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Hamid Chabat réveille les vieux démons
actuel n°36, samedi 27 février 2010
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Le maire de FĂšs a lancĂ© un pavĂ© dans la mare en rĂ©clamant lâinterdiction de lâalcool Ă FĂšs. Avec cette provocation, il met ses adversaires dans lâembarras⊠Mais il a aussi ouvert la boĂźte de Pandore.
Le maire de FĂšs a lancĂ© un pavĂ© dans la mare en rĂ©clamant lâinterdiction de lâalcool Ă FĂšs. Avec cette provocation, il met ses adversaires dans lâembarras⊠Mais il a aussi ouvert la boĂźte de Pandore. La bombe lancĂ©e par Chabat au cours de la session ordinaire du Conseil de la ville du 17 fĂ©vrier 2010 a pris de court tout le monde. La wilaya de FĂšs a dĂ» rĂ©agir par un timide droit de rĂ©ponse « anonyme » pour expliquer que le maire nâavait aucune latitude pour donner ou suspendre les autorisations concernant les dĂ©bits de boisson. Selon Chabat, dans lâinterview quâil nous a accordĂ©e (voir pages 18 Ă 21) les walis sont victimes du « terrorisme » du PAM. Sa sortie nâa en effet pas Ă©tĂ© du goĂ»t de la direction du parti de Fouad Ali El Himma, qui sâest dite « choquĂ©e » par des propos « qui consistent Ă surfer sur le sentiment religieux des Marocains ». Mais pourquoi le maire de FĂšs sâest-il alors lancĂ© dans une aventure aussi hasardeuse ? Le PAM a une rĂ©ponse : « Chabat est aux abois, il a perdu pratiquement toutes les communes rurales qui lui faisaient allĂ©geance, Oulad TaĂŻb, AĂŻn BeĂŻda. Au niveau de la ville, il est de plus en plus isolĂ©, ses deux principaux appuis, la Chambre de Commerce et dâIndustrie ainsi que le Conseil de la rĂ©gion sont en train de lui Ă©chapper aprĂšs la mise en minoritĂ© de Fouad Zine Filali, le prĂ©sident de la Chambre et celle de Mâ hamed Douiri qui nâa plus de prise sur le Conseil aprĂšs le passage de la majoritĂ© de ses membres au PAM. » Lâhomme qui sâexprime ainsi sait de quoi il parle. Hassan Tayqi, conseiller Ă la mairie de FĂšs et membre du bureau politique du PAM, sâen est sorti en effet avec une jambe cassĂ©e et des cĂŽtes endolories aprĂšs la bastonnade de la fameuse session du Conseil de la ville.
Sur le terrain, la coalition de fait du PAM, du RNI et de lâUSFP, a effectivement poussĂ© le maire dans ses derniers retranchements. Une guĂ©guerre exacerbĂ©e par la perspective dâĂ©lections en 2012 complĂštement acquises Ă la cause du PAM. DâoĂč cette sortie remarquĂ©e que les camarades de lâIstiqlal ont un peu de mal Ă suivre. Bien que le parti ait Ă©tĂ© contraint de soutenir le ïŹ ls prodigue Ă coup de manchettes Ă©logieuses dans les colonnes dâAl Alam et de lâOpinion. Pas plus. Mais pas moins. Les adversaires du sulfureux maire ont appris Ă leurs dĂ©pens que lâarme que Chabat manie avec le plus de maestria, câest un bon sens populaire imparable. RĂ©sultat, alors que la rĂ©cente sortie de Khadija Rouissi sur la non-lĂ©gitimitĂ© de lâinterdiction de lâalcool au Maroc soulevait lâindignation des belles Ăąmes, chauffĂ©es Ă blanc par les « tirs groupĂ©s » de la presse arabophone, la dĂ©cision de « sevrer » FĂšs passe comme une lettre Ă la poste, auprĂšs du petit peuple. Remettre en question la dĂ©cision de Chabat dans un pays oĂč lâĂ©crasante majoritĂ© de la population ne badine pas avec les prĂ©ceptes religieux, Ă©quivaut Ă se faire lâavocat du diable, ce que les hommes politiques ont parfaitement bien compris. Si le PAM proteste (plutĂŽt mollement dâailleurs), les autres partis politiques observent un silence gĂȘnĂ©.
