d’emplois variĂ©s, valorisants et stables. Solution   Renforcer la filière maritime Il s’agit de renforcer d’urgence la flotte marchande sous pavillon marocain, de dĂ©velopper l’emploi dans le secteur maritime en rendant compĂ©titives les offres d’affrètement de l’armement marocain, de doter le Maroc d’un système maritime de plein emploi ouvert sur le monde, de supprimer les rentes, de rĂ©duire les privilèges et de favoriser la performance.   33 Zakaria Choukrallah  Journaliste, service sociĂ©tĂ© Indignation  La marginalisation des petites villes On ne prĂŞte que peu d'attention aux petites villes et aux zones rurales dans nos politiques sociales. Pourtant, ce sont de vraies poudrières qui vivent en marge de l'Ă©volution du pays. Les mouvements de contestation les plus violents ont Ă©tĂ© observĂ©s dans de petites bourgades ou des zones marginalisĂ©es : Sidi Ifni, SĂ©frou, Al Hoceima, etc. Le chĂ´mage, le manque d'infrastructure et le mĂ©pris y sont la règle… Solution  Ecouter TOUT le Maroc  Il faut que les citoyens de ces rĂ©gions se sentent traitĂ©s Ă©quitablement avec tous les Marocains. Il s'agit d'un combat pour la dignitĂ©, et pour cela, il faut d'abord les Ă©couter plus : dans les mĂ©dias, au sein des institutions de l'Etat, etc.   34 Karim Zaz  Chef d’entreprise Indignation   L’indigne Moussem de Dar Bouazza Depuis dix ans, la commune de Dar Bouazza organise un Moussem qui rassemble des milliers de personnes pour faire la fĂŞte durant une semaine Ă  dix jours. Or, ce Moussem est organisĂ© au milieu d’un grand champ, en bordure de lotissements rĂ©sidentiels dans des conditions de sĂ©curitĂ©, de circulation et surtout d’hygiène totalement insupportables, et aujourd’hui totalement inappropriĂ©es. Pour les riverains, comme pour les participants eux-mĂŞmes. La notion de tapage nocturne n’existe plus. Les règles Ă©lĂ©mentaires d’hygiène sont bafouĂ©es. L’environnement est dĂ©vastĂ©. Les riverains sont, jour et nuit, soumis aux pires conditions de nuisance. Au point que le climat ne cesse de se dĂ©grader alors que la notion de fĂŞte devrait s’imposer. Solution S’inspirer de Mawazine ! Ce type de fĂŞte populaire, qui permet Ă  la population de se divertir, devrait, eu Ă©gard au succès rencontrĂ©, se dĂ©rouler dans un espace plus appropriĂ©, un cadre rĂ©glementĂ©, et ĂŞtre parfaitement encadrĂ©. Un Moussem nĂ©cessite des moyens et une logistique appropriĂ©s. Les riverains devraient voir leurs impĂ´ts et taxes locales rĂ©investis en partie pour assurer des conditions d’organisation et d’hygiène en phase avec la dimension de la manifestation. Les Ă©lus locaux qui semblent se moquer Ă©perdument de l’environnement de cette manifestation seraient avisĂ©s de s’inspirer de l’exemple de Maroc Cultures, qui fait participer plus de deux millions de personnes dans un cadre respectueux de son environnement.   35 Ahmed Ouayach PrĂ©sident de la Comader Indignation La misère des campagnes Ce qui m’indigne le plus, c’est ce sentiment d’injustice, cette fracture sociale entre les villes et les campagnes. Vous n’imaginez pas la misère dans laquelle vivent quelques campagnards. Solution Organiser les petits agriculteurs L’un des chantiers prioritaires de Comader est la rĂ©habilitation des citoyens ruraux Ă  travers des conditions de vie meilleures, des infrastructures adĂ©quates, une scolarisation des enfants, et des filles en particulier, une couverture mĂ©dicale, une retraite… Nous avons essayĂ© d’organiser les petits agriculteurs mais ça reste une tâche fastidieuse. MĂŞme les coopĂ©ratives peinent Ă  percer Ă  cause des lobbies. Sans volontĂ© politique, cette diffĂ©rence entre ville et campagne va s’accentuer. J’espère que le projet de rĂ©gionalisation contribuera Ă  attĂ©nuer cette injustice.     36 Zakia Tahiri Bouchaâla  Productrice, rĂ©alisatrice Indignation Le salaire des bonnes De savoir que mon marchĂ© pour deux jours reprĂ©sente le salaire hebdomadaire de la dame qui travaille Ă  la maison, avec lequel elle va payer son loyer, nourrir ses gosses, se soigner… et encore je la paye bien, ça m’indigne. Et ce qui m’indigne encore plus, c’est qu’on me dise : « Tu exagères, tu la payes cher, tu casses le marchĂ©. » Solution La peur change de camp La pauvretĂ© n’est pas une fatalitĂ©. MĂŞme si on a peu de moyens, il faut payer davantage les employĂ©s de maison. Car les gens rĂ©alisent qu’ils ont des droits. Mais de l’autre cĂ´tĂ©, on ne se rend pas encore compte qu’on a des devoirs ! Seulement, on commence Ă  avoir peur, Ă  douter. Et le regard des uns et des autres commence Ă  changer.     37 Chakib Al Khayari P  rĂ©sident de l’association Rif des droits de l’homme Indignation L'essor de la corruption Le Maroc connaĂ®t une rĂ©gression au niveau de la gestion des organismes publics, avec l’inefficacitĂ© des mĂ©canismes de contrĂ´le et de lutte contre la corruption. La justice reste toujours peu rĂ©ceptive aux rapports Ă©mis par ces organes de contrĂ´le. Cette situation a dĂ©crĂ©dibilisĂ© ces organismes auprès de la majoritĂ© des citoyens. Le Parlement n’échappe pas Ă  cette règle, les Ă©lections sont entachĂ©es par la corruption et l’achat des Ă©lecteurs, grands et petits. Pis encore, un membre influent de l’USFP a mĂŞme dĂ©clarĂ© que le Parlement Ă©tait un endroit oĂą se « cachaient » des trafiquants de drogue. La situation est grave au Maroc, surtout quand une personne qui dĂ©nonce la corruption risque d’être poursuivie en justice et emprisonnĂ©e, le plus souvent par le corrompu lui-mĂŞme ! Solution Une campagne contre les ripoux Les procès pour corruption n’aboutissent presque jamais. Pour lutter contre la persistance de cette situation, il faut une vĂ©ritable volontĂ© politique au plus haut niveau de l'Etat pour que les ripoux sachent qu'ils ne peuvent plus jouir de l'impunitĂ©.         38 Amine Kabbaj Architecte Indignation L’arabisation contre-productive Le Marocain est schizophrène. Il suit une scolaritĂ© en arabe puis, sauf s’il choisit lettres ou droit, il doit poursuivre des Ă©tudes en français, langue qu’il ne maĂ®trise pas toujours mĂŞme s’il Ă©tait un bon Ă©lève ! Dans mon secteur, le BTP, 90% des lois, des documents et des procĂ©dures sont en français. C’est notre langue de travail, il faut bien le reconnaĂ®tre et ça m’étonnerait fort qu’on puisse arabiser toute notre Ă©conomie. A l’heure de la mondialisation, ce serait d’ailleurs  contre-productif. Solution Le multilinguisme pour tous L’espagnol au Nord et au Sud, le français dans le Centre, le Maroc Ă©tait riche de trois langues. On s’appauvrit en les perdant. Nous Ă©tions un des seuls pays trilingues et on avait une Ă©ducation au top. Mon grand-père Ă©crivait le français avec la main gauche et l’arabe avec la main droite. Il faut rĂ©introduire des cours de français performants dans notre Ă©ducation publique. Mais aussi, bien sĂ»r, d’anglais et d’espagnol. Regardez les Ă©conomies des pays linguistiquement xĂ©nophobes comme l’Espagne ou l’Italie. Comparez avec les Ă©conomies des pays du Nord : tous bilingues. Plus de 90% des Scandinaves sont anglophones. Et si les pays de l’Est ont pu redĂ©coller, c’est qu’ils avaient une bonne Ă©ducation et maĂ®trisaient les langues Ă©trangères.   39 Omar Battas  Professeur en psychiatrie Indignation  L'irrespect de l'autre S'il y avait une indignation majeure qui engloberait toutes les autres, je choisirais bien celle-ci. Que ce soit au niveau politique, avec des politiciens qui n'ont aucune honte Ă  clamer une chose et son contraire ; au niveau des affaires, lorsqu’un promoteur immobilier Ă©rige des cages Ă  poules au mĂ©pris de la sĂ©curité ; ou encore Ă  l'Ă©cole oĂą l'enfant est constamment brimĂ©, l'autre n'existe tout bonnement pas. Nous avons lĂ  quelques exemples d'une barbarie qui n'accepte pas l'altĂ©ritĂ© du voisin, cet autre qu'on ne veut pas reconnaĂ®tre comme son prochain. Autour de la MĂ©diterranĂ©e, on règle depuis toujours cette peur de l'autre par l'expression d'une « virilitĂ© exacerbĂ©e ». Quand cette immaturitĂ© Ă©motionnelle agit au niveau d'une sociĂ©tĂ©  tout entière, cela s'appelle de la rĂ©gression sociale. Solution L'autre, c'est moi L’affirmation d’un certain droit au respect est un des lieux communs de la modernitĂ©. Pourquoi ne pas profiter des diffĂ©rences qui nous affectent pour s’appuyer sur la capacitĂ© de s’aimer soi-mĂŞme, avec suffisamment de confiance pour pouvoir aimer l'autre ? On a toujours le choix entre nourrir, dynamiser, vivifier la relation, ou la maltraiter, voire la polluer.   40 Hosni Al Mokhliss  Militant au Mouvement du 20 fĂ©vrier Indignation Des hommes au-dessus des lois La nouvelle Constitution continue de consacrer le pouvoir absolu d’une seule personne. Sans qu’elle rende des comptes. Au-delĂ  de l’aspect politique, c’est l’aspect psychologique et sociĂ©tal qui m’interpelle. Ce mode de pensĂ©e pousse l’administration Ă  reproduire le mĂŞme schĂ©ma, en se considĂ©rant au-dessus du citoyen. Allez faire un tour dans les commissariats, regardez comment les administrations traitent les citoyens, comment la police continue de tabasser violemment, etc. Solution Rendre des comptes au peuple Quiconque dĂ©tient la moindre parcelle de pouvoir doit rendre des comptes au peuple. C’est un des principes de base en dĂ©mocratie.   41 NeĂŻla Tazi  Directrice gĂ©nĂ©rale d’A3 Communication et fondatrice du festival d’Essaouira  Indignation   La critique pour la critique  Il y a mille raisons de s’indigner au Maroc. Moi ce qui m’indigne, c’est que l’on a tendance Ă  critiquer dans le vide, sans chercher Ă  ĂŞtre constructif. Nous avons aussi un avis sur tout mais nous nous mettons rarement Ă  la place de l’autre. Il nous manque cette capacitĂ© d’empathie, qui est un prĂ©requis essentiel au dialogue. Il serait bon d’aller vers l’autre pour autre chose que l’intĂ©rĂŞt personnel. L’intĂ©rĂŞt collectif par exemple. Solution   Une Ă©volution des mentalitĂ©s pour un dĂ©bat constructif !  