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    | Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste Actuel n°94, vendredi 13 mai 2011
 
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    | L’homme qui a assassiné 17 personnes ne regrette pas son geste. Révélations sur un homme ordinaire qui s’est métamorphosé en jihadiste peu ordinaire. 
 *** A croire qu’il fait le mariole. Adil El Atmani sourit et semble prendre plaisir Ă  la reconstitution de l’attentat de Jamaâ El Fna ce mercredi 11 mai. On aura rarement vu un suspect aussi coopĂ©ratif. Avec son sweatshirt, ses lunettes, sa perruque et sa guitare, il semble savourer son heure de gloire en revivant les moments terribles du 28 avril. Les 17 morts du cafĂ© Argana ne l’ont pas troublĂ©, pas plus qu’ils ne paraĂ®t incommodĂ© par les cris de la foule marrakchie qui rĂ©clame sa mise Ă  mort. Il a Ă©pargnĂ© des barbus ! Ce type ordinaire qui a avouĂ© son crime sans tergiverser n’a pas l’air d’un jihadiste forcené : « Ne me demandez pas pourquoi j’ai fait ça, mais plutĂ´t comment je l’ai fait », explique-t-il tranquillement. Il raconte son crime dans le dĂ©tail et prĂ©cise avoir d’abord songĂ© Ă  semer la terreur au cafĂ© de France, avant de se rendre compte que les « chrĂ©tiens » frĂ©quentaient plutĂ´t l’Argana. Autre dĂ©tail glaçant dont nous avons eu connaissance : il a attendu 40 minutes qu’une famille de barbus quitte l’Argana avant de faire exploser la bombe. Rien dans sa vie publique ne pouvait laisser prĂ©sager la dĂ©rive d’un prospère vendeur de chaussures de Safi en tueur de « chrĂ©tiens ». Et ses aveux font froid dans le dos car ils prouvent qu’un homme dĂ©terminĂ© peut se mĂ©tamorphoser en terroriste autodidacte. En six mois, il a pu se documenter sur Internet pour fabriquer une bombe artisanale Ă  base de nitrate d’ammonium enrichi au TATP et assorti de 15 kilos de clous. Il a d’abord testĂ© son système Ă  cĂ´tĂ© du marabout de Sidi Daniel près de Safi, le long de la cĂ´te. Le jour J, son engin meurtrier Ă©tait placĂ© dans deux cocottes-minute pour multiplier l’effet dĂ©vastateur de l’explosion. Et pendant la reconstitution, il indiquera comment il a fait exploser la bombe en actionnant son tĂ©lĂ©phone portable Ă  deux pas du consulat de France… « C’est un bricoleur de gĂ©nie », nous rĂ©vèle une source. Tandis que les enquĂŞteurs estiment que son niveau intellectuel est « faible ». L’un n’exclut pas l’autre. Concevoir un système de bombe tĂ©lĂ©commandĂ©e par tĂ©lĂ©phone nĂ©cessite une vraie dextĂ©ritĂ©. Mais, selon nos informations,  Adil le Safiot a aussi commis une bourde de terroriste dĂ©butant en activant son tĂ©lĂ©phone meurtrier Ă  Safi, après son achat. C’est ainsi que les policiers remonteront sa piste. Car la police scientifique marocaine a rĂ©ussi Ă  reconstituer le tĂ©lĂ©phone dĂ©chiquetĂ© puis Ă  gĂ©olocaliser sa provenance. Avec le portrait-robot rĂ©alisĂ© Ă  l’aide des touristes hollandais intriguĂ©s par ce hippie qui a laissĂ© traĂ®ner son sac Ă  dos, ils parviendront Ă  identifier le terroriste… avant de le cueillir calmement vendredi dernier. Il voulait rejoindre la Libye Si la DGST l’a si vite retrouvĂ©, c’est parce que l’homme n’était pas inconnu des services. Il aurait tentĂ© Ă  trois reprises de rejoindre le jihad, d’abord Al-QaĂŻda en Irak en passant par la Libye, puis les combattants tchĂ©tchènes en transitant par