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Projet constitutionnel Le roi et nous  
actuel n°99, vendredi 17 juin 2011
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Le projet du nouveau texte constitutionnel est révolutionnaire. Le roi se déleste de nombreux pouvoirs au profit du Parlement, et la loi suprême modernise et démocratise considérablement les instances du Royaume. Mais comme toute révolution, la nouvelle Constitution a déjà son lot de détracteurs.


***

Le projet de réforme des institutions, voulu par Mohammed VI, n’a pas fait que des heureux. Avant même que les bases partisanes n’aient compulsé le nouveau texte de la future Constitution, de nombreux amendements provoquent la polémique.

Refusé par l’extrême gauche, critiqué par les islamistes, malmené par une partie de la gauche, le projet de réforme des institutions tangue entre un PJD attaché à un Royaume où l’islam est toujours religion d’Etat et des partis de gauche qui espèrent distiller discrètement les prémices d’une laïcité qui ne dit pas son nom.

En poussant notamment à l’adoption de formulations qui ne laissent aucun doute sur la garantie de libertés individuelles telles que la liberté de culte. Bien avant le coup d’envoi de la campagne de sensibilisation pour le référendum, Abdelilah Benkirane n’a pas hésité à mettre en garde contre la libanisation du Royaume si on abandonnait le référentiel islamique : « Le Maroc pourrait s’enflammer et la fitna ferait rage, spécialement si les religieux (savants et imams) prennent position sur ce sujet. »

Réponse du berger à la bergère, la société civile est montée au front pour assurer au patron du PJD que le Maroc n’était pas la chasse gardée des islamistes. « Nous appelons à un débat politique serein.

Nous refusons un unanimisme de façade, crispé sur une définition étroite de ce qu’est le vivre-ensemble ; le PJD n’a pas l’exclusivité de la représentativité dans ce pays, il nous faut assumer des positions progressistes.

Toute société, tout parti politique qui est prêt à une remise en cause des droits fondamentaux de certains de ses membres est forcément liberticide. Ce conformisme passéiste est un déni, une oppression de la différence, de la divergence et de la diversité et un pied de nez au printemps arabe », s’indigne Kamal Lahbib, chef de file du mouvement altermondialiste au sortir d’une rencontre sur la réforme de la Constitution.

Le débat portant sur la Constitution a déchaîné les passions tant ses répercussions sur le quotidien des Marocains paraissent immenses, en mesure de bouleverser les fondements mêmes de notre société.

De l’issue de ces débats dépend l’avenir de la démocratie dans notre pays parce que le texte, lui, est carrément révolutionnaire. Très impliqué depuis plusieurs mois, Mohamed Moâtassim avait pourtant réuni, à plusieurs reprises, chefs de partis et syndicalistes concernés par le dossier pour recueillir leurs remarques et arrondir les angles.

 

Quelle est la portée des divers amendements apportés à la nouvelle Constitution ? La réponse ne va pas de soi, tant les enjeux et les divergences sont énormes. On peut toutefois distinguer ceux dont la valeur est surtout symbolique, et les véritables changements dont on peut raisonnablement considérer qu’ils seront lourds de conséquences.

La création de nouvelles institutions telles que les conseils supérieurs des langues, des femmes, des jeunes, de l’enfance et de la famille ou la constitutionnalisation d’autres structures comme le Conseil national des droits de l’homme, le Conseil de la concurrence, le Médiateur, l’Instance centrale de prévention contre la corruption – dont la dénomination sera modifiée –, pour importantes qu’elles soient, n’ajouteront sans doute pas grand-chose à l’arsenal déjà existant.

Quant aux instruments juridiques qui auront le plus d’effet sur l’équilibre des pouvoirs, ils sont légion. A commencer par le pouvoir du Parlement qui en sortira renforcé. Les dispositions visant à revaloriser le Parlement revêtent une importance capitale pour la vie politique à venir.