Mais la boĂźte de Pandore ayant Ă©tĂ© ouverte, qui pourra la refermer ? Une chose est sĂ»re : lâhabile politicien ratisse large ! « Il nâa pas pu lui Ă©chapper, en particulier, que sa sortie vise Ă©galement Ă embarrasser des commerces comme ceux de Marjane et Acima qui appartiennent Ă lâONA », susurre un chef de parti. Ă ceux qui lui reprochent dâavoir fait la courte Ă©chelle au PJD et aux intĂ©gristes de tout poil, Chabat rĂ©plique : « Sâil est une formation qui a renforcĂ© le positionnement et la popularitĂ© du PJD, câest le PAM. » Ce qui nâest pas totalement faux si on sâen tient aux propos de Fouad Ali El Himma qui ne rate aucune occasion pour attaquer le PJD. Lâavenir dira si lâhistoire de lâalcool vaudra au maire de FĂšs de garder sa mairie, ou sâil sâest pris les pieds dans le tapis de priĂšre...
Abdellatif El Azizi |
JusquâoĂč ira-t-il ?
Le maire de FĂšs avance sur tous les fronts en mĂȘme temps. Portrait en action dâun homme qui sait bluffer.
DâoĂč vient le tout puissant maire de FĂšs ? Cet ancien ïŹ er-Ă -bras a fait ses premiĂšres armes durant les annĂ©es 70 dans la SIMEF (SociĂ©tĂ© des industries mĂ©caniques et Ă©lectriques de FĂšs), une entreprise qui fabriquait des armes lĂ©gĂšres. Câest Ă cette Ă©poque quâil se fait remarquer comme un dĂ©lĂ©guĂ© syndical aux dons de tribun. Câest lâĂąge dâor des syndicats comme lâUGTM (Union gĂ©nĂ©rale des travailleurs au Maroc), le syndicat de lâIstiqlal. Responsable rĂ©gional en dĂ©but de carriĂšre, lâhomme nâaura de cesse de devenir le vĂ©ritable patron de la centrale syndicale. En 2006, il rĂ©ussira contre vents et marĂ©es Ă destituer un Abderrazak AïŹ lal qui devra quitter le siĂšge du syndicat, chassĂ© par une milice armĂ©e de gourdins. On saura alors que le maire de FĂšs nâa pas son pareil pour mobiliser les foules. Quand il se rend au tribunal Ă Rabat, en mai 2008 (suite Ă une plainte de lâUSFP qui lâa poursuivi pour avoir dĂ©clarĂ© que Mehdi Ben Barka Ă©tait un assassin), il est portĂ© en triomphe par une centaine de malabars qui menaçaient dâen dĂ©coudre avec les socialistes. Le secret de Chabat, câest quâil traque inlassablement les sentiments de lâhomme de la rue, cherche mĂȘme Ă lui ressembler.
Sur le ïŹl du rasoir
TrĂŽnant, Ă 57 ans, Ă la tĂȘte dâune mairie situĂ©e Ă la croisĂ©e de toutes les anxiĂ©tĂ©s marocaines - insĂ©curitĂ©, intĂ©grisme, chĂŽmage -, Chabat a mis les bouchĂ©es doubles pour rattraper le temps perdu. Et vient de rĂ©ussir, avec une jubilation particuliĂšrement dĂ©monstrative - mais toujours sur le ïŹ l du rasoir -, ce que dâautres maires nâont pas rĂ©ussi en plusieurs mandatures. Pour combattre le crime, il a installĂ© des centaines de camĂ©ras de surveillance dans les rues de la mĂ©dina.