la Turquie, et enfin l’Aqmi en Mauritanie. A chaque fois, il a fait chou blanc. Et Ă  chaque fois, selon les enquĂŞteurs, il n’était pas seul. Deux autres Safiots l’auraient accompagné : Abdessamad Bitar, 28 ans, et Hakim Eddah, 40 ans, tous deux arrĂŞtĂ©s le mĂŞme jour. Adil El Atmani aurait agi seul Ă  Marrakech. Mais il aurait utilisĂ© la maison de Hakim Eddah pour prĂ©parer les explosifs. Le mĂŞme Eddah lui aurait conseillĂ© de se faire oublier Ă  Safi après l’attentat alors que Adil, qui avait liquidĂ© son magasin la veille de l’Argana, voulait fuir avec son magot pour rejoindre les rebelles libyens... A Safi (lire ci-dessous), on ne veut pas croire Ă  la culpabilitĂ© du trio. La famille et les connaissances de Adil, Abdessamad et Hakim sont sous le choc. Ces jihadistes sans barbe cachaient bien leur jeu… C’est ce qu’on appelle la taqia, l’art de la dissimulation hypocrite (mais licite) pour parvenir Ă  ses fins. La ville sous le choc succombe aux thĂ©ories du complot. Certains voient mĂŞme une suite aux derbies violents qui opposent le Kawkab de Marrakech Ă  l’Olympique de Safi ! Les habitants ont surtout peur aujourd’hui que leur citĂ© soit cataloguĂ©e comme un nouveau Sidi Moumen : des voix s’élèvent dans le milieu associatif et envisagent d’organiser une marche contre le terrorisme. Ce serait bien la meilleure rĂ©ponse d’une citĂ© dont le plus illustre enfant, Nour-Eddine Lakhmari, aime rappeler qu’elle fut une terre de tolĂ©rance oĂą vivaient harmonieusement juifs, musulmans et chrĂ©tiens… Eric Le Braz, avec Zakaria Choukrallah envoyĂ© spĂ©cial Ă  Safi  |  
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        | Adil El Atmani Nerveux, rĂ©servĂ© et disciplinĂ© Le magasin de Adil El Atmani, principal accusĂ© et cĂ©lèbre vendeur de chaussures du quartier Bououda, est fermĂ© Ă  double tour. Le modeste cafĂ© de quartier de son frère, Abdelali El Atmani jouxte son magasin et ouvre comme Ă  l’accoutumĂ©e. Abdelali est au comptoir, la mine dĂ©faite, la dĂ©tresse au fond des yeux. « J’ai vu Abdelali hier Ă  3 heures du matin, adossĂ© Ă  un poteau, seul dans la rue », raconte un ami de la famille. Il hĂ©site Ă  parler Ă  la presse qui « n’arrĂŞte pas de publier des calomnies », mais finit par nous raconter l’histoire de son frère, pour qu’on le laisse tranquille. « Mon frère a 25 ans. A cet âge, on fabrique des bombes Ă  votre avis ? Un ami qui a fait les sciences physiques m’a dit que mon frère devait ĂŞtre un gĂ©nie pour fabriquer une bombe qui explose Ă  distance. Je voudrais poser la question Ă  mon frère. Il est sincère, s’il l’a fait, il me le dira. Si c’est lui, je le renie et il doit ĂŞtre puni. Mais s’il est innocent, je vais me battre pour le sortir de lĂ . » Dans son quartier, ses amis sont convaincus qu’il n’a pas pu « le faire ». Adil a laissĂ© l’image d’un gars sans histoires, qui arrive en motocyclette le matin, ouvre son magasin, y passe la journĂ©e, puis rentre tranquillement le soir. « Il n’a jamais portĂ© la barbe. Il n’a aucun penchant politique. Rien ! », explique Abdelali. Hassan le connaĂ®t bien car il venait rĂ©gulièrement acheter « les meilleurs chaussures de la ville » chez lui. « Il avait de belles pièces, surtout les baskets signĂ©es qu’on achetait 600 dirhams au lieu de 1 500 dirhams. Il avait le goĂ»t des belles choses et s’habillait lui-mĂŞme très bien. Il ne mettait jamais