Je pense que la solution se trouve dans l’éducation et le politique. La sociĂ©tĂ© civile joue un rĂ´le essentiel dans de très nombreux domaines ; il me paraĂ®t donc important d'avoir une nouvelle approche de la politique qui permettrait de canaliser les indignations,  Ă  travers l’action. Rendre la politique plus attrayante et accessible. Avec des partis organisĂ©s qui donnent envie de s’engager, de dĂ©fendre des projets clairs, d'aller vers l'autre. Il nous faut une vision, un programme, et des sous-chantiers Ă  mettre en Ĺ“uvre. Cela permettra de crĂ©er les conditions d’un vĂ©ritable dĂ©bat, de mettre nos idĂ©es sur la table et de nous fĂ©dĂ©rer autour de projets qui peuvent faire avancer les choses. Etape par Ă©tape.   42 Tarik Qattab RĂ©dacteur en chef-adjoint Ă  actuel Indignation Les klaxons  Ils commencent dès 6 h du matin et ne daignent se taire que très tĂ´t… le lendemain. Ils m’accompagnent toute la journĂ©e. Ils pĂ©nètrent jusque dans mon bureau et ma chambre Ă  coucher. Et mĂŞme quand ils se taisent, il en reste toujours quelque chose : un sifflement dans les oreilles et un affreux, et permanent, mal de tĂŞte. Au Maroc, on klaxonne non pas pour alerter d’un danger, mais pour effrayer un passant, virer une voiture moins bling bling que la nĂ´tre…et mĂŞme pour dire bonjour ! Solution Un peu de silence ! A dĂ©faut de pouvoir les supprimer, nos concessionnaires et mĂŞme les fabricants qui exportent vers le Maroc devraient installer un forfait de cinq coups de klaxons (maximum) par jour. Ou alors, il suffit de prendre conscience que klaxonner, c’est faire du bruit et participer Ă  notre stress et mal-ĂŞtre quotidien.   43 Mohamed Ziane  Ex-ministre des Droits de l’homme Indignation   Les milliards empochĂ©s par les anciens marxistes Je suis scandalisĂ© par le fait que des gens qui ont complotĂ© contre leur pays, qui ont Ă©tĂ© en intelligence avec des puissances Ă©trangères pour renverser le rĂ©gime, et dont certains se sont exilĂ©s après l’échec de leur tentative, « soient indemnisĂ©s » pour leurs crimes sous prĂ©texte qu’ils ont passĂ© quelques annĂ©es en prison. Comment expliquer que ces rĂ©volutionnaires d’il y a trente ans, qui pour la plupart forment aujourd’hui notre supposĂ©e Ă©lite, soient les plus acharnĂ©s dans la course aux strapontins ? Serait-ce Ă  cause des gros sous prĂ©levĂ©s dans les finances du peuple pour « rĂ©compenser » ces « traĂ®tres Ă  la nation » ? Solution  Il faut engager un processus de « dĂ©stalinisation »  Alors que mĂŞme la Russie a accompli un pas très important dans la reconnaissance des crimes du stalinisme, nous avons encore des rĂ©sidus de partis se rĂ©clamant du marxisme qui battent le pavĂ©. Ce sont des hizbicules qui ne reprĂ©sentent pas grand monde mais, malgrĂ© leur petitesse, ils ont une capacitĂ© de nuisance au niveau des idĂ©es qu’ils vĂ©hiculent. L’Etat a le devoir de les neutraliser. Surtout que certains, parmi ces rĂ©volutionnaires sur le retour qui n’ont pas eu leur part du gâteau, continuent Ă  faire de la subversion sans avoir renoncĂ© aux postulats rĂ©volutionnaires ainsi qu’à la conquĂŞte du pouvoir.   44 Abdelilah Jennane  Consultant expert en RH Indignation   Pas de place pour les salariĂ©s handicapĂ©s Je m’indigne de l’absence de places rĂ©servĂ©es aux handicapĂ©s dans les entreprises. Cet aspect est rĂ©glementĂ© ailleurs par le biais de taxations Ă  l’encontre des entreprises qui ne respectent pas certains quotas, alors qu’au Maroc, rien n’est prĂ©vu pour insĂ©rer les personnes atteintes d’un handicap dans la vie active. Solution Taxer les entreprises inciviques  Imposer des quotas aux entreprises et faire payer des taxes Ă  celles qui ne les respectent pas, qui serviront Ă  subventionner des centres adaptĂ©s. Il est possible de donner des choses Ă  faire Ă  des aveugles, Ă  des personnes victimes d’un accident de la vie, et de crĂ©er des centres de travail adaptĂ©s aux handicapĂ©s mentaux par exemple.   45 Azzedine Maach  PrĂ©sident du cabinet Amos Partners et ancien banquier Indignation  Les banques Ă©touffent les PME et les PME fraudent Je suis ulcĂ©rĂ© par le fait que les PME n’accèdent que rarement au financement bancaire. En fait, les banques financent non pas le projet, mais le promoteur du projet puisqu’elles continuent Ă  exiger des garanties personnelles sans courir aucun risque. Il est vrai que les PME ont longtemps prĂ©sentĂ© 4 documents comptables diffĂ©rents. Le premier, destinĂ© au banquier, affiche des bĂ©nĂ©fices ; le deuxième, pour le fisc, dĂ©gage des pertes ; le troisième, pour l’épouse, reflète Ă  moitiĂ© la rĂ©alitĂ© ; et le quatrième que lui seul connaĂ®t ! Solution  Il faut changer les vieux rĂ©flexes Un nouveau système est en cours de mise en place mais il faut aller plus loin. Ce système impose aux PME de faire certifier leur bilan par un commissaire aux comptes et de le dĂ©poser au Tribunal de commerce pour ĂŞtre accessible Ă  toutes les parties prenantes, que ce soit la banque ou le fisc. Mais ce n’est pas suffisant. Il faudra surtout travailler pour changer les vieux rĂ©flexes. Le patron de PME doit cesser de confondre la trĂ©sorerie de l’entreprise avec sa propre poche. Et le banquier doit mettre fin aux vieilles pratiques coutumières qui consistent Ă  se couvrir contre tout risque en exigeant des garanties personnelles. C’est un vaste chantier sur lequel il va falloir se pencher sĂ©rieusement pour que la PME puisse, enfin, se moderniser et financer sa croissance.   46 Sabr Abou Ibrahimi  Consultante en communication responsable, cofondatrice des Ateliers de la terre Indignation   Pas assez de responsabilitĂ© sociale J’ai mal au cĹ“ur quand j’assiste Ă  l’enlaidissement de notre paysage urbain. Je m’indigne du fait qu’on coule du bĂ©ton sur la corniche de Casablanca sans se soucier de l’environnement existant. Pourquoi construire un club de sport en bord de mer sachant qu’il crĂ©era au maximum dix emplois ? On s’emballe actuellement pour le nuclĂ©aire mais il y a d’autres prioritĂ©s comme le dĂ©ficit de civisme dans notre sociĂ©tĂ©. Je passe mon temps Ă  interpeller des conducteurs de grosses voitures qui balancent leurs ordures par la fenĂŞtre. Solution  Parler Ă  monsieur Tout-le-Monde Mobiliser et sensibiliser chacun Ă  son niveau. Il faut arrĂŞter de tout attendre des pouvoirs publics qui ont montrĂ© leurs limites et ne sont pas les meilleurs interlocuteurs pour parler Ă  monsieur Tout-le-Monde. La solution doit et va venir de la sociĂ©tĂ© civile. C’est ce qu’on appelle la responsabilitĂ© sociĂ©tale, qui comprend tant l’aspect environnemental que le civisme.   47 Saad Benabdellah  DG de Maroc Export Indignation   Les exportateurs amateurs Je trouve regrettable que des entreprises exportatrices s’attaquent Ă  un nouveau marchĂ© en Ă©tant peu prĂ©parĂ©es, et sans avoir dĂ©veloppĂ© au prĂ©alable une stratĂ©gie, une dĂ©marche, un plan de commercialisation Ă  moyen et long terme. Solution   Une panoplie pour l’export Il est impĂ©ratif, pour ces entreprises, de dĂ©velopper une expertise qualifiĂ©e et pointue des marchĂ©s Ă  l’international, d’identifier et de cibler ces marchĂ©s. L’entreprise exportatrice doit mobiliser les ressources humaines nĂ©cessaires ; adapter son produit au besoin du marchĂ© en question « je dois produire ce que je peux vendre et non l’inverse » ; respecter ses engagements vis-Ă -vis du client et ĂŞtre outillĂ©e le mieux possible dans sa dĂ©marche de prospection Ă  l’international. Sans oublier que le plus important, c’est la persĂ©vĂ©rance. Aider les entreprises exportatrices marocaines, notamment les TPE et PME, Ă  dĂ©velopper cette dĂ©marche est d’ailleurs la raison d’être de Maroc Export.   48 Hakima El HaĂŻtĂ© Militante au Mouvement populaire,  FĂ©ministe Indignation   Les citoyens dĂ©missionnaires  Je m’indigne rarement, mais ce qui m’énerve vraiment, c’est le fait que certains citoyens ne comprennent pas qu’aujourd’hui nous avons une chance Ă  saisir, que nous vivons un moment historique... Jamais au temps de Hassan II nous n’avons Ă©tĂ© si proches de connaĂ®tre une telle rĂ©volution avec des avancĂ©es comme l’égalitĂ© totale entre les hommes et les femmes. Mais ce projet a besoin des citoyens pour ĂŞtre concrĂ©tisĂ©, et non de personnes qui, au lieu de participer, se contentent d’observer et d’attendre les changements. Les changements n’arriveront pas dans le cadre d’un texte de loi, ils arriveront parce qu’on les mettra en Ĺ“uvre. Solution   Bâtir notre dĂ©mocratie Maintenant que nous avons une chance d’évoluer, ingĂ©nieurs, docteurs, Ă©tudiants, toute la sociĂ©tĂ© civile doit s’y mettre et s’impliquer pour donner une chance Ă  nos enfants de vivre une dĂ©mocratie que nous aurons bâtie. La dĂ©mocratie n’est pas une baguette magique qui change un pays du jour au lendemain ; elle se rĂ©clame peut-ĂŞtre mais, surtout, elle se fabrique, se créée.   49 Youssef Iben Mansour  PrĂ©sident de la FNPI (FĂ©dĂ©ration  nationale des promoteurs immobiliers) Indignation  Le terrain ne suit pas !  Ce qui m’indigne le plus, c’est que les rĂ©formes et les orientations stratĂ©giques dĂ©cidĂ©es au niveau des ministères, et soutenues par le plus haut sommet de l’Etat, ne sont pas suivies de rĂ©alisations sur le terrain. En clair, des dĂ©cisions sont dĂ©crĂ©tĂ©es au niveau central mais on n’en trouve pas d’écho au niveau local. Ce dysfonctionnement n’a rien de rationnel car il relève plutĂ´t des systèmes, et des compĂ©tences humaines qui sont choisies pour assurer la mise en Ĺ“uvre de ces dĂ©cisions. Solution  RĂ©former la gouvernance  Une rĂ©forme du système de gouvernance s’impose pour Ă©liminer ce manque de fluiditĂ© entre les instances centrales et les collectivitĂ©s locales. Il s’agit aussi de revoir la procĂ©dure d’octroi des autorisations, qui souvent s’avère ĂŞtre arbitraire, et les critères de sĂ©lection sans lien avec la rĂ©glementation en vigueur.   50 Amanda Chapon  Journaliste Ă  actuel Indignation   L’irrespect des hommes Ce qui me hĂ©risse littĂ©ralement, c’est la manière dont les hommes, dans la rue, me manquent de respect, et manquent de respect aux femmes en gĂ©nĂ©ral. Il ne s’agit pas de drague. Un « bonjour », ou autre entrĂ©e en matière polie, est toujours flatteur. Mais les apostrophes doucereuses, dĂ©placĂ©es, voire insultantes quand on ne leur rĂ©pond pas, sont insupportables. Solution   Les femmes doivent relever la tĂŞte Elle ne passe certainement pas par une loi, mais par une sensibilisation, dès l’école primaire, et par une campagne mĂ©diatique, expliquant qu’une femme dans la rue n’est pas une pute. Surtout, c’est aux femmes de relever la tĂŞte. Par peur d’un esclandre « qui ferait retomber la honte sur elles », ou d’une rĂ©action violente, les Marocaines baissent les yeux, prĂ©tendent n’avoir rien entendu, etc. Pourtant, une remarque bien sentie, envoyĂ©e avec humour, sur le respect que l’on nous doit, ou une rĂ©plique cinglante, voilĂ  comment rĂ©agir et changer les mentalitĂ©s machos. A ne pas faire, bien sĂ»r, dans une ruelle Ă©troite et dĂ©serte par une nuit sans lune. Mais c’est en – grande – partie l’attitude soumise – presque fautive – des femmes qui encourage les goujats.   