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Au cœur de la prostitution marocaine en Espagne
actuel n°53, samedi 26 juin 2010
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30 000 prostituées marocaines vivent chez le voisin du Nord. Leur nombre ne cesse de croître grâce à la facilité d’entrée dans ce pays et en raison d’une crise économique qui condamne l’accès à des emplois décents. Qui sont-elles ? Quelles sont leurs motivations ? Comment travaillent-elles et dans quelles conditions ? actuel est parti à leur rencontre. Reportage.
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Vendredi soir, calle Montera, au cœur de la capitale espagnole. Sur une large allée piétonne jonchée de boutiques et traversée au pas de charge par des Madrilènes et des touristes affairés, leur présence ne passe pas inaperçue. Celle de femmes qui, reproduisant à la perfection tous les clichés nourris autour de leur « métier », interpellent par une démarche lente, un regard scrutateur, des vêtements singulièrement légers. Certaines sont de véritables mannequins, d’autres retiennent l’attention par de notables fautes de goût ou des formes trop généreuses. Tout mâle est bon à approcher. Si la plupart des passants les évitent gentiment, certains ne résistent pas à leur pouvoir de séduction. Mais pour harponner un client, il faut faire preuve de patience. C’est que la crise économique est passée par là . Et plus le temps passe ce soir-là , plus le stress se fait sentir.
Si certaines filles se montrent agressives dans leur approche, d’autres utilisent des stratagèmes plus ingénieux. « La trapadora » (l’attrape-rats) en fait partie. Une technique qui consiste à installer un filet virtuel entre deux filles. Chacune d’elles se place à chaque extrémité de l’allée. Et à l’approche d’un client potentiel, les deux, dans un geste parfaitement synchronisé, lui sautent tendrement dessus. Pris au piège, certains ont du mal à se défaire de leurs étreintes. D’autres cèdent joyeusement à l’une ou à l’autre. Sitôt le couple formé, plus de temps à perdre. Destination, un des nombreux petits hôtels situés à quelques pas de l’allée. Le temps imparti à chaque client va de trente minutes à une heure, selon l’accord conclu avec le propriétaire. Le tarif des passes varie entre 25 et 30 euros, hôtel compris. La somme est versée non pas à la prostituée, mais à son « agent ». Elle n’en recevra qu’une partie, généralement 50 %, le reste étant partagé entre le propriétaire de l’hôtel et le proxénète.
Ruelles discrètes
Calle Montera est l’un des hauts lieux de la prostitution madrilène. Opérant de nuit comme de jour, les travailleuses du sexe sont essentiellement des Européennes de l’Est (des Roumaines pour la plupart) mais aussi des Sud-Américaines, des Subsahariennes… et des Marocaines. Si elles ne sont pas nombreuses à Montera, il suffit de traverser la principale artère de ce quartier pour les rencontrer. C’est dans les ruelles étroites, obscures et surtout plus discrètes du quartier voisin, Desengano (la déception ou la perdition), qu’elles déambulent, seules ou en petits groupes, se racontant leur vie en attendant le client.
Le phénomène n’est pas réservé à ces quartiers chauds de la capitale. Des Marocaines qui ont fait le choix de la prostitution comme gagne-pain en Espagne, il y en a partout, de l’Andalousie aux frontières avec la France, en passant par les plus grandes agglomérations touristiques d’Espagne, Costa del Sol et Barcelone en tête. Au total, selon une enquête parlementaire espagnole réalisée en 2010, elles sont près de 30 000 Marocaines à se prostituer. La plupart sont âgées de 19 à 40 ans. Elles viennent généralement des villes du Nord, Tanger et Tétouan en premier, mais aussi de Casablanca, Marrakech ou encore Safi et Khouribga.
Le phénomène n’est pas nouveau. La prostitution marocaine en Espagne existe depuis les toutes premières vagues d’immigration dans ce pays. Il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer, au quartier La Cruz de la capitale, des « mayoras », soit des femmes avancées en âge et qui continuent de travailler avec leurs plus fidèles clients. Mais aujourd’hui, le métier s’est largement démocratisé.