des habits de salafiste. En plus, il n’a jamais fait une remarque dĂ©placĂ©e Ă  une fille par exemple par rapport Ă  la religion. » Les signes de religiositĂ© se limitaient pour Adil Ă  ses cinq prières par jour dans la mosquĂ©e du quartier, Ă  l’image de tous les autres commerçants. Dans son entourage, on raconte qu’il  vivait un peu en marge : assez secret, disciplinĂ©, il avait ses propres frĂ©quentations et ne parlait pas beaucoup dans son derb natal. Le coiffeur du quartier se rappelle que Adil Ă©tait « du genre nerveux ». « On le voyait faire ses affaires. Il n’aimait pas marchander avec ses clients. Il leur disait : prends Ă  ce prix ou va-t’en. Il Ă©tait un peu rigide, pas comme les gens ici. »  Le magasin de Adil fonctionnait Ă  plein rĂ©gime, et l’homme gagnait bien sa vie. Il avait son propre appartement oĂą il Ă©tait installĂ© avec sa seconde femme. Dans sa jeunesse, Adil a dĂ» batailler avant d’ouvrir son commerce. Il a arrĂŞtĂ© ses Ă©tudes au collège, a travaillĂ© un certain temps en tant que ramasseur d’algues puis s’est lancĂ© dans le business de la chaussure, aidĂ© par son père installĂ© en France, qui va lui cĂ©der le magasin familial. Avant de rĂ©ussir Ă  gagner sa vie, Adil rĂŞvait d’immigration clandestine en Europe. 
La version officielle parle, elle, de tentatives pour rejoindre l’Irak et la Tchétchénie en vue du jihad. « C’est vrai qu’il disparaissait pendant des mois, mais pour moi c’était un herrag. Il ne voulait pas partir au jihad, mais vivre en Europe. C’est pour cela qu’il s’est rendu en Libye », estime son frère. La vie de Adil comprenait de nombreuses zones d’ombre mais rien ne laissait prédire une telle destinée. Seule l’enquête pourra apporter des réponses.  Z.C. |  
 
      
        | Un jihadiste spontané 
Ben Laden est mort, mais avant de s’écrouler sous les balles des Navy Seals, il avait dĂ©jĂ  suscitĂ© de nouveaux hĂ©ritiers… Si les premiers Ă©lĂ©ments de l’enquĂŞte sont confirmĂ©s, Adil El Atmani apparaĂ®trait comme un nouveau type de terroriste. Ni kamikaze ni formĂ© dans des camps de la terreur, il a recouru Ă  un mode opĂ©ratoire qui a surpris les enquĂŞteurs. Nous sommes face Ă  une nouvelle gĂ©nĂ©ration de jihadistes : les terroristes spontanĂ©s online. Questions. Y a-t-il d’autres « Adil Â» au Maroc ? « Les terroristes, ce n’est pas ce qui manque », nous dit un connaisseur des filières jihadistes. On peut estimer que, ces dernières annĂ©es, plusieurs centaines de Marocains ont tentĂ© de rejoindre la mouvance d’Al-QaĂŻda  en passant par les mĂŞmes circuits que les Safiots. Le processus est souvent identique. Les candidats Ă  la guerre sainte vont sur des sites jihadistes oĂą ils entrent en contact avec des passeurs qui leur promettent une exfiltration vers l’Irak, le Pakistan ou d’autres contrĂ©es fertiles en terror academy. Ils atterrissent alors dans un pays tiers comme la Libye et le passeur vient les chercher Ă  l’aĂ©roport après les avoir dĂ©lestĂ©s de quelques centaines d’euros. Puis il les parque dans un abri jusqu’à rĂ©unir suffisamment de clients pour que la police locale vienne les arrĂŞter et les expulser vers leur pays d’origine. Et c’est ainsi qu’on a pu repĂ©rer les candidats au jihad dans le Royaume. Dont certains pourraient ĂŞtre tentĂ©s de suivre l’exemple de Adil El Atmani en expĂ©rimentant localement ce qu’ils n’ont pu rĂ©ussir Ă  l’étranger. Par