Même les Saoudiens s’y mettent. Cette semaine 2 000 facebookers se sont joints à un groupe : « Le peuple veut la réforme du régime. » Du jamais vu. L’onde de choc de la révolution tunisienne et de la révolte égyptienne n’en finit pas de se propager. On ose réclamer l’impensable, on déterre les utopies.
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Mardi à Casablanca, l’Institut marocain des relations internationales annonçait son prochain colloque sur l’intégration maghrébine. Le changement de régime à Tunis a remis au goût du jour cette vieille idée de l’UMA (Union du Maghreb arabe). On a longtemps cru et vainement espéré que, à l’instar de l’Europe, l’union économique favoriserait l’union politique.
La fermeture des frontières entre l’Algérie et le Maroc a sonné le glas de ces espérances. Mais l’accélération de l’histoire change la donne. Président de l’IMRI, Jawad Kerdoudi estime que « le Maroc et la Tunisie pourraient être le noyau dur de l’Union du Maghreb. Les avancées démocratiques deviendraient des critères de convergence ». Pour l’Algérie, on patientera. Mais la marche du samedi 12 février, pour la levée de l’état d’urgence et un « changement de système », aura valeur de test.
En attendant, tout le monde arabe a les yeux vissés sur la place Tahrir. Selon l’économiste marocain Lahcen Achy, du Carnegie Middle East Center à Beyrouth, cité par Le Monde : « Si le domino égyptien tombe, la contagion ne pourra plus être arrêtée.
Mais il n’y aura plus d’effet de surprise : tout se jouera alors sur la capacité des gouvernements à anticiper sur la révolte en réformant à temps. » Alors, on s’acclimate. En Jordanie, le roi Abdallah  II vient d’ouvrir son nouveau gouvernement à un islamiste et cinq ministres de gauche. Même Bachar el-Assad en Syrie promet des réformes.
Comme à son habitude, le Maroc fait exception. Dernier pays à être colonisé, premier à être libéré, le Royaume semble aussi avoir déjà désamorcé ce qui, ailleurs, met le feu aux poudres. « Contrairement à Moubarak, Hassan II a réalisé l’ouverture politique avant sa succession », souligne le chercheur en sciences politiques Jean-Noël Ferrié qui vit à Rabat. Et alors que tous les peuples arabes exigent un changement de régime, les Marocains réclament une intervention du roi dès qu’un potentat local se prend pour un roitelet. Mais sur Facebook bruissent d’autres refrains...
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La révolution en 7 questions clés
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1 - Pourquoi ce faux départ de Moubarak ?
Il a dit qu’il « parlerait comme un père à ses enfants ». Mais il n’a pas voulu prendre ses responsabilités. Dans son discours de jeudi soir, le raïs s’est livré à un exercice ambigu. Après avoir affirmé que les revendications de la jeunesse étaient « justes et légitimes », il a ajouté qu’il n’écouterait pas « les diktats de l’étranger ». Il a scandé qu’il resterait en amendant la Constitution tout en décidant de transférer ses pouvoirs au vice-président. Mais sans annoncer sa démission ! Comme s’il s’était emmêlé dans des copier-coller. Place Tahrir, la foule a immédiatement crié sa colère et brandi des chaussures.
Ce discours est à l’image d’une journée folle durant laquelle la révolution s’est emballée. On a aussi longtemps pensé que le million de manifestants de la Place Tahrir ne représentait pas les 84 millions d’égyptiens. Mais la majorité silencieuse s’est réveillée cette semaine. De nouvelles forces se sont jointes à l’alliance improbable des jeunes trentenaires adeptes de Facebook et des Frères musulmans qui campaient Place Tahrir.
Jeudi, la plus grande usine textile d’égypte, Misr Filature et Tissage, à Mahallahal-Koubra, a entamé une grève illimitée. Dans tout le delta, des manifestations d’employés du secteur médical et de l’enseignement ont eu lieu. Des dizaines de milliers de fonctionnaires se sont mis en grève à Alexandrie et à Suez. La contagion est devenue palpable. Et dangereuse.
