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LâamĂ©rique et nous
actuel n°50, samedi 5 juin 2010
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Les Marocains entretiennent une relation ambivalente avec la premiĂšre puissance mondiale. Nous ne sommes pas toujours pro-amĂ©ricains⊠mais prĂȘts Ă le devenir facilement !
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Enthousiasmeâ? Lâadmirationâ? La haineâ? Difficile de trouver le mot exact pour qualifier les sentiments que suscite lâoncle Sam chez le commun des Marocains. Le moindre faux pas des AmĂ©ricains est vĂ©cu en live par la rue marocaine alors que, par ailleurs, la thĂšse selon laquelle le Maroc ne reprĂ©senterait pas grand-chose pour les Yankees est battue en brĂšche par le tollĂ© provoquĂ© par lâexpulsion rĂ©cente des Ă©vangĂ©listes amĂ©ricains. La presse amĂ©ricaine sâest ainsi Ă©mue du «âdrame de ces citoyens dont certains vivaient depuis des dĂ©cennies au Marocâ» avant que les faucons ne se rendent compte du parti quâils pourraient tirer de lâincident. Le sĂ©nateur rĂ©publicain Frank Wolf sâest ainsi empressