|
Ex-ministres : y a-t-il une vie aprĂšs le pouvoir ?
Actuel n°63, samedi 2 octobre 2010
|
|
Il nây a rien de plus fragile quâune carriĂšre politique. Ce qui nâempĂȘche pas les ex-ministres de courir le strapontin. PlongĂ©e dans les entrailles du pouvoir.
***
Remaniera, remaniera pasâ? Il aura fallu que quelques ministrables en mal de strapontin lancent la rumeur sur lâĂ©ventualitĂ© dâun remaniement avant la fin de lâannĂ©e 2010, pour que la course aux candidatures sâaffole. Nombreux sont les ex-ministres qui font dĂ©jĂ le pied de grue devant les patrons des partis avec la ferme intention de reconquĂ©rir un fauteuil. Sur quoi se fonde cette hypothĂšseâ? Essentiellement sur les dĂ©clarations au vitriol de Abbas El Fassi accusant des dĂ©partements comme celui de lâEnseignement ou de la Justice de tirer la majoritĂ© vers le basâ; et sur lâannonce, le 2 mars dernier, de la naissance de lâalliance RNI-UC, un mariage contre nature entre un parti de la majoritĂ© et un parti dâopposition. Sous la pression de la hiĂ©rarchie de lâUC, cette formation espĂšre bien gagner un ou deux strapontins ministĂ©riels dans lâĂ©quipe actuellement au pouvoir avant quâelle ne disparaisse.
Revenir sous les feux de la rampe
DâoĂč vient cette fiĂšvre qui agite Ă©galement des responsables que le pouvoir a laissĂ© tomber, des ex-ministres qui nâont pas abandonnĂ© lâespoir de revenir sous les feux de la rampeâ? «âAprĂšs avoir voyagĂ© aux frais du gouvernement, rencontrĂ© les grands de ce monde, vĂ©cu sans souci du lendemain, avoir Ă©tĂ© courtisĂ© par les grands et les petits, chouchoutĂ© par les mĂ©dias, on sâinstalle forcĂ©ment dans lâillusion de la durĂ©eâ», justifie un ministre qui a fait deux mandats dans le gouvernement Youssoufi. Le professeur en psychiatrie Omar Battas voit dans cet acharnement Ă revenir sur le devant de la scĂšne une difficultĂ© rĂ©elle Ă se contenter dâune vie normale aprĂšs la griserie du pouvoirâ: «âChez nous, peut-ĂȘtre plus quâailleurs, nous ne savons pas maintenir une distance salutaire entre lâĂȘtre et le paraĂźtre. DĂšs quâils ont un minimum de pouvoir, les gens se laissent convaincre facilement quâils sont trĂšs importants voire indispensables, ce qui rend la âtraversĂ©e du dĂ©sertâ trĂšs pĂ©nible. DâoĂč le dĂ©sir ardent de rempiler.â» Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ce qui hante le sommeil de beaucoup de nos ex-ministres, câest la pĂ©rennitĂ© dâun statut confortable. Faute de survivre au pouvoir, ils espĂšrent mourir au pouvoir. DâoĂč la frĂ©nĂ©sie avec laquelle ils se battent pour rester dans la hiĂ©rarchie de la direction des partis politiques, Ă dĂ©faut de briguer un poste de dĂ©putĂ© qui leur permettrait de concourir une autre fois. Bien entendu, aucun dâeux ne se reconnaĂźt dans ce portrait. Nabil Benabdellah se dĂ©fend de courir derriĂšre un quelconque strapontin ministĂ©riel. Pour lui, cette expĂ©rience enrichissante lui a apportĂ© une vision plus claire de la gouvernance mais pas plusâ: «âQuand on thĂ©orise sur lâEtat, on est souvent tentĂ© par le fameux ââil nây a quâĂ âŠââ mais quand on met la main Ă la pĂąte, on se rend compte quâil est extrĂȘmement ardu de mener Ă bout des projets de loi, de faire en sorte que ses dĂ©cisions soient conformes Ă ses idĂ©aux. Jâai donc beaucoup appris Ă lâĂ©poque oĂč jâĂ©tais au gouvernement. Aujourdâhui, au PPS, je fais de la politique autrement mais ça nâen reste pas moins tout autant enrichissant.â»