RĂ©sultat, les touristes nâont plus peur de sâengager dans les ruelles tortueuses de la vieille ville ; pour rĂ©pondre au chĂŽmage endĂ©mique, il a mis sur pied des offres dâinvestissements allĂ©chantes aux industriels qui souhaitent investir dans la rĂ©gion ; pour faciliter lâaccĂšs aux documents dâĂ©tat civil dans des dĂ©lais record et sans sâacquitter du fameux bakchich, il a placĂ© au sein des communes des bornes Ă©lectroniques qui permettent la dĂ©livrance de ces documents en temps rĂ©el ; sur le plan de lâurbanisme, il a transformĂ© FĂšs en restaurant les grandes avenues et en multipliant les espaces verts. Si impossible nâest pas chabatien, cela nâa pas empĂȘchĂ© lâhomme dâavoir une multitude dâennemis qui lui reprochent notamment sa capacitĂ© Ă surfer sur un populisme de mauvais aloi, sa propension Ă utiliser les masses pour imposer « ses diktats ». Son cĂŽtĂ© affairiste est Ă©galement lâobjet de critiques. Hamid Chabat serait riche, trĂšs riche mĂȘme ! Mais aux yeux de la plupart des Fassis, la seule chose qui compte, câest le pragmatisme et la culture du rĂ©sultat de lâancien ouvrier devenu maire. Cet istiqlalien a de lâambition. Tous les regards sont dâailleurs braquĂ©s sur le prochain congrĂšs de lâIstiqlal, aussi lointain soit-il et qui aura Ă trancher sur la reconduction de AbbĂšs El Fassi. Lâhomme qui passe son temps Ă surfer sur des sujets qui prĂ©occupent vraiment lâopinion aura-t-il assez de soufïŹ e pour ĂȘtre plĂ©biscitĂ© Ă la tĂȘte du « parti des Fassis » comme se plaisent Ă le nommer ses dĂ©tracteurs ? Rien nâest moins sĂ»r.
Abdellatif El Azizi
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RĂ©action:
Driss Faceh, président du Conseil régional du tourisme de FÚs
« Nous risquons de passer pour une ville dâintĂ©gristes »
« La ville de FĂšs nâavait vraiment pas besoin dâune telle sortie, qui de surcroĂźt, a Ă©tĂ© mĂ©diatisĂ©e Ă outrance. » Le prĂ©sident du Conseil rĂ©gional du tourisme de FĂšs, Driss Faceh, estime que la derniĂšre dĂ©claration du maire de la ville, Hamid Chabat, sur lâinterdiction de lâalcool Ă FĂšs, qui a pris tout le monde de court, porte un Ă©norme prĂ©judice Ă la capitale spirituelle. « Sa dĂ©claration est un point noir qui risque dâimpacter lourdement lâĂ©lan de la ville, saper tout le travail de repositionnement et surtout freiner les investissements », dĂ©plore Faceh. Dâautant plus quâĂ peine formulĂ©e, dit-il, les mĂ©dias se sont empressĂ©s de faire le relai Ă outrance de sa dĂ©claration, au point dâen faire « un dĂ©cret ». Le problĂšme, poursuit Faceh, est que « lâinterdiction ou lâautorisation des licences dâalcool nâest pas du ressort de Chabat et tout le monde le sait ».
Les retombĂ©es dâune telle sortie sur le tourisme de la ville risquent dâĂȘtre dĂ©mesurĂ©es. Dâailleurs, Ă en croire le prĂ©sident du CRT de FĂšs, les investisseurs commencent dĂ©jĂ Ă se poser des questions sur lâavenir de la destination. Et pour cause : « Le message vĂ©hiculĂ© par la dĂ©claration du maire risque de renvoyer une image dĂ©formĂ©e de la ville. Dâune ville dâouverture oĂč les trois religions cohabitaient harmonieusement, FĂšs risque de passer dĂ©sormais pour une ville dâintĂ©gristes, une destination fermĂ©e », insiste Faceh. Ceci Ă un moment oĂč FĂšs, une des rares destinations Ă ne pas avoir trop souffert de la crise, commençait Ă sortir la tĂȘte de lâeau et oĂč tous les indicateurs Ă©taient au vert.