Les députés de la Chambre des représentants disposeraient alors d’un arsenal de plus de trente nouvelles attributions, faisant de cette honorable institution la première et principale instance législative, laquelle pourra aussi décider de l’amnistie générale, discuter du découpage électoral ou entériner les conventions et accords conclus entre le Maroc et l’étranger, même ceux qui engagent les finances publiques.

Quant à la Chambre des conseillers, fortement décriée, à défaut de la faire disparaître, les constitutionnalistes ont réduit drastiquement ses prérogatives. En effet, la nouvelle mouture propose de limiter son mandat à six ans et de réduire le nombre de ses membres vu que ces derniers seraient désormais issus des seules collectivités territoriales ; d’où la nouvelle appellation de cette seconde Chambre qui deviendrait la « Chambre des collectivités territoriales » et n’aurait « pas le pouvoir de présenter des motions de censure en vue de faire tomber le gouvernement  ».

Véritable révolution dans les mœurs parlementaires, le projet donne la possibilité aux associations de la société civile de proposer des projets de loi selon une procédure fixée par voie réglementaire.

Les députés qui papillonnent allègrement de parti en parti seraient considérés personae non gratae, la transhumance politique étant interdite, et la présence des élus réglementée avec des pénalités prévues à l’encontre des contrevenants. Cerise sur le gâteau, les représentants de la Nation auraient toute latitude de modifier la Constitution comme cela se fait en France, par exemple.

Audacieux volet de la justice

La « convocation » du président du gouvernement (en lieu et place du Premier ministre) devant le Parlement pour s’expliquer sur la politique de son équipe, une fois par mois, deviendrait évidemment un moment essentiel de la vie politique du pays.

S’ensuivrait une plus grande aisance pour le gouvernement car le nouveau système impose une collaboration plus étroite entre l’exécutif et le législatif, puisque la plupart des lois votées le seraient à l’initiative du Parlement. Le président du gouvernement, choisi parmi la formation ayant remporté la première place à l’issue des législatives, proposerait la liste de tous les ministres – sans exception – devant former son cabinet au souverain qui les nommerait ensuite.

La nouvelle Constitution lui donnerait également autorité sur le Conseil des ministres et le pouvoir de proposer la révocation d’un ou de plusieurs ministres et, fait majeur, de demander la dissolution du Parlement.

Si la formulation des jugements rendus « au nom de Sa Majesté le roi et de la loi » (au lieu de « au nom de Sa Majesté le roi ») ne change pas grand-chose à l’équité des prestations, le volet concernant la justice est véritablement audacieux.

La montée au front des juges pour fustiger cet amendement s’explique par la peur des magistrats d’être soumis à un contrôle institutionnel. Ainsi le contrôle du puissant Conseil supérieur de la magistrature échapperait désormais à l’emprise de la corporation puisque devraient y siéger, en plus des juges élus (une liste devant être réservée aux femmes), le président du CNDH, celui de l’institution du Médiateur et cinq autres personnalités nommées par le roi.

La nouvelle Constitution abroge également toutes ces structures qui relèvent de la justice spéciale comme les hautes cours réservées aux ministres, remplacées par des tribunaux ordinaires.

Autre thème brûlant, la langue amazighe, principal cheval de bataille des militants berbères, gagne ses lettres de noblesses avec la nouvelle Constitution qui la consacre – aux côtés de l’arabe – en tant que langue officielle.

Quant au sujet épineux de la monarchie, la nouvelle appellation fait état de « monarchie constitutionnelle, sociale, démocratique et parlementaire ». Le fameux article 19, objet de tant de controverses serait scindé en deux parties de sorte que le nouveau texte ne retiendrait que la Commanderie des croyants (Imarat Al Mouminine), les autres dispositions de cet article étant transposées dans divers chapitres qui précisent les qualités et attributions du roi.

