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PĂ©dophilieâ : Tolerance zero
actuel n° 98, vendredi 10 juin 2011
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Lâaffaire de lâex-ministre pĂ©dophile Ă Marrakech, qui dĂ©clenche un tsunami politique en France, laisse de marbre les politiciens marocains. Câest pourtant un dossier rĂ©vĂ©lateur du pouvoir des puissants qui utilisent la ville ocre pour assouvir leurs instincts en toute impunitĂ©âŠ
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Câest Nouzha Skalli, la ministre de la famille, qui a annoncĂ© la nouvelle, le 8 juin. Le gouvernement marocain a bien chargĂ© le procureur du roi de Marrakech dâouvrir une enquĂȘte approfondie sur les accusations de pĂ©dophilie portĂ©es sur la place publique par Luc Ferry. Et ce, dĂšs le lendemain de ses dĂ©clarations.
Nouzha Skalli nous a assurĂ© quâil nây aurait «âaucune complaisance dans cette enquĂȘte, aucune concession. Câest la tolĂ©rance zĂ©roâ!â». Quand on lui fait remarquer que les pĂ©dophiles sont pourtant souvent condamnĂ©s Ă des peines dĂ©risoires au Maroc, la ministre estime que «âles sanctions prĂ©vues par la loi sont sĂ©vĂšres.
Il y a certes des peines minimum et maximum, et il y aussi le principe de lâindĂ©pendance de la justiceâ». Avant de reconnaĂźtreâ: «âMais on pourrait sensibiliser davantage les procureurs...â» En attendant, du cĂŽtĂ© des partis politiques, câest plutĂŽt silence radio, lâaffaire ne semble pas Ă©mouvoir outre mesure les Ă©tats-majors des formations, plus soucieuses de leur positionnement lors des futures lĂ©gislatives.
Une voix officieuse dĂ©fend le silence des politiques. «âIl ne faut pas tomber dans le populisme. Dans ce genre dâaffaires, les journalistes vont plus vite que la musique. Ils commencent par distiller le doute et finissent par condamner avant mĂȘme que la justice nâait commencĂ© Ă faire son enquĂȘte.â»
Pourtant, en France, les accusations de Luc Ferry sont prises trĂšs au sĂ©rieux. Le parquet de Paris a ouvert une enquĂȘte prĂ©liminaire dĂšs le 3 juin, aprĂšs les accusations lancĂ©es par Luc Ferry. Ce dernier, lui mĂȘme ex-ministre de lâEducation du gouvernement Raffarin, a Ă©tĂ© auditionnĂ©, vendredi 3 juin, en qualitĂ© de tĂ©moin par la brigade de protection des mineurs de Paris.
DâaprĂšs les fuites rĂ©percutĂ©es par la presse française, Ferry aurait rĂ©pĂ©tĂ© exactement ce quâil avait dit Ă la tĂ©lĂ©vision, citant des «âĂ©lĂ©mentsâ» des ex-Renseignements gĂ©nĂ©raux (RG). Il a ainsi rĂ©affirmĂ© que les Renseignements gĂ©nĂ©raux avaient, Ă sa connaissance, rĂ©digĂ© une note oĂč ils relataient cette affaire.
La société civile prend acte
La polĂ©mique a Ă©clatĂ© le lundi 30 mai, sur le plateau du Grand Journal de Canal+ sous le regard stupĂ©fait dâAli Baddou, quand Luc Ferry a chargĂ© un ancien ministre lâaccusant, sans le nommer, de pĂ©dophilie.
Il a rĂ©vĂ©lĂ© quâ«âun ancien ministre sâĂ©tait fait poisser Ă Marrakech dans une partouze avec de petits garçonsâ», assurant tenir lâinformation des «âplus hautes autoritĂ©s de lâEtat, en particulier du Premier ministreâ».
«âSi je sors le nom maintenant, câest moi qui serai mis en examen et Ă coup sĂ»r condamnĂ©, mĂȘme si je sais que lâhistoire est vraieâ», sâest-il dĂ©fendu. En tout cas, la sociĂ©tĂ© civile, elle, cautionne Ă la lettre les allĂ©gations de Ferry et, moins dâune semaine aprĂšs ses dĂ©clarations, les associations de dĂ©fense des droits des enfants sont montĂ©es au crĂ©neau.