K.E.H. |
Interview Hamid Chabat : « Le PAM, du terrorisme politique »
Samedi Ă LaĂąyoune, lundi Ă MeknĂšs, mardi Ă Rabat⊠courir aprĂšs Hamid Chabat demande beaucoup de soufïŹe. Le maire de FĂšs et prĂ©sident de lâ UGTM est sur tous les fronts. Câest dâailleurs au siĂšge de la centrale syndicale quâil prĂ©side quâil nous reçoit, en toute simplicitĂ©. On dĂ©couvre un homme plutĂŽt posĂ©, qui Ă©tudie ses moindres syllabes. Le verbe nâen est que plus assassin, lâironie en prime. Dans lâentretien quâil nous a accordĂ©, Hamid Chabat prĂ©cise que les fermetures de bars et dĂ©bits dâalcool dans la capitale spirituelle ne devaient concerner que quelques « points noirs » de la ville. Criant au complot du Parti de lâauthenticitĂ© et de la modernitĂ©, il tire Ă boulets rouges contre ce quâil qualiïŹe dâune « bande dâarrivistes ». Entre autres.
Pourquoi voulez-vous fermer les débits de boissons à FÚs ?
HAMID CHABAT : Ce que nous avons lâhabitude de faire au niveau de FĂšs, câest quâau dĂ©but de chaque lĂ©gislature, nous commençons par dĂ©battre de tous les problĂšmes dont souffre la ville. Et il Ă©tait normal aprĂšs avoir franchi bien des Ă©tapes sur le plan de lâinfrastructure de la ville que lâon sâintĂ©resse Ă lâaspect relatif Ă la sĂ©curitĂ©, physique et morale, des citoyens. Partant, nous avons identiïŹ Ă© certains points noirs de la ville, quâhabitants, wilaya, prĂ©fecture de police, services de sĂ©curitĂ© et Ă©lus pointaient du doigt comme des terreaux de la dĂ©linquance et une source dâinsĂ©curitĂ© pour les citoyens. Nous nâavons fait quâĂȘtre Ă lâĂ©coute de la population.
En aviez-vous le droit, sachant que pareilles dĂ©cisions relĂšvent de la wilaya et de la prĂ©fecture de police, ce qui vous a valu un rappel Ă lâordre ?
La charte communale est on ne peut plus prĂ©cise sur ce registre dans la mesure oĂč elle place lâorganisation des villes et des polices administratives sous la tutelle de la mairie. Dâautant que nous sommes en droit de nous interroger et dâagir quand la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des citoyens sont mises en danger.
Votre dĂ©cision, et son annulation, reposent la question sur les attributions des conseils de ville et des walis. Câest la guerre de tranchĂ©es ?
Dans ce cas prĂ©cis, il nây a pas lieu de parler de guerre de tranchĂ©es. Nous voulions faciliter la tĂąche aux autoritĂ©s et aux services de police pour quâils puissent agir selon une dĂ©cision votĂ©e et approuvĂ©e par la municipalitĂ©. Nâest-ce pas ainsi que se construit lâĂtat de droit. Et câest aussi un moyen de contourner le terrorisme dont mĂȘme les walis et les gouverneurs commencent Ă faire lâobjet de la part du PAM. Câest notre rĂŽle, en tant que politiques, dâagir pour contrer les caprices hĂ©gĂ©moniques de toutes sortes. Il faut faire face, sinon Ă quoi bon faire de la politique. Et Ă quoi bon continuer si mĂȘme les rĂ©sultats des lĂ©gislatives 2012 sont, selon le PAM, tranchĂ©s.
Au dĂ©part, câest contre tous les dĂ©bits dâalcools, y compris les restaurants et les hĂŽtels, que vous aviez prononcĂ© votre « fatwa ». Visiblement, vous auriez mis de lâeau dans votre « vin » sur ce que Hassan Benadi, haut responsable au sein du PAM, qualiïŹ e dâatteinte Ă Imarate Al MouminineâŠ
La dĂ©cision, et ce depuis le dĂ©part, ne concernait que les endroits prĂ©sentant des risques pour la sĂ©curitĂ© et qui se trouvent en dehors des quartiers touristiques. Elle ne concerne ni de prĂšs, ni de loin, les touristes Ă©trangers. Quant aux propos de M. Benadi, ils sont dâautant plus dangereux que nous ne pouvons pas accepter que lâon nous fasse taire au nom de ce que les uns ou les autres entendent par la commanderie des croyants. Câest de la pure surenchĂšre. Et le PAM nâen est pas Ă son coup dâessai en matiĂšre de terrorisme politique, un peu Ă la maniĂšre du ministĂšre de lâIntĂ©rieur dans le temps. Ce que M. Benadi nâa pas compris, câest que nous avons agi en parfaite adĂ©quation avec les lois de ce pays, Ă savoir le dĂ©cret royal de 1966 qui stipule que les endroits dĂ©diĂ©s Ă la vente ou au commerce dâalcool doivent ĂȘtre Ă©loignĂ©s des lieux de culte et monuments Ă caractĂšre religieux. Câest pour cela que nous avions tracĂ© un triangle dâor, AlQaraouiyine, Moulay Driss, Sidi Ahmed Tijani Ă lâintĂ©rieur duquel aucune vente dâalcool ne devait ĂȘtre tolĂ©rĂ©e.