Quant à la sacralité de la personne du roi, elle serait abandonnée au profit du « respect dû au roi ». Le roi aurait toujours la légalité pour nommer les ambassadeurs, les walis et gouverneurs, le wali de Bank Al-Maghrib et les hauts responsables militaires, alors que la nomination des hauts fonctionnaires serait l’apanage du Premier ministre.

Maintenant, reste à savoir si les citoyens vont plébisciter le nouveau texte sachant que le Royaume va vivre le premier véritable référendum de son histoire. Les Marocains ont désormais toute latitude pour dire oui ou non à la nouvelle Constitution. En tout cas, avec ce texte révolutionnaire, le Maroc est bien parti pour devenir la première véritable démocratie du monde arabe.

Abdellatif El Azizi

LibertĂ© de croyance :  La fatwa de Benkirane

Benkirane est remonté comme une pendule contre la modernité de la Constitution : liberté de croyance, amazighité, séparation des pouvoirs… Rien ne trouve grâce à ses yeux. Ni à ceux de son parti.

Nous connaissons bien ceux qui tentent d’imposer la laïcité dans ce pays. Ceux qui veulent légaliser l’homosexualité, qui poussent à dé-jeûner pendant le ramadan sur fond de communisme athée. » Depuis quelques jours, Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), multiplie les sorties médiatiques.

Celle du 11 juin à Témara n’a pas différé des autres, néanmoins le ton est monté d’un cran. Dans la foulée, Benkirane n’a pas ménagé la Commission consultative de révision de la Constitution, accusée de prêter l’oreille à « des parties » qui ne connaissent pas les réalités profondes de ce pays.

Le leader islamiste a même menacé de boycotter le vote sur la Constitution si la copie finale n’était pas révisée : « Nous demandons à Sa Majesté le roi de réviser la copie de Mennouni et de mettre à disposition des partis politiques le texte du projet de la Constitution, avant qu’elle ne soit approuvée », a déclaré Benkirane lors d’un meeting à Témara.

 

La composante religieuse

Qu’est-ce qui a provoqué l’ire des islamistes ? Un éventuel assouplissement de la nouvelle Constitution au sujet du référentiel islamique du Maroc, les islamistes soupçonnant le « clan » des laïcs d’avoir pris des libertés avec ce qui fait l’identité du Maroc, à savoir la composante religieuse.

Un autre point attire les foudres des islamistes modérés : la garantie de la liberté de croyance qui ouvrirait la porte aux évangélistes de tout poil qui travaillaient jusqu’à présent dans la clandestinité. Sans oublier la constitutionnalisation de l’amazigh qui n’est pas du goût des islamistes ; la langue arabe revêt, pour ces derniers, un caractère sacré en tant que langue du Coran.

« Le discours du 9 mars a garanti le référentiel islamique du Maroc, nous sommes une nation islamique et nous sommes autant attachés au bien-être quotidien qu’à notre identité islamique », vitupère Abdelilah Benkirane qui a mis en garde contre « une Constitution piégée ». C’est la commanderie des croyants, et non la monarchie parlementaire, qui séduit les islamistes.

Par la même occasion, le secrétaire général du PJD essaye de canaliser ses adversaires idéologiques et de faire passer un message à qui de droit. Il s’agit essentiellement d’opérer une frappe préventive contre le PAM, le mouvement amazigh et les « acolytes » de Khadija Ryadi, la patronne de l’AMDH, citée nommément.

Benkirane souffre certainement de contradictions mais une chose est sûre, les critiques du secrétaire général du PJD ne se limitent pas à ses écarts de langage habituels. Le parti est sur la même longueur d’onde que son chef. Le 11 juin, lors d’une réunion du bureau de Rabat Agdal au siège du parti, des critiques virulentes ont été adressées à la commission de Mennouni.

Le vote en question

En plus de ces questions de fond, la grogne des islamistes s’explique aussi par une divergence sur la méthodologie. La démarche adoptée par la Commission, qui a, dans un premier temps, soumis oralement les grandes lignes aux secrétaires généraux des partis politiques, et non un document écrit, a provoqué l’ire de nombreuses formations dont le PJD.

