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Diplômés chômeurs : le gouvernement pris au piège
actuel n°52, samedi 19 juin 2010
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Il aura fallu de nombreux sit-in et manifestations, et une tentative d’immolation, pour que le gouvernement cède devant les diplômés chômeurs et décide d’en intégrer 1 259 dans la fonction publique. L’accord met fin à un bras de fer de plusieurs mois. Mais jusqu’à quand ?
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Fin d’un épisode. L’éternel bras de fer entre le gouvernement et les groupes de diplômés chômeurs, agrémenté de manifestations hebdomadaires, vient de trouver un premier aboutissement. Après de longues semaines de tergiversations, l’exécutif vient de répondre favorablement à la demande de 10 des 12 groupes, en leur attribuant ces postes tant attendus dans la fonction publique, sans concours et avec pour seul critère leur « ancienneté » dans la lutte pour le travail.
« En tout, ce sont 1 259 postes sur les 24 000 à créer dans le secteur public au titre de la loi des Finances 2010, qui seront alloués aux diplômés chômeurs », précise à actuel Abdeslam El Bekkari, conseiller istiqlalien du Premier ministre Abbas El Fassi, en charge du dossier. Ceux-ci seront répartis sur 8 départements (voir infographie). « L’Éducation nationale (pour des postes d’enseignants) et l’Enseignement supérieur (pour des fonctions d’administratifs) se taillent la part du lion des emplois prévus dans le cadre de cette opération », ajoute le négociateur du gouvernement. Le détail de l’annonce officielle ne devait intervenir que le jeudi 17 juin, après le dépouillement des CV des concernés par les départements où ils seront placés. « L’essen¬tiel aujourd’hui est de savoir si ces recrutements répondent à un besoin réel de l’État. D’autant que le maintien des dépenses par l’État, telles que figurant dans la loi des Finances, n’a d’égal que la baisse constatée des recettes et la difficulté enregistrée en matière de levée de fonds », s’interroge le politologue Youssef Blal.
En attendant, le mot d’ordre – tant à la primature qu’au sein même des ministères concernés – a été le secret. Sujet sensible, les diplômés chômeurs posent également la question des responsabilités. Essayer de joindre les intervenants institutionnels dans la gestion de cette crise, c’est se confronter à l’omerta ! Chaque département ministériel se fait fort de renvoyer la « tutelle » à son voisin. « Depuis son arrivée, et parce que traînant la casserole de l’affaire Annajat (la tristement célèbre affaire des emplois fictifs dont ont été victimes quelque 30 000 Marocains du temps où El Fassi était ministre de l’Emploi), le Premier ministre s’est attelé à dissocier le dossier de la Primature et à le céder à d’autres ministères. Ce qui explique la multiplicité des intervenants et les dysfonctionnements qui vont avec », nous précise cette source bien informée sous couvert d’anonymat.
Une fuite en avant dont le chef de l’exécutif est sorti pour le moins essoufflé. Les multiples manifestations – et bastonnades qui les ont accompagnées – des diplômés chômeurs, avec une tentative d’immolation sur la place publique pour point culminant, ont fait leur effet. La primature a beau s’en défendre, expliquant que le plan de recrutement était déjà dans son agenda au moment où les groupes contestataires se radicalisaient, c’est bien ce scandale et le durcissement inquiétant de certains manifestants qui ont précipité le cours des événements (Lire encadré page 20). La rue a donc retrouvé son calme. Mais pour combien de temps ? Aux mécontents de cette année (2 sur 12 groupes de protestataires ont été écartés de l’accord conclu en fin de semaine dernière) s’ajouteront, à n’en pas douter, d’autres groupes de diplômés, comptant les prochains lauréats de 2010-2011.