Car dans le même temps, des bidonvillois ont saccagé le siège de la police et celui du gouvernorat, la veille, à Port Saïd. C’est un signe. L’histoire s’accélère et les révoltes deviennent des révolutions quand le peuple s’allie avec la bourgeoisie. Toute l’égypte est prête à se soulever. Jeudi, l’armée a annoncé qu’elle allait examiner les « mesures » nécessaires « pour préserver la nation » et surtout « soutenir les demandes légitimes du peuple ». La place Tahrir ne sera pas Tian’anmen.
Dès lors, tout s’est emballé. Moubarak a consulté son vice-président et son Premier ministre. Le directeur de la CIA a précipitamment annoncé son départ devant le Congrès. La Place Tahrir a commencé à exulter. Et l’armée a laissé faire...
Comme à Lisbonne lors de la Révolution des œillets, comme à Moscou quand Poutine a renversé le régime soviétique, comme à Tunis bien sûr… L’armée est toujours la clé des révolutions contemporaines.
Sauf que le grand cafouillage de jeudi soir brouille les cartes. Soit elle n’a pas réussi à obliger Moubarak à démissionner. Soit certaines factions veulent pousser les manifestants à bout pour mieux les réprimer. Rappelons juste que, depuis Nasser, c’est toujours un militaire qui a dirigé l’égypte sans jamais concéder une parcelle de son pouvoir.
Le faux départ serait alors juste une manœuvre… Ce que confirmerait la nouvelle sortie du vice-président Souleimane affirmant après l’allocution de Moubarak : « Nous ne pouvons pas permettre les émeutes. »
Un discours devenu inaudible. à l’heure où nous écrivons ces lignes, les manifestants ne brandissent plus leurs chaussures mais commencent à ériger des barricades…
Le pouvoir a joué la montre, l’intimidation, le pourrissement. Mais le peuple a prouvé qu’il savait être aussi endurant que le pouvoir. L’égypte entre dans une nouvelle phase et le monde retient son souffle.
E.L.B.
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2 - La démocratie est-elle soluble dans l’islam ?
C’est désormais le cauchemar de l’Occident, la bête noire des intellectuels européens et la peur bleue des régimes arabes : une Égypte aux mains des islamistes, Israël coincé entre deux républiques barbues, l’Iran et le pays des pharaons transformés en base arrière pour les jihadistes de Ben Laden.
Passe encore que les égyptiens se révoltent contre le régime de Moubarak, mais pas question que les Frères musulmans prennent le pouvoir. Rares sont les organes de presse occidentaux à ne pas alimenter le fantasme.
Seul l’hebdomadaire The Economist s’est abstenu d’accorder ses violons avec la peur ambiante. Dans un article titré « L’Occident devrait célébrer la révolte en égypte plutôt que la craindre », l’hebdomadaire estime que la popularité des Frères musulmans, qui tourne autour de 20 %, semble chuter et que dans une égypte démocratique, les Frères musulmans doivent pouvoir participer à la vie politique. Et de citer l’exemple turc, malais ou indonésien.
Mohamed Darif pense que « l’épouvantail islamiste est en fait instrumentalisé par les régimes arabes pour légitimer des dictatures déguisées. Pendant longtemps, ce fut le faire-valoir principal de Ben Ali et de Moubarak ».
Cela dit, est-il possible de composer avec les Frères musulmans ? Aujourd’hui, en égypte, l’organisation est toujours illégale, même si un début de normalisation avait été stoppé net à la veille des élections de décembre 2010, que les Frères musulmans ont boudées arguant du fait que le scrutin était truqué. La reconnaissance que la rue a bien voulu leur accorder reste précaire même s’ils ont été associés aux négociations avec le pouvoir égyptien.
Depuis la mort des pères spirituels de la confrérie, Qotb et El-Banna, les Frères musulmans ont remisé la prise de pouvoir par la violence. Sayed Qotb prônait une rupture radicale avec le régime égyptien car il considérait les dirigeants égyptiens comme des impies.
Est-il possible aujourd’hui de composer un gouvernement de transition sans les Frères musulmans ? Une petite précision préalable : il n’est pas sûr que les Frères musulmans veuillent réellement s’impliquer dans un gouvernement d’union nationale dont ils ne savent pas trop ce qui en sortira.