Cette approche a conduit deux partis politiques, le PADS et le CNI, ainsi qu’un syndicat, la CDT, à se retirer de la réunion de la Commission. Selon Abdelali Hamieddine, membre du secrétariat général du PJD, « les textes qui fondent la matière constitutionnelle ne peuvent pas être débattus verbalement, car ils sont sujets à interprétation ; d’où la nécessité de travailler sur un document écrit. Un point ou une virgule peuvent changer toute la signification ».

En avril dernier, les islamistes ont consacré la session de leur conseil national à la présentation et à l’examen du mémorandum du PJD sur la réforme constitutionnelle. Le Conseil a approuvé à l’unanimité ce texte, conforme à l’idéologie du parti, et a appelé à la tenue d’une session extraordinaire pour prendre une décision au sujet du vote sur la Constitution.

La prochaine étape pour le PJD consistera à se positionner sur la mouture finale de la Constitution qui sera soumise à la vox populi. Le conseil national devra se prononcer dans quelques jours sur le vote pour ou contre le référendum, ou carrément son boycott.

Mohamed El Hamraoui


Reconnaissance : L’amazigh superstar

À la veille du référendum sur la Constitution, la polémique fait rage sur le statut à donner à la langue amazighe. Les politiques renforcent leur position.

Cadeau inespéré, la future Constitution va beaucoup plus loin que les revendications berbères : elle ne fait ni moins ni plus qu’ériger l’amazigh en langue officielle au même titre que l’arabe. « Constitutionnalisation de la langue amazighe, reconnaissance de l’identité amazighe comme socle de l’identité nationale, principe de respect de la diversité et droit à la préservation de la culture », telles sont les principales revendications des activistes berbères qui haussent le ton à l’approche de la remise de la nouvelle mouture par la Commission consultative de révision de la Constitution.

Depuis 1962, la question de la langue et de l’identité amazighes n’a cessé de susciter la polémique. Ahmed Assid, membre fondateur de l’Observatoire amazigh des droits et libertés (OADL) s’indigne : « Ce problème s’est imposé à cause de l’adoption du modèle jacobin français de l’Etat nation centralisateur, basé sur le principe de l’uniformisation pour l’unification.

Cinquante ans après l’indépendance, l’amazigh se retrouve aujourd’hui parmi les langues en danger, et certains aspects de la culture et de l’identité amazighes souffrent d’une forme de discrimination. »

Un vivier Ă©lectoral

L’amazighité est devenu un sujet politique de premier plan. A l’intérieur des partis de la gauche radicale, cette question a créé des tensions entre le PSU et le PADS au point d’influencer leur mémorandum pour une monarchie parlementaire, présenté en mai dernier.

Le cas le plus significatif est la position du Parti islamiste justice et développement (PJD), qui est en faveur de la reconnaissance de l’amazigh comme une langue nationale et non officielle. Ce parti réclame que la langue amazighe soit écrite en alphabet arabe et non en tifinagh. Cette demande a même été formulée dans le document remis à Abdeltif Mennouni.

La thématique amazighe est aussi un vivier électoral. Le Mouvement populaire (MP), parti berbériste, en a fait son champ de prédilection depuis sa fondation en 1959 par Mahjoubi Aherdane, un apôtre de l’amazighité. Au Maroc, 28% de la population parle uniquement en amazigh, mais les spécialistes précisent que plus de la moitié des familles marocaines sont amazighophones même si elles maîtrisent aussi d’autres langues. Le PPS essaye d’emboîter le pas au MP.

Il y a quelques jours, ce parti a signé une déclaration commune sur les mécanismes à même de promouvoir la langue et la culture amazighes dans la vie publique. Le thème est aussi sensible dans d’autres pays du Maghreb tels que l’Algérie ou la Libye. Signe de l’importance de la question, un conseiller de l’ambassade d’Algérie n’a pas hésité à faire le déplacement pour assister à une rencontre sur la question amazighe, organisée à Rabat le 2 juin.