Ainsi, «âTouche pas Ă mon enfantâ» et «âTouche pas Ă mes enfantsâ» ont dĂ©posĂ©, vendredi, une plainte contre X au Maroc pour «âexploitation sexuelle des mineurs victimes de viols et dâatteintes sexuellesâ».Me Jean Chevais en a dĂ©posĂ© une seconde Ă Paris, mercredi, au nom de lâassociation marrakchie «âTouche pas Ă mon enfantâ» (voir page 26).
Alors que de nombreuses associations internationales se prĂ©parent Ă rentrer dans la danse. MĂȘme la Coalition contre les abus sexuels sur les enfants (Cocasse) va ĂȘtre de la partie. Selon Khalid Cherkaoui Semmouni, prĂ©sident du CMDH et coordinateur gĂ©nĂ©ral de la coalition, «ânous allons organiser une grande rencontre avec les 50 associations qui forment la coalition Ă Paris le 25 juin prochain. Lâaffaire Luc Ferry fait partie de lâagenda.â»
Sâagit-il, comme on veut bien le laisser entendre de ce cĂŽtĂ©-ci de la MĂ©diterranĂ©e, dâune affaire franco-française et des relents habituels des basses Ă©poques prĂ©Ă©lectorales avec leur lot de rumeurs et de soupçonsâ?
En France, la compĂ©tition politique charrie rĂ©guliĂšrement de la boue. Câest Ă qui compromettra le mieux le voisin et, depuis les aventures de DSK Ă New York, les dossiers sexuels ont le vent en poupeâŠ
Avec cette nouvelle affaire, les boules puantes vont valser, accompagnĂ©es de leurs effets dĂ©lĂ©tĂšres. MĂȘme si tout le monde reste jusquâĂ prĂ©sent prudent, le dĂ©bat sur les responsabilitĂ©s des uns et des autres ne peut Ă©vacuer les doutes.
Des doutes sur les pratiques bien rĂ©elles des puissants qui dĂ©barquent Ă Marrakech, ou qui y vivent dĂ©jĂ , avec lâassurance de pouvoir se livrer, dans lâimpunitĂ© la plus totale, Ă toutes les turpitudes sexuelles sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©es ailleurs. A commencer par la pĂ©dophilie.
Et ce dĂ©bat ne doit pas concerner que les VIP, «âvery important pĂ©dophilesâ», pour reprendre lâexpression de Najat Anwar, prĂ©sidente de «âTouche pas Ă mon enfantâ»...
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Pédophilie : La vérité est-elle ailleurs
Il nây a pas que des pervers Ă©trangers qui abusent des enfants marocains. Les abus sexuels sont aussi une spĂ©cialitĂ© locale Ă peine rĂ©primĂ©e.
Le Maroc a-t-il remplacĂ© lâAsie du Sud-Est comme destination favorite des pĂ©dophilesâ? Câest lâimpression laissĂ©e par les rĂ©vĂ©lations de lâhomme politique français Luc Ferry, qui sâajoutent aux arrestations de pĂ©dophiles Ă©trangers qui ont fait â trop souvent â la une de nos journaux.
Pourtant, quand on creuse un peu, on se rend compte que le problÚme est, à la fois, bien plus complexe et plus répandu que ce que les cas médiatisés ces derniÚres années laissent croire.
Le hic, une fois encore, câest quâon ne dispose ni de chiffres ni de statistiques regroupant lâensemble des plaintes aux commissariats et celles des enfants pris en charge par les associations Ă lâĂ©chelle nationale.
Mais pour Khalid Cherkaoui Smouni, prĂ©sident du CMDH et membre de la Coalition contre les abus sexuels sur les enfants (Cocasse), qui rassemble une quarantaine dâassociations nationales et internationales, «âle phĂ©nomĂšne ââet câest lâavis de toutes les associations de la Coalition â prend dĂ©finitivement de lâampleur, en raison notamment de lâafflux toujours plus important de touristes au Marocâ».