Cette question pose plus d’une limite aux solutions temporaires, gérées par à -coups, proposées par le gouvernement. Il y a d’abord la logique voulant que l’État cède systématiquement devant les revendications des chômeurs, plus spécialement la condition que les emplois à pourvoir soient dans le public. Certains voudraient y voir un droit. C’est le cas de Fathallah Arsalane, porte-parole du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihssane, l’un des principaux soutiens aux diplômés au chômage. « Nous sommes en train de parler de la crème de cette société et qui a fait ses études dans un système marocain. C’est ce dernier qu’il faut interroger. Pourquoi a-t-on créé des filières universitaires si celles-ci n’offraient pas de perspectives d’embauche ? Réduire le chômage à des considérations de marché est une façon pour le gouvernement de se sous¬traire à ses responsabilités et à ses erreurs », dit-il. Un point de vue qui est loin d’être partagé. Même une ONG aussi intransigeante que l’AMDH le reconnaît. « Si nous comprenons parfaitement le droit qu’ont ces groupes à s’exprimer et à se rassembler, si on les soutient quand ils sont battus ou mis en prison, on ne peut soutenir l’idée que le secteur public soit une condition sine qua non à toute solution », nous déclare la secrétaire générale de l’ONG, Khadija Ryadi.
Youssef Blal va plus loin : « La fonction publique n’a pas vocation à recruter tous les diplômés d’universités. Mais en acceptant à chaque fois, le gouvernement risque de consacrer une culture de rente qui nous a coûté cher, au lieu de promouvoir la culture de l’initiative ! » À ce cercle vicieux, les seuls remèdes disponibles ne seraient-ils que la démagogie et le populisme ? Un populisme qui se double aujourd’hui de soupçons de clientélisme. Des diplômés chômeurs sont ainsi récemment montés au créneau pour dénoncer l’existence de groupes « fantômes » dont les membres appartiennent à des Jeunesses de partis et qui, sans être présents dans la rue, profitent au même titre que les autres des offres d’emplois faites par l’exécutif. Jouant désormais le rôle de médiateur entre diplômés et ministères, avec de nombreux allers-retours entre les deux, le député PJD Abdelaziz Af¬tati parle d’un problème d’approche. « Non seulement celle-ci est malsaine parce qu’elle oblige les cadres au chômage à s’exposer à tous les dangers avant de se voir proposer des postes, mais elle souffre également de failles dans lesquelles des individus et des groupes non légitimes peuvent se greffer », commente-t-il. Dans une requête présentée au chef du gouvernement, le PJD propose d’absorber, une bonne fois pour toutes, les diplômés au chômage et de remettre les compteurs à zéro, seule option pour adopter une vision globale et plus juste pour l’accès à la fonction publique. Celle-ci consisterait d’abord à imposer des concours à tous les prétendants, avec des règles claires et transparentes.
« Ce qu’il faut, c’est des politiques globales qui comportent des solutions et des réformes profitables à tous. Par cette logique catégorielle, du rendre service, il est normal que le gouvernement soit accusé de clientélisme », explique encore Blal. Autre conseiller du Premier ministre en charge du dossier, Tayeb Mesbahi reconnaît que la vision d’ensemble n’est pas au rendez-vous. « Et la responsabilité est partagée par tous les intervenants et non pas seulement l’exécutif. Au même titre que les deux gouvernements qui nous ont précédés, nous sommes toujours en train de résorber plus de quatre décennies de dysfonctionnements et dont l’une des conséquences est le chômage des diplômés. Nombre de stratégies sont ainsi à revoir, de celles de l’enseignement et de la formation au plan de développement des secteurs économiques. Sans oublier la nécessité de s’élever au-dessus des interprétations politiques faites aujourd’hui par les uns et les autres d’une problématique éminemment sociale », dit-il. Pour lui, « le diable est dans les détails ». Et les détails, ce sont ces partis et groupes qui surfent sur la vague du désarroi des diplômés chômeurs pour réduire à néant les tentatives de solution. « Ce qui est regrettable, c’est que, par souci électoral ou d’image, des partis et des groupes politiques s’embarquent également dans ces aspects creux du débat », déplore plus clairement encore le politologue Aziz Blal. C’est dire si les véritables enjeux sont ailleurs.
Tarik Qattab |
Organisation et logistique Une machine bien huilée
L’organisation et les techniques de manifestation des diplômés chômeurs ont énormément évolué depuis les années 1990, date où ces derniers se sont tous réunis sous une même bannière, celle de l’Association nationale des diplômés chômeurs (ANDC). Aujourd’hui, ils préfèrent une organisation plus souple, par « groupes » de 300 membres au maximum, selon le type de diplôme ou l’année de son obtention par exemple.