Le lobby amazigh va-t-il réussir à faire entendre sa différence dans la nouvelle Constitution ? Réponse dans quelques jours…

Mohamed El Hamraoui

***

Trois questions Ă ...

Ahmed Assid, membre fondateur de l'Observatoire amazigh des droits et libertés (OADL)

 

Quel est l’état des lieux de l’amazighitĂ© ?

L’amazigh est une langue qui a été introduite dans l’enseignement en 2003, dans les médias en 2006 et, à ce jour, elle reste au centre des débats publics.

Aujourd’hui, pour faire aboutir les chantiers de l’institutionnalisation de l’amazigh, il faut la reconnaître comme langue officielle ; et la dimension amazighe de l’identité nationale doit s'inscrire dans le préambule de la Constitution marocaine.

 

Quelles sont les revendications actuelles du mouvement culturel amazigh ?

Il y a d'abord la reconnaissance constitutionnelle de l’amazighité en lui donnant le statut de langue officielle. Jusqu’à présent, l’amazighité est interdite dans les milieux publics, surtout quand on écrit en tifinagh.

Les autorités interviennent toujours pour interdire toute intervention en amazigh au Parlement ou dans les tribunaux. On continue d’interdire les prénoms amazighs dans les bureaux d’état civil.

 

L’amazigh est une composante de l’identitĂ© nationale, une langue nationale ou une langue officielle ?

L’amazigh est une langue nationale, c'est le roi Mohammed VI lui-même qui l’a déclaré en 2001. Il faut juste constitutionnaliser le statut de langue officielle. Ce qui lui permettra de surmonter certains écueils ayant marqué son parcours et de lui garantir, au même titre que l'arabe, une protection juridique.

Propos recueillis par M.E.H.

***

Le discours d’Ajdir

 

Le discours prononcé par le roi Mohammed VI à Ajdir, le 17 octobre 2001, marque la reconnaissance de la composante amazighe dans le contexte culturel marocain, à travers ses dimensions de langue, de culture et d’histoire.

Ce discours marque aussi la cĂ©rĂ©monie d’apposition du sceau scellant le Dahir, crĂ©ant et organisant l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM). Ce discours a ouvert la voie Ă   l’introduction progressive de l’amazigh dans le système Ă©ducatif depuis 2003, le lancement de la chaĂ®ne amazighe en janvier 2010, et par lĂ , un meilleur rayonnement de la culture amazighe dans l’espace social, culturel et mĂ©diatique.


Justice : Les magistrats se rebiffent

Les propos sont cinglants, la position ferme. C’est le moins que l’on puisse dire concernant la réaction de l’Amicale hassanienne des magistrats sur une disposition de la nouvelle Constitution. Celle-ci porte sur la composition du nouveau Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.

Si le ministre de la Justice, en tant que membre de l’exécutif, n’y a plus sa place, le conseil ne sera plus l’apanage des seuls magistrats élus mais devra également intégrer, parmi ses membres, les présidents des deux Chambres parlementaires et les présidents de l’institution du Médiateur et du Conseil national des droits de l’homme ainsi que le président de la Cour constitutionnelle.

Une liste « à part » pour les femmes sera introduite au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire au même titre que cinq personnalités nommées par le roi. Dans un communiqué rendu public lundi 13 juin, l’Amicale parle d’un complot qui vise à porter atteinte à l’indépendance de la justice en y intégrant des personnes et des institutions qui ne font pas partie de la corporation.

Une intégration à laquelle s’opposent les magistrats, de la manière la plus ferme. Cette source au sein de l’amicale ajoute que le conseil devrait avoir pour seules prérogatives la nomination, la promotion et l’attribution d’une responsabilité au juge, ainsi que sa mutation, la prise de mesures disciplinaires à son encontre et sa mise à la retraite.