Apparemment, leur participation aux négociations ressemble beaucoup plus à un test. Ils profitent juste du chaos pour investir le jeu politique, obtenir un statut. Pour l’islamologue, il n’y a guère de doute que l’attitude des Frères musulmans a beaucoup évolué.
Et Darif considère que la plupart des islamistes, contrairement aux jihadistes radicaux, sont convaincus que le seul modèle politique viable aujourd’hui est le modèle turc : « Un état laïque, une armée neutre qui veille au grain et un gouvernement islamiste qui compose avec tout le monde. » Reste que la grande faiblesse des islamistes, de Rabat au Caire en passant par Alger, est l’absence d’un programme économique crédible.
A.E.A.
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3- Est-ce un camouflet pour la realpolitik occidentale ?
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L’histoire aime l’ironie. Les révolutions arabes se révèlent finalement une victoire posthume au goût amer pour les théoriciens has been néo-faucons américains. Georges W. Bush voulait imposer la démocratie par la force et il a provoqué le chaos en Irak. Dix ans plus tard, les peuples arabes prouvent qu’ils veulent effectivement la démocratie et se révoltent contre les régimes autoritaires… soutenus par l’Occident.
Car tout en donnant des leçons de démocratie à la planète entière, les régimes occidentaux se sont parfaitement accommodés des dictatures avariées. De Washington à Paris, dans les chancelleries comme dans les rédactions, il y avait un consensus depuis 2001 : « Plutôt les tyrans à épaulettes que les barbus. »
Cette rhétorique a trouvé ses limites et a contribué à l’aveuglement de l’Occident sur la stabilité des régimes autoritaires. Un responsable américain s’est confié au New York Times : « Nous avons eu des séances stratégiques sans arrêt pendant ces deux dernières années, sur la paix au Proche-Orient, sur la manière de contenir l’Iran. Combien d’entre elles prévoyaient la possibilité que l’égypte passe de la stabilité à la tourmente ? Aucune. »
En Tunisie, les Français n’ont guère fait mieux. On a appris cette semaine, grâce à WikiLeaks, qu’un an avant la chute de Ben Ali, un diplomate français assurait aux Américains que la Tunisie était « le pays le plus stable du Maghreb ». Et pourquoi donc ? « Les Tunisiens semblent percevoir un lien entre les pratiques d’un état policier et la réussite économique, en conséquence, ils acceptent une sorte de contrat social : en échange de la stabilité et de la croissance, la population reste calme. »
Ce cynisme démenti par les faits s’est traduit un an plus tard par les maladresses que l’on connaît. En égypte, les Américains cumulent les bourdes. Après avoir soutenu Moubarak, ils le lâchent comme une vieille chaussette avant de se raviser quand ils constatent qu’il est plus coriace que Ben Ali.
Ils pensent avoir trouvé un opposant présentable en la personne de Mohamed El Baradei, mais la rue égyptienne n’en a cure. C’est le drame des Américains. Avec Walesa ou Havel, ils avaient des interlocuteurs reconnus dans leur pays pour réaliser des révolutions de velours en Europe de l’Est.
Mais au lieu de dialoguer avec les opposants potentiels, ils ont maintenu à bout de bras un régime autoritaire et condamné à l’immobilisme. Certes, il y a des circonstances atténuantes : « Ce désir de démocratie est relativement étonnant. On a perdu l’habitude d’imaginer qu’un mouvement idéaliste pouvait émerger et a fortiori venir de cette région, constate le chercheur Jean-Noël Ferrié. Et il est extrêmement difficile de faire du rétropédalage dans une situation mouvante où il n’y a encore ni vainqueur ni vaincu. »
En attendant, cette crise devrait provoquer une sérieuse remise en cause des diplomaties occidentales. Car leurs opinions publiques n’apprécient pas ces compromissions. La crise politique provoquée par les vacances dorées de Michèle Alliot-Marie et de François Fillon en est un avant-goût. Et demain, si on leur demandait des comptes pour leurs accointances avec d’autres dictatures bien plus puissantes, à commencer par la Chine ? La realpolitik risque de ne plus être très tendance…
E.L.B.
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4- Une égypte démocratique est-elle une menace pour Israël ?