La place de lâinceste
Il y a donc malheureusement du vrai dans la blague sinistre qui faisait du Maroc «âla derniĂšre victime du tsunami de dĂ©cembre 2004â». Cependant, tempĂšre Najia Adib, prĂ©sidente de lâassociation «âTouche pas Ă mes enfantsâ», basĂ©e Ă Agadir, «âles cas comme celui rapportĂ© par Luc Ferry, qui impliquent des personnalitĂ©s importantes, dont les frasques sont Ă©touffĂ©es, restent isolĂ©s. Il ne faut pas gĂ©nĂ©raliser. La situation dans notre pays nâest pas comparable Ă celle dâautres destinations de tourisme sexuel, comme la ThaĂŻlandeâ».
Marrakech et Agadir â entre autres â ne mĂ©ritent-elles finalement pas leur rĂ©putation de «âSodome et Gomorrheâ» marocainesâ? Pas si simple. «âIl y a certes plus dâaffaires dâabus sexuels sur mineurs dans les villes touristiquesâ», explique Ă son tour Najat Anwar, prĂ©sidente de lâassociation Touche pas Ă mon enfant (TPAME), trĂšs active sur le terrain, «âmais câest parce quâaux actes de pĂ©dophilie perpĂ©trĂ©s par des Marocains, il faut ajouter ceux des Ă©trangersâ».
Car la triste vĂ©ritĂ©, câest que, dâaprĂšs lâexpĂ©rience de TPAME, «âles deux tiers des enfants abusĂ©s sexuellement au Maroc le sont par des âautochtonesââ». Ces derniers sont gĂ©nĂ©ralement des prochesâ: famille, amis de la famille, professeurs, personnes en position dâautoritĂ©, etc.
Encore plus choquant, selon Najat Anwar, les affaires qui sont mĂ©diatisĂ©es ne sont «âque la partie Ă©mergĂ©e de lâicebergâ». La crainte de la hchouma et le manque dâĂ©ducation sexuelle, entre autres, en sont la cause.
Dâautre part, souligne maĂźtre Moulay Mustapha Errachidi, responsable juridique de TPAME, «âles mĂ©dias, mais aussi les associations, ne sont pas prĂ©sents dans les zones rurales, oĂč les cas passent souvent inaperçus. Or, il faut ĂȘtre conscient que le phĂ©nomĂšne touche les campagnes reculĂ©es, oĂč des enfants sont violĂ©s par des pĂ©dophiles marocainsâ».
La progression du flĂ©au de la pĂ©dophilie au Maroc, pour les militants associatifs, dont Khalid Cherkaoui Smouni, est Ă©galement due à «âla popularitĂ© des cybercafĂ©s ââbeaucoup de pĂ©dophiles ârecrutentâ sur Internetââ et Ă lâextrĂȘme pauvretĂ© dĂ©sespĂ©rante de beaucoup de Marocains, notamment dans les rĂ©gions situĂ©es Ă la pĂ©riphĂ©rie de grandes villes, comme Marrakechâ».
Une pauvretĂ© qui explique que des enfants dĂ©scolarisĂ©s, dont les familles ne peuvent sâoccuper, finissent par accepter lâimpensable pour quelques centaines ââvoire quelques dizainesââ de dirhams, quand ce nâest pas leurs parents qui ferment les yeux en Ă©change dâune rĂ©tribution.
«â80% des victimes sont issues de familles pauvresâ», dĂ©clare maĂźtre Errachidiâ: il faudrait donc dâabord lutter contre la pauvretĂ© pour rĂ©duire le nombre de cas dâenfants abusĂ©s sexuellement. Une solution aussi difficile Ă mettre en place rapidement quâelle paraĂźt Ă©vidente.
Cependant, selon Najia Adib, la meilleure façon de lutter contre ce flĂ©au est de lutter contre le tabou. «âIl faut communiquer (surtout auprĂšs des enfants) pour que les abus sexuels ne soient plus tabous. Nous organisons des campagnes de sensibilisation, dans les Ă©coles, sur les plages, etc., auxquelles participent et collaborent les autoritĂ©s.â»
Et dâenfoncer le clouâ: «âIl faut aussi aborder lâĂ©ducation sexuelle, en classe comme au sein des familles, pour que les enfants soient prĂ©parĂ©s.â» Elle finit en ajoutant que les pĂ©dophiles se trouvent dans toutes les catĂ©gories socioprofessionnelles, et que si les plus pauvres sont les plus vulnĂ©rables, «âtous nos enfants sont concernĂ©s, aucun nâest Ă lâabriâ»â!