Partant, « le conseil ne va pas avoir d’intérêt public ou social mais uniquement professionnel, et portant sur le seul parcours professionnel des juges. Et ces missions doivent relever exclusivement des magistrats ».

La commission en charge de l’élaboration du texte de la Constitution ne l’aura pas entendu de cette oreille. Elle est en cela appuyée par des pans entiers du système judiciaire et par nombre d’analystes.

« Que le CNDH, les barreaux et des personnalités connues pour leur compétence et équité, puissent y siéger tout en étant minoritaires, ne peut être qu’une source d’enrichissement. Autrement, nous serons dans une logique de principauté où une catégorie se considère comme supérieure à toutes les autres », analyse l’universitaire Abderrahman Baniyahya, chef du département de droit public et de sciences politiques à l’Université Hassan II Casablanca (voir entretien p. 28).

Réunis à Agadir à l’occasion de leur 27e congrès, les membres de l’association des barreaux du Maroc sont eux, unanimes. « Toute réforme du secteur de la justice ne peut être conçue ou réalisée en dehors d’une réforme plus globale », sinon, « elle ne peut avoir que des retombées limitées et pourrait même déboucher sur davantage de complications », lit-on dans le communiqué final.

Tarik Qattab

***

Représentativité

Quelle place pour les syndicats

C’est l’UMT qui a été la première à monter au front. Ceci, pour dénoncer la reconfiguration proposée dans la nouvelle constitution de la deuxième Chambre, réservée désormais aux seules collectivités locales et régions.

La logique, voulant que seules les personnes élues directement par les citoyens siègent au Parlement, avec ses deux Chambres, est respectée. Les syndicats s’estiment, eux, exclus. Le secrétaire général de l’UMT affirme dans ce sens que « la représentation des syndicats au Parlement est la seule garantie pour faire entendre les voix des travailleurs et masses laborieuses ».

« Se contenter d’une représentation au sein du Conseil économique et social, ayant un rôle strictement consultatif, telle qu’elle est proposée aujourd’hui, équivaut à un retour en arrière sur le registre des droits des fonctionnaires et salariés, soit les forces productives de ce pays », dit-il.

T.Q.

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Interview Abderrahman Baniyahya

« Il faut faire taire les voix de la haine »

 

Pour le docteur d’Etat en Droit, la nouvelle Constitution doit placer le Maroc non pas sur le chemin, mais au cœur de la monarchie parlementaire. Entretien.

Liberté de croyance, reconnaissance de l’amazighité du Maroc, reconfiguration de la Chambre des conseillers, démocratisation de la Justice… autant de points qui prêtent à l’optimisme. Un sentiment que partage Abderrahmane Baniyahya, chef du département de droit public et de sciences politiques (Université Hassan II-Casablanca) qui appelle, en plus, à la criminalisation du racisme et à la reconnaissance de la dimension méditerranéenne du Maroc. « C’est l’illimitation de la souveraineté du peuple qu’il nous faut et non l’inverse », insiste-t-il.

 

actuel : Alors que le texte de la nouvelle Constitution n’a pas encore Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©, de nombreuses voix s’élèvent pour en critiquer certaines dispositions. Premier Ă  monter au crĂ©neau, le PJD dĂ©nonce d’ores et dĂ©jĂ  la libertĂ© de croyance qu’il pourrait consacrer. Qu’en pensez-vous et que doit-on comprendre par libertĂ© de croyance ?

Abderrahman Baniyahya : La libertĂ© de croyance est la possibilitĂ© pour tout un chacun de croire en quoi et en qui il veut et d’être libre de pratiquer sa croyance, sans que cela n’enfreigne la libertĂ© d’autrui.

A la lumière de la nouvelle Constitution, nous nous approcherons certes de cet idéal. Mais je ne pense pas que cette liberté sera absolue. La réaction du PJD est grave non seulement parce qu’elle dénote un refus catégorique de ce que suppose cette disposition, à savoir la liberté de conscience mais aussi parce que ce parti pousse pour que la législation marocaine, y compris la Constitution, soit inspirée de la charia.