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La question est sur toutes les langues. Les analystes d’envergure mondiale s’accordent, dans leur écrasante majorité, à dire que tout changement de régime remettra automatiquement en question les accords de « paix » entre l’égypte et l’état hébreu et, donc, la sécurité de ce dernier. Israël ne cache d’ailleurs nullement ses craintes. Le pays préfère s’accommoder d’une dictature voisine bienveillante que d’une démocratie présentée comme forcément hostile. Mais est-ce aussi simple ?
Professeur de droit international, Abdelmoughit Benmassoud Tredano affirme qu’en agissant de la sorte, Israël parie sur le mauvais cheval. Et reprenant une analyse de l’écrivain égyptien Alaa El Aswany, il oppose la logique de sécurité, par « définition circonscrite dans le temps » puisque dépendant d’un régime voué à disparaître, à celle d’une paix durable, qu’une démocratie authentique est plus à même de garantir.
« Mais à cela, il y a une condition, celle qu’Israël sorte de son confort et accepte de changer ses positions pour aller plus vers celles de ses futurs interlocuteurs dans la région », dit-il. Israël, l’entend-il de cette oreille ? Nullement selon Pascal Boniface, président de l’Institut de relations internationales et stratégiques et chroniqueur pour actuel.
Pis encore, l’état hébreu ne cesse de grossir le trait d’un raz-de-marée islamiste en égypte. Or, même en cas de victoire des Frères musulmans, ceux-ci devront bien accepter le fait qu’Israël est plus puissant militairement et qu’il a toutes les faveurs, et la couverture, des états-Unis.
De quoi refroidir mêmes les plus ardents des « ennemis » d’Israël. « Ce qui pourrait se produire par contre, c’est qu’un autre gouvernement égyptien soit moins accommodant avec l’actuelle coalition de droite et d’extrême droite au pouvoir en Israël », écrit Boniface dans les colonnes du Nouvel Observateur. Israël devra obligatoirement négocier. Peut-être une bonne fois pour toutes.
T.Q.
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5- Les révolutions vont-elles s’exporter ?
Les chefs des tribus bédouines de Jordanie, soutien traditionnel du roi Abdellah II, ont menacé lundi 7 février de « manifestations semblables à celles de la Tunisie et de l’égypte », dénonçant « la corruption profonde » et la « crise du pouvoir », et ce malgré la nomination d’un nouveau gouvernement et d’autres mesures préventives prises par le roi de Jordanie. Plus proche de nous : la rue libyenne, plutôt silencieuse, connaîtra peut-être elle aussi une marche de protestation le 17 février. Il en va de même pour le Maroc (20 février) et l’Algérie (12 février). La « révolution populaire » fera-t-elle pour autant tache d’huile ?
Si le mécontentement envers les dirigeants, le chômage, la marginalisation et l’exclusion sont des points communs entre tous ces pays, chacun d’entre eux a ses spécificités, estime le politologue Mohamed Darif. « L’Égypte, la Tunisie et la Syrie sont les plus enclins à l’embrasement car, dans les trois cas, il n’y a pas de séparation entre le parti unique et l’état autour duquel gravitent de faux partis d’opposition », précise-t-il.
L’avocat Khalid Sefiani est, lui, plus catégorique estimant que la révolution ne se limitera pas à l’égypte et à la Tunisie. « Ce qui s’est passé dans ces deux pays a changé la donne une bonne fois pour toutes. Les peuples arabes veulent la démocratie, la liberté, en finir avec la corruption et les brimades. » Va-t-on assister les prochains jours à un effet domino ? Si les mouvements de protestation sont appelés à prendre de l’ampleur et à s’étendre, il n’est pas sûr qu’ils aboutissent forcément à des remises en question aussi profondes qu’en égypte, en Tunisie, voire en Jordanie.
Z.C.
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6- Y a-t-il une exception marocaine ?
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Le Maroc va-t-il être éclaboussé par les manifestations populaires qui embrasent toute la région ? Le fait qu’il n’ait pas (encore ?) été contaminé signifie-t-il pour autant qu’il représente une exception ? Pour Khalid Cherkaoui Semmouni, président du Centre marocain des droits de l’homme (CMDH), le régime marocain a fait preuve « d’intelligence en optant pour l’ouverture : promotion des droits humains, mise en place de l’IER, ouverture aux islamistes, mise en place de l’INDH, etc. ».
