EditoNouvelle GénérationDossierEconomiePolitiqueSociétéTendances & CulturePortraitBdVDiaporamaArchives
 
Follow actuel_maroc on Twitter
Follow actuel_maroc on Twitter
Trois jeunesses 
Actuel n°92, vendredi 29 avril 2011
| More

Romantiques ou pragmatiques, rebelles ou rĂ©alistes, bien nĂ©s ou mal lotis, portraits croisĂ©s d’une gĂ©nĂ©ration qui sera le Maroc de demain.


***

Comment on devient vingtfévrieriste

Liberté, égalité, éducation

 

C’est ĂȘtre incompris par un systĂšme qui opprime l’individu et sacralise les passe-droits. Rebelles dans l’ñme, les « vingtfĂ©vrieristes » parlent de leurs attentes et de leur engagement.

Les jeunes du 20-FĂ©vrier se sont appropriĂ©s le cafĂ© oĂč ils nous donnent rendez-vous, dans le centre-ville de Casablanca. Filles voilĂ©es ou pas, garçons Ă  la coupe rasta, d’autres plus conservateurs. Le contact est facile, les idĂ©es fusent.

Ces « Oulad Che3b » ont tous fait l’école publique et manifestent car ils veulent exprimer « un ras-le-bol gĂ©nĂ©ral », comme le rĂ©sume Meriem Boulouiz, 18 ans, en premiĂšre annĂ©e de biologie Ă  la facultĂ© des sciences : « Je comprends les jeunes qui ne manifestent pas.

C’est seulement parce qu’on leur a inculquĂ© la peur, les tabous et les lignes rouges. » Meriem s’élĂšve contre l’éducation « lamentable » que reçoivent les Marocains Ă  l’école. S’il y a une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est bien la faillite du systĂšme Ă©ducatif dont ils souffrent tous, l’arabisation qui exclut les riches et la tendance Ă  dĂ©biliser les jeunes. « Cela fait treize ans que j’étudie le français et je n’arrive toujours pas Ă  le parler correctement ! », s’indigne Hamza BadĂź, 19 ans, Ă©tudiant.

Coupables de jeunesse

Le nerf de la guerre est pour eux le favoritisme dont jouissent les « fils de » et la culture de « bak sahbi » (clientĂ©lisme, corruption). « J’ai eu 15 de moyenne au bac mais pas de coup de piston lors des concours ; je n’ai donc pas Ă©tĂ© prise », explique Rania Alani, 19 ans, qui Ă©tudie l’économie en fac de sciences.

Les exemples d’injustice en la matiĂšre sont lĂ©gion : concurrence dĂ©loyale des Ă©coles privĂ©es qui « gonflent » les notes des bacheliers, chantage sur les notes exercĂ© par les professeurs, institutrice qui demande aux Ă©lĂšves de passer la serpilliĂšre au lieu de faire le cours, enseignement de philosophie tronquĂ©, etc.

« J’ai Ă©tĂ© expulsĂ© une semaine du lycĂ©e parce que j’ai parlĂ© de la thĂ©orie de Darwin Ă  ma prof de sciences », se rappelle amusĂ© Hamza BadĂź. A la maison, la chape de plomb est tout aussi pesante et participe Ă  la dĂ©formation du futur citoyen.

On Ă©duque par la peur : « Ne rĂ©ponds pas » ; « Attention, les murs ont des oreilles, ne parle pas politique », etc. « Nos parents disent mĂȘme « ferme-la ! » sinon, je te ramĂšne les flics ! », lance Youssef Aaroui, 19 ans, bachelier.

L’autre mal dont souffre cette jeunesse est le dĂ©ni de leur libertĂ© et
 le dĂ©lit de faciĂšs. « J’étais assis au milieu d’un jardin quand un ‘‘hench’’ (policier) est venu m’insulter juste parce que j’avais des dreadlocks.

Pour lui, j’avais forcĂ©ment du shit sur moi », s’indigne Tarik Alam, en terminale gestion et comptabilitĂ©. A l’école comme dans la rue, c’est l’apparence qui compte et quand on est jeune, on est forcĂ©ment coupable.