Bien qu’illégaux (ils n’ont pas leur récépissé légal), ils sont tolérés par les autorités. Par la force de l’expérience, ils sont devenus très structurés. Ils disposent de sites Web, d’un règlement interne, d’un bureau avec secrétaire général, trésorier… Ils ont également mis au point un système de notation qui permet de sanctionner l’absentéisme et vivent de cotisations mensuelles allant de 20 à 40 dirhams par membre. « Quand un camarade est blessé, nous nous cotisons pour le soigner. Tout est pris en charge par le groupe, de la confection des banderoles au mot d’ordre avant le départ de la manifestation », explique Saïd, du groupe « Attadamoune ». Sur le terrain, des comités spécialisés veillent au grain : ceux en charge des slogans et des banderoles, l’équipe « médicale » flanquée d’un gilet éponyme, le comité de contrôle qui veille à ce que la manifestation se déroule même s’il y a intervention de la police. Bref, ces groupes se sont si bien organisés qu’ils sont « jalousés » par les ONG des droits de l’Homme qui ne sont pas encore arrivées à un tel niveau, confie, non sans fierté, un militant pour le droit au travail. Z. C. |
Hakim Benchemach,
président du groupe PAM au Parlement
« L'équipe El Fassi refuse toujours d’ouvrir un débat public »
Dernier parti politique à dénoncer la gestion opaque du dossier des diplômés chômeurs par le gouvernement, le PAM pointe du doigt le peu de réalisations enregistrées en matière de création d’emploi. Hakim Benchemach s’explique.
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Vous avez récemment demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la gestion par le gouvernement du dossier des diplômés chômeurs. Que reprochez-vous à cette gestion ?
Il y a d’abord l’absence totale de transparence dans la gestion de ce dossier. Ni les députés ni l’opinion publique n’ont eu le privilège d’avoir des explications du gouvernement quant à son approche et la manière avec laquelle il compte clore ce dossier. Tout comme on ne connait toujours pas les raisons ayant abouti à l’attribution et la répartition des postes, objet du récent accord. Même la nature des engagements pris par le gouvernement, en la personne du chef de l’exécutif, nous est inconnue.
Dans la question orale que vous avez posée, vous avez relevé des soupçons de clientélisme dans certains cas. Expliquez-vous.
Les éléments dont nous disposons révèlent que des groupes inconnus au bataillon ont émergé récemment et comptent des cadres au chômage que personne n’est capable d’identifier. D’autant que certains groupes que nous avons rencontrés nous ont fait part de rumeurs voulant que des considérations partisanes et clientélistes aient été de mise dans la sélection de certains CV. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur les critères d’identification et d’affectation de ces cadres et le degré de légitimité, en termes de compétence mais aussi d’éligibilité, des personnes choisies.
Quel bilan faites-vous de la politique du gouvernement en matière d’emploi ?
Il est inconcevable que le gouvernement, deux ans et demi après son entrée en fonction, n’ait toujours pas été capable de nous rendre un bilan en la matière, en sachant que dans sa déclaration gouvernementale, Abbas El Fassi s’était engagé à créer 250 000 emplois sur 5 ans et à réduire ainsi le taux de chômage à 7 %. Ce qui me chagrine sur le registre des diplômés chômeurs, c’est que l’équipe El Fassi refuse toujours d’ouvrir un débat public sur le refus de ceux-ci de travailler ailleurs que dans la fonction publique. Ce mutisme ne fait que consacrer une mentalité archaïque et contreproductive à un moment où le pays a besoin, tous secteurs confondus, de bras et de têtes pour relever les nombreux défis de développement qu’il s’est fixé.
Propos recueillis par T. Q.
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Une provocation payante
Comment en est-on arrivé à la tentative d’immolation ? Selon les étudiants chômeurs, de tels agissements sont uniquement l’oeuvre d’individus. « Le mot d’ordre de menacer de se brûler a effectivement été donné, mais ça devait s’arrêter là », nous explique un militant. Les mécontents se sont radicalisés et le débordement est survenu. C’est, selon les diplômés chômeurs, ce qui pousse certains à des agissements aussi spectaculaires que dangereux. « Les anciens groupes sont en général plus sereins car il savent que les négociations vont aboutir. Les plus récents sont en général plus enclins à la radicalisation », explique-t-on. Le phénomène ne semble pas prêt de s’estomper. Et pour cause : « Voir de jeunes diplômés brûler vif a fait peur au Premier ministre et a accéléré le débloquement des postes budgétaire », explique Nadia El Âatri. Les diplômés chômeurs reconnaissent que la provocation est une des voies qu’ils ont choisies pour attirer l’attention. Z. C. |
Au coeur de la machine des « enchômagés »
Ils sont près de 2 000 à investir trois fois par semaine la rue pour protester. Ni les coups de matraque ni la lenteur du processus de leur intégration dans la fonction publique ne les démotivent. Reportage.