51 Khalid Tritki Fondateur du Cercle des journalistes indĂ©pendants Indignation    Un code de la presse dangereux Le projet de Constitution consacre la libertĂ© d’expression mais renvoie vers le code de la presse. Or, on ne sait pas ce qu’on va y mettre. Mais si on se base sur le projet prĂ©sentĂ© par le ministre Ă  la FĂ©dĂ©ration des Ă©diteurs, on n’est pas très optimiste. La question de la preuve n’est pas traitĂ©e, on ne sait pas Ă  quoi s’attendre sur la question des lignes rouges qu’il faudra mettre en harmonie avec la Constitution. La prĂ©servation des sources, la disparition des peines privatives, la dĂ©finition prĂ©cise de ce qui est condamnable, tout ceci n’est pas dans le nouveau code. Pour moi, on vivrait mieux sans code ! Si on insulte quelqu’un, comme n’importe quel citoyen, on est condamnĂ© par la loi pĂ©nale. On n’est pas des super citoyens auxquels il faudrait consacrer un code. Solution    Des associations pour protĂ©ger la presse L’idĂ©al serait que la sociĂ©tĂ© civile se mobilise pour protĂ©ger la presse et la libertĂ© d’expression. Ces associations auraient un double rĂ´le : premièrement, nous protĂ©ger des pressions politiques, donc des instructions donnĂ©es Ă  des rĂ©dactions ; deuxièmement, nous protĂ©ger des pressions des annonceurs. Ça existe en Grande-Bretagne. Une grande association protège la BBC. A chaque fois  qu’une sociĂ©tĂ© n’aime pas la ligne Ă©ditoriale, l’association se mobilise. Si un annonceur boycotte la chaĂ®ne, la sociĂ©tĂ© civile appelle Ă  condamner l’annonceur et parfois Ă  boycotter ses produits.   52 Abdelali Benamour  PrĂ©sident du Conseil de la concurrence Indignation  Le sabotage du Conseil de la concurrence  MĂŞme si la rĂ©forme du Conseil de la concurrence a Ă©tĂ© annoncĂ©e par le roi, plusieurs rĂ©sistances sont apparues pour empĂŞcher qu’elle aboutisse. Le projet de rĂ©forme du Conseil de la concurrence, pour passer du statut consultatif de l'institution au statut dĂ©cisionnel avec possibilitĂ© d'autosaisine et d'enquĂŞte, a Ă©tĂ© saluĂ© par le roi, mais ces rĂ©sistances qui cachent des intĂ©rĂŞts et des enjeux veulent empĂŞcher ce changement. Solution   Appliquer la rĂ©forme !  Mon souhait est que la rĂ©forme arrive Ă  terme et que la loi passe afin que nous puissions opĂ©rer dans la transparence et en toute efficacitĂ©.   53 Jamal Maâtouk  Conseiller juridique Indignation  L’intĂ©rĂŞt particulier contre l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Ce qui m’indigne le plus, c’est l’ignorance de la notion d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral. C’est un air que tout le monde chante mais qui ne correspond pas Ă  la rĂ©alitĂ©. Dans les administrations comme en entreprise, tout le monde parle de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral sans que cela ne trouve son application dans les faits. Solution  Enseigner les fondamentaux  Revenir aux principes fondamentaux de l’éducation, aux principes de base de l’être humain, Ă  savoir enseigner l'intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral, travailler sur la notion du sentiment que le Maroc appartient Ă  chaque Marocain et Ă  tous les Marocains Ă  la fois.   54 Khalid Cherkaoui Smouni  PrĂ©sident du CMDH Indignation  Le gaspillage des deniers publics Rien ne me rĂ©vulse autant que ces patrons d'administrations ou autres ministres qui se permettent de dĂ©penser des sommes faramineuses dans des futilitĂ©s telles que les voyages, le parc auto ou encore les cĂ©rĂ©monies d'apparat. Les responsables des administrations publiques se comportent avec une mentalitĂ© de pays riches, privilĂ©giant les dĂ©passements les plus fous dans la dĂ©pense publique. Solution  Contraindre les ministres Ă  donner l’exemple  Pour prĂ©server les deniers publics, l'IGF et la Cour des comptes sont habilitĂ©es Ă  traquer les dĂ©penses injustifiĂ©es. Chaque membre du gouvernement a le devoir de donner l’exemple et de faire preuve de rigueur dans la gestion des dĂ©penses des services placĂ©s sous sa tutelle. Toute dĂ©pense excessive est Ă  bannir, Ă  commencer par l’acquisition de vĂ©hicules de luxe pour les besoins des responsables de l’Etat. Haro aussi sur les sĂ©minaires, Ă©vĂ©nements onĂ©reux et autres Ă©tudes bidon. Il y va de la crĂ©dibilitĂ© de l’Etat aux yeux de la population.   55 Nezha LahraĂŻchi  PDG de la Smaex Indignation  On oublie les droits Ă©conomiques et sociaux  Ce qui m’indigne le plus est tout ce qui peut porter atteinte Ă  la dignitĂ©  humaine : le chĂ´mage, la pauvreté… L’activitĂ©, quelle que soit sa forme, n’est pas seulement source de subsistance mais aussi un moyen de socialisation qui permet de structurer l’individu et d’assurer son Ă©panouissement. La richesse d’un pays n’a aucun sens si la pauvretĂ© de sa population persiste ! Avec la nouvelle Constitution, les droits politiques et la citoyennetĂ© sont acquis, il reste Ă  parfaire les droits Ă©conomiques, sociaux et culturels pour une Ă©mancipation complète de la personne. Il s’agit en premier lieu du droit au travail et Ă  l’activitĂ©, avec des revenus dĂ©cents, et une protection sociale Ă  mĂŞme d’assurer la sĂ©rĂ©nitĂ© nĂ©cessaire Ă  une bonne productivitĂ© de tous les citoyens. Solution  Une vraie politique de redistribution Il faut partager les revenus, et les raisons sont tant sociales qu’économiques puisque la consommation reste le principal moteur de la croissance. La crise vient d’illustrer, s’il en Ă©tait besoin, qu’il faut « plus et mieux d’Etat », et que le marchĂ© est myope et ne peut rĂ©gler Ă  lui seul les questions Ă©conomiques et encore moins sociales. Il faut donc une politique de redistribution qui s’appuie sur des interventions indirectes Ă  travers les dĂ©penses publiques, et directes Ă  travers des transferts ciblĂ©s. Plusieurs Ă©tudes tendent Ă  dĂ©montrer que la croissance dans une sociĂ©tĂ© Ă©galitaire serait supĂ©rieure Ă  celle d’une sociĂ©tĂ© inĂ©galitaire. D’oĂą l’importance accordĂ©e Ă  la classe moyenne, et son rĂ´le central dans les politiques de dĂ©veloppement.   56 Ahmed Lahlimi Alami  Haut-commissaire au Plan Indignation  La dictature du court terme Ce qui interpelle ma conscience, c’est le faible cas accordĂ© aux travaux de prospective, aux Ă©tudes et statistique que le HCP met Ă  la disposition du citoyen. Les partis politiques comme les syndicats n’insèrent pas ces travaux dans leurs programmes. Le deuxième aspect qui me semble dommageable pour l’avenir du pays, c’est l’approche des questions Ă©conomiques et sociales qui, très souvent, s’inscrit dans des exigences de l’immĂ©diat avec des dĂ©cisions prises dans l’urgence sans qu’il y ait suffisamment d’exigences pour l'avenir. Le dĂ©veloppement est un processus qui se rĂ©alise dans la durĂ©e, et les rĂ©sultats de dĂ©cisions mal prises se manifesteront plus tard. Ce sont les gĂ©nĂ©rations futures qui en pâtiront. Solution  Une vision prospective A mon âge, au terme d’une longue expĂ©rience politique, j’ai un arrière-goĂ»t d’insatisfaction. Le Maroc a besoin d’une vision prospective bien dĂ©finie et d’une planification stratĂ©gique, et que les citoyens se les approprient largement et collectivement. Et c’est lĂ  le rĂ´le des diffĂ©rents acteurs de la vie politique et sociale.   57 Youssef Blal  Membre du bureau politique du PPS Indignation  L’unanimisme mĂ©diatique Ce qui m’horrifie en ce moment, c’est cet unanimisme que cherchent Ă  vĂ©hiculer notamment nos mĂ©dias qui font fi de tout dĂ©bat contradictoire sur les grandes questions. Cet unanimisme n’hĂ©site pas Ă  instrumentaliser jusqu’à l’appartenance Ă  la communautĂ© nationale pour esquiver les vrais dĂ©bats. Solution  La dĂ©mocratie passe d’abord par les mĂ©dias Nous gagnerons tous Ă  avoir un vrai dĂ©bat, avec un accès Ă©quitable Ă  l’espace public et aux mĂ©dias pour toutes les positions. Avant de dĂ©mocratiser le pays, commençons par dĂ©mocratiser nos mĂ©dias.   58 RĂ©da Allali Musicien  Indignation  OĂą sont les droits d’auteur ? Au Maroc, on ne paie pas les droits d’auteur aux artistes ! Je trouve ça scandaleux qu’un pays se permette de ne pas payer ses artistes. Alors, je ne sais pas Ă  quel niveau ça coince : les listings sont faits par les radios et les tĂ©lĂ©visions, et certains (je ne sais pas lesquels) paient les droits au BMDA (Bureau marocain du droit d’auteur). Mais d'autres ont arrĂŞtĂ© de payer quand ils ont vu que le BMDA ne  redistribuait rien aux artistes. Moi, je suis dans un groupe qui a la chance de faire des concerts rĂ©gulièrement. Mais les autres ? On condamne les musiciens Ă  travailler cinq ans puis Ă  arrĂŞter de faire de la musique quand leurs besoins Ă©voluent : famille, etc. Les artistes marocains vendent peu d’albums, les concerts sont relativement rares, alors si en plus, ils ne reçoivent aucun droit d’auteur ! Solution Payer !  La solution est très simple, il faut payer les droits d’auteur ! Point.   59 Marc ThĂ©pot Directeur gĂ©nĂ©ral de Risma Indignation L’administration imprĂ©visible Nous avons peur d’être Ă  la merci de l’imprĂ©visibilitĂ© des dĂ©cisions administratives car des textes peuvent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s diffĂ©remment. On rencontre ce genre de blocages dans plusieurs projets, que ce soit au niveau de l’obtention d’un permis de construire ou tout simplement pour l’acquisition d’un document administratif. Ca crĂ©e un cadre difficile pour se dĂ©velopper vu qu’on fournit beaucoup d’énergie par rapport Ă  ce volet. Un texte peut ĂŞtre Ă©tabli mais il ne prĂ©voit pas tout, donc, parfois, on a de mauvaises surprises. Solution  Une procĂ©dure claire Vous savez bien que les procĂ©dures administratives peuvent durer. Il faut donc que les choses soient Ă©crites et appliquĂ©es pour ne pas laisser cette marge d’interprĂ©tation et avoir une procĂ©dure claire et simple.   