Pour un Abdelkrim Benatik, ancien secrĂ©taire dâEtat, aujourdâhui secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du tout nouveau Parti travailliste, la politique doit nĂ©cessairement ĂȘtre au service de la chose publique, et se retrouver au gouvernement ne lui dĂ©plairait pas. «âCe que je retiens de mon expĂ©rience au gouvernement, câest que le privĂ© dâoĂč je viens et le public se tournent le dos, deux mondes complĂšments diffĂ©rents. En tant quâacteurs politiques, nous sommes forcĂ©ment porteurs dâun projet politique. En tant que ministre, jâaurais le devoir de dĂ©fendre ce projet, de lâassurer et de faire lâeffort dâen expliquer les ressorts aux citoyens.â»
Rempiler par crainte de voir sâĂ©vanouir les avantages
Tous obsĂ©dĂ©s par le retour sous les feux de la rampeâ? Foin de dĂ©magogieâ! La rĂ©alitĂ© est beaucoup plus complexe. Si nombre dâex ou mĂȘme de ministres en fin de mandat sâempressent de rempiler par crainte de voir sâĂ©vanouir leurs avantages, certains tels Omar Azziman, Ahmed Lahlimi ou encore Hassan Abouyoub ont su faire valoir des atouts et une expĂ©rience rĂ©ussie. Le premier se retrouve Ă la tĂȘte de la commission de rĂ©gionalisation, le second au haut-commissariat au Plan et le dernier sâest recyclĂ© dans la diplomatie. Alors que dâautres, essentiellement ceux qui venaient du privĂ© comme Driss Jettou ou Adil Douiri, ont renouĂ© avec le monde des affaires. Fouad Ali El Himma constituant un cas Ă part. Lâhomme serait-il en train de prĂ©parer son retour en force, cette fois-ci Ă la primatureâ? Tout porte Ă le croire. Lâactivisme effrĂ©nĂ© du PAM, les sorties remarquĂ©es des lieutenants de FAH, le porte-Ă -porte mis en place par le PAM pour ratisser large et le recrutement des jeunes dans la perspective des lĂ©gislatives de 2012, laissent prĂ©sager un scĂ©nario oĂč ce parti raflerait la mise. Avec la consĂ©quence logique de se retrouver Ă la tĂȘte de la majoritĂ© gouvernementale. De lĂ Ă ce quâun Himma soit appelĂ© Ă piloter le gouvernement, il nây a quâun pas que de nombreux observateurs politiques nâhĂ©sitent pas Ă franchir allĂšgrement. Pourtant, quoi de plus fragile quâune carriĂšre politiqueâ? ArrivĂ©s au pouvoir le plus souvent par un pur hasard et non par les urnes, de nombreux ministres ont rĂ©gnĂ© sans partage sur des dĂ©partements clĂ©s sans forcĂ©ment ĂȘtre des foudres de guerre en politique. «âDevenir ministre au Maroc relĂšve quasiment de la providenceâ», ironise lâun de ces ex.
Quand on a Ă©tĂ© touchĂ© par la grĂące, plus dure est la disgrĂące⊠Mohamed El Gahs, brillant intellectuel de la gauche, sombre dans la dĂ©pression avant de disparaĂźtre du champ politiqueâ; dâautres sâaccrochent dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă lâimage dâun Mustapha Mansouri qui, aprĂšs avoir perdu la prĂ©sidence du RNI, espĂšre toujours retrouver un strapontin ministĂ©riel Ă lâissue de son mandat Ă la tĂȘte du Parlement. En tout cas, rares sont ceux qui se rĂ©signent, une fois les clĂ©s du ministĂšre rendues, Ă passer Ă autre chose. Cependant, des profils dâexception marquĂ©s par un engagement passionnĂ© et un dĂ©vouement sans concession au pays ââcomme celui de Abderrahman Youssoufiââ ont rĂ©ussi Ă gagner, mĂȘme aprĂšs leur dĂ©part, lâestime et la considĂ©ration de tous.
Abdellatif El Azizi |
Interview avec le professeur Omar Battas
« La traversée du désert est trÚs pénible »
Le pouvoir, câest grave docteurâ? Est-ce une maladie⊠ou une perversionâ? Un psychiatre rĂ©pond.
Y a-t-il une vie aprĂšs le pouvoir ?
OMAR BATTASâ: Le plus souvent, le pouvoir est une passion, une maniĂšre dâexister Ă laquelle un homme politique renonce difficilement. Dâun point de vue psychanalytique, il y a rarement une vie aprĂšs le pouvoir Ă moins dâavoir vraiment pris le soin de maintenir une distance salutaire entre sa propre personne et sa fonction. LĂ , rien nâempĂȘche un ministre ou nâimporte quel homme politique de rebondir pour passer Ă autre chose. Par contre, pour les individus (et câest plutĂŽt la rĂšgle chez nous) qui se sont convaincus dâĂȘtre trĂšs importants voire indispensables, qui se sont trop identifiĂ©s Ă leur fonction, la «âtraversĂ©e du dĂ©sertâ» est trĂšs pĂ©nible. Le choc de perdre le pouvoir est souvent Ă la mesure des efforts fournis pour conquĂ©rir ce mĂȘme pouvoir et le conserver. Pour ces gens-lĂ , perte de pouvoir signifie faillite du moi et, en gĂ©nĂ©ral, ces personnes passent par des pĂ©riodes de stress qui oscillent entre le dĂ©sespoir, la souffrance et le sentiment dâabandon, voire de trahison. Certains font mĂȘme appel Ă la psychanalyse pour tenter de sâen sortir.
Que se passe-t-il dans la tĂȘte dâun ministre, dâun homme politique quand il perd le pouvoir ?
Il y a sans aucun doute une psychologie propre aux hommes de pouvoir, mĂȘme si lâeffet magnĂ©tique du pouvoir et de lâargent agit dans lâensemble sur les mĂȘmes mĂ©canismes psychologiques de tous les individus. Mais lâhistoire a dĂ©montrĂ© que les hommes politiques cĂ©lĂšbres ont dĂ©veloppĂ© un «âsurmoiâ» puissant, un ego dĂ©mesurĂ© qui a besoin non seulement de reconnaissance, voire de lâamour des autres, mais qui est Ă©galement entretenu par un narcissisme exacerbĂ© par le sentiment dâĂȘtre «âune sorte de sauveur de lâhumanitĂ©â». Ce qui complique les choses au Maroc, câest quâun ministre en fonction est lâobjet dâune sollicitude exagĂ©rĂ©e parce que les gens croient, Ă tort ou Ă raison, que lâhomme a le pouvoir dâouvrir de nombreuses portes. RĂ©sultat, une fois hors du gouvernement, il ne mĂ©rite mĂȘme plus un salut de complaisance, dâoĂč le choc dĂ» Ă la «âchuteâ»â!
Le pouvoir a-t-il un sexe ?
Je pense quâon est encore loin de ce dĂ©bat. Dans un pays oĂč les femmes ministres se comptent sur le bout des doigts, oĂč la paritĂ© est encore bien timide, parler du pouvoir et de ses effets chez les femmes est un peu prĂ©maturĂ© mais cela nâempĂȘche pas de reconnaĂźtre une dimension fĂ©minine de lâexercice du pouvoir. Sâil y a effectivement un dĂ©but de normalisation de la prĂ©sence des femmes dans la sphĂšre publique, il faut reconnaĂźtre quâil nây a pas une façon de faire spĂ©cifique aux femmes, mais quâil existe juste des situations et des contextes diffĂ©rents auxquels la femme rĂ©pond de maniĂšre originale. En dĂ©pit de cette Ă©volution, leur prĂ©sence dans la politique est vĂ©cue comme une anomalie, une femme nâest pas vraiment au cĆur du systĂšme politique. Sauf quelques rares cas qui ont bouleversĂ© la rĂšgle, on considĂšre souvent une ministre comme un sous-ministre. On peut supposer que sâil est encore plus difficile pour une femme dâobtenir le pouvoir, le perdre ensuite nâest pas aussi dramatique que ça lâest pour un homme.