Et de poursuivre, « le roi a réussi à gagner la sympathie de son peuple grâce notamment à l’intérêt qu’il porte aux petites gens et à ses déplacements dans l’arrière-pays ». Une idée que corrobore Mohamed Darif qui exclut une remise en question du régime monarchique au Maroc : « Si demain des manifestations ont lieu au Maroc, elles seront dirigées contre le gouvernement et non contre le roi. De plus, il n’y a pas véritablement de parti hégémonique au Maroc comme c’est le cas en égypte et en Tunisie. »
Sommes-nous pour autant tirés d’affaire ? Les analystes s’accordent à dire qu’il faut obligatoirement entamer des réformes, d’autant plus que le pays a enregistré des retours en arrière sur le terrain de la démocratie ces dernières années, constatations des ONG à l’appui. C’est sur la nature de ces réformes que les avis divergent.
Pour le chercheur (et cousin du roi) Moulay Hicham, cela passe par une réforme constitutionnelle devant déboucher sur une monarchie parlementaire. Mohamed Darif nuance pour sa part estimant que les conditions ne sont pas encore réunies pour qu’une telle revendication aboutisse et dresse une liste de « priorités » : « Crédibilisation de l’action politique, fin de l’impunité, réforme de la Constitution pour qu’il y ait une séparation des pouvoirs et non seulement des fonctions, éviter d’attiser la colère du peuple qui voit que certaines familles (El Fassi, ndlr) s’accaparent la scène politique. » Last but not least : « Régler le problème avec les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane car il est dangereux de laisser hors-jeu des gens avec autant de pouvoir d’encadrement et de mobilisation. » Pour Cherkaoui Semmouni, si le Maroc ne doit tirer qu’une leçon, c’est bien l’intérêt plus grand qu’il doit porter aux jeunes. « à travers les réseaux sociaux, les jeunes Arabes voient et expriment une envie de vivre au même niveau de liberté que les pays occidentaux. Ils ne veulent plus être gouvernés avec la logique qui prévalait lors des années 1970 », conclut-il.
Z.C.
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7- Comment la rue marocaine vit-elle les révolutions ?
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Dans les cafés, autour de la sinia de thé, dans les taxis et partout ailleurs, l’égypte occupe toutes les discussions au Maroc. La solidarité est de mise. Les images de manifestants, bravant tant la répression que les multiples tentatives de récupération de la « révolution », l’humour des égyptiens ne laissent personne indifférent.
Attablé dans un café populaire au quartier Yacoub El Mansour et les yeux rivés sur Al Jazeera, un groupe de jeunes lance des paris, sur la survie du régime, certains étant sûrs que Moubarak « dégagera », d’autres émettant de grands doutes, au vu de l’importance géostratégique de ce pays.
« Vous croyez que les états-Unis et Israël laisseront faire, eux qui ont soutenu Moubarak pendant des décennies ? », s’interroge l’un eux. « C’est oublier que les égyptiens sont des gens cultivés.
Même les cireurs de chaussures lisent le journal et sont suffisamment éduqués pour comprendre le monde qui les entoure et réagir. Et ils l’ont fait », lui rétorque un autre. D’aucuns suivent également de près les mouvements de protestation enclenchés dans des pays comme le Yémen, mais aussi la Jordanie.
Si, par admiration de la « résistance » du peuple égyptien et de la « victoire » des Tunisiens, certaines voix s’élèvent contre la « hogra » au Maroc, la plupart des individus interrogés ne sont nullement enclins à les suivre.
Certains par amour sincère du roi, un amour qui n’a d’égal que le peu d’importance qu’ils accordent au gouvernement et au Parlement. D’autres parce qu’ils pensent que c’est moins le politique que le social qui pose problème.
D’autres encore affichent leur fatalisme. « à quoi servent ces révolutions de toutes les manières ? Si c’est pour virer des dictateurs pour les remplacer par d’autres, je n’en vois pas l’intérêt », dit ce coiffeur, sceptique.
T.Q. |