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A chaque fois qu’un haut responsable sort du bâtiment du ministère de l’Education nationale de Rabat, les sifflements s’intensifient. « Houuuuuu », « un emploi ou la mort ! », crient la centaine de diplômés chômeurs, rassemblés ce jeudi 10 juin devant la bâtisse. L’objet de leur protestation : « Le ministère de L’Éducation nous a promis 960 emplois. Au final, il ne nous en octroie que 650. C’est inadmissible dans la mesure où c’est l’un des départements étatiques dotés du plus grand nombre de postes budgétaires pour l’exercice 2010 », s’époumone Nadia El Âatri, responsable des négociations avec les partis politiques au groupe « Al-Majd », l’une des onze associations qui militent toutes les semaines pour décrocher un job dans le secteur public. Autour d’elle, les membres de sept des onze « groupes d’enchômagés » (ce néologisme est leur création) présents ce jour-là opinent du chef. À quelques mètres, des « militants » se font tabasser par les forces auxiliaires, mais personne n’y prête attention tant la scène est devenue banale. « Tout bon diplômé enchômagé a reçu la hrawa (les coups de matraque). Je ne compte même plus mes bleus. La semaine dernière, les mroud ont cassé la mâchoire d’une camarade. Nous avons dû cotiser pour lui payer une opération de chirurgie réparatrice », raconte, impassible, Ahmed Bensaïd, du groupe « Assoumoud ». Manifester, faire des sit-in, protester à coups de banderoles et de slogans, investir (illégalement) les voies publiques et se faire tabasser par les forces de l’ordre… c’est le lot quotidien de ces quelque 2 000 diplômés qui revendiquent un emploi dans le secteur public. Impossible de connaître leur nombre exact, tant certains « groupes fantômes » profitent de la brèche pour gonfler les troupes, de l’aveu même des manifestants.
Cercle vicieux
« Achouâla », « Annidal », « Arrabita »… Trois fois par semaine, les mardis et les mercredis dans l’après-midi et le jeudi matin, ces groupes manifestent avec leurs gilets distinctifs devant l’hémicycle. Inlassablement, jusqu’à ce « qu’on leur trouve une solution » : être embauché dans la fonction publique « immédiatement » et « sans concours », résume Abdelali Al Jahid, secrétaire général du groupe « Al-Mostakbal ». L’année prochaine, ils seront remplacés par d’autres groupes, qui formuleront des revendications en tous points similaires. Un cercle vicieux, dont ces « jeunes » âgés de 25 à plus de… 40 ans, ne veulent pas entendre parler. Ils viennent des quatre coins du Royaume, louent des maisons de fortune dans la vieille médina et font de la recherche d’un travail une occupation à temps plein. « Personne ici n’a d’emploi. La plupart poursuivent leurs études à la fac pour obtenir le doctorat », nous confie un manifestant. « Je suis maman, j’ai trois enfants et tout mon temps est pris par les activités du groupe », confirme Nadia El Âatri.
Contrairement aux idées reçues, l’écrasante majorité des chômeurs ont des diplômes scientifiques, dont certains avec des profils très pointus. Nadia est par exemple titulaire d’un DESA en gestion des risques naturels, spécialité télédétection spatiale. « Les enfants du peuple n’ont pas à être les victimes d’une politique de formation désastreuse. C’est à l’État de trouver un équilibre », assène, pour sa part, Abdelali Al Jahid.