C’est d’autant plus grave que personne n’est capable de dire ce qu’est la charia, ni d’affirmer ce qui peut y être conforme ou pas. Pis encore, une telle disposition suppose que la volonté du peuple est limitée par une autre source de loi que la Constitution.

Or, nous avons, aujourd’hui et plus que jamais, besoin que cette volonté soit absolue et que la souveraineté revienne au peuple, sans autre volonté supérieure. Si un Parlement majoritairement islamiste décide de voter des lois islamisantes, dans le cadre du respect de la Constitution, qu’à cela ne tienne.

Mais de là à dénaturer un texte aussi suprême que la Constitution, il y a une limite. Autre élément, une Constitution s’inspirant de la charia suppose qu’il faudra revenir sur toutes les lois modernistes qui existent dans ce pays. Nous allons donc, forcément, régresser puisque, pour avancer, c’est l’illimitation de la volonté du peuple qu’il nous faut et non l’inverse.

 

Qu’en est-il de l’élĂ©ment identitaire des Marocains, dont se revendique le PJD pour lĂ©gitimer sa position ?

Un Marocain n’a pas une identité, mais des identités multiples, qui gagneraient à être consacrées dans le texte de la Constitution. Nous avons des populations qui sont venues de partout, du Moyen-Orient à l’Afrique en passant par l’Europe, sans oublier celles qui sont là depuis toujours.

Insister sur une partie de ces éléments, c’est amputer ce pays de ce qui fait sa richesse. C’est pour cela qu’il faut intégrer la dimension méditerranéenne du Maroc dans la nouvelle Constitution.

Et je ne comprends pas le tollé suscité par la rumeur voulant que la dimension juive du Maroc ait été incluse dans la Constitution. Au lieu de continuer à écouter les voix de l’obscurantisme, il faudrait que le texte incrimine tout propos raciste ou discriminatoire.

Il faut faire taire les voix de la haine. Nous devons apprendre à respecter les autres tout en étant nous-mêmes. Et alors que le monde entier se dirige vers plus de tolérance, il faut faire face à ceux qui essayent de nous tirer vers le bas. Je ne vois pas comment est-ce qu’on pourrait obliger des individus ou des groupes à suivre les croyances de leurs parents.

Il faut qu’on en arrive à percevoir les Marocains, non pas comme une collectivité, mais comme des individus. Ce n’est malheureusement pas gagné. La démocratie, c’est d’abord des libertés individuelles, puis collectives.

 

Autre sujet Ă  polĂ©mique, l’officialisation de la langue amazighe dans la Constitution. Cette mesure induit-elle que cette langue sera celle de tous les Marocains ?

Il ne s’agit pas de la reconnaissance de la langue mais de toute une identité, avec sa composante culturelle, historique, linguistique… C’est l’être amazigh qui est reconnu. Le Marocain qui ne peut nullement s’identifier aux seuls Moyen-Orientaux, mais aussi aux Méditerranéens, aux Africains… Les aspects techniques, telles les modalités d’enseignement de la langue, suivront.

Et les gens apprendront ce qui leur est utile. Aujourd’hui, sans qu’il soit constitutionnalisé, c’est le français qui est le plus utile. Et je n’ai aucune garantie que, demain, ça ne soit pas l’anglais, l’espagnol ou le chinois. Une nation, c’est le vouloir vivre ensemble. Et cela suppose reconnaissance et acceptation.

La nouvelle Constitution annonce également la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. Mais les juges ne l’entendent pas de cette oreille et critiquent le fait que des non-magistrats vont siéger au futur Conseil supérieur de la magistrature…

L’indépendance de la justice suppose évidement un pouvoir judiciaire neutre avec un organe, le Conseil supérieur en l’occurrence, qui soit le garant de cette indépendance, notamment vis-à-vis de l’exécutif.