Cela explique alors la vive réaction des élus PAM de la ville ?
Une semaine avant la session oĂč la mesure devait ĂȘtre adoptĂ©e, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du PAM, Mohamed Cheikh Biadillah, a tenu une rĂ©union avec les responsables locaux de son parti. Incapables de justiïŹ er leur Ă©chec dans la gestion locale du parti, des conseillers PAM ont marquĂ© une fuite en avant, annonçant que lâIstiqlal Ă FĂšs, câĂ©tait ïŹ ni. Certains ont mĂȘme dĂ©clarĂ© quâils ont rĂ©ussi à « libĂ©rer » FĂšs, comme si cette ville Ă©tait colonisĂ©e avant que le PAM ne soit crĂ©Ă©. La veille de la session, quatre des cadres de ce parti dans la ville, Ă leur tĂȘte, Aziz Lebbar, ont essayĂ© de donner du sens Ă leurs propos en tentant de saboter la rĂ©union. Ce dont nous nous doutions, câest pour cela que nous avions dĂ©cidĂ© de ïŹ lmer celle-ci. Sur mon site vous pouvez voir que non seulement personne nâa Ă©tĂ© agressĂ©, contrairement Ă ce que le PAM a relayĂ© Ă travers la MAP, mais que la volontĂ© de sabotage Ă©tait avĂ©rĂ©e. Dâailleurs, mĂȘme la dĂ©cision dâaccorder un don de 1 million de dirhams Ă Al-Qods, dans le cadre de lâaccord de jumelage, le premier du genre au monde, entre la ville sainte et FĂšs, nâa pas Ă©chappĂ© aux critiques des responsables locaux du PAM. Mais câest en abordant la question de lâalcool que nous avons eu droit aux propos les plus dĂ©lirants, voulant que nous soyons contre le dĂ©veloppement du tourisme dans la ville. Propos dâailleurs tenus par Aziz Lebbar, lui-mĂȘme propriĂ©taire dâun des bars visĂ©s par la dĂ©cision prĂ©citĂ©e et qui cherchait la confrontation par tous les moyens.
Ce nâest pas ce que dit la MAP qui, dans une dĂ©pĂȘche, afïŹrme que câest vous qui ĂȘtes allĂ©s Ă la confrontation.
Ces informations sont tout simplement erronĂ©es. Lâarabophone que je suis a tendance Ă lire de droite Ă gauche. Jâen viens Ă confondre la MAP avec le PAM. Pour moi, ils ne font dĂ©sormais quâun. Plus sĂ©rieusement, câest dâautant plus dangereux que lâagence dâinformation appartient Ă tous les Marocains et non pas Ă un parti politique. Je suis dâailleurs outrĂ© par la mainmise de cette formation sur la presse et les mĂ©dias. La derniĂšre Ă©mission Tayarate sur 2M avec Benadi en a apportĂ© la preuve. Dâailleurs, le prĂ©sentateur de cette Ă©mission nâest autre que le conseiller de Biadillah Ă la Chambre des conseillers. Pour moi, le PAM nâest quâun ramassis dâarrivistes que rien nâunit sauf la volontĂ© de vider les institutions et la politique de toute leur substance. Chacune de leurs sorties est une attaque, contre les Ă©lus de ce pays, ses partis politiques, ses autoritĂ©s. Et je ne comprends pas la logique de directives adoptĂ©e par un parti Ă peine naissant. Le PAM ordonne et il faut que tout le reste sâexĂ©cute. Quitte Ă dĂ©laisser notre identitĂ©, notre religion et ce en quoi nous croyons. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Nous sommes devant une formation Ă laquelle on obĂ©it au doigt et Ă lâĆil, qui peut virer des walis, caster les prochains ministres, faire et dĂ©faire lâarchitecture politique, pour ne citer que ces exemples. Le PAM est en train de se construire une image de parti sacrĂ©. Et si cela continue, viendra un jour oĂč les Marocains devront se courber au passage de chaque tracteur. Câest du terrorisme politique et câest inacceptable.