MaĂźtre Moulay Mustapha Errachidi prĂ©conise Ă©galement des mesures prĂ©ventives, mais dâun autre style. «âIl faudrait dĂ©jĂ que les pĂ©dophiles, qui sont fichĂ©s dans leur pays pour des faits similaires, ne soient pas acceptĂ©s au Marocâ!â», sâexclame-t-il avant de rĂ©clamer une refonte du code pĂ©nal (voir encadrĂ©), qui, bien quâil prĂ©voie de lourdes peines Ă lâencontre des agresseurs sexuels, reste dĂ©passĂ© et alambiquĂ©.
Justice, encore du chemin Ă faire
Cependant, le conseiller juridique de TPAME reconnaĂźt que «âles autoritĂ©s se sont amĂ©liorĂ©es, ces derniĂšres annĂ©es, dans la lutte contre la pĂ©dophilie, mĂȘme Ă©trangĂšreâ». La peine exemplaire dont a Ă©copĂ© un Espagnol rĂ©sidant Ă KĂ©nitra, il y a un peu plus dâun mois, en est le symboleâ: il a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă 30 ans de prison, le maximum prĂ©vu par la loi.
Lâassociation sâĂ©tait portĂ©e partie civile, soutenant les familles des victimes, des enfants de 3 Ă 15 ans quâil avait abusĂ©s sexuellement et filmĂ©s. «âCâest une premiĂšre, sâexclame Najia Adib, une victoireâ!â» Et câest vrai quâau vu de la clĂ©mence quasi gĂ©nĂ©ralisĂ©e des juges envers les agresseurs, qui Ă©copent rarement de plus de 4 ans de prison, quand ils ne sortent pas libres, ce jugement semble sonner la fin dâune Ăšre.
Mais il nâest pas encore temps de baisser les bras, tempĂšre maĂźtre Errachidi, qui se dĂ©clare «âtrĂšs proche de la dynamique crĂ©Ă©e par les jeunes du 20-FĂ©vrierâ: une de leurs revendications initiales portait sur une rĂ©forme radicale de la justice. Or, notre justice est malade, elle est loin dâĂȘtre la mĂȘme pour tousâ».
Ainsi, tous les cas sont loin dâĂȘtre traitĂ©s de la mĂȘme maniĂšre, et cela dĂ©pend notamment de la couverture mĂ©diatique des faits. «âCâest vrai que quand le pĂ©dophile est Ă©tranger, on en parle plus dans les mĂ©dias, et cela peut influer sur la peine. Ainsi, lâEspagnol avait fait lâobjet dâune Ă©mission sur 2M, quelques jours avant son jugementâ: je pense que cela a pu influencer les juges.â»
Dâailleurs, si le pĂ©dophile de KĂ©nitra est derriĂšre les barreaux, ce nâest pas le cas de lâauteur de la fatwa scandaleuse, qui, en 2008, autorisait le mariage (et les relations sexuelles) avec une fillette de 9 ans.
Mourad Bekkouri, avocat au barreau de Rabat, avait portĂ© plainte contre le cheikh Al Maghraoui pour atteinte au code de la famille, aux droits des enfants et incitation au viol. Celui-ci sâĂ©tait alors envolĂ© vers de plus verts pĂąturages.
«âMalgrĂ© lâenquĂȘte ordonnĂ©e par le parquet de Rabat suite Ă ma plainte, et alors quâil est de retour depuis plusieurs semaines, il ne semble pas avoir Ă©tĂ©, ou ĂȘtre, inquiĂ©tĂ©â», se dĂ©sole maĂźtre Bekkouri. La tolĂ©rance zĂ©ro ne semble pas ĂȘtre encore pour demain.