60 Melehi  Artiste peintre  Indignation  Un ministère de la Culture qui ne sert Ă  rien Depuis 1969, nous avons un ministère qui n’a rien rĂ©alisĂ© ou juste des bribes. Nous n’avons pas un musĂ©e de valeur, pas un site historique qui se respecte, pas un auditorium alors qu’on a des milliers de kilomètres d’autoroute… Est-ce qu’on a besoin d’un tel ministère ? Solution ArrĂŞter le saupoudrage  Pour aborder la culture, il faut un esprit scientifique et technique, il ne faut pas faire de la littĂ©rature. Le ministre de la Culture touche Ă  tout par peur qu’on le critique, aborde trente-six choses Ă  la fois et par consĂ©quent les fait mal. On se disperse alors qu’il faudrait investir un domaine et le dĂ©velopper, que ce soit le théâtre, les arts plastiques ou la musique. On pourrait choisir une ville par tirage au sort et en faire une citĂ© culturelle pilote avec toutes ses infrastructures. Ou encore dĂ©cider de s’attaquer Ă  Casablanca : revaloriser son patrimoine, doter la mĂ©tropole d’un grand théâtre, d’un grand musĂ©e, d’un auditorium…   61 Abdellatif Zaghnoun  Directeur gĂ©nĂ©ral des ImpĂ´ts Indignation La fraude fiscale, sport national Mon indignation s’exprime  Ă  chaque fois que  je constate que certaines personnes, qui exercent des activitĂ©s très lucratives, font tout pour Ă©viter de payer l’impĂ´t alors qu’elles bĂ©nĂ©ficient, par ailleurs, d’infrastructures et de biens publics. En fait, c’est souvent une alliance entre la fraude et la corruption pour contrecarrer l’application de la loi. En mĂŞme temps, vous voyez des compatriotes vivre dans le dĂ©nuement et la  prĂ©caritĂ©, des enfants dĂ©scolarisĂ©s, des quartiers manquant d’équipements indispensables… Solution  RĂ©tablir la confiance des contribuables Nous devons trouver un Ă©quilibre consenti entre les droits et les devoirs des uns et des autres. L’administration doit amĂ©liorer ses modes d’intervention afin de consolider la relation de confiance avec les contribuables. Ces derniers doivent remplir leurs obligations fiscales. Nous devons donc, Ă  notre niveau, agir de façon constante et rĂ©solue, en toute transparence, pour sensibiliser les citoyens  au rĂ´le de l’impĂ´t qui nous permet d’exprimer notre solidaritĂ© et notre citoyennetĂ©.   62 Mohamed Merhari, alias Momo Moul L’Boulevard Indignation  Ces hĂ´pitaux sous-Ă©quipĂ©s  Ce n’est pas un motif d’indignation mais un souvenir qui remonte Ă  deux ou trois ans. Ma mère, souffrante, devait se faire hospitaliser Ă  Errachidia. Et c’est en lui rendant visite que j’ai assistĂ© au dĂ©cès de trois personnes… parce que l’hĂ´pital ne disposait pas d’une petite machine de dialyse qui leur aurait sauvĂ© la vie. A chaque fois que j’y pense, je me rends compte qu’en dehors de Rabat et de Casablanca, les gens continuent de mourir faute de moyens et en raison de la dĂ©mission des services sociaux de l’Etat. Solution   Le droit Ă  la santĂ© partout !  Dans un pays qui se veut un chouia moderne, un chouia dĂ©mocratique, chacun –oĂą qu’il se trouve– a le droit de se faire soigner convenablement, d’avoir accès Ă  des Ă©tablissements hospitaliers dignes de ce nom et bien Ă©quipĂ©s. Ce n’est pas seulement une politique qu’il faut changer, mais une mentalitĂ©, celle voulant que le droit Ă  la santĂ© reste l’apanage des grandes villes.   63 Larbi El Harti  Ecrivain  Indignation  Le pays  de l’individualisme Ce qui me chagrine, c’est l’absence d’une vĂ©ritable culture dĂ©mocratique chez nous les Marocains, de notions de responsabilitĂ©, de citoyennetĂ©. Nous sommes toujours incapables d’assumer le fait que notre avenir nous engage tous. En lieu et place, ce sont les voix de l’individualisme qui l’emportent. C’est chacun pour soi et Dieu pour tous, et je ne suis mĂŞme pas sĂ»r que tout le monde s’accorde sur la deuxième moitiĂ© de l’expression. Solution  Apprendre la dĂ©mocratie Des changements importants s’opèrent dans ce pays. Et l’Etat a pris conscience de l’importance des libertĂ©s individuelles et des droits de l’homme. Mais une culture dĂ©mocratique demeure le maillon manquant. Pour cela, le chemin sera long. Il passe inĂ©vitablement par nos Ă©coles qui doivent intĂ©grer dans leurs programmes cette prĂ©cieuse notion de citoyennetĂ©, avec ses droits et ses obligations. Il passe aussi par la sociĂ©tĂ© civile et les partis politiques qui doivent encadrer les citoyens dans ce sens.   64 Mustapha Manouzi PrĂ©sident du FMVJ Indignation  Les atteintes au droit de manifester  Il y a des mesures administratives utilisĂ©es souvent par les autoritĂ©s pour interdire ou rĂ©primer toute manifestation, or je pense que l’étape actuelle doit ĂŞtre plutĂ´t celle de la consolidation de l’expression pacifique des diffĂ©rences. Actuellement avec le Mouvement du 20 fĂ©vrier, le dĂ©bat du droit Ă  la libertĂ© d’expression est d’actualitĂ©. Il est lĂ©gitime que ce mouvement se dĂ©fende contre son interdiction et il est de l’intĂ©rĂŞt de l’Etat de garantir la libertĂ© d’expression Ă  ce mouvement pacifique. Solution   Adapter la loi Ă  Facebook L’espace public doit ĂŞtre renforcĂ©, le droit Ă  la manifestation pacifique et Ă  la libertĂ© d’expression doit ĂŞtre consolidĂ©. Au dĂ©but de l’indĂ©pendance, le Dahir de 1958 est venu encadrer la libertĂ© d’expression d’une façon pacifique. Aujourd’hui tout cela semble dĂ©passĂ©, avec un mouvement qui rassemble toute les expressions qui Ă©taient jusque-lĂ  sur Facebook, un espace public virtuel difficile Ă  rĂ©guler. Ce rĂ©seau, apte Ă  canaliser toutes les formes d’expression sur la toile, est l’expression de la vox populi, d’oĂą la nĂ©cessitĂ© de revoir tout l’arsenal juridique.   65 Lahbib Hajji  Avocat et acteur associatif Indignation  Les voleurs de l’Etat Le vĂ©ritable handicap pour le dĂ©veloppement au Maroc est la dilapidation du bien public. L’actuel projet de Constitution est restĂ© incapable de trouver une solution viable pour la protection du bien public. Solution  ConstitutionalitĂ© du droit du peuple marocain sur ses richesses Une des propositions les plus importantes que l’Association des droits de l’homme au Maroc a remises Ă  la commission consultative pour la rĂ©forme de la Constitution, c’est la constitutionalitĂ© du droit du peuple marocain sur sa richesse nationale, la connaissance de sa composition et le contrĂ´le de son exploitation. Nous avons demandĂ© aussi un mĂ©canisme pour le droit Ă  la transparence en matière de gestion des fonds publics. Nous demandons aussi que toute obstruction contre ce droit soit punie par la loi. Or le projet de Constitution ne prĂ©voit aucun mĂ©canisme pour la protection des biens publics.     66 Mounia Benchekroun PrĂ©sidente de l’association Kane Ya Makane Indignation  Les enfants sans avenir Ce qui m’énerve, c’est l’ampleur du phĂ©nomène de la dĂ©scolarisation. Ce sont ces centaines de milliers d’enfants que l’on prive d’avenir  parce qu’ils n’ont pas accès Ă  l’éducation, et aux droits qu’elle donne. Et malgrĂ© le plan d’urgence, certaines choses ont du mal Ă  changer. Beaucoup de manuels, par exemple, sont  en dĂ©calage avec le niveau des enfants, et je ne parle mĂŞme pas de la pĂ©dagogie ! Encore des gĂ©nĂ©rations d’enfants qui vont payer. MĂŞme si beaucoup d’efforts ont Ă©tĂ© faits pour lutter contre l’abandon scolaire, le problème est loin d’être rĂ©glĂ©. Solution   Aux mĂ©dias de jouer Il n’y a pas de solution miracle. Il faut une implication de tous les acteurs : des politiques, des fonctionnaires, mais aussi des personnes privĂ©es ou des entreprises qui peuvent parrainer des enfants. Surtout, il faut que les mĂ©dias jouent leur rĂ´le de contre-pouvoir, qu’ils mènent des enquĂŞtes approfondies et pèsent sur le gouvernement pour qu’il communique ses rĂ©sultats. Ils doivent demander des comptes au gouvernement, comme les organismes internationaux le font dĂ©jà : de cette manière, il est sous pression pour amĂ©liorer ses rĂ©sultats.   67 Abderrazzak  Benchaâbane  Docteur d’Etat ès Ă©cologie Indignation  L’environnement sacrifiĂ© Le Maroc a tout pour ĂŞtre exemplaire en matière de dĂ©veloppement durable. Sa diversitĂ© climatique et biologique en ont fait, en MĂ©diterranĂ©e et en Afrique, un site unique. Pourtant ici et lĂ , on continue Ă  relever des manquements graves en matière de respect de l'environnement. Il suffit de constater la dĂ©gradation de nos sols et de nos forĂŞts, la pollution de nos villes, nos procĂ©dĂ©s de construction et nos habitudes de consommation d’eau et d’énergie, le sort rĂ©servĂ© Ă  notre littoral et nos zones humides, celui de nos dĂ©charges et l'emploi toujours massif d'engrais chimiques, de pesticides et d'herbicides dans notre agriculture… pour nous inquiĂ©ter et nous interroger sur tout le travail qui reste Ă  accomplir pour faire du Royaume un pays avant-gardiste en matière de dĂ©veloppement durable, et faire des Marocains de vĂ©ritables Ă©co-citoyens. Solution   L'Ă©co-gouvernance  C'est associer l'Ă©cologie et la prĂ©servation de l'environnement dans chaque dĂ©cision Ă  caractère Ă©conomique et social. Il s’agit d’une prise en compte de l'impact environnemental dans tout projet de dĂ©veloppement. Personne ne doute plus du fait que l’écologie pourrait ĂŞtre un vĂ©ritable moteur de dĂ©veloppement. L'annonce dans le dernier discours royal de l'enrichissement du Conseil Ă©conomique et social, rĂ©cemment créé, de compĂ©tences en environnement est le signe qu'en haut lieu l'Ă©co-gouvernance est en marche, et que l'association des acteurs Ă©cologiques dans la construction du Maroc de demain est une valeur ajoutĂ©e Ă  la volontĂ© de dĂ©veloppement durable. Ces nouvelles forces vives insuffleront, sans doute, une nouvelle dynamique aux chantiers d’éco-dĂ©veloppement dĂ©jĂ  lancĂ©s Ă  travers le Royaume. Une telle initiative garantira au Maroc sa place parmi les pays Ă  dĂ©veloppement responsable et respectueux de l'Ă©quilibre Ă©cologique de notre planète. Les Marocains adopteront alors une green attitude. En vĂ©ritables Ă©co-citoyens, ils penseront d’abord global et agiront, ensuite, local pour mieux  contribuer Ă  la lutte contre le rĂ©chauffement climatique. Il est Ă©vident que de bonnes Ă©co-idĂ©es, on peut toujours en trouver, mais en Ă©cologie, seuls les actes comptent ; il faudrait donc ĂŞtre exigeant quant au choix des hommes qui les traduiront en pratique avec compĂ©tence et Ă©quitĂ©.   