Dans lâadoption de la mesure sur lâalcool, vous avez dĂ» vous coordonner avec le PJD. Doit-on y voir un dĂ©but de rapprochement avec ce parti ?
Chaque parti a son identitĂ©. Et parlant de la dĂ©fense des valeurs religieuses, je tiens Ă rappeler que, dĂ©jĂ en 1989, câest lâIstiqlal qui a menĂ© la campagne de 1 million de signatures pour lâapplication du dĂ©cret royal de 1966 sur la mĂȘme question de la vente dâalcool aux musulmans. Pourquoi doit-on abandonner ce front Ă une autre formation. Si quelquâun comme Abdelaziz Rebbah dĂ©cide de faire de mĂȘme Ă KĂ©nitra, est-ce quâon dira que câest une tentative de rapprochement avec lâIstiqlal ? Nous ne pouvons pas parler dâalliance pour lâinstant, mais de coordination sur certains points, notamment quand il sâagit de dĂ©fendre nos valeurs culturelles et religieuses. Câest mon choix en tant quâistiqlalien et en tant que maire de FĂšs. Et au sein de lâIstiqlal, nous revendiquons notre rĂ©fĂ©rence islamique. Autrement, comment voulez-vous que je travaille avec les conseillers dâun parti (PAM) dont une militante, Khadija Rouissi, dĂ©fend ouvertement la consommation dâalcool.
Ne risquez-vous pas de faire le jeu du parti islamiste ?
Sâil est une formation qui a renforcĂ© le positionnement et la popularitĂ© du PJD, câest le PAM. Ceci, pour en avoir fait une victime. QualiïŹer cette formation de parti des lignes rouges avec des militants et des cadres fermĂ©s au dialogue, et qui ne sâinscrit pas dans le jeu dĂ©mocratique et le projet moderniste du roi, je trouve cela dangereux. Le PJD est Ă ma connaissance un parti politique reconnu, qui occupe une place importante au Parlement et qui conïŹrme Ă chaque fois son adhĂ©sion totale au projet moderniste initiĂ© par le roi. Le PAM nâa aucun droit de lâexclure de la sorte.
Que répondez-vous aux voix appelant à un pÎle de droite unissant Istiqlal et PJD ?
Ce sont nos Ă©vangĂ©listes du PAM qui tiennent Ă ce schĂ©ma et qui le dĂ©fendent. La seule vĂ©ritĂ© par rapport Ă cela est que lâIstiqlal comme le PJD ont des organes internes et des conseils nationaux. Et le jour oĂč ceux-ci dĂ©cideront de sâallier, ce ne sera pas parce que le PAM lâaura dictĂ©. Comme ce ne sera pas pour jouer lâopposition. Cela Ă©tant dit, les alliances se dĂ©cident trois mois avant une Ă©chĂ©ance Ă©lectorale donnĂ©e. Or, lâun des sept pĂ©chĂ©s capitaux du PAM est quâil a commencĂ© Ă sâagiter dĂšs 2009 pour les Ă©lections 2012. Le rĂ©sultat est que tous les chantiers sont bloquĂ©s, le gouvernement fragilisĂ©.