Propos recueillis par A. E. A. |
Lâexil dorĂ©
AprĂšs avoir connu lâivresse du pouvoir, ils ont su rebondir⊠en attendant de revenirâ?
***
Abderrahman Youssoufi, lâermite de Cannes
«âYoussoufi nâa pas Ă rougir de ses rĂ©sultats Ă©conomiques.â» Youssoufi est lâunique ministre dâun gouvernement marocain Ă avoir eu les honneurs de Jean-Pierre Tuquoi, le sulfureux spĂ©cialiste du Maroc au journal Le Monde. Câest dire que le personnage fait partie de ces grands hommes dâEtat dont le charisme et la droiture ont marquĂ© la scĂšne politique nationale, au cours de la lĂ©gislature du gouvernement dâalternance qui a pris fin avec la nomination de Driss Jettou, en 2002. Aujourdâhui, celui qui a qualifiĂ© la nomination du gouvernement technocrate de Jettou de «âcoup dâEtat contre la dĂ©mocratieâ» sâest complĂštement retirĂ©. «âLâermite de Cannesâ» ne met fin Ă sa retraite quâĂ lâoccasion de lâenterrement dâun de ses compagnons de lutte ou encore dâune figure marquante de la politique au Maroc. On lâa vu brosser un tableau nostalgique de lâintellectuel Ă la mort de son ami Jabri, par exemple. A la question concernant ses «âfameuses mĂ©moiresâ» Ă venir, le personnage vous rĂ©pond avec un sourire qui peut tout aussi bien dire «âmĂȘlez-vous de ce qui vous regardeâ».âA. E. A.
Fouad Ali El Himma, le retour par la politique
«âA quoi joue Fouad Ali El Himmaâ?â» La question taraude toute la classe politique qui ne sait sur quel pied danser avec lâex-patron du ministĂšre de lâIntĂ©rieur. Quand lâhomme quitte ce dĂ©partement en 2002 pour «âse consacrerâ» Ă lâavenir de son patelin natal, soutenant que sa dĂ©marche ne rĂ©pond Ă aucun agenda politique, on est bien tentĂ© de le croire. Sauf que, sâil nâest pas forcĂ©ment focalisĂ© sur la primature en 2012, FAH agit comme sâil Ă©tait dĂ©jĂ en⊠2012. Aujourdâhui, tous les signes dâune Ăąpre bataille pour la primature sont lĂ . Le PAM fonctionne aujourdâhui Ă la maniĂšre dâun «âShadow Cabinetâ» britannique, oĂč le noyau dur des Akhchichine, Bennadi et autres Benchemass planche sur des sujets dâactualitĂ© brĂ»lante. Seule certitudeâ: quelques jours avant la rentrĂ©e parlementaire, le PAM se rĂ©organise en vue des futures Ă©chĂ©ances Ă©lectorales. Et pour lâinstant, aucun poids lourd de ce parti ne tient la comparaison devant lâenfant chĂ©ri du sĂ©rail pour piloter un gouvernement en cas de victoire (probable) du PAM aux lĂ©gislatives prochaines. A. E. A.
Nabil Benabdellah, fin diplomate
On le croyait Ă terre aprĂšs un passage mouvementĂ© Ă la tĂȘte de lâambassade du Maroc en Italie, on le retrouve Ă la tĂȘte dâun parti. Nabil Benabdellah file le parfait amour avec le PPS. Normal, le nouveau patron du parti communiste peut envisager lâavenir avec sĂ©rĂ©nitĂ©â: au prochain gouvernement, le PPS qui sâen sort toujours, au minimum, avec un ou deux postes ministĂ©riels, ne trouvera pas dâautre candidat plus intĂ©ressant que cet homme Ă la faconde intarissable, dotĂ© dâun rĂ©el entregent.