68 Saâd Sefrioui  PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de l'artisanat Indignation  L’informel Ă©touffe l’artisanat L'artisanat est, depuis le lancement de la Vision 2015 par Sa MajestĂ© le roi Mohammed VI, placĂ©, Ă  sa juste valeur, au rang de secteur stratĂ©gique au niveau Ă©conomique et social de notre pays. Ceci n’a fait que mettre plus de pression sur les opĂ©rateurs du secteur pour le dĂ©velopper et le professionnaliser. Malheureusement, l'informel reste l'un des facteurs qui affaiblissent et handicapent non seulement le secteur de l'artisanat mais l'ensemble de l'Ă©conomie nationale. Solution  Un partenariat citoyen obligatoire Les acteurs Ă©conomiques citoyens de notre pays et de notre secteur doivent passer Ă  la vitesse supĂ©rieure en visant un dĂ©veloppement Ă©conomique et social sain et pĂ©renne. L’élargissement de l’assiette fiscale, la mise Ă  niveau de la sĂ©curitĂ© sociale, la promotion Ă©conomique et l’encouragement de la consommation seront les premières retombĂ©es d’un vrai partenariat citoyen responsable que je prĂ©conise comme solution, sinon comme une obligation, pour Ă©radiquer ce flĂ©au et faire avancer notre pays sur tous les plans.   69 Fouzia Ejjawi  Agent immobilier, cofondatrice de l’association CasamĂ©moire Indignation   Le massacre de Casablanca Le manque de volontĂ© politique pour sauvegarder le patrimoine de Casablanca. Assister aux destructions quotidiennes d’immeubles de notre patrimoine Art dĂ©co me rend malade. Alors que nous disposons d’une lĂ©gislation qui dort dans des tiroirs, nous sommes administrĂ©s par des autoritĂ©s directement impliquĂ©es dans cette criminalitĂ© urbaine. L’échange de bons procĂ©dĂ©s domine les relations entre nos administrateurs, qui ont tout intĂ©rĂŞt Ă  vendre ces biens, et les promoteurs immobiliers. Solution   La ville et les propriĂ©taires doivent payer D’une part appliquer la loi : celui qui n’est pas en mesure de ravaler sa façade doit pouvoir ĂŞtre dĂ©dommagĂ© par la ville pour s’installer ailleurs. D’autre part, les propriĂ©taires, et notamment les multiples banques et assurances dĂ©tentrices d’un grand nombre d’immeubles du vieux centre de Casablanca, doivent mettre la main Ă  la poche. Enfin la ville doit ĂŞtre administrĂ©e par des gens qui reconnaissent la valeur de son patrimoine et non par des magouilleurs avides.   70 Sylvie Richoux Directrice Casa Moda Academy, Ă©cole supĂ©rieure de crĂ©ation et de mode de Casablanca Indignation  On dĂ©daigne les jeunes M'indigner alors que j'Ĺ“uvre dans et pour la mode : je redoute qu'on me range du cĂ´tĂ© des riches et belles personnes... Le retard de l'alphabĂ©tisation, l'ignorance de sa propre histoire, la difficultĂ© Ă  se cultiver, l'impossibilitĂ© Ă  avoir le goĂ»t du beau, voilĂ  pourtant ce qui m'indigne. Je crois en la jeunesse marocaine. Si vous dĂ©daignez les jeunes au point de ne pas vouloir qu'ils apprennent, ils ne deviennent pas grand-chose. Solution  Le savoir les Ă©lèvera Seuls le savoir et la culture les Ă©lèvent. Le savoir est un pouvoir, et je pressens que le bon pouvoir est un contre-pouvoir. Au quotidien ! Ce n'est pas du luxe ! A Casa Moda Academy, nous bâtissons une Ă©cole de mode, une Ă©cole publique pour tous les jeunes Marocains. Ils connaissent leurs dĂ©sirs, nous les aidons Ă  ĂŞtre libres de les rĂ©aliser.   71 Nail Lazrak Etudiant Indignation: Le dĂ©ni(grement) de la philosophie Cela est valable pour de nombreux pays, mais le Maroc ne fait pas exception. Je me sens indignĂ© lorsqu'Ă  chaque fois que je me mets Ă  parler par abstractions, on me reproche d'un air agacĂ© « tu ne vas pas commencer Ă  philosopher », ou alors « ce n'est pas le moment de sortir ta philosophie ». Le motif de mon indignation pourrait se dĂ©finir ainsi : le mĂ©pris gĂ©nĂ©ralisĂ© que les gens nourrissent pour la philosophie, en lui dĂ©niant toute utilitĂ© dans la vie courante. J'ai beau faire, je ne comprends pas comment une discipline purement inutile a pu se maintenir 2 500 ans sans disparaĂ®tre, bien au contraire. Ce qui est Ă©tonnant, c'est que les raisons qui ont fait naĂ®tre la philosophie restent valables aujourd'hui : la nĂ©cessitĂ© de guider sa vie selon des principes, la recherche très humaine de rĂ©ponses aux grandes et petites questions de la vie, Ă  commencer par « que manger ici et maintenant ? ». Ce qu'on mĂ©prise dans la philosophie, c'est son aspect acadĂ©mique, doctrinal, compliquĂ©, et cela n'intĂ©resse que ceux qui en font leur mĂ©tier. La philosophie, c'est avant tout un savoir-vivre : quels sont les bons moyens de vivre heureux, comment prendre les bonnes dĂ©cisions ? C'est un système global dans lequel s'intègre chacune des facettes de la vie d'un homme, et qui tente d'apporter des rĂ©ponses. Les gens s'improvisent philosophes, sans le savoir, par nĂ©cessitĂ©, alors qu'ils pourraient puiser dans l'histoire de la pensĂ©e des mĂ©thodes qui les aiderait bien. Solution   Epicure en darija ! Taguer dans les rues des passages de L'Art d'aimer, comme cela se faisait Ă  PompĂ©i ? Pas forcĂ©ment, mais une variation moderne ne serait pas une mauvaise idĂ©e. Le moteur de la philosophie, c'est l'Ă©tonnement ; lorsqu'aux Transculturelles des Abattoirs, les gens du quartier sont arrivĂ©s hĂ©bĂ©tĂ©s face Ă  la crĂ©ation artistique, ils ont dĂ» avoir un grand moment de philosophie. Il faut inciter Ă  se poser des questions, pas Ă  se compliquer la vie mais Ă  chercher comment se la simplifier : retrouver le problème fondamental Ă  l'origine de ceux, divers, qu'on connaĂ®t dans la vie quotidienne et qu'on ne relie pas forcĂ©ment. Bien sĂ»r, la solution est dans l'Ă©ducation, mais pas nĂ©cessairement dans l'instruction : la philosophie ne se pratique pas Ă  l'Ă©cole. Je suis pour qu'on distribue des tracts en darija oĂą on pourrait lire Épicure expliquer comment le vrai bonheur peut s'atteindre avec un bout de pain et de l'eau, ou Descartes montrer comment dormir tranquille alors que tous les doutes du monde nous submergent. Il suffit d'avoir un clavier en arabe et de prendre dix minutes pour traduire et photocopier ! L'idĂ©e y est : il faut rendre Ă  la philosophie sa vraie nature populaire et prosaĂŻque.     72 Jamal Abdennassar  Organisateur de Festimode Indignation  La culture relĂ©guĂ©e au divertissement Nous sommes Ă  mi-chemin entre une culture populaire et une culture contemporaine plus Ă  mĂŞme de reprĂ©senter le Marocain d'aujourd'hui projetĂ© vers un Maroc de demain. Jusqu'Ă  prĂ©sent, le politique utilise la culture comme un divertissement et une bouĂ©e sociale, ce qui n'est pas mauvais en soi, mais reste en gĂ©nĂ©ral une solution et non une vision d'une politique culturelle. Une culture dont le rĂ´le est de reprĂ©senter les aspirations crĂ©atives et innovantes de l'expression sociale. Solution   ReconnaĂ®tre et soutenir la crĂ©ativitĂ© nationale Les pouvoirs publics doivent approcher la culture comme un vecteur de crĂ©ation de richesses. A l'exemple de la mode au Maroc, qui en soi intègre une logique Ă©conomique, et qui permet de s'identifier Ă  un vĂŞtement qui constitue la reprĂ©sentation. Nous n'attendrons plus que l'Ă©tranger nous dictent les règles ou les produits Ă  porter, nous sommes Ă  mĂŞme de produire nos propres crĂ©ations. Il est temps pour nous de crĂ©er le modèle marocain destinĂ© aux Marocains par les Marocains. IntĂ©grer l'universalitĂ© comme notion primordiale afin de proposer au monde ce que notre nation est capable de crĂ©er. Ceci passe essentiellement par le soutien politique des acteurs marocains qui opèrent et crĂ©ent maintenant, chez nous et partout dans le monde !   73 Othman Cherif Alami  PDG d’Atlas voyages Indignation   Le tourisme manque de financements La principale chose qui me dĂ©range dans le secteur du tourisme est le manque de financement appropriĂ© pour les investissements touristiques. La durĂ©e des crĂ©dits doit ĂŞtre de 7 Ă  12 ans minimum. De plus, les banques sont plus rĂ©ticentes Ă  accorder des crĂ©dits aux opĂ©rateurs touristiques. De ce fait, la capacitĂ© d’offre n’est pas Ă  la hauteur des ambitions touristiques du Maroc. Solution  Un fonds souverain  Je propose de crĂ©er un fonds souverain marocain dĂ©diĂ© au secteur du tourisme. Sa première activitĂ© portera sur la prise en charge de 30% des investissements, Ă  cĂ´tĂ© de la CDG et Addoha pour la crĂ©ation de 7 hĂ´tels en mĂŞme temps au niveau de la station balnĂ©aire de SaĂŻdia. Il faudra Ă©galement permettre aux assurances d’investir lĂ  oĂą elles veulent. En parallèle, les capital-risqueurs, les fonds d’investissement et les fonds souverains Ă©trangers doivent investir davantage dans le secteur. L’Etat, de son cotĂ©, doit offrir des avantages fiscaux appropriĂ©s et crĂ©er des fonds d’investissement rĂ©gionaux Ă  destination des PME et TPE qui opèrent dans le secteur.   74 Driss Jaydane  Ecrivain Indignation  La langue de Molière dĂ©naturĂ©e Que dire aujourd'hui de la façon dont la langue française est devenue la langue des Ă©lites, avant que l'anglais ne la supplante ? Que penser de la manière dont la langue dite de Voltaire et des encyclopĂ©distes aura trouvĂ© chez nous, historiquement et culturellement, matière Ă  dĂ©choir pour devenir une sorte de novlangue ? Et n'ĂŞtre ainsi plus une langue, mais un langage, une sorte de logiciel Ă©conomique et social censĂ© perpĂ©tuer une situation qui voit l'arabe constamment produire une sous-classe. Ou quelques rĂ©ussites. Mais trop rares, et pouvant apparaĂ®tre comme Ă©tant le symbole de batailles remportĂ©es contre la langue française quand elles sont des victoires contre ceux – nos Ă©lites post-coloniales supposĂ©es libĂ©ratrices – qui se sont servis de la langue française comme on se sert de fils barbelĂ©s. Solution   DĂ©cloisonner le français  Ne faut-il pas, dans de telles circonstances, faire un nouvel usage de cette langue française qui ne demande qu'Ă  faire cesser l'enfermement qu’elle a, bien malgrĂ© elle, provoqué ? ConsidĂ©rer son usage, pour l'instant, comme un moyen de crĂ©er un peu plus de mobilitĂ© sociale. Organiser, au sein des entreprises, une mise Ă  niveau. On sait bien aujourd'hui que dans le monde du travail, la langue française ouvre des portes que malheureusement la langue arabe n'ouvre pas encore. Les recruteurs le savent. Comme s'il s'agissait d'un moratoire, mais idĂ©ologique cette fois. Suspendons la question idĂ©ologique du français et rendons-lui, pour les raisons citĂ©es, la capacitĂ© Ă  aider ceux que l'arabe relègue au mĂ©tier d'exclus. Il se peut mĂŞme qu'ils apprennent Ă  aimer la langue française plus pour ses richesses que pour son efficience.   