Nouveau moyen pour se rendre en Espagne, les contrats temporaires d’ouvrières agricoles. Lorsqu’un contrat prend fin, nombre de ces ouvrières fuient vers les villes les plus proches et se mettent sous la protection du premier compatriote venu. Du pain bénit pour quelques petits trafiquants. Autrefois, la voie privilégiée était généralement les faux contrats de mariage comme d’emploi, ou alors l’immigration clandestine. « La règle est que tout en profitant de son extrême fragilité, le trafiquant fait office de protecteur. Lassé, celui-ci ne tarde pas à la jeter entre les mains d’un autre, puis un autre. Et c’est là où tout commence », nous explique Nadia El Othmani, présidente de l’association de soutien aux femmes immigrées El Amal, basée à Madrid et qui s’occupe notamment de l’aide aux prostituées marocaines.
Rapportées au nombre total de prostituées que compte ce pays (360 000), les Marocaines représentent aujourd’hui près de 8 % de celles-ci, loin derrière les Colom¬biennes et les Roumaines. Quoi qu’il en soit, c’est une véritable armée qui semble s’agrandir à vue d’oeil. À titre de comparaison, les chiffres 2003 du collectif « IOÉ », basés sur des statistiques officielles de la Garde civile espagnole faisaient état de « seulement » 150 000 femmes immigrées exerçant la prostitution et dont plus de 10 % étaient marocaines.
C’est à Barcelone que nos compatriotes sont les plus présentes. Dans les dédales de l’avenue San Ramon au quartier Raval, à une centaine de mètres de Plaza Catalunya, au cœur de la ville, elles font partie intégrante du décor. « Il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait des nouvelles qui débarquent », explique Hafid Ziane, membre de l’Amicale des immigrés marocains en Catalogne, qui suit de près le phénomène. Au risque de susciter la colère permanente des habitants qui craignent pour la réputation déjà entamée de leur quartier et qui affichent leur mécontentement en plaçant des pancartes de protestation sous leur fenêtre. Nous sommes face à une prostitution bas de gamme. Mais il y a de nombreuses exceptions. Les prostituées disposant de meilleurs atouts physiques évoluent dans les très nombreux clubs de charme qui animent les nuits espagnoles. Il existe 2 500 clubs de ce genre, selon des statistiques de l’Unité de lutte contre les réseaux d’immigration clandestine et les documents falsifiés, le département de la Police nationale en charge du dossier.
Et à ces clubs, il convient aujourd’hui d’ajouter une toute nouvelle tendance, les (faux) centres de massage. À Madrid, les Marocaines travaillent notamment dans les clubs du quartier Capitan Aya ou dans les centres de massages du boulevard Arturo Soria. « Certaines ont réussi. J’ai eu l’occasion d’en rencontrer. Et croyez-moi, ce sont de véritables dames maintenant », explique à actuel Nadia El Othmani.
Grande pauvreté
Il y a aussi les appartements privés que les Marocaines affectionnent particulièrement, discrétion oblige. Véritable spécificité nationale, cette recherche d’anonymat s’explique par la peur d’être jugées par leurs très nombreux compatriotes installés en Espagne comme par la crainte d’être démasquées par la famille et les proches au Maroc, qui sont le plus souvent dans l’ignorance. Certaines sont d’ailleurs mariées…
Qu’est-ce qui motive ce choix de la prostitution ? Les raisons varient. Il y a d’abord la grande pauvreté vécue dans le pays d’origine mais aussi dans le pays d’accueil. Une des trois conseillères municipales (Parti socialiste) d’origine marocaine en Espagne, Malika Tachfint, parle même de « désespoir ». « Entre la cherté de la vie ici et toutes les attentes financières nourries par la famille et proches quant à l’immigrée, il n’y guère de place au choix », analyse-t-elle. Il y a aussi l’appât du gain plus au moins facile puisque les plus habiles peuvent facilement atteindre des rentrées mensuelles de 3 500 à 4 000 euros par mois dans un pays où le salaire mensuel minimum légal est de 660 euros. C’est dire... Quant à leurs clients, ce sont pour l’essentiel des immigrés, comme elles, qui « célibataires ou ayant laissé leurs femmes dans le pays d’origine, trouvent d’énormes difficultés à sortir avec des Espagnoles. Le seul moyen d’avoir du plaisir est de se rendre chez les prostituées », observe Nabil Driouch, correspondant de presse et chercheur en immigration installé à Madrid. Mais il y a également les touristes, ceux venus du Golfe notamment, et qui fréquentent les clubs de luxe.