Des propos incendiaires Ă lâĂ©gard de Ben Barka, un putsch pour prendre la tĂȘte de lâUGTM et maintenant lâalcoolâŠVos sorties sont pour le moins remarquĂ©esâŠ
Je crois quâil faut de temps en temps secouer le champ politique marocain et ouvrir des dĂ©bats sur telle ou telle question, quitte Ă remettre en question certains acquis. Câest au cĆur de la religion musul mane : lâIjtihad. Aussi bien notre politique que nos mĂ©dias ont besoin dâĂȘtre nourris par une position nouvelle. Nous ne pouvons pas faire de la politique que dâĂ©lection en Ă©lection ou que pour celles- ci. Il faut de lâaudace. Faire de la politique, câest oser. Nous ne sommes pas lĂ pour que lâon nous dicte ce que lâon doit faire, mais pour innover et avoir le courage de nos idĂ©es. Et libre Ă chacun dâen penser ce quâil veut. Mais il nous faut absolument sortir de cette logique de rĂ©action et passer aux actions.
On vous reproche Ă©galement votre manque de transparence ïŹnanciĂšre dans la gestion de la ville.
Câest normal que lâon soit attaquĂ©s sur ce terrain. Je me contenterai de deux chiffres qui renseignent sur la gouvernance actuelle de FĂšs : nous sommes passĂ©s de 280 millions en 2004 Ă 520 millions de centimes de recettes en 2009. Nous sommes aussi passĂ©s dâun total cumulĂ© de dettes qui sâĂ©levaient Ă 1,2 milliard Ă des investissements totalisant 3 milliards de dirhams. Et les seuls Ă pouvoir nous juger sur ce registre, ce sont nos Ă©lecteurs. Et ceux-ci nous ont accordĂ© une majoritĂ© trĂšs confortable.
Propos recueillis par Tarik Qattab |
Le Net plus ultra de Hamid
Hamid Chabat a tout compris. En ïŹ n politicien inscrit dans la modernitĂ© et prompt Ă utiliser les outils de la technologie de pointe pour vĂ©hiculer son image, il use et abuse du Net. Pages Facebook, sites Web, groupes, liens, tout y passe. Ce qui est remarquable, câest que ses pages Web ne servent pas dâespace-dĂ©bat puisquâil semblerait quâil supprime systĂ©matiquement toute intervention prĂȘtant Ă discussion ou pouvant faire de lâombre Ă ses idĂ©es. Messages monolithiques, propagande de parti et marketing politicien alimentent rĂ©guliĂšrement son image et ses positions sur le Net. Les seuls retours publiĂ©s sont lĂ pour le magniïŹ er : « On est avec toi Chabat et les vrais Fassis sont ïŹ ers de leur ville⊠essayons de ramasser un million de signatures pour cette dĂ©cision⊠on veut que FĂšs devienne une ville sainte », «Vive Chabat, lah ynsrake 3la had lmojrimine ». Le danger, câest le culte de la personnalitĂ©.
Quant Ă lâĂ©noncĂ© de ses activitĂ©s sur sa page Facebook, il est parlant : prĂ©sident de la Commune de Zouagha (depuis 1993 Ă 2002), maire de la Commune urbaine de FĂšs (depuis 2003), membre du Conseil national du Parti de lâistiqlal, membre de la Chambre des reprĂ©sentants (depuis 1997), membre du comitĂ© exĂ©cutif du Parti de lâistiqlal (depuis le 15Ăšme CongrĂšs de 2009), secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUnion gĂ©nĂ©rale des travailleurs du Maroc (depuis le 9Ăšme CongrĂšs de 2009).
Chabat a un site ofïŹciel (www.chabatonline.com) oĂč lâon peut voir des reportages vidĂ©o, ses rĂ©alisations dans la ville de FĂšs, et, cerise sur le gĂąteau, tout ce quâa Ă©crit la presse sur lui. EnïŹ n presque. Seule limite Ă cette communication acharnĂ©e : la langue, mais visiblement Hamid Chabat nâa cure du public francophone. Quant aux opposants, ils peinent Ă se regrouper : « Chabat une honte pour FĂšs et le Maroc » ne compte que 150 membres, loin des 1 028 fans de Chabat mais mieux que les 17 membres de « Tous avec Chabat pour un FĂšs sans alcool ! »
B.T.
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La face cachée de FÚs
Sobre de jour, la ville rĂ©vĂšle un autre visage la nuit, celui de lâintimitĂ© de ses bars, la fĂȘte que promettent ses clubs. Et les dĂ©bordements qui vont parfois avec. Ambiance.