Amanda Chapon
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« Touche pas à mon enfant » porte plainte en France
Mercredi 8 juin, lâavocat français de «âTouche pas Ă mon enfantâ», Jean Chevais, a dĂ©posĂ© plainte contre X Ă Paris pour exploitation sexuelle de mineurs et non-dĂ©nonciation de crime. Il Ă©tait accompagnĂ© de Najat Anwar, la prĂ©sidente de lâassociation, et de deux autres organisations françaisesâ: Les amis de lâAssociation marocaine des droits humains et MĂ©moire viveâÂÂââAgir pour la citoyennetĂ© au Maroc.
Avec cette action en justice, lâavocat compte accĂ©der Ă toutes les piĂšces de lâenquĂȘte prĂ©liminaire engagĂ©e par le Parquet et faire pression sur Luc Ferry pour quâil donne plus de dĂ©tails.
Il songe aussi Ă porter plainte contre lâancien ministre pour faux tĂ©moignage si ce dernier persĂ©vĂšre Ă ne pas dire tout ce quâil sait. Jean Chevais espĂšre Ă©galement que lâaction en justice amĂšnera dâautres tĂ©moins Ă sâexprimer, mĂȘme sous couvert dâanonymat comme la loi française le permet.
C.B.
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Un code pénal inadapté ?
Câest un fait, les pĂ©dophiles ou les violeurs sont souvent condamnĂ©s Ă des peines dĂ©risoires par rapport Ă leur crime, quant ils ne sont pas acquittĂ©s purement et simplement. MaĂźtre Errachidi blĂąme «âle manque de clartĂ© du code pĂ©nalâ» qui nâa pas subi de refonte vĂ©ritable depuis sa publication, en 1962, et «âquâil faudrait simplifierâ».
Et câest vrai que lâesprit de notre code date un peu (trop). Ainsi, les articles qui traitent du viol sont classĂ©s dans un chapitre intitulĂ© «âDes crimes et dĂ©lits contre lâordre des familles et la moralitĂ© publiqueâ» et non dans «âles atteintes Ă la personneâ»â: câest pourtant bien un individu qui est violĂ©, pas sa famille ou la sociĂ©tĂ©â!
De mĂȘme, sâinsurge maĂźtre Errachidi, «ânulle part nâapparaĂźt le terme ââpĂ©dophilieââ, et le viol ne concerne que le rapport sexuel â forcĂ© â entre un homme et une femmeâ», lâĂ©quivalent entre un homme et un petit garçon Ă©tant qualifiĂ© «âdâattentat Ă la pudeurâ».
Toutefois, ces anachronismes nâempĂȘchent pas le code pĂ©nal de prĂ©voir dâĂ©gales et lourdes peines en cas de viol ou dâattentat Ă la pudeur sur la personne dâun mineurâ: de 10 Ă 20 ans.
Et des circonstances aggravantes comme le viol par un ascendant (famille, proches, personnes dâautoritĂ©, etc.) ou le viol collectif, sont prĂ©vues et peuvent porter les peines jusquâĂ 30 ans de prison. Enfin, en 2003, la loi n°24-03 introduit plusieurs modifications. Sont dĂ©sormais considĂ©rĂ©es comme mineures, les personnes de moins de 18 ans â et non plus de quinze ans â et un article pĂ©nalise lâexploitation sexuelle des enfants Ă des fins pornographiques.
Lâarsenal est donc disponibleâ: toutes ces dispositions ont permis de condamner le pĂ©dophile espagnol qui sĂ©vissait Ă KĂ©nitra Ă 30 ans de prison. En espĂ©rant que cette peine exemplaire ne restera pas un cas unique.
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Ces pédophiles intouchables
A Marrakech, lâindustrie de la pĂ©dophilie ou le viol programmĂ© dâenfants des deux sexes par les puissants ont encore de beaux jours devant eux. De temps Ă autre, ceux qui fournissent la chair fraĂźche Ă la caste dirigeante internationale sont condamnĂ©s Ă des peines dĂ©risoires quand la pression mĂ©diatique est trop forte.
Quel est le nom de cet ancien ministre français que tout le monde croit connaĂźtre, sans jamais en avoir eu la moindre preuveâ? Le «âpavĂ© dans la mareâ» lancĂ© par Luc Ferry fait rire jaune lâestablishment marrakchi.
Des histoires de pĂ©dophiles avĂ©rĂ©s qui Ă©margent au plus haut niveau dans la politique ou le monde des affaires, ils en connaissent abondamment sauf que, dans la plupart des cas, ils nâont vent de lâaffaire quâune fois le personnage tranquillement rentrĂ© chez lui.