« Guère de place au choix », est-ce si sûr ? Car pour beaucoup, l’exercice de ce métier constitue plutôt un tremplin, avec un objectif : économiser de l’argent… ou tirer le gros lot. Toutes les Marocaines rencontrées partagent le même rêve, se marier avec un Espagnol. « Celui qui sera suffisamment riche pour les sortir de ce milieu et leur assurer un avenir sans soucis d’argent, pour elles et les leurs », conclut la militante. En attendant, la plupart de nos concitoyennes travaillent seules, avec des « amis » (en réalité leurs « petits copains » marocains) comme protecteurs.
Le plus souvent, elles évoluent en petits groupes, habitent ensemble et font preuve d’une grande solidarité entre elles. Une façon de se protéger mutuellement et de s’aider financièrement quand les temps sont durs. Mais pour celles qui travaillent dans les clubs notamment, il faut être parrainée par une mafia – celle du trafic de la drogue notamment – ou plus simplement par des maquereaux ou maquerelles. Le début d’une véritable descente aux enfers où la seule compensation reste l’argent.
De notre envoyé spécial en Espagne Tarik Qattab
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Nadia El Othmani, présidente de l’association Amal
« Les Marocaines se recrutent entre elles »
Présidente de l’une des plus grandes ONG d’aide aux femmes marocaines immigrées en Espagne, Nadia El Othmani pointe du doigt le peu de volonté des prostituées de s’en sortir mais aussi le silence coupable des responsables marocains.
Si elle a toujours existé, la prostitution marocaine en Espagne a explosé ces dernières années. Pourquoi ?
Cette donne s’explique par la facilité pour certaines de venir en Espagne, essentiellement à travers les contrats de travail saisonnier. Toutes les nouvelles arrivées dans le milieu que je connais ont eu recours à ce moyen. Il y a aussi le poids du bouche-à -oreille. Contrairement aux modèles de prostitution de l’Europe de l’Est, où le recrutement passe par des mafias spécialisées, les Marocaines se recrutent entre elles, se font des propositions d’un avenir meilleur dans un pays où elles trouveront un « emploi » rémunérateur. C’est tentant pour plus d’une. Et si avant, on devenait prostituée une fois sur place, aujourd’hui, la plupart viennent d’ores et déjà préparées. Autre facteur, les femmes immigrent aujourd’hui de leur propre initiative. Elles ne se contentent plus de suivre leur mari. Dans ce schéma nouveau, c’est la femme qui subvient aux besoins de la famille. Avec toutes les pressions que cela suppose.
Quels sont les dangers auxquels ces filles et femmes s’exposent ?
Il y a d’abord la grande violence dont certaines font l’objet, pas de la part des clients, mais de leurs prétendus protecteurs. Nous comptons de nombreuses victimes au sein de l’association. La prostitution, c’est aussi un monde où la drogue sévit. Je vous parle de filles de 20 ans et qui sont prêtes à tout pour avoir leur dose. Celles qui veulent s’en sortir bénéficient de nombreux programmes, de la désintoxication aux aides sociales et à la réinsertion. Mais celles qui en profitent sont très rares. La prostitution, quand on y est, le plus souvent on y reste.
Comment limiter l’ampleur du phénomène et atténuer la mauvaise image qu’il renvoie du pays ?
Il faut d’abord lutter contre ces entremetteuses, de plus en plus nombreuses, installées entre le Maroc et l’Espagne qui font leur marché dans des villes comme Tanger ou Fès. Combattre ce fléau, c’est d’abord faire le ménage dans sa propre maison, soit au Maroc. Le plus étonnant, c’est que personne n’ose encore en parler. À commencer par nos parlementaires femmes qui doivent, maintenant et plus que jamais, monter au créneau. J’ai une pensée particulière pour ces voilées de plus en plus nombreuses à occuper l’hémicycle, mais sans grand secours pour les femmes.