chance, ils ne sont pas forcĂ©ment bricoleurs... Quelles leçons tirer de cet attentat ? Si on a retrouvĂ© aussi rapidement le terroriste, c’est en grande partie grâce au portrait robot que les touristes hollandais ont fourni car ils Ă©taient sensibilisĂ©s comme tous les Occidentaux Ă  repĂ©rer des individus qui laissent traĂ®ner des sacs… Une campagne du type « Attentifs, Ensemble » qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en France, après les attentats de 1995, ne serait pas inutile chez nous pour intĂ©grer ces simples rĂ©flexes antiterroristes. Et c’est un vĂ©ritable plan Vigipirate qui pourrait ĂŞtre dĂ©clenchĂ© dans le Royaume. Il faut des camĂ©ras de vidĂ©osurveillance (en Ă©tat de fonctionnement) dans les sites les plus frĂ©quentĂ©s, des contrĂ´les efficaces et des fouilles rĂ©elles Ă  l’entrĂ©e des magasins et hĂ´tels… On doit aussi retenir que Adil a pu tranquillement prendre un bus pour rejoindre Safi sans ĂŞtre le moins du monde contrĂ´lĂ©. Toutes les forces de sĂ©curitĂ© Ă©taient mobilisĂ©es sur Jamaâ El Fna, omettant de vĂ©rifier les identitĂ©s des personnes qui quittaient la ville juste après l’attentat… Il Ă©tait fichĂ© comme jihadiste potentiel et aurait pu ĂŞtre apprĂ©hendĂ© plus tĂ´t. Adil prĂ©figure-t-il le nouveau visage d’Al-QaĂŻda ? MĂŞme si Aqmi a dĂ©menti ĂŞtre Ă  l’origine de l’attentat du cafĂ© Argana, TaĂŻb Cherkaoui a bien soulignĂ© que le terroriste Ă©tait fortement imprĂ©gnĂ© de l’idĂ©ologie jihadiste et qu’« il avait ouvertement exprimĂ© son allĂ©geance Ă  Al-QaĂŻda ». Trois jours avant la mort de Ben Laden, ce terroriste spontanĂ© prouvait qu’Al-QaĂŻda pourrait longtemps survivre Ă  son fondateur. On a souvent comparĂ© la nĂ©buleuse terroriste Ă  un système de franchise. Aujourd’hui, nous sommes face Ă  de petits entrepreneurs indĂ©pendants et Ă  des autodidactes du terrorisme. « A l’image de l’ingĂ©nieur kamikaze de Meknès qui s’était fait exploser en tentant de pĂ©nĂ©trer dans un bus de touristes en 2007, Adil El Atmani s’est radicalisĂ© tout seul », estime un observateur averti. C’est sur Internet qu’il a appris Ă  confectionner une bombe. C’est aussi sur le web qu’il semble s’être « converti » Ă  la guerre sainte. Il y a pire sur Jihad Online : selon nos informations, Adil a avouĂ© avoir profitĂ© des forums pour prĂ©parer son crime en demandant par exemple s’il pouvait voyager en train sans risquer de faire exploser la bombe. Mais les appels au meurtre qui prĂ©valent sur les sites jihadistes ne semblent gĂŞner personne, Ă  commencer par ceux qui les hĂ©bergent… Eric Le Braz *** 
Abdessamad Bitar « Les attentats, c’est hchouma Â» Abdelilah et Youssef nous rapportent la rĂ©action de leur frère, Abdessamad Bitar, deuxième suspect dans l’affaire Argana, quand il a vu les images de l’attentat Ă  la tĂ©lĂ©vision : « Il Ă©tait avec sa femme, et il lui a dit que c’était hchouma tout cela. » De plus, leur frère n’a pas quittĂ© Safi le jour de l’attentat, qui coĂŻncidait avec la naissance de son premier fils. « Il Ă©tait heureux et impatient de faire le sbouâ (baptĂŞme). Pourquoi aurait-il mis en pĂ©ril toute sa vie ? Pour tout vous dire, on n’a mĂŞme pas encore trouvĂ© un nom pour l’enfant tellement la famille est bouleversĂ©e », nous explique Youssef. Du coup, la famille est convaincue que Abdessamad n’a rien Ă  voir avec le drame. Abdelilah a, lui, saisi un avocat et les