Zineb El Yaagoubi, 17 ans, est quotidiennement traitĂ©e de « chitana » (Satan) dans son lycĂ©e. Pourtant, Ă  part un petit bracelet en cuir et ses dessins de pentagrammes, elle a tout de la Marocaine lambda. « A l’entrĂ©e du lycĂ©e, les surveillants dĂ©boutonnent mon tablier et m’ordonnent de ne pas mettre de t-shirt noir, de bracelet en cuir, etc. », explique-t-elle.

Elle raconte aussi comment les motards de la police l’ont agressĂ©e Ă  proximitĂ© du lycĂ©e, juste parce qu’elle Ă©tait avec des amis garçons : « Sortez vos cartes scolaires ! Vous n’ĂȘtes pas des Ă©tudiants ! Va faire le mĂ©nage et pĂ©trir le pain ! Vous payez ces filles hein ?»

La particularitĂ© de ces jeunes, c’est leur refus de cautionner la corruption du systĂšme. A commencer par leur refus de donner un bakchich aux policiers. Au royaume des passe-droits, il suffit de ne pas ĂȘtre soumis pour ĂȘtre rebelle.

Avoir 20 ans et ĂȘtre dĂ©pourvu du prĂ©fixe « Ben » dans son patronyme, cela veut dire aussi subir le contrĂŽle d’identitĂ© quand on frĂ©quente son copain. « On nous enseigne de nous Ă©loigner des garçons. Ça explique en partie pourquoi il suffit de sortir chez l’épicier pour ĂȘtre harcelĂ©e de toutes parts », raconte Saoussane Bourhill, 18 ans.

Pour une démocratie appliquée

C’est cet Ă©touffement et ce peu de considĂ©ration qui ont poussĂ© ces jeunes Ă  rejoindre le 20-FĂ©vrier. En toile de fond : les abus de pouvoir de tous les jours sont les mĂȘmes Ă  grande Ă©chelle. « Quand un bonhomme important brĂ»le un feu rouge, le flic lui donne le salut », s’énerve Hamza Khafif, 19 ans, chĂŽmeur.

RĂ©clamer une « monarchie parlementaire » ne paraĂźt plus avant-gardiste dĂšs lors que l’on entend ces jeunes expliquer que la concentration des pouvoirs affaiblit le citoyen et le maintient sous le sabot.

Pour s’affranchir, « il faut rĂ©clamer des comptes, Ă  commencer par le chaouch (vaguemestre) jusqu’a arriver au sommet de l’Etat », insiste Hamza Khafif qui a abandonnĂ© ses projets de hrig (immigration) depuis qu’il s’est engagĂ© avec le 20-FĂ©vrier.

« Je crois au changement. Mon rĂȘve est de vivre dans la paix et la dĂ©mocratie appliquĂ©e et pas que claironnĂ©e », conclut-il. Hamza BadĂź, plus amer, s’interroge sur sa marocanité : « Je suis un bon citoyen, je respecte les autres, je jette les papiers dans les poubelles, je participe aux dĂ©bats.

Je fais tous mes devoirs mais on ne me garantit ni ma libertĂ© d’expression ni de bons systĂšmes d’enseignement et de santĂ©. » Le potentiel, la fraĂźcheur des idĂ©es et l’engagement de ces jeunes sont manifestes. Au fond, ils rĂ©clament juste qu’on les prenne plus au sĂ©rieux et qu’on les Ă©coute. Et encore, ceux lĂ  sont des rescapĂ©s du systĂšme