«âTomber sur une histoire de sexe et plus prĂ©cisĂ©ment de pĂ©dophilie chez la haute, câest ce qui peut arriver de pire Ă un policier. Au mieux, on avise la hiĂ©rarchie et on se fait sermonner pour relĂącher les personnes avant leur mise en examen et, au pire, on se retrouve affectĂ© dans un patelin perdu par mutation disciplinaireâ», explique un ancien flic de la ville ocre qui en a fait les frais.
Il rappelle Ă cet effet lâhistoire de ces deux pauvres gendarmes qui avaient pris ââen flagrant dĂ©litââ un ambassadeur dâun pays dâAmĂ©rique latine en train dâassouvir ses penchants pĂ©dophiles, dans la banlieue de Marrakech.
ScandalisĂ©s par la scĂšne, les gendarmes, refusant de tenir compte de lâimmunitĂ© diplomatique du personnage, sâapprĂȘtaient Ă lui passer les menottes quand un appel de la hiĂ©rarchie leur a intimĂ© lâordre de le laisser partir. Lâhomme a obtenu sa libĂ©ration par un simple coup de fil, et lâaffaire a Ă©tĂ© dĂ©finitivement enterrĂ©e.
Des affaires classées sans suite
Les rares affaires oĂč les intĂ©ressĂ©s ont eu droit Ă un procĂšs sont celles oĂč la pression de lâopinion publique et des mĂ©dias a rendu caduques les interventions. Ce fut notamment le cas dans le dossier de ce riche industriel français qui poussait le sadisme jusquâĂ filmer les enfants durant leurs Ă©bats avec des chiens.
Baradat Jean Bernard Ernest a Ă©tĂ© poursuivi Ă la suite dâun rapport dĂ©taillĂ©, rĂ©digĂ© par des instituteurs dâAit Faska (banlieue de Marrakech), et adressĂ© aux services de la Gendarmerie royale. La condamnation, le 18 mars 2010, de ce ressortissant français de 56 ans Ă cinq ans de prison ferme par le tribunal de Marrakech pour pĂ©dophilie et viol de mineurs, a nĂ©anmoins nĂ©gligĂ© sa compagne.
Câest pourtant elle qui filmait ses forfaits contre de jeunes enfants auxquels il associait des chiens. Des interventions françaises haut placĂ©es auraient quand mĂȘme permis Ă la dame de ne pas ĂȘtre citĂ©e au cours du procĂšs, alors quâelle figurait dans les procĂšs-verbaux de la gendarmerie.
Autre affaire, hautement mĂ©diatisĂ©e, celle de Jack-Henri SoumĂšre, ex-directeur du thĂ©Ăątre Mogador de Paris, chevalier de lâOrdre national de la lĂ©gion dâhonneur. Ce dernier est arrĂȘtĂ© par la police, le 24 avril 2006, en compagnie dâun jeune garçon, Sabri H., 16 ans, et de son entremetteur, Mustapha Dahali, dans sa villa Ă GuĂ©liz.
Les policiers confisquent notamment des vidĂ©os de films X et du «âmatĂ©riel pornographiqueâ». SoumĂšre est placĂ© 22 jours en dĂ©tention prĂ©ventive et se voit confisquer son passeport avant que de grosses pointures du show-biz et du monde politique avec, Ă leur tĂȘte, Jacqueline Assouline, Dave, Nicoletta et Marc-Olivier Dupin, ne donnent de la voix depuis lâHexagone.
Une large mĂ©diatisation de ce scandale contraint la justice marocaine Ă le condamner en premiĂšre instance, le 27 juin 2006, Ă 4 mois de prison avec sursis, assortis de 5â000 dirhams dâamende, pour «âhomosexualitĂ© et dĂ©tention de cannabisâ».
MalgrĂ© toutes les preuves, il est disculpĂ© de lâaccusation de pĂ©dophilie, alors que Dahali, le rabatteur, Ă©cope de 4 mois de prison ferme et de 5â000âdirhams dâamende. SoumĂšre fera appel et on nâentendra plus parler de cette affaire.