Pourquoi ne se tournent-ils pas vers le secteur privé ? La réponse est toute faite et majoritairement partagée : « Le privé n’offre pas assez de garanties », «Ce n’est pas structuré », « On a tous essayé mais nos droits sont toujours bafoués : pas d’assurance maladie, parfois pas de paye… », etc. Les concours pour rejoindre une administration ? « On les passe, mais de toutes les manières, c’est truqué. »
Derrière ce discours fataliste, les diplômés chômeurs disposent toutefois d’arguments légaux, donc légitimes : la loi, qui garantit un emploi dans le secteur public aux détenteurs de diplômes supérieurs ; et des décrets ministériels dans lesquels le gouvernement leur promet l’embauche (le décret 695-99 et 888-99 datant du 30 avril 1999). C’est sur cette base et en prenant en compte la « légitimité historique » qu’ils négocient avec les représentants du gouvernement. Leur gentleman agreement : les plus anciens seront les premiers servis. Chaque année, ceux qui réussissent à arracher un boulot laissent la place à de nouveaux groupes.
Zakaria Choukrallah
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Tout le monde dit I love you
Instruits, militants, et avec une cause à défendre, les diplômés chômeurs sont un terrain rêvé pour toutes les récupérations politiques. Tour d’horizon.
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S’ils se veulent d’abord des « militants » pour leur droit social au travail, les groupes de diplômés chômeurs n’échappent pas aux opérations de charme des différents partis politiques. Le dernier en date n’est autre que le Parti authenticité et modernité. Si des députés PAM sont récemment montés au créneau pour demander l’ouverture d’une enquête sur la manière dont le dossier est géré par la primature, ce n’est pas par pur hasard. Les diplômés chômeurs sont, depuis des années, la chasse gardée de la gauche radicale, mais surtout des islamistes. Ceux du PJD ont récemment brillé par la série de rencontres qu’ils ont tenues tant avec les chômeurs qu’avec les représentants des départements ministériels concernés (Emploi, Finances…).
Le soutien de l'AMDH
Les uns comme les autres héritent de cette « cause » après que les partis politiques dits démocratiques, Istiqlal et USFP en premier, ont déserté le terrain, au lendemain de leur entrée au gouvernement. Et pourtant, ces deux formations ont été les toutes premières à se positionner sur le front de la défense du droit au travail. Nous sommes alors dans les années 1994-1995, la tristement célèbre époque où le Maroc, au bord de l’asphyxie économique, décide de couper dans ses dépenses. C’est le fameux Plan d’ajustement structurel dont l’une des principales mesures a été l’arrêt net des recrutements dans le secteur public. La toute première association voit ainsi le jour. Regroupant toutes les catégories de diplômés chômeurs, elle tient ses réunions au siège de la section de Kénitra… du parti de l’Istiqlal. Alors fidèle à son idéologie socialiste et la notion d’État providence qui en découle, l’USFP fait également sienne cette cause. Et ce, jusqu’à l’entrée en fonction du gouvernement de l’alternance. Désormais aux commandes, USFP et Istiqlal vont « lâcher » les diplômés chômeurs. Et seules leurs Jeunesses respectives continuent de s’y intéresser.
Le terrain sera aussitôt occupé par des formations de la gauche radicale, Annahj et le Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS) en tête. Ceux-là mêmes qui font le plus gros des effectifs de l’AMDH (Association marocaine des droits humains). Il était donc tout à fait naturel que celle-ci fasse son entrée. Et c’est au siège et dans les bureaux et sections de l’AMDH que les diplômés chômeurs s’organisent et tiennent leurs conférences de presse. L’AMDH serait-elle une voie d’endoctrinement et de recrutement des futurs cadres de la gauche radicale ? Dans une jolie langue de bois, Khadija Ryadi, secrétaire générale de l’ONG, invoque le libre arbitre et le droit mutuel. « Tout citoyen a le droit d’adhérer à la formation qui lui correspond et tout parti a également le droit de recruter ceux qui l’intéressent », affirme-t-elle. Un « droit » qui leur est âprement disputé par une association qui compte le plus de sympathisants parmi les diplômés chômeurs : Al Adl Wal Ihssane.
Porte-parole du mouvement, Fathallah Arsalane écarte toute ambition hégémoniste de sa Jamaâ sur cette catégorie. « Ce n’est pas notre mouvement mais ces partis politiquement corrects qui utilisent les diplômés chômeurs politiquement. Ce que nous faisons, c’est les aider du mieux que l’on peut », déclare-t-il. Masquée ou révélée au grand jour, cette récupération est une réalité. « Et toutes les tendances politiques sont plus ou moins représentées. Il ne manque plus que les salafistes ! », ironise, à l’écart de ses camarades, un militant. Le malheur social des uns fait le bonheur partisan des autres.
Tarik Qattab |
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