associations, afin de recoller les morceaux et d’y voir plus clair. « La police est venu l’apprĂ©hender directement devant son magasin, personne n’est venu nous expliquer ; cela fait bientĂ´t une semaine », nous explique-t-on. Au marchĂ© Biyada, oĂą Abdessamad avait Ă©galement un magasin de chaussures, on se rappelle comment le jeune homme a suivi calmement la police quand elle est venue le chercher. Un agent des renseignements que nous avons rencontrĂ© sur place nous affirme mĂŞme qu’il Ă©tait le premier surpris : « On est en gĂ©nĂ©ral bien informĂ©s, mais lĂ , j’ai l’impression d’avoir mal fait mon travail. Je m’attendais Ă  tout sauf Ă  cela de la part de quelqu’un tout ce qu’il y a de plus banal. » Ses collègues commerçants affirment que Abdessamad Ă©tait discret, sĂ©rieux, et que mis Ă  part les cassettes de Coran qu’il diffusait dans son magasin et les prières quotidiennes qu’il suivait assidĂ»ment, rien ne le distinguait de ses voisins. « Sa famille est un modèle pour nous. Le père Ă©tait très gĂ©nĂ©reux et son fils, lui, très disciplinĂ© et adorable. J’aurais aimĂ© avoir un enfant comme lui », nous raconte sa vieille voisine. Autour de la famille Bitar s’est formĂ© un Ă©lan de solidaritĂ© spontanĂ©. Les coups de fils affluent et la mahlaba de la famille ne dĂ©semplit pas. Les connaissances de la famille viennent apporter leur soutien. Lui non plus n’a jamais portĂ© la barbe et gagnait correctement sa vie. C’est un jeune homme plein d’ambition. « Il m’a montrĂ© un matĂ©riel de restauration qu’il venait d’acheter. Il avait comme projet d’ouvrir un snack », nous dit son frère Youssef. Il est le plus jeune d’une fratrie de dix enfants et ne jurait que par l’Italie, pays oĂą il voulait s’installer. Seule l’enquĂŞte dĂ©terminera son niveau d’implication.  Z.C *** 
Les trois nouveaux suspects Le lundi 9 mai, la ville de Safi se réveille en apprenant trois nouvelles arrestations : Azzedine L., chômeur et ancien joueur de football d’un club local, Brahim, vendeur de téléphones portables et d’électroménager, et Wadiî S., vendeur ambulant. Selon une source sécuritaire, citée par l’agence AFP, « ces trois personnes ont seulement pris connaissance du projet d’attentat mais n’ont pas pris part activement à son exécution ». Dans le quartier « Les courses », les riverains racontent comment le lundi, à 2 heures du matin, la police est arrivée pour perquisitionner la boutique de Brahim. Pour les habitants, c’était un homme sans histoires, qui n’affichait aucun signe ostentatoire de religiosité. Azzedine habite, lui, entre l’ancien bidonville de Laârissa et le domicile familial qui se trouve dans le quartier Kliaâ. Sa famille s’est retranchée dans sa maison et refuse de parler à la presse. Ses amis affirment que c’est un jeune très ouvert, qui adore jouer au football et raconter des blagues à ses amis du quartier. Quant à Wadiî, nous n’avons pas pu recueillir de témoignages probants le concernant. Ces trois nouvelles arrestations n’ont, à l’écriture de ces lignes, pas encore débouché sur de nouveaux éléments.   *** 