75 Noureddine Ayouch  PrĂ©sident de la fondation Zakoura Education Indignation   L’inculture et l’égoĂŻsme des Ă©lites Ce qui me rĂ©volte, ce sont la suffisance et la bĂŞtise de ceux qui croient dĂ©tenir le savoir et qui manquent totalement d’humilitĂ©, et parallèlement, le caractère inculte de nos Ă©lites (dans le monde de l’entreprise ou politique) et de nos Ă©lus : ils ne lisent pas, ne vont pas au théâtre, etc. Ce qui est prouvĂ© par le petit tirage de nos journaux et de nos livres, et l’absence de musĂ©es. Enfin, ces mĂŞmes Ă©lites manquent de gĂ©nĂ©rosité ; pourtant, ils ont beaucoup d’argent et l’exposent Ă  la face de tous. C’est inadmissible, surtout quand on voit ceux qui n’ont rien ou très peu. Solution  Apprendre Ă  partager Il faut plus d’humilitĂ©, et apprendre Ă  partager notre savoir comme notre argent. Et l’exemple doit venir d’en haut ! On peut ainsi parrainer des jeunes pour qu’ils puissent poursuivre leurs Ă©tudes ou crĂ©er leur entreprise. Il faut alphabĂ©tiser tous les gens de l’entreprise : ceux qui savent doivent aider ceux qui ne savent pas. Il faut apprendre Ă  partager, sinon, on risque de tout perdre.   76 Abdellah TaĂŻa Ecrivain Indignation   Les Marocains ne lisent pas Il n’y a presque plus de livres dans les maisons. Chez moi, en tout cas. Et cette disparition m’inquiète beaucoup. EnormĂ©ment. Lire est le meilleur moyen pour se dĂ©couvrir, se redĂ©couvrir, s’affirmer, oser parler, oser dire les choses, les redĂ©finir. Changer le monde. Changer de famille. Avoir des visions. Plus qu’Internet, ce sont les livres qui nous guident, nous mènent Ă  la libertĂ©, Ă  un regard critique, politique, nu. Les livres nous disent et nous dĂ©passent. Ils prennent en chargent notre rĂ©alitĂ©, nos malheurs, nos aspirations. Notre dĂ©cision de crier. CRIER. Crier malgrĂ© les attaques des autres. L’absence des livres au Maroc est un crime. EmpĂŞcher les Marocains de lire, c’est les condamner Ă  une prison Ă©ternelle. A la banalitĂ© Ă©ternelle. Solution  A quand un Mawazine du livre ?  Il y a au Maroc le festival de Marrakech pour le cinĂ©ma. Celui de Mawazine (et tant d’autres) pour la musique. Il faut que l’Etat se mobilise, s’engage sĂ©rieusement pour les livres. La culture. CrĂ©er un Ă©vĂ©nement fondateur pour donner aux Marocains le goĂ»t des livres. Leur expliquer l’importance de la lecture. Les Ă©diteurs marocains doivent aussi prendre enfin de vĂ©ritables risques et arrĂŞter avec la frilositĂ© qui les caractĂ©rise.   77 Soumaya Naâmane Guessous Sociologue Indignation  Les rĂ©formes ne sont pas appliquĂ©es Ce qui m’énerve le plus, c’est que beaucoup d’efforts sont faits pour amĂ©liorer les choses via des rĂ©formes, et donc le cadre juridique avance ; mais d’un autre cĂ´tĂ©, cela bloque toujours du cĂ´tĂ© de l’application. Comme pour le  code de la famille : corruption, laxisme, manque de compĂ©tences. On ne voit pas les rĂ©sultats des rĂ©formes. Solution  Sanctionner ! Il faut plus d’attention et de travail pour uniformiser les procĂ©dures qui changent d’une prĂ©fecture Ă  une autre, et a fortiori, d’une rĂ©gion Ă  une autre mais aussi plus de rigueur. Il faut dĂ©noncer, sanctionner, pĂ©naliser. Pour qu’il n’y ait plus un abĂ®me entre les textes et leur mise en pratique. Surtout aujourd’hui, avec le projet de rĂ©forme de la Constitution.   78 Bassirou Bâ Journaliste Indignation  Etre noir au Maroc « Aâzi », « qerd », « cannibale ». Le catalogue des termes utilisĂ©s par certains Marocains pour dĂ©signer les Noirs est exhaustif. Ces mots sont l’expression d’un racisme anti-Noirs très ancrĂ© dans la sociĂ©tĂ© mais rarement Ă©voquĂ©. Par fausse pudeur ? A cause du tabou qui entoure ce sujet ? Et c’est d’autant plus grave qu’il arrive mĂŞme que cela passe du verbal Ă  une agression physique. Beaucoup de Subsahariens vivant au Maroc ont fini par s’en accommoder… Solution  D’abord dire que le racisme existe Pour faire face Ă  une telle tare, il faut d’abord reconnaĂ®tre que le racisme existe…  au Maroc aussi ; ensuite oser en dĂ©battre ouvertement. Mais il faudrait au prĂ©alable que l’éducation de base, celle inculquĂ©e par les parents et celle transmise Ă  l’école, joue pleinement son rĂ´le. Le racisme expliquĂ© Ă  ma fille de Tahar Benjelloun est vivement conseillĂ© dans ce sens.   79 Nabil Scally PrĂ©sident de l’association Bahri Indignation  Nous sommes sales !  Ce qui m’indigne, c’est la saletĂ© de nos rues, de nos plages, de nos forĂŞts... Le manque de civisme flagrant de notre sociĂ©tĂ© est en complète contradiction avec l’évolution, que l’on connaĂ®t aujourd’hui, vers plus de dĂ©mocratisation. Tous les jours, on peut voir les gens jeter leurs ordures en bas de chez eux… ce n’est mĂŞme pas une question de classe sociale ou de pauvretĂ©, car souvent, on voit des bouteilles, des dĂ©chets ĂŞtre jetĂ©s par les fenĂŞtres de voitures luxueuses. Solution  Des poubelles et du civisme ! C’est d’abord une question de moyens : il faut installer plus de poubelles, et des poubelles que l’on ne peut pas voler, et affecter plus de personnes au nettoyage. Mais surtout, il faut une grande campagne mĂ©diatique de sensibilisation, intĂ©grant tous les supports –presse Ă©crite, radios, tĂ©lĂ©s, panneaux d’affichage – pendant au moins un an ou deux. Si tout le monde s’implique, en un ou deux ans, le problème sera pratiquement Ă©radiqué !   80 Omar Louzi  Directeur gĂ©nĂ©ral d’Ittoch consulting Indignation  L’écologie, tout le monde s’en moque Dans le secteur du dĂ©veloppement durable, le manque de maturitĂ© citoyenne m'indigne. La notion de l’écologie est absente dans l’esprit des dĂ©cideurs ou alors ils y recourent Ă  des fins de communication. En rĂ©alitĂ©, il n’existe aucune prise de conscience sur l’urgence climatique, alors que le Maroc prĂ©sente un niveau inquiĂ©tant de stress hydrique. L’Etat marocain est totalement absent, malgrĂ© l’arsenal lĂ©gislatif  et mĂŞme si le Maroc a accueilli le « Earth Day » l’annĂ©e passĂ©e, rien n’a changĂ© depuis. Les entreprises polluantes continuent Ă  polluer. D'autres continuent Ă  dilapider les ressources hydriques et Ă  utiliser  les Ă©nergies polluantes. Solution   C’est Ă  l’Etat de jouer  La sauvegarde de la nature ne devrait pas ĂŞtre perçue comme un luxe mais une nĂ©cessitĂ©. Je pense que l’Etat devrait mettre le paquet sur la sensibilisation des citoyens. Il doit mettre sur place des mesures correctives pour les entreprises polluantes. Respirer de l’air pur et boire de l’eau potable sont des droits Ă©lĂ©mentaires qu’il faut sauvegarder pour les gĂ©nĂ©rations futures.   81 Karim Bennis Directeur gĂ©nĂ©ral Nexans Indignation   Les mauvais payeurs Ce qui me vient Ă  l’esprit, c’est la problĂ©matique des dĂ©lais de paiement. Le flĂ©au touche aussi bien la PME que la grande entreprise, tous secteurs confondus ! Solution  Rompre avec ce cercle vicieux Eradiquer ce flĂ©au est une affaire de rĂ©glementation bien sĂ»r mais aussi de mentalitĂ©, d’habitudes et de lutte contre les mauvaises pratiques commerciales. La loi sur les dĂ©lais de paiement est sur le point d’être approuvĂ©e. En parallèle, l’Etat doit monter une campagne de sensibilisation auprès des opĂ©rateurs pour expliquer les retombĂ©es nĂ©fastes de ces pratiques archaĂŻques. Quant aux clients et fournisseurs, ils doivent rompre avec ce cercle vicieux, et les grandes entreprises qui disposent d’une trĂ©sorerie plus confortable doivent montrer l’exemple.   82 Brahim Glim  Militant au Mouvement  du 20 fĂ©vrier Indignation  Les diplĂ´mes inutiles Le taux de chĂ´mage va de plus en plus exploser au Maroc. Surtout celui concernant les jeunes diplĂ´mĂ©s. Cela a un effet très nĂ©faste sur le dĂ©veloppement de notre pays. Le secteur privĂ© n’arrive plus Ă  absorber les jeunes qui sortent chaque annĂ©e des Ă©coles avec des diplĂ´mes qui ne leur servent Ă  rien. Solution  L’orientation et le bilinguisme Il faut orienter les jeunes dès le collège pour Ă©viter les formations qui ne mènent Ă  rien. Le système Ă©ducatif doit s’adapter au marchĂ© du travail pour fournir des profils utiles. Je plaide aussi pour un retour au bilinguisme au lieu de l’arabisation qui dĂ©truit les chances des diplĂ´mĂ©s d’intĂ©grer le monde du travail qui reste en majoritĂ© francophone.   83 Sonia Terrab  Journaliste, Ă©crivain Indignation  Les esprits fossilisĂ©s Ce qui m’irrite, c’est la peur qu’ont beaucoup de Marocains du changement. Je ne supporte pas ces esprits fossilisĂ©s, toujours dans le dĂ©sir de reproduction du mĂŞme schĂ©ma et du mĂŞme modèle. La mĂŞme recherche du confort personnel Ă©talĂ© aux yeux de tous. Solution  La modernitĂ© de cĹ“ur Accepter la diffĂ©rence, le changement. Et s’ouvrir Ă  la modernitĂ©. Pas une modernitĂ© de façade, qui s’exprime seulement dans la manière de consommer, mais une modernitĂ© de cĹ“ur et d’esprit qui transparaĂ®t dans les comportements.   84 Rachid Tlemçani  Fondateur d’actuel, chef d’entreprise Indignation  La « dĂ©mocratie » incivique  Je m’indigne. De la dĂ©mocratie bafouĂ©e Ă  heure fixe par ceux qui la rĂ©clament. De l’absence totale de responsabilitĂ© après l’heure du dĂ©bat et des choix. De cette mauvaise foi qui fait que le dĂ©bat reste chez nous ouvert indĂ©finiment, au dĂ©triment d’un pays. Du civisme inexistant et de la logique Ă  gĂ©omĂ©trie variable. De ces gens qui ne votent jamais et qui dĂ©nigrent dans les salons et dans la rue. Jamais responsables de rien. Comment satisfaire des extrĂŞmes qui n’acceptent qu’une conclusion : la leur ? Depuis la nuit des temps, la rĂ©ponse est la dĂ©mocratie et sa – parfois – frustrante sentence majoritaire. Solution Des leçons de dĂ©mocratie Il serait temps que les pays qui se disent dĂ©mocratiques (et leur presse bien surprenante !) assènent des leçons de dĂ©mocratie plutĂ´t que de donner des tribunes partiales, rĂ©ductrices et insupportables, aux extrĂŞmes, après avoir Ă©tĂ© complaisants Ă  vomir avec des dictateurs qui, il n’y a pas si longtemps, plantaient leur tente dans leur jardin.   