Mais il faut que tous les corps de la magistrature s’y retrouvent, qu’ils soient juges ou procureurs. Tout comme une bonne place doit être accordée aux femmes. Et que le CNDH, les barreaux et des personnalités connues pour leur compétence et leur équité, puissent y siéger tout en étant minoritaires, ne peut être qu’une source d’enrichissement.

Autrement, nous serions dans une logique de principauté où une catégorie se considère comme supérieure à toutes les autres. Et à ce moment-là, tout autre catégorie sociale ou professionnelle peut demander le même privilège.

Si les magistrats doivent être autonomes et indépendants, ils font aussi partie de la société. Et il n’y a rien de plus normal que cette dernière soit un tant soit peu représentée dans leur Conseil.

Qu’en est-il des syndicats qui dĂ©noncent aussi une tentative d’exclusion du Parlement, au vu de la nouvelle configuration de la deuxième Chambre, rĂ©servĂ©e dĂ©sormais aux collectivitĂ©s locales ?

Le Parlement doit comprendre deux catégories uniquement, les élus que le peuple choisit directement et les collectivités locales, issues elles aussi d’une élection directe sur un territoire donné. Il n’y a pas de place pour les catégories sociales ou socioprofessionnelles.

Je dirais même qu’il ne devrait pas y avoir de place pour l’argent. Le constat aujourd’hui est que l’argent est roi dans la mesure où seules les personnes ayant les moyens de s’offrir une campagne électorale, et les dépassements qui vont avec, y ont accès.

 

Nous acheminons-nous vers une monarchie parlementaire, constitutionnelle… ?

J’espère que nous ne nous dirigeons pas vers une monarchie parlementaire, mais que nous y sommes déjà. Sinon, j’ignore combien de temps il nous faudra encore attendre.

Propos recueillis par Tarik Qattab

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N°130 : Le rĂ©veil des salafistes  Demain la charia ?
N°129 : Dilapidation des deniers publics:  Benallou et l'ONDA... pour commencer
N°128 : DSK   Le marocain
N°127 : Conservation foncière : pièges, magouilles, corruption
N°126 : Les enfants perdus  de Casablanca
N°125 : PJD  Les rois du marketing
N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques…  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du père
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumière
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : Harcèlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂ´t sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangère/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piège  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
N°93 : Ces cliniques qui nous ruinent 
Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier…  
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
Actuel n°91 : Le grand nettoyage 
Actuel n°90 : Le retour des adlistes 
Actuel n°89 : Ruby : sexe, mensonges et vidĂ©o 
Actuel n°88 : ImpĂ´ts : Halte Ă  la fraude 
Actuel n°87 : Hassan II TV c’est fini 
Actuel n°86 : Marine Le Pen : L’islam, les Arabes et moi 
Actuel n°85 : Vive le Maroc libre 
Actuel n°84 : Rumeurs, intox : Ă  qui profite le crime ? 
Actuel n°83 : ET MAINTENANT ? Une marche pour la dĂ©mocratie
Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un système  
Actuel n°69-70 : Benguerir sur les traces de Settat 
Actuel n°68 : Art, sexe et religion : le spectre de la censure 
Actuel n°67 : Dans les entrailles de Derb Ghallef 
Actuel n°66 : Ces FQIHS pour VIP 
Actuel n°65 : RNI, le grand politic show 
Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
Actuel n°63 : Ex-ministres :  y a-t-il une vie après le pouvoir ?
Actuel n°62 : Le code de la route expliquĂ© par Ghellab
Actuel n°61 : La vie sexuelle des Saoudiennes… racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
N°58 : Onze ans, onze projets 
N°57 : Raid sur le kif 
N°56 : Sea, Sun & Ramadan 
N°55 : Casablanca, mais qui est responsable de cette pagaille ?
N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cĹ“ur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂ´mĂ©s chĂ´meurs : le gouvernement pris au piège
N°51 : 2M : Succès public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux… Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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