Hakim Eddah Fan du Real Madrid et de cinĂ©ma amĂ©ricain Il y a un souvenir qui ne s’efface pas de l’esprit de Younès Eddah, le frère de Hakim Eddah, le troisième complice prĂ©sumĂ© de Adil. « Je prenais une douche le vendredi vers 17 heures, quand j’ai entendu du bruit. Je suis sorti et j’ai vu mon frère escortĂ© par une dizaine de policiers scientifiques Ă  l’intĂ©rieur de la maison en train de fouiller partout. Il m’ont dit que c’était en rapport avec les attentats de Marrakech. » Younès s’assied, abasourdi. « Ma tĂŞte s’est bloquĂ©e, je n’entendais plus rien autour de moi. C’était le choc. » Depuis, Younès s’alimente peu, ne sait plus s’il dort ou s’il est Ă©veillĂ© et n’arrĂŞte pas de penser Ă  l’arrestation de son frère. Il se souvient du jour de l’attentat, oĂą, installĂ© avec ses amis au cafĂ©, ils tentaient d’analyser l’évĂ©nement : « On se demandait si c’était pour crĂ©er la fitna dans le pays, comme ce qui s’est passĂ© en Egypte. Mon frère lui-mĂŞme m’a dit que c’était un crime. Je n’y comprends rien »,  nous dit Younès, affalĂ© dans le petit salon d’un deux-pièces qu’il loue dans le modeste quartier « Les courses ». Hakim, 40 ans, est, contrairement Ă  Adil, très extraverti et particulièrement apprĂ©ciĂ© par tous ses voisins. « Je l’ai vu avant son arrestation emporter un chat de la rue chez lui et le nourrir. Il Ă©tait très gentil, mĂŞme avec les animaux, je ne l’imagine pas une seconde en train de planifier la mort d’êtres humains », raconte sa voisine de palier. Hakim Ă©tait un bon vivant et un musulman lambda qui se contentait de faire ses prières quotidiennes. Sans plus. « Il ne frĂ©quentait mĂŞme pas les salafistes et les adlistes du quartier », raconte un des ses amis. « Il n’a jamais obligĂ© personne Ă  faire sa prière par exemple. Vous savez, il adore les films et le foot. Il Ă©tait fan du Real Madrid et, l’autre jour, il me racontait l’histoire du film l’Exorciste qu’il venait d’acheter en DVD », s’étonne son frère. Il poursuit : « Il ne laissait pas un poil lui pousser sur le visage, il adorait les beaux habits et s’entraĂ®nait beaucoup car il dĂ©testait avoir du ventre. Je n’ai jamais vu un islamiste qui fait aussi attention Ă  son corps. » 
Hakim est, de toute la bande, le plus instruit mais aussi le plus pauvre. Un baccalauréat scientifique en poche (avec d’excellentes notes en maths), il repasse l’examen pour en décrocher un autre en économie puis s’inscrit à l’université Cadi Ayyad de Marrakech. « Il a envoyé des candidatures qui ont été retenues dans des facultés en France et en Belgique, mais à cause de notre faible revenu, il a dû abandonner son rêve. Il a été très affecté et a arrêté les études avec en tête l’idée d’immigrer. » Chômeur, il se contentait de quelques petits boulots, notamment dans le commerce de chaussures avec Adil. « Ils ont travaillé un moment ensemble, mais depuis la mort de notre mère en août de l’année dernière, il n’est plus venu chez nous », explique Younès. « Mon frère voulait découvrir l’Europe, comment aurait-il pu faire ça ? » Z.C 
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        | Tous les terroristes se ressemblent 
C’était une fausse piste mais un vrai terroriste. Abdellatif Zahraoui, le sabreur du cafĂ© Hafa Ă  Tanger et suspectĂ© dans celui d’Argana, s’est donnĂ© la mort. Le mythique cafĂ© Hafa est un vĂ©ritable monument Ă  Tanger. Ses terrasses en paliers, quasiment  suspendues, offrent une vue unique sur la mer et les cĂ´tes ibĂ©riques. Il est très couru par les touristes qui viennent y admirer le coucher du soleil. Les Beatles, les Rolling Stones et Jimi Hendrix y ont sirotĂ© des verres de thĂ© Ă  la menthe fumant et, Ă  en croire les mauvaises