85 Abdellah Eljout  PrĂ©sident de l’association des Ă©lus locaux de la rĂ©gion Tanger-TĂ©touan Indignation  Les Ă©lus ne sont pas formĂ©s  On se plaint souvent de l’incompĂ©tence des Ă©lus. Mais mĂŞme les Ă©lus les plus diplĂ´mĂ©s ne peuvent maĂ®triser tous les jargons. Un Ă©lu municipal doit connaĂ®tre la lĂ©gislation de l’amĂ©nagement, de l’habitat, de la santĂ© publique, de l’hygiène, de l’équipement, de l’électricitĂ©, de l’éducation. La commune est au centre de tout ça ! Il n’est pas normal de demander Ă  un paysan, Ă  un commerçant ou Ă  un Ă©tudiant nouvellement Ă©lu de valider un budget communal alors qu’il est incapable de le comprendre. Solution  Une formation pour apprendre le mĂ©tier Il faut dĂ©gager un fonds spĂ©cial pour la formation des Ă©lus. Il faut un rĂ©fĂ©rentiel du mĂ©tier d’élu local. Au moins qu’il connaisse les mesures Ă  prendre quand il y a des enfants dans la rue ou la procĂ©dure de la conservation foncière. Ce sont des choses simples. Qu’on forme les gens sur la lecture d’un budget ! On pourrait envisager un kit pour tous les nouveaux Ă©lus avec un stage obligatoire de deux semaines, une certification et un guide complet qu’il pourrait garder dans son cartable. Il saurait enfin comment fonctionne l’administration.     86 Elise Baron  BĂ©nĂ©vole Ă  l’UMPA (Union marocaine pour la protection des animaux) Indignation Les animaux traitĂ©s comme des chiens Je m’indigne de l’état pitoyable des animaux au Maroc, notamment des Ă©quidĂ©s qui tirent des charrettes et de tous ces chats et chiens qui errent dans nos rues. J’ai bien conscience que l’équidĂ© constitue le seul moyen de transport pour beaucoup de gens et qu’un charretier qui gagne 20 dirhams par jour pour nourrir sa famille n’a pas les moyens de traiter correctement son animal. Comment lui faire comprendre de respecter son âne alors qu’il n’a lui-mĂŞme pas de visibilitĂ© Ă  plus de deux jours ? Solution  Toute vie a droit au respect ! L’Etat doit mettre en place un programme de stĂ©rilisation des animaux errants, au niveau national, dans les douars et les quartiers des villes pour Ă©radiquer le phĂ©nomène. Il doit aussi interdire la vente de chiens en pagaille. Parallèlement, un travail d’éducation doit ĂŞtre menĂ© auprès des enfants pour leur apprendre Ă  respecter leur environnement, la nature et les animaux qui l’occupent.   87 Lucien Leuwenkroon PrĂ©sident de la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Maroc Indignation  Les passe-droits et le non-respect des règles J'aime le Maroc, c'est mon pays d'adoption ; nos enfants sont binationaux et ma femme et moi luttons pour un mieux-ĂŞtre et donc un Maroc meilleur. Mais je suis indignĂ© quand on ne respecte pas l'ordre des procĂ©dures ou du code de la route, et donc aussi du code de la vie. Je trouve aussi que l'administration est parfois lourde et lente pour un salariĂ© qui doit travailler toute une journĂ©e et qui doit prendre un congĂ© sans solde pour rĂ©gler sa paperasse, et ce, Ă  l'heure du numĂ©rique. Il y a tellement de solutions pour Ă©viter de s’engueuler en faisant la file devant un guichet oĂą les passe-droits sont de rigueur grâce au cousin ou au neveu du voisin… et je ne parle pas du bakchich ! Solution  Internet et un ministère des Classes moyennes ! L'Internet peut nous faire brĂ»ler tant d'Ă©tapes pour avoir un Maroc moderne, propre, ordonnĂ©, dans la rigueur et le respect, et qui, en conclusion, serait tellement plus productif et compĂ©titif. A la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise au Maroc, que je prĂ©side, nous organisons en permanence des sĂ©minaires et donc des rĂ©flexions avec un benchmark de ce qui se pratique en Belgique ou au Luxembourg. Nous avons proposĂ© la crĂ©ation d'un ministère des Classes moyennes comme nous l'avons en Belgique, qui rĂ©gule entre autres les besoins de l'auto-emploi, donne les cartes pour les marchands ambulants, gère les guildes des professions, protège le consommateur sans passer par les tribunaux. Et j'en passe !   88 Omar Balafrej  PrĂ©sident de la Fondation Bouabid Indignation  Les Ă©tudiants ont la bourse vide La bourse pour les Ă©tudiants n’a pas Ă©voluĂ© depuis les annĂ©es 70, c’est toujours au maximum 300 dirhams par mois. Cela ne suffit mĂŞme pas pour prendre le bus tous les jours ! Comment veut-on construire un pays de citoyens, comment mĂŞme espĂ©rer crĂ©er de la confiance dans une sociĂ©tĂ© oĂą nos jeunes n’ont pas droit Ă  un minimum de dignité ? Solution Faire payer les plus riches Dès la rentrĂ©e 2011-2012, réévaluer la bourse pour les Ă©tudiants en la faisant passer Ă  1 000 dirhams par mois minimum. Pour financer cette mesure qui devrait coĂ»ter autour de 5 milliards de dirhams par an, l’Etat devrait lever un impĂ´t citoyen de solidaritĂ© sur la fortune. Avec un peu d’efforts, on pourrait lever beaucoup plus d’argent auprès des plus riches d’entre nous pour financer bien d’autres mesures et enfin commencer Ă  construire notre contrat social.   89 Fouad Omari  Maire de Tanger Indignation  L'activisme des professionnels des Ă©lections  MalgrĂ© tous les efforts consentis par la nouvelle Constitution pour donner aux parlementaires des pouvoirs très Ă©tendus, j'ai peur que l'on se retrouve devant les mĂŞmes visages qui Ă©margent depuis des annĂ©es Ă  la coupole. Ceux-lĂ  mĂŞmes qui ont plombĂ© l'avenir du pays. Avec les changements profonds que connaĂ®t le  Royaume, la question du renouvellement des Ă©lites au Maroc est au cĹ“ur de l'actualitĂ©. C'est mĂŞme une demande qui grandit au fur et Ă  mesure que la dĂ©mocratie se dĂ©veloppe. On a bien vu, au cours des Ă©chĂ©ances Ă©lectorales passĂ©es, que la crainte de voir les mĂŞmes tĂŞtes revenir aux commandes conduit beaucoup de Marocains Ă  l'abstention ou au dĂ©couragement. Il est urgent donc de donner la parole Ă  une nouvelle gĂ©nĂ©ration capable de penser l'avenir. J'ai la conviction que l'on ne construit pas l'avenir d'un pays sur de vieilles idĂ©es. Solution Les partis doivent avoir le courage d'imposer des critères draconiens dans le choix de leurs candidats Il faudrait aussi rĂ©flĂ©chir Ă  des lois qui imposent aux candidats aux lĂ©gislatives un Smig en matière d'instruction. L'essentiel, c'est de couper la route Ă  ces « commerçants de la politique », vĂ©ritables professionnels des urnes qui vont de mandat en mandat et sont de moins en moins reprĂ©sentatifs de la population.   90 Hicham Cherkaoui Coordinateur de la coalition marocaine  pour la Cour pĂ©nale internationale Indignation  L’impunitĂ©  Au Maroc, l’impunitĂ© continue de favoriser la persistance des violations des droits de l’homme et les crimes Ă©conomiques. Elles persistent du fait qu’il n’y a  aucune poursuite judiciaire. Nous constatons que plusieurs organismes publics ont Ă©tĂ© mal gĂ©rĂ©s et pillĂ©s de façon systĂ©matique. MalgrĂ© la constitution de commissions d’enquĂŞtes parlementaires, toutes ces recommandations sont restĂ©es lettres mortes. Aujourd’hui, les auteurs de ces malversations continuent Ă  bĂ©nĂ©ficier de la libertĂ© sans aucune forme de pudeur. Solution   Faire passer les ripoux Ă  la caisse L’impunitĂ© signifie aussi la rĂ©gression face Ă  la demande de  reddition des comptes des auteurs des exactions commises dans le passĂ©. Il faut appliquer les règles classiques de la responsabilitĂ© civile. Si une modification des textes juridiques est nĂ©cessaire pour permettre l’application effective de ce principe Ă©lĂ©mentaire de responsabilitĂ©, il faut la mettre en Ĺ“uvre sans tarder. En mĂŞme temps,  il faut penser Ă  la sanction, avec des amendes, la restitution des sommes volĂ©es et l’emprisonnement pour les coupables. Dans une sociĂ©tĂ© organisĂ©e, aucun crime ne doit rester impuni. Il y va de la cohĂ©sion et de la survie de la sociĂ©tĂ© mĂŞme. Et cela doit ĂŞtre vrai pour la criminalitĂ© en col blanc comme pour les autres crimes.   91 Riad Essbai  Bloggeur Indignation  Femmes, rĂ©voltez-vous ! Les femmes ont tendance Ă  se stigmatiser elles-mĂŞmes en se soumettant au rapports de force de notre sociĂ©tĂ©. Cela commence lors de notre Ă©ducation. Par exemple, les garçons ne font rien Ă  la maison, c’est toujours les filles qui s’occupent des tâches mĂ©nagères. Cela provient aussi de la mauvaise interprĂ©tation de l’islam, et notamment de la tutelle des hommes sur les femmes qui les conditionne. Le rĂ©sultat, c’est que les femmes subissent, se laissent faire et se soumettent sans rĂ©agir. Solution  Et je vais le faire pour vous Je compte passer Ă  l’action, je ne peux pas vous donner de dĂ©tails, mais je vais lancer un appel sur le Net. L’objectif sera de pousser au dĂ©bat et Ă  la rĂ©flexion, en commençant par la petite famille.   92 Khalid El Hariri DĂ©putĂ© USFP Indignation   La misère de l’école publique Je suis scandalisĂ© par la dĂ©gradation du niveau de l’école publique et la faillite de l’ascenseur social. Aujourd’hui, si l’on a de l’argent, l’avenir de ses enfants est assurĂ©. Si l’on n’en a pas, l’avenir de ses enfants est condamnĂ©. L’enseignement public est en dĂ©gradation permanente. Tous les programmes engagĂ©s ne sont que pure cosmĂ©tique et nous attendons toujours un rĂ©el changement radical de la part de la puissance publique. Solution  Remettre en cause tous les dogmes Face Ă  la gravitĂ© de la situation, il faut accorder une importance qui ne s’exprime pas seulement en paroles ou mĂŞme en argent, mais par des dĂ©cisions courageuses. Il faut remettre en cause tous les dogmes, Ă  commencer par celui de la gĂ©nĂ©ralisation. Vouloir mettre tout le monde Ă  l’école, c’est louable, mais nous n’en avons pas les moyens. Il faut par ailleurs arrĂŞter de faire croire que l’arabe est la langue maternelle des Marocains. Leur langue, c’est… le marocain ! La darija, l’amazigh, etc. Il faut aussi casser la mainmise nĂ©gative des syndicats sur l’enseignement, et passer d’un syndicalisme qui bloque systĂ©matiquement Ă  un syndicalisme rĂ©formiste. Les programmes doivent par ailleurs Ă©voluer. Nos enfants ont besoin de s’ouvrir au monde et non d’être enfermĂ©s dans d’inutiles matières sclĂ©rosantes pour l’esprit et la connaissance.   