Benabdellah a un discours sĂ©duisant, il manie la langue de bois Ă merveille et a, de surcroĂźt, dĂ©jĂ occupĂ© le poste de communicateur en chef du gouvernement et de ministre de la Communication sous le gouvernement Jettou en 2002. De lĂ Ă ce que les camarades le plĂ©biscitent pour en remplacer un autre Ă la tĂȘte de ce dĂ©partement, il nây a quâun pas que les intĂ©ressĂ©s se gardent de franchir pour lâinstant. En attendant, Benabdellah, qui se dĂ©fend de courir aprĂšs le maroquin, explique quâil «âfait tout simplement de la politique autrementâ». âA. E. A.
---------------------------------------
Reconversions Ă©conomiques
Ils ont acceptĂ© de baisser leur salaire pour faire de la politique. Mais quand on est dans le business, on sait quâun portefeuille ministĂ©riel, câest aussi un bon investissementâŠ
***
Adil Douiri investit plus vite que son ombre
AprĂšs son passage Ă la tĂȘte du tourisme, entre 2002 et 2007, Adil Douiri renoue avec ses premiĂšres amours en crĂ©ant la sociĂ©tĂ© dâinvestissement Mutandis. Othman Benjelloun, Mohamed Hassan Bensalah, Zouheir Bennani et Driss Jettou le soutiendront dans cette aventure. MĂȘme des investisseurs français et espagnols comme Inveravante se laisseront sĂ©duire par le projet. Deux ans aprĂšs sa crĂ©ation, Mutandis ne lĂšve pas moins de 1,3âmilliard de dirhams pour accĂ©lĂ©rer le rythme de ses acquisitions. Son expĂ©rience Ă la tĂȘte du dĂ©partement de lâArtisanat donnera Ă Douiri lâidĂ©e de jeter son dĂ©volu sur Amira Bougies (bougie dĂ©corative), Akkal (poterie et cĂ©ramique de luxe) et Via Notti (linge de maison). Mutandis enchaĂźne les acquisitions dans lâindustrie des dĂ©tergents (Distra et Maxis), puis dans la conserve de poissons (LGMC) et lâindustrie plastique (CMB Plastique), sans oublier lâindustrie de la biĂšre (Brasseries du Maroc). Si tout va bien, Mutandis ira en Bourse entre 2011 et 2012 pour continuer Ă financer sa croissance. Loin de la politique, Douiri reste le patron des jeunes Ă©conomistes istiqlaliens. Il garde un Ćil sur les finances publiques quâil a rĂȘvĂ© de diriger et a toujours une bonne suggestion Ă faire Ă celui dont il convoite la placeâ! K. E. H.
Driss Jettou, amours déçues
Comme il fallait sây attendre, Driss Jettou nâa eu aucun mal Ă retrouver sa vie dâindustriel. NommĂ© chef de gouvernement entre 2002 et 2007, le crĂ©ateur des cĂ©lĂšbres magasins de chaussures Au Derby dĂ©lĂšguera cette activitĂ© Ă ses proches. En homme dâaffaires averti, il nâhĂ©site pas Ă explorer, aprĂšs son dĂ©part en 2007, de nouveaux crĂ©neaux comme le capital investissement avec son poulain, Adil Douiri, ou encore la logistique et la promotion immobiliĂšre.
En association avec son partenaire Ă©tranger de toujours dont il garde soigneusement secret le nom, il monte en 2008, le fonds dâinvestissement MutĂ©o. Il acquiert alors des participations dans Mutandis de Adil Douiri et prĂ©voit de concrĂ©tiser un parc logistique et industriel, complĂ©tĂ© par un lotissement pour logements rĂ©sidentiels. Le site de 81 hectares, qui se trouve Ă cheval entre Hay Hassani (zone urbaine) et Nouaceur (zone rurale), dĂ©clenche une levĂ©e de boucliers. Le litige qui oppose les promoteurs du projet au ministĂšre de lâEquipement dĂ©frayera la chronique. Ce dernier y prĂ©voit la construction dâune artĂšre rapide entre lâaĂ©roport Mohammed V et Dar Bouazza. Lâaffaire est toujours en suspens. M. K.