Quelques annĂ©es auparavant, en 2001, Laurence Beneux et Serge Garde, deux journalistes travaillant respectivement pour Le Figaro et LâHumanitĂ©, ont rĂ©vĂ©lĂ© dans Le livre de la Honte, les rĂ©seaux pĂ©dophiles, une somme de faits qui mettent en cause des personnalitĂ©s europĂ©ennes impliquĂ©es dans des rĂ©seaux pĂ©dophiles, qui sâĂ©tendent de Marrakech Ă Manille en passant par la ThaĂŻlande.
Les journalistes qui ont fouillĂ© dans les coulisses du procĂšs de Draguignan sont arrivĂ©s Ă une conclusion surprenante. «âCette affaire a rĂ©vĂ©lĂ© un rĂ©seau pĂ©do-sexuel, associant des Français et des Belges. Les personnes impliquĂ©es dans cette organisation voyageaient beaucoup pour assouvir leurs penchants, en ThaĂŻlande mais aussi en Roumanie, aux Philippines, et au Maroc.
Ils sâĂ©changeaient des informations sur les lĂ©gislations en vigueur dans ces diffĂ©rents pays, des «âtuyauxâ» sur les lieux oĂč lâon peut se procurer des «âenfants fraisâ» (dixit lâun des criminels arrĂȘtĂ©s) et se prĂȘtaient leurs petites victimes.â»
Les pĂ©dophiles du cru nâont rien Ă envier aux Ă©trangers
Exit nos bourgeois pĂ©dophiles irrĂ©prochablesâ? Loin de lĂ . Sur ce registre, les pĂ©dophiles du cru nâont rien Ă envier Ă leurs collĂšgues de lâĂ©tranger. Câest souvent grĂące aux protections des premiers que les seconds sâenhardissent Ă traverser la MĂ©diterranĂ©e, lâespace dâun week-end pĂ©dophile. A Marrakech, tout le monde vous racontera une anecdote sur cet Ă©lu portĂ© sur la chose, qui invitait des hommes politiques de lâHexagone Ă des orgies «âspĂ©cial pĂ©dophilieâ».
Un fléau peu combattu au Maroc
CĂŽtĂ© politique, la pĂ©dophilie, qui est une cause bien sous tous rapports, nâĂ©meut pas grand-monde, mĂȘme si Ă©pisodiquement, on en fait une petite table ronde. Qui pourrait sâopposer Ă la lutte contre la pĂ©dophilieâ? Vieille affaire au demeurant.
Lâennui, câest que dans la pratique, le tribunal moral qui caractĂ©rise les discussions bourgeoises sur le sujet se heurte Ă une omerta. Car ces pratiques mettent parfois en scĂšne ceux-lĂ mĂȘmes qui poussent des cris dâorfraie Ă lâĂ©vocation de la pĂ©do-criminalitĂ©.
Sur cette question, dans les couloirs du Parlement, rĂšgne un silence glacial. Seuls les dĂ©putĂ©s du PJD osent de temps Ă autre un coup de sang contre «âces satyres occidentaux qui abusent de nos enfantsâ».
Comme si la pĂ©dophilie Ă©tait juste une affaire de touristes Ă©trangers puissants et riches. «âTout en mesurant que les accusations, en la matiĂšre, sont dĂ©licates Ă porter, il est toutefois observĂ© que le phĂ©nomĂšne touche aussi les puissants de ce pays.
HĂ©las, lâomerta et la couverture dont ils jouissent nous empĂȘchent dâentreprendre quoi que ce soit, Ă moins quâils ne soient pris en flagrant dĂ©lit. Souvent leur notoriĂ©tĂ© leur permet dâĂ©touffer les scandales en un Ă©clairâ», sâindigne Khalid Cherkaoui Smouni, coordinateur de la Coalition contre les abus sexuels sur les enfants.
En attendant, on va peut-ĂȘtre arriver, grĂące au scandale Ferry, Ă mobiliser le Parlement et le gouvernement. Et ainsi pouvoir contrecarrer les agissements criminels dâune partie de la population qui considĂšre que la pĂ©dophilie nâest, aprĂšs tout, quâun «âtroussage de gosseâ» sans consĂ©quenceâ!
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