Pour les Ă©trangers que nous sommes Ă la ville, tenter de sortir la nuit nâest pas chose facile. Les a priori renvoyent de la ville une image de quiĂ©tude et de spiritualitĂ© qui jure avec lâesprit de la fĂȘte. Simplement interroger sur les endroits oĂč se rendre aprĂšs vingt heures relĂšve dans nos esprits de lâoffense. Et ce nâest pas la dĂ©cision mort-nĂ©e de Hamid Chabat, maire de la ville, de fermer les « lieux de dĂ©pravation » tous azimuts qui va arranger les choses. CâĂ©tait compter sans le fait que FĂšs est une ville marocaine comme les autres et que les gens y ont le droit de « sortir ». La question posĂ©e au premier passant, toute une liste dâadresses est Ă©tablie, avec menus dĂ©tails (prix, cote⊠et mĂȘme degrĂ© de respectabilitĂ©).
Renseignement pris, la destination est ïŹ xĂ©e. Ce sera la place Mohammed V oĂč sâalignent de nombreux bars. Le style est vintage, le service rappelle une autre Ă©poque, celle oĂč les habituĂ©s sirotaient leur biĂšre en costume cravate. Certains ont conservĂ© des menus oĂč lâon retrouve des marques de boissons comme les dĂ©funtes Judor ou La Cigogne. A la question sâil savait que tous les bars et dĂ©bits de boisson de la ville risquaient de mettre la clef sous le paillasson sur simple dĂ©cision de la mairie, ce serveur paraĂźt surpris. « A aucun moment, on nâest venu nous dire que pareille mesure allait ĂȘtre appliquĂ©e. Vous nâĂȘtes pas sĂ©rieux », nous rĂ©pond-il. Et dire que lâannonce a eu lâeffet dâune bombe Ă travers tout le Maroc !
Ambiance bon enfant
Peu au fait, les Fassis ? Peut-ĂȘtre. Courtois, certainement. Il sufïŹ t quâun client vous aborde, avec cette politesse made in FĂšs, pour quâun ami Ă lui le rappelle Ă lâordre et vous demande mille excuses. La moyenne dâĂąge y est assez Ă©levĂ©e. Adultes, les clients repartent chez eux tĂŽt. Et aprĂšs vingt-deux heures, tous les bars du quartier sont pratiquement dĂ©serts. Ce nâest pas le cas dans le bar de cet hĂŽtel de la ville oĂč les esprits commencent Ă peine Ă se dĂ©contracter et les langues Ă se dĂ©lier.
La clientĂšle est dans une grande majoritĂ© marocaine. Si elle est constituĂ©e essentiellement de gent masculine, de jeunes ïŹlles un peu trop maquillĂ©es occupent quelques tables et scrutent leur entourage. Lâambiance, malgrĂ© le vacarme, reste bon enfant⊠jusquâĂ ce quâon voit un appareil photo au zoom impressionnant tenter de voler quelques clichĂ©s. Panique gĂ©nĂ©rale, attroupement, critiques, interrogations et mĂȘme menace (dâappeler la police) sont de mise. « Et si jâĂ©tais en train de corrompre quelquâun, vous accepteriez que je sois pris en photo. Si on vient ici, câest pour ne pas ĂȘtre dĂ©rangĂ©. Ce que vous faites nâest pas moral », nous dit lâun dâeux. TrĂšs bien : commettre un forfait nâest pas forcĂ©ment une abjection. Que cela se sache, voilĂ qui est scandaleux.
Il sâen est fallu de peu pour que les choses en viennent aux mains mais il aura sufïŹ dâune explication, mensongĂšre, pour que chacun regagne sa table et reprenne une discussion, et mĂȘme une intimitĂ©, violemment interrompues. Pour plus dâanimation, il faut se rendre dans certains bars ou des boĂźtes de nuits. Câest le cas pour ce dĂ©bit dâalcool portant le nom dâun club sportif ou de ce club Ă lâappellation progressiste. A la sortie de lâun comme de lâautre, les estafettes de police jouent la carte de la dissuasion pour Ă©viter les dĂ©bordements extramuros. Tant bien que mal. Au risque de donner raison aux voix appelant Ă leur fermeture.
Tarik Qattab, Ă FĂšs |
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