Khalid Alioua : immobilier, la nouvelle vocation
DĂ©cidĂ©ment, lâex-ministre socialiste de lâEnseignement supĂ©rieur et de la Recherche scientifique du gouvernement Driss Jettou, a plusieurs cordes Ă son arc. En avril 2009, Ă peine dĂ©barquĂ© du CIH que Khalid Alioua tentera de remettre Ă flot cinq ans durant avec plus ou moins de succĂšs, le voilĂ qui se lance dans la promotion immobiliĂšre. Son expĂ©rience Ă la tĂȘte de la banque publique, leader historique du financement de lâimmobilier, lui sera, sans nul doute, utile pour faire fructifier rapidement son investissement et, pourquoi pas, saisir les meilleures opportunitĂ©s.
Effaçant dâun trait le scandale qui avait entachĂ© son mandat Ă la tĂȘte du CIH, Ă propos du rachat dâun appartement Ă un prix infĂ©rieur Ă celui du marchĂ©, Alioua crĂ©e une sociĂ©tĂ© familiale, Iskan Opportunities, avec une mise de dĂ©part de 300 millions de dirhams. Iskan Opportunities serait actuellement en train de se constituer une assiette fonciĂšre pour lancer dans les meilleurs dĂ©lais ses premiers projets immobiliers. On peut se demander sâil sâagit dâune reconversion sincĂšreâ: Khalid Alioua a-t-il dĂ©finitivement tournĂ© la page de la politique ou bien garde-t-il lâespoir de revenir au devant de la scĂšne publique ? Rendez-vous en 2012. âM.K.
-------------------------------------
Retraite forcée
Ils ont goĂ»tĂ© aux dĂ©lices du pouvoir avant lâamertume de la disgrĂące. Sans retour possible.
***
Abderrahim Harouchi, premiĂšres amours
Ministre de la santĂ© de 1992 Ă 1995, mais aussi et surtout du DĂ©veloppement social, de la Famille et de la SolidaritĂ© de 2004 Ă 2007, Abderrahim Harouchi a toujours Ă©tĂ© un ministre Ă part. Fin pĂ©dagogue, remarquable par son code vestimentaire et sa maniĂšre de sâexprimer, il a su «âvendreâ», non sans succĂšs, le vĂ©ritable projet de rĂšgne quâest lâInitiative nationale de dĂ©veloppement humain. AuprĂšs de lâopinion publique mais aussi des partenaires Ă©trangers du Maroc. «âCastĂ©â» spĂ©cialement pour cette mission, il quittera le gouvernement sitĂŽt celle-ci accomplie. Aujourdâhui, il continue dâexercer en tant que chirurgien pĂ©diatrique et mĂ©decin enseignant. Tout comme il maintient son action dans la promotion des droits civiques et des valeurs de citoyennetĂ© avec son association AFAK. La politique semble derriĂšre lui, mĂȘme sâil reste abonnĂ© aux sorties mondaines. Il lâaura marquĂ©e par son style inimitable ainsi que par la conviction quâil mettait dans les projets dont il avait la charge. T.Q.