langues, fumĂ© autant de joints. Membre de la « cellule catalane Â» C’était un havre de paix. Jusqu’au 15 avril dernier oĂą un jeune homme Ă©lancĂ© y entre subitement en dĂ©gainant un sabre. Au cri rĂ©pĂ©tĂ© d’Allah Akbar, il s’attaque aux clients attablĂ©s. I l tue un jeune homme de 28 ans, Hassan Ziani, Ă©tudiant Ă  l’Institut du roi Fahd de traduction Ă  Tanger, dont le seul tort est de se trouver sur la trajectoire d’une lame folle, et blesse lĂ©gèrement un autre Marocain, un Français, une SuĂ©doise et une Espagnole. Avant de s’enfuir  prĂ©cipitamment. La police, qui l’identifie rapidement car c’est un rĂ©sident du quartier, le traque sans relâche. Abdellatif Zahraoui, mariĂ© sans enfant, est Ă  34 ans un homme lĂ©gèrement dĂ©rangĂ© et dĂ©sĹ“uvrĂ©. Connu pour ĂŞtre un salafi jihadi, il vient d’être relaxĂ© depuis peu, après trois ans d’emprisonnement pour appartenance Ă  la « cellule catalane ». Ce rĂ©seau d’exfiltration de moudjahidines en Irak a Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ© en 2007 en Espagne d’oĂą il a Ă©tĂ© extradĂ©. Bien avant, il s’était signalĂ© dans sa jeunesse par le viol d’une mineure pour lequel il a purgĂ© une peine de dix ans de prison oĂą il s’est radicalisĂ©. Sa photographie, celle d’un jeune homme barbu au regard mĂ©lancolique et Ă  la chevelure lisse, noire et longue, est diffusĂ©e dans tous les commissariats de police et postes frontières. Or le portrait robot rĂ©alisĂ©, suite Ă  l’attentat du cafĂ© Argana Ă  Marrakech, grâce  Ă  un couple de  NĂ©erlandais, se rĂ©vèle d’une ressemblance saisissante avec le fou de Tanger. Certes l’homme du portrait-robot a les traits moins Ă©maciĂ©s, mais le suspect a pu grossir entre-temps, sans compter qu’un portrait-robot n’est qu’une approximation… Jeudi 5 mai, des informations filtrent dans la presse française selon lesquelles les services de renseignement marocains auraient arrĂŞtĂ© Abdellatif Zahraoui, dans le cadre des attentats des cafĂ©s Hafa et Argana. L’information est dĂ©mentie par une source judiciaire autorisĂ©e. Cette nuit-lĂ , on apprend que les trois suspects de Safi ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s par la DGST dans le cadre de l’affaire Argana. Hara-kiri Abdellatif Zahraoui est mis hors de cause mais il est toujours traquĂ©. La surveillance de son domicile ne faiblit pas, Ă  raison. Sentant la pression baisser, il s’aventure Ă  rejoindre son domicile dans la nuit du 6 au 7 mai. L’alerte est donnĂ©e. Les policiers, tous services confondus, quadrillent le quartier avant de faire irruption dans la maison. Ils le dĂ©busquent dans sa chambre, dans un Ă©tat dĂ©plorable. Sale et amaigri, il se saisit d’un couteau pour les dissuader d’avancer. Les policiers tentent de le raisonner en lui disant qu’il est cernĂ© de toutes parts et qu’il n’a aucune chance de leur Ă©chapper. Mais il ne les Ă©coute plus et continue de les menacer avec son couteau. Finalement, il prĂ©fĂ©rera mourir plutĂ´t que de se rendre. Tel un soldat de l’hombre dĂ©shonorĂ©, il commence par se taillader les veines du poignet gauche puis, pour abrĂ©ger son agonie, il finit par s’éventrer. Il s’écroule sur le lit, le sang giclant de ces blessures, sous les cris et les pleurs de sa mère, de sa sĹ“ur et de son Ă©pouse, avant de rendre l’âme.  Â«â€‰Justice est faite », comme dirait Obama. |  |  
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