Zakaria Choukrallah

| More
Archives Dossier
N°173 : Train de vie de l’Etat : Ces agences inutiles et budgĂ©tivores
N°172 : Hopital public : Grand corps malade en quete de soins 
N°171 : Les rendez-vous manquĂ©s de la dĂ©mocratie 
N°170 : Royal Air Maroc : Champion du monde du redressement  
actuel N°169 : Fiscalité  du  tabac : Une rĂ©forme incomplĂšte  
N°168 : Cannabis :  Une lĂ©galisation qui rapporterait 20 milliards...
N°167 : Chabat est-il fou 
N°166 : Les naufragĂ©s de Comarit 
N°164/165 : Justice et libertĂ© : DĂ©tention prĂ©ventive  
N°163 : Loi de Finances 2013 : Le  budget de  tous  les dangers  
N°162 : Sortir de l’hypocrisie 
N°161 : Abdelkrim : GenĂšse d’une interview historique 
N°160 : Ecoles privĂ©es : El Ouafa s'en va-t-en guerre  
N°159 : Ex-prisonniers du Polisario : Voyage au bout de l’enfer  
N°158 : RentrĂ©e sociale :  Les syndicats pointent une concertation en trompe l'oeil
N°157 : Binationaux : J’ai deux amours...  
N°155 : Emigration : Entre rĂȘve et dĂ©sillusion 
N°154 : MRE : Ils sont rentrĂ©s, ils ont rĂ©ussi  
N°153 : 50 Marocains Ă  la conquĂȘte du monde 
N°152 : Mohammed VI : StratĂ©gie gagnante 
N°151 : Economie 2000-2012 : le grand virage 
N°150 : Ramadan : Le pĂ©ril jeĂ»ne  
N°149 : OĂč s’amuser cet Ă©tĂ© 
N°148 : Couples mixtes : Amours sans frontiĂšres  
N°147 : Pourquoi ne peut-on plus voir le nu en peinture ? 
N°146 : La dĂ©ferlante des malls 
N°145 : Quand le Maroc Ă©tait amĂ©ricain 
N°144 : L’universitĂ© se privatise 
N°143 : Cheikh Maghraoui :  Cet homme est dangereux
N°142 : Affaire Benallou :  Une nouvelle bombe Ă  retardement
N°141 : Etre Noir au Maroc 
N°140 : Faut-il abandonner le français ? 
N°139 : Entretien avec Hamid Benalfdil : DG du CRI du Grand Casablanca.
N°138 : Le sexe au temps du cĂ©libat 
N°137 : ONG: La face cachĂ©e de la sociĂ©tĂ© civile
N°136 : Le modĂšle turc : Mythe ou rĂ©alitĂ© ?
N°135 : Caisse marocaine des retraites : La bombe Ă  retardement
N°134 : Qui a tuĂ© Amina ? 
N°133 : Moralisation de la vie publique : Le spectre de la campagne d’assainissement plane
N°132 : DĂ©linquance :  Le Maroc a peur
N°131 : 14 femmes  pour Benkirane
N°130 : Le rĂ©veil des salafistes  Demain la charia ?
N°129 : Dilapidation des deniers publics:  Benallou et l'ONDA... pour commencer
N°128 : DSK   Le marocain
N°127 : Conservation fonciĂšre : piĂšges, magouilles, corruption
N°126 : Les enfants perdus  de Casablanca
N°125 : PJD  Les rois du marketing
N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques
  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du pĂšre
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumiĂšre
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : HarcĂšlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂŽt sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangĂšre/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piĂšge  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
N°93 : Ces cliniques qui nous ruinent 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier
  
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°91 : Le grand nettoyage 
Actuel n°90 : Le retour des adlistes 
Actuel n°89 : Ruby : sexe, mensonges et vidĂ©o 
Actuel n°88 : ImpĂŽts : Halte Ă  la fraude 
Actuel n°87 : Hassan II TV c’est fini 
Actuel n°86 : Marine Le Pen : L’islam, les Arabes et moi 
Actuel n°85 : Vive le Maroc libre 
Actuel n°84 : Rumeurs, intox : Ă  qui profite le crime ? 
Actuel n°83 : ET MAINTENANT ? Une marche pour la dĂ©mocratie
Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un systĂšme  
Actuel n°69-70 : Benguerir sur les traces de Settat 
Actuel n°68 : Art, sexe et religion : le spectre de la censure 
Actuel n°67 : Dans les entrailles de Derb Ghallef 
Actuel n°66 : Ces FQIHS pour VIP 
Actuel n°65 : RNI, le grand politic show 
Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
Actuel n°63 : Ex-ministres :  y a-t-il une vie aprĂšs le pouvoir ?
Actuel n°62 : Le code de la route expliquĂ© par Ghellab
Actuel n°61 : La vie sexuelle des Saoudiennes
 racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
N°58 : Onze ans, onze projets 
N°57 : Raid sur le kif 
N°56 : Sea, Sun & Ramadan 
N°55 : Casablanca, mais qui est responsable de cette pagaille ?
N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cƓur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂŽmĂ©s chĂŽmeurs : le gouvernement pris au piĂšge
N°51 : 2M : SuccĂšs public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux
 Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
actuel 2010 Réalisation - xclic
A propos Nous contacter