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Papiers et stratagèmes
Fait notable, rares sont les prostituées marocaines qui n’ont pas de papiers. « Pour s’en procurer, elles se déclarent et payent elles-mêmes la sécurité sociale, le plus souvent en obtenant de faux contrats de travail en tant que domestiques. Ce secteur présente l’avantage d’échapper à la vigilance des inspecteurs de travail. On peut facilement déclarer y travailler sans forcément y être et, partant, être régularisée », nous informe Mohamed Azahaf, coordinateur fédéral du groupe arabe au PSOE (Parti au gouvernement) et fin connaisseur du dossier. Cela étant, et tout en essayant de suivre le modèle français en matière de législation, l’Espagne est loin d’être aussi ouverte. La prostitution y est tolérée, mais celles qui l’exercent n’ont aucun droit. En clair, elles n’existent pas socialement. D’où le stratagème précité. D’où aussi l’importance des maquereaux qui profitent de ce flou juridique. La loi leur interdit de gagner de l’argent en exploitant des filles à des fins sexuelles. Mais la parade est toute trouvée. Officiellement, ils ne sont que des gérants de night-clubs. Conséquence : les eros centers version ibère se multiplient comme des petits pains. Et s’il y a aujourd’hui une activité qui ne souffre d’aucune crise, c’est bien celle-là .
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Elles en parlent...
Naïma, 35 ans « C’est le mektoub »
J’ai débarqué en Espagne grâce à un contrat d’ouvrière agricole saisonnière et je m’y suis installée illégalement il y a deux ans. Avec une famille à nourrir au Maroc et de lourdes charges à couvrir ici, je n’avais pas le choix. C’était ce métier ou rentrer bredouille. Au départ, je comptais rester dans le milieu deux à trois ans, histoire de me faire un peu d’argent avant de retourner au pays et investir dans une activité respectable. Mais au fur et à mesure, mes besoins et ceux de ma famille ont augmenté. À 35 ans, je pense qu’il est trop tard pour faire autre chose. Ce monde est devenu le mien. C’est le mektoub et je m’y résigne.
Samira, 31 ans « Pour mon mari, je suis domestique »
J’en suis arrivée là à cause d’une amie déjà installée en Espagne et qui, un jour, m’a proposé de la rejoindre. Il était question d’un emploi dans un restaurant. Elle a été jusqu’à me payer le billet d’avion et à me prendre en charge les premiers jours. C’était avant de découvrir que le restaurant était en fait un club de charme situé à la sortie de Madrid. Je ne savais pas où aller. Et l’amie en question me harcelait pour que je la rembourse, une façon de me mettre la pression. Craintive au départ, je me suis faite à ma nouvelle condition. Pour mon mari, resté au Maroc avec mes deux enfants, je suis une domestique pour le compte d’une riche famille madrilène. L’argent que j’envoie, les cadeaux que j’apporte, je dis que ce sont des générosités de mes patrons.
Malika, 30 ans « Je voudrais me marier avec un ould el bled »
La prostitution, c’est mon métier depuis 10 ans. J’ai atterri clandestinement dans ce pays en croyant pouvoir m’en sortir avec un travail décent. J’ai vite compris que pour gagner assez d’argent pour vivre et économiser, il fallait sauter le pas. Aujourd’hui, j’ai une maison de 4 niveaux ainsi qu’un café à Tanger. J’aurais très bien pu rentrer, mais je préfère attendre que mes frères et sœurs, que j’ai réussi à ramener du Maroc, aient leurs papiers. Surtout, je voudrais me marier avec la personne de mon choix. Un immigré du Bangladesh en pince pour moi, mais je me garde pour un ould el bled. À 30 ans, il est temps.
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Dure, dure la concurrence !
Pour nombreuses et omniprésentes qu’elles soient, les Marocaines ne sont pas les seules à occuper le territoire. Si la prostitution made in Morocco est l’une des plus anciennes, elle fait l’objet depuis près d’une décennie d’une rude concurrence dans un pays où 95 % des travailleuses du sexe sont des étrangères.
À commencer par celles des filles venant de l’Europe de l’Est. Elles sont essentiellement roumaines, mais aussi russes ou polonaises. La plupart d’entre elles arrivent en Espagne à travers des mafias et des réseaux organisés et sont complètement contrôlées par les trafiquants. Ceux sont les plus recherchées, car elles sont généralement d’une grande beauté. « Pour le même prix, le choix est vite fait entre un véritable mannequin slave et une autre nationalité. Même plus chères, elles sont convoitées, notamment par les immigrés… dont les Marocains », nous confie notre « guide » du jour. Viennent ensuite les Sud-Américaines, plus particulièrement les Colombiennes. Leur arrivée massive date des années 1980. Cantonnées à des travaux ménagers peu valorisants, elles se sont reconverties à la prostitution. Moins « exotiques », elles n’en sont pas moins plus « chaudes », aux dires de leurs clients.