Mohamed Mansouri, la loi des séries
Lâhistoire retiendra de lui dâavoir menĂ© avec succĂšs un dossier aussi Ă©pineux que marathonienâ: le code du travail. CâĂ©tait du temps oĂč il Ă©tait ministre de lâEmploi (2002-2007). En tout, Mustapha Mansouri aura Ă©tĂ© trois fois ministre, tant sous Hassan II que sous Mohammed VI. Son efficacitĂ© nâa eu dâĂ©gal quâune discrĂ©tion qui trahirait une grande timiditĂ©. Ce qui ne lâa pas empĂȘchĂ© de conduire sans heurts la mutation du RNI, parti quâil a eu Ă prĂ©sider aprĂšs le dĂ©part forcĂ© dâAhmed Osman. Dans le sillage, il a dĂ©crochĂ© la prĂ©sidence de la Chambre des reprĂ©sentants au Parlement. Fin stratĂšge, Mansouri nâa nĂ©anmoins pas pris en considĂ©ration lâarrivĂ©e dâun PAM dont le RNI Ă©tait lâalliĂ© principal. Ses critiques acerbes contre le parti de Fouad Ali El Himma et sa volontĂ© de changer de cap, Ă la faveur dâun rapprochement avec le PJD, lui auront coĂ»tĂ© sa place Ă la tĂȘte du parti. Conduit par Salaheddine Mezouar, le putsch a valu Ă Mansouri dâĂȘtre Ă©cartĂ© du parti et du Parlement. Aujourdâhui, dĂ©putĂ© et maire de El-Aroui (Nador), il attend des jours meilleurs. On le disait partant pour un poste dâambassadeur en Arabie saoudite en rĂ©compense de ses bons et loyaux services. Mais encore faudrait-il quâil soit toujours dans les bonnes grĂąces... âT. Q.
Mohamed El Gahs : Elyazghi mâa « tuer »
Pendant de trĂšs longues annĂ©es, ses Ă©ditoriaux dans les colonnes de notre confrĂšre LibĂ©ration ont fait fureur. Militant de la premiĂšre heure et incarnation dâune jeunesse USFP en Ă©bullition, Mohamed El Gahs Ă©tait apprĂ©ciĂ©, tant au sein de son parti quâen haut lieu. NommĂ© en 2002 secrĂ©taire dâEtat chargĂ© de la Jeunesse, dĂ©partement considĂ©rĂ© jusque-lĂ comme la cinquiĂšme roue du carrosse, il multiplie les initiativesâ: Sport pour tous, Vacances pour tous, Livres pour tous⊠Les jeunes nâauront jamais eu autant de place dans le calendrier gouvernemental. CâĂ©tait sans compter avec le fameux scandale de Ras-El-Ma (oĂč dans le cadre du programme Vacances pour tous, six fillettes ont perdu la vie au cours de lâĂ©tĂ© 2005, suite Ă un incendie) qui va lui coĂ»ter sa rĂ©putation. Mais ce qui lâa vraiment achevĂ©, ce sont ses positions contre les dinosaures de son parti, Mohamed Elyazghi en tĂȘte. EjectĂ© sans mĂ©nagement du quotidien LibĂ©ration, aprĂšs douze annĂ©es de bons et loyaux services, isolĂ© au sein de lâUSFP, mis au placard par Driss Jettou et dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©cartĂ© des grandes manifestations de jeunes, dont il est le secrĂ©taire dâĂtat... autant dire que Mohamed El Gahs a Ă©tĂ© enterrĂ© vivant, sans possibilitĂ© pour lâheure de revenir sur le devant de la scĂšne.âT. Q.
Mohamed El AchĂąari, le nouveau trublion
Romancier, poĂšte, et militant USFP de longue date, Mohamed El AchĂąari nâen a pas cru ses oreilles quand il a appris en 1998 quâil Ă©tait nommĂ© ministre de la Culture. Une fois remis de ses Ă©motions, il dotera les artistes dâune carte professionnelle, ressuscitera les projets jadis mort-nĂ©s de grandes infrastructures culturelles et artistiques, comme le musĂ©e national dâart contemporain de Rabat. Il fera, malgrĂ© tout, les frais de la disgrĂące dont sa formation a Ă©tĂ© frappĂ©e ces derniĂšres annĂ©es. Sorti du gouvernement, il ne cesse de vouloir remonter la pente, multipliant les sorties mĂ©diatiques sous sa double casquette de militant et dâhomme de culture. De guerre lasse, le discret AchĂąari, qui avoue volontiers ĂȘtre minoritaire au sein de sa formation, va se mettre en mĂ©nage avec Ali Bouabid et Larbi Ajjoul pour annoncer le gel de sa participation au sein du bureau politique de lâUSFP et dĂ©noncer la gestion interne du partiâŠ
Le feu dâartifice a durĂ© quelques jours avant que les trois compĂšres ne rentrent dans les rangs. RĂ©sultat, sâil arrive Ă se faire remarquer de temps en temps, Mohamed El AchĂąari nâa pas encore rĂ©ussi Ă retrouver une place au soleil. Les temps ont dĂ©cidĂ©ment changĂ©.âT. Q.