93 Eric Le Braz  Directeur de la rĂ©daction d'actuel Indignation  Le Maroc des cages Ă  lapins Sous prĂ©texte d’éradiquer les bidonvilles, on construit… des bidonvilles verticaux sans âme, sans commerces et sans services. Le Maroc reproduit les erreurs de l’Europe alors qu’on sait maintenant les effets dĂ©vastateurs des citĂ©s dortoirs. J’ai grandi dans ces banlieues. J’en connais les consĂ©quences : insĂ©curitĂ©, Ă©chec scolaire, ghettos, dĂ©liquescence du lien social… Le Maroc des barres et des cages d’escalier nous fera regretter les bidonvilles ! Solution  Transformer les bidonvilles en  mĂ©dina Les experts du monde entier Ă©tudient en ce moment les mĂ©dinas marocaines pour leur urbanisme « écolo » remarquable : rues piĂ©tonnes, habitat resserrĂ©, gestion intelligente de l’espace commerçant… et solidaritĂ© des habitants. D’une certaine façon, l’occupation des sols d’un bidonville, c’est le brouillon d’une mĂ©dina. Il serait beaucoup plus intelligent de les rĂ©nover « en dur », d’y adjoindre des commerces et des services, et de construire un ou deux Ă©tages supplĂ©mentaires plutĂ´t que d’entasser ces habitants dans des citĂ©s sans âme.   94 Zakia Sekkat  OpĂ©rateur Ă©conomique Indignation  La crĂ©ation d’emploi n’est pas le rĂ´le de l’Etat  Les pouvoirs publics ont fait de l'emploi une prioritĂ© absolue, c’est bien ; mais si l’Etat apporte son soutien Ă  la lutte contre le chĂ´mage, ce sont bien les secteurs Ă©conomiques clĂ©s qui sont les vĂ©ritables instruments de promotion de l'emploi. Solution  Utiliser la machine Ă©conomique Ă  plein rĂ©gime Aujourd’hui, l’outil industriel marocain est utilisĂ© Ă  50% maximum de sa capacitĂ©, en raison de sa faible compĂ©titivitĂ© Ă  l’international et de l'insuffisance du pouvoir d’achat national, sans compter les importations anarchiques et un climat d’affaires dĂ©favorable. Nous avons besoin d’une rĂ©elle volontĂ© d’industrialisation du Maroc, pas seulement axĂ©e sur certains secteurs, ni sur les seuls investissements Ă©trangers, ou encore sur la rĂ©alisation des projets structurants du Maroc, menĂ©s par des intervenants Ă©trangers, sans intĂ©gration des opĂ©rateurs marocains. Il est clair que le tissu productif marocain est mal recensĂ©, sa capacitĂ© de production mal Ă©valuĂ©e et que le feedback sur ses problèmes au quotidien est inexistant en raison notamment du fait qu’il n’est pas dignement reprĂ©sentĂ©. Enfin, une meilleure collaboration privĂ©-public, basĂ©e sur la confiance et la transparence, permettrait de relancer l’emploi Ă  cours et moyen terme sans attendre « 2020 » selon la formule si chère Ă  nos dĂ©cideurs.   95 Khadija Riyadi  PrĂ©sidente de l’AMDH (Association marocaine des droits de l’homme) Indignation  Police partout, justice nulle part ! Je m’indigne contre notre système judiciaire inĂ©quitable. Je viens d’assister Ă  un procès Ă  Bouarfa, Ă  la frontière algĂ©rienne, mettant en cause huit jeunes et deux militants syndicalistes accusĂ©s d’avoir provoquĂ© des Ă©meutes dans la ville, le 18 juin. Autant dire que cette audience s’est rĂ©sumĂ©e Ă  une accumulation de vices de forme. Tout au long des quinze heures qu’a durĂ© le procès, le juge a dĂ©niĂ© aux prĂ©venus la prĂ©somption d’innocence, les traitant comme des coupables, et a refusĂ© de prendre en compte leurs accusations Ă  l’encontre de la police qui leur aurait fait signer des aveux Ă  coups de gifles. Pire, il a refusĂ© d’entendre les tĂ©moins. Le but de cette audience n’avait assurĂ©ment rien Ă  voir avec la recherche de la justice mais visait Ă  avilir et Ă  humilier des militants respectĂ©s dans le mouvement social et protestataire de la ville. Le verdict, d’une rare sĂ©vĂ©ritĂ© (entre 2 et 3 ans fermes), tĂ©moigne de la volontĂ© des pouvoirs publics d’affaiblir le mouvement social et d’instrumentaliser la justice contre ceux qu’ils visent. Solution  Une justice indĂ©pendante L’AMDH et dix autres associations ont rĂ©digĂ© un mĂ©morandum destinĂ© Ă  l’instance chargĂ©e de la rĂ©daction de la Constitution. Nous militons pour la mise en place d’une justice indĂ©pendante, placĂ©e au-dessus des lois et garante de leur respect car il n’est de dĂ©mocratie sans justice Ă©quitable. Le nouveau texte constitutionnel a rebaptisĂ© l’ancien système judiciaire « pouvoir judiciaire ». Ce changement terminologique purement formel n’en modifie pas pour autant le contenu. Car ce tout nouveau pouvoir est toujours rĂ©gi par l’exĂ©cutif, donc le roi, qui prĂ©side le conseil de la magistrature.   96 Abdessalam Boutayeb PrĂ©sident du centre de la mĂ©moire Indignation  L’absence de diplomatie parallèle  Je suis indignĂ© par l’absence d’une vĂ©ritable diplomatie parallèle qui peut dĂ©fendre notre cause nationale et l’image d’un Maroc sur la voie de la dĂ©mocratisation. Pour l’instant, les parlementaires des deux Chambres comme les reprĂ©sentants de quelques syndicats, associations et organismes de mĂ©diations pratiquent « la diplomatie touristique ». Une situation favorisĂ©e par les relations de clientĂ©lisme et de copinage qui sĂ©vissent au sein des partis politiques. Comment un militant d’un parti, qu’il soit dĂ©putĂ© ou militant des droits de l’homme, et qui ne parle aucune langue Ă©trangère, peut faire de la diplomatie parallèle? Parmi ces dysfonctionnements, figure aussi l’omniprĂ©sence des acteurs francophones et arabophones. Il n y a aucun acteur hispanophone parmi ces « ambassadeurs parallèles ». Solution  Encourager l’ouverture sur l’Espagne Face aux problèmes qui rĂ©gissent nos relations  avec notre voisin du Nord, il est impĂ©ratif de s’ouvrir sur le lobby hispanophone qui est très actif Ă  l’international.     97 Hicham Daoudi Promoteur culturel Indignation  Les artistes interdits d’exporter Je suis indignĂ© de ne pas voir d’artistes marocains dans les foires et les Ă©vĂ©nements internationaux. Car il n’y a aucun financement, ni public ni privĂ©, pour les aider Ă  exposer au niveau international. Les entreprises ne sponsorisent pas les galeries qui voudraient participer aux foires et il n’y a pas de mĂ©cènes pour les artistes. Pire, la loi interdit aux artistes marocains de vendre leurs Ĺ“uvres Ă  l’étranger ! Solution  Un texte de loi Il faut changer cette loi qui oblige les rares artistes qui exportent Ă  se transformer en contrebandiers !   98 Khalid Cheddadi  PrĂ©sident directeur gĂ©nĂ©ral de la CIMR Indignation  Les citoyens honnĂŞtes payent pour les tricheurs Ce qui m’indigne, c’est que des employeurs n’assument pas leur responsabilitĂ© sociale vis-Ă -vis de leurs collaborateurs, ne les dĂ©clarent pas Ă  la CNSS, ne paient pas le SMIG, ne se prĂ©occupent pas de leur avenir. C’est une concurrence dĂ©loyale pour ceux qui assument leurs devoirs envers la sociĂ©tĂ©. Cela tire notre pays vers le bas. Ce qui m’indigne, c’est que des entreprises ou des professionnels trichent pour ne pas payer leurs impĂ´ts. Cela prive l’Etat de moyens pour mener une politique de dĂ©veloppement Ă©conomique, social et humain, et reporte tout le poids sur les entreprises citoyennes et les salariĂ©s pour lesquels l’impĂ´t est prĂ©levĂ© Ă  la source. Solution   Casser le cercle de la corruption Dire que l’Etat ne fait pas grand-chose pour nous est faux. Il est de mieux en mieux organisĂ© et si les plus nantis ne profitent pas de tous ses services, des millions de Marocains les utilisent. Cette redistribution est Ă  la base de la vie en sociĂ©tĂ©. Certes, il y a encore beaucoup d’inefficacitĂ© dans l’administration, de gaspillage, d’injustice, de corruption… mais il faut casser ce cercle ! Soyons exigeants sur nos droits, poussons l’administration Ă  s’amĂ©liorer, les entreprises publiques Ă  ĂŞtre plus performantes et nos hommes politiques Ă  mieux dĂ©fendre nos intĂ©rĂŞts. Assumons nos responsabilitĂ©s pour progresser ensemble et instaurer une justice sociale.     99 Mouna Kably   Chef de service Economie Ă  actuel Indignation  Des appels d'offres bidonnĂ©s Ce sont toujours les mĂŞmes entreprises qui remportent les plus gros marchĂ©s, les mĂŞmes enseignes qui concoctent les grandes stratĂ©gies sectorielles, les mĂŞmes architectes qui rĂ©alisent les chantiers les plus emblĂ©matiques, les mĂŞmes laboratoires pharmaceutiques qui approvisionnent la santĂ© publique, les mĂŞmes imprimeurs qui fournissent l’enseignement public… Pour se rendre compte de l’ampleur du phĂ©nomène, il suffit de recenser les noms des heureux adjudicataires. MalgrĂ© les assurances des hauts fonctionnaires et autres Ă©lus locaux, je ne peux m’empĂŞcher de croire que la plupart des appels d’offres publics sont entachĂ©s d’irrĂ©gularitĂ©s. Et si les dĂ©s sont pipĂ©s, c’est que des millions de dirhams, sinon des milliards, sont en jeu. En clair, c’est avant tout de clientĂ©lisme et de corruption qu’il s’agit. Solution  DĂ©noncer et sĂ©vir La rĂ©forme du mode de passation des marchĂ©s publics n’a pas bouleversĂ© des habitudes bien installĂ©es et des processus bien rodĂ©s. Preuve qu’une loi ne suffit pas Ă  changer les pratiques. Mais entre-temps, les autres soumissionnaires ne cachent plus leurs frustrations.   Avant que ça n’explose, il faut d’urgence imposer la transparence Ă  tous les niveaux, et pas seulement au niveau central. Pour cela, il faut sĂ©vir pour donner l’exemple. Mais il faut aussi que les victimes dĂ©noncent. Enfin, il faut doter l’Instance de lutte contre la corruption de moyens d’intervention efficaces sur le terrain pour enclencher rapidement une enquĂŞte.   100 Soraya Fatima  Badraoui Drissi  PrĂ©sidente de l’Association des femmes  chefs d’entreprises au Maroc Indignation  La mentalitĂ© des diplĂ´mĂ©s chĂ´meurs Beaucoup de jeunes s’imaginent qu’avec un diplĂ´me, ils ont le droit de revendiquer une place dans la fonction publique. L’Etat leur doit une place. Ça ne marche pas comme ça. Si les pays dĂ©veloppĂ©s le sont devenus, c’est parce que des hommes et des femmes ont pris des initiatives. Solution  Enseigner l’esprit d’initiative On doit former les jeunes pour qu’ils crĂ©ent de la valeur ajoutĂ©e, de la richesse, de l’emploi. Il faut orienter l’éducation vers la prise d’initiative. Il faut les inciter Ă  ĂŞtre crĂ©atifs. ArrĂŞter le par cĹ“ur et la rĂ©citation, et Ă©couter ce que les jeunes ont dans leur ventre. Il faut apprendre depuis l’école primaire qu’on peut devenir auto-entrepreneur ! |