Autre concurrence, celle des immigrées subsahariennes, les Nigérianes en premier. Nous sommes dans une prostitution bas de gamme, celle où les passes se déroulent dans un hôtel malfamé ou dans les bois environnant les grandes villes comme Madrid, et à des tarifs dérisoires (10 à 15 euros). Appartenant à des réseaux où elles sont réduites au statut d’esclaves, les Subsahariennes souffrent également de mauvaises conditions de vie et d’hygiène. D’où le fort risque de Sida. Fait marquant, c’est sur le registre de l’hygiène justement que les Marocaines se distinguent. « De très nombreuses prostituées viennent nous voir d’abord pour se renseigner sur les précautions à prendre lors des rapports sexuels, et les centres d’aide sanitaire et médicale où elles peuvent se procurer des préservatifs et faire des tests », nous précise Nadia El Othmani. |
Silence, on (se) prostitue
Présente aux quatre coins du globe, la prostitution marocaine pose la question du modèle migratoire féminin. Et du manque d’actions de nos autorités.
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Espagne, mais aussi en France, en Italie, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite et jusqu’en Israël ou encore en Côte d’Ivoire… la prostitution marocaine s’exporte bien. À telle enseigne que dans de nombreux pays, il ne fait pas bon dire qu’on est marocaine. Le reportage d’Enquête Exclusive (M6) sur la prostitution de luxe aux Champs-Élysées à Paris, montrant des Marocaines mobilisées l’été durant pour la riche clientèle du Golfe, n’a fait que confirmer l’existence de puissants réseaux marocains de prostitution en France. Dans les pays du Golfe, le constat est encore plus flagrant. « Être marocaine dans les pays du Golfe, ce n’est pas une nationalité mais plutôt un métier : la prostitution... » C’est ce qu’on retiendra de l’étude élaborée par Imane Bentaout, une jeune cadre supérieure marocaine travaillant à Dubaï. Une situation malheureusement bien réelle, déplore-t-elle. Aux Émirats comme ailleurs, il y a les victimes, celles qui émigrent sur la base de contrats de travail qui les introduisent malgré elles dans ce trafic.
Les réseaux mafieux troquent ces contrats contre des services de nuit que sont contraintes d’accepter les jeunes filles une fois sur place, qui se retrouvent endettées et dépendantes envers lesdits réseaux. Ces derniers peuvent alors faire pression sur elles et leurs familles. Impuissantes, elles se plient à leur demande et de fait, deviennent des prostituées.
Jusqu’en Israël
Mais il y a aussi celles qui partent dans la seule optique de se livrer à la prostitution. C’est le cas dans des pays aussi peu fréquentés par nos compatriotes qu’Israël. D’aucuns se souviennent des lettres adressées par le Jihad islamique palestinien à la représentation diplomatique du Maroc en Palestine et à l’organisation marocaine Attawhid wa al Islah (MUR) attirant l’attention quant à l’existence de centaines de ressortissantes marocaines ; celles-ci travaillent le jour dans des usines et des ateliers avant de se livrer à la prostitution une fois la nuit tombée dans des villes ou des colonies israéliennes. Elles pratiquent leur métier dans les arrière-boutiques de commerçants ou de maisons aménagées spécialement par des Israéliens. Tout indique qu’il s’agit là d’un réseau bien organisé.
En face, les initiatives de la part de nos représentants officiels sont quasi inexistantes. À peine si des parlementaires demandent que des statistiques claires et des études précises soient élaborées pour éclairer de possibles décisions politiques. Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) y travaille. Sans résultats concrets pour l’heure. Une commission technique réunissant les efforts de plusieurs ministères, l’Intérieur, le Développement social, le secrétariat d’État chargé des MRE, est en gestation. En attendant, la seule approche concrète adoptée est d’ordre sécuritaire. En 2009, le ministère de l’Intérieur a démantelé 130 réseaux en matière de lutte contre la traite des personnes, y compris des femmes. Et il n’est pas rare que des groupes de filles avec des contrats de travail au Golfe soient arrêtés à l’aéroport. Mais combien arrivent à passer ? Et à quel prix ?
T. Q. |
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