 |
Trois questions Ă Mohamed Ziane, ex-ministre des Droits de lâHomme
« On devient ministre pour se servir, pas pour servir »
Toujours aussi grande gueule, cet ex-ministre des Droits de lâHomme, qui avait osĂ© claquer la porte pour protester contre la campagne dâassainissement de Driss Basri, revient sur les perversions de la fonction.
***
Pourquoi la plupart des anciens ministres ne rĂȘvent que de revenir au pouvoir ?
MOHAMED ZIANEâ: Sans doute, le pouvoir est-il une drogue dont on guĂ©rit difficilementâ: plus on y goĂ»te, plus on en redemande, jusquâau moment oĂč on ne peut plus sâen passer. Il y aussi une question bassement matĂ©rielle, un ministre, ça vit encore dans des fastes et des privilĂšges qui datent dâune autre Ă©poque. On bĂ©nĂ©ficie de logements de fonction avec du personnel de service, des voitures de luxe avec chauffeur pour soi et pour madame. Il y a trop de privilĂšges qui faussent la fonction, et je ne parle pas des Ă -cĂŽtĂ©s et des fortunes quâil est possible de constituer en lâespace de quelques annĂ©es.
La motivation matérielle est-elle toujours le principal moteur de cette course au strapontin ?
Lâattrait de ces avantages associĂ©s Ă ces fonctions ââen termes de pouvoir, de puissance, de plaisir et de prestigeââ est rĂ©el, jâen sais quelque chose. Je ne sais pas qui a dit que «âle pouvoir Ă©tait une maladie mentaleâ»â; jâajouterai que si le pouvoir use, le pouvoir absolu use absolument. Vu sous cet angle, on peut comprendre que des responsables qui prennent le soin de sâentourer de bĂ©ni-oui-oui dans leur dĂ©partement finissent par se croire gĂ©niaux et irremplaçables. Leurs rapports au pouvoir deviennent viciĂ©s, il leur apparaĂźt comme un gage dâĂ©ternitĂ©. Cela dit, il ne faut pas jeter la pierre Ă tout le monde. Je connais des ministres qui veulent revenir parce quâils pensent quâils mĂšnent un combat quâils croient juste, qui dĂ©fendent les intĂ©rĂȘts du pays. Ils pensent quâils nâont pas eu le temps de mener Ă bien leur tĂąche. Le «âtous pourrisâ» nâa aucun sens en politique, on est souvent prisonnier de la fonction. Certains sâen tirent mieux que dâautres, câest tout.
Contrairement Ă la fameuse formule de ChevĂšnement « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça dĂ©missionne », dans lâhistoire du Maroc, mis Ă part deux cas (dont vous), on ne dĂ©missionne jamais, non ?
Pour une raison trĂšs simple, câest que chez nous, on devient gĂ©nĂ©ralement ministre pour se servir, pas pour servir son paysâ; du coup, des notions comme la fiertĂ©, la reconnaissance de ses erreurs ou le courage de dire non, on les remise au placard. Plus particuliĂšrement, on se cache derriĂšre lâomnipotence du Makhzen pour expliquer quâon a trĂšs peu de marge de manoeuvre. Pourtant, sous Hassan II, jâavais prĂ©sentĂ© publiquement ma dĂ©mission du ministĂšre des Droits de lâHomme pour protester contre la campagne dâassainissement sans que je me retrouve forcĂ©ment derriĂšre un obscur cachot et, quelques mois auparavant, MâHamed Boucetta avait dĂ©clinĂ© le poste de Premier ministre parce quâil refusait de travailler avec Driss Basri. Lâhistoire retiendra que lâhomme nâa pas perdu son poste de ministre des Affaires Ă©trangĂšres pour avoir dit non Ă Hassan II.
Propos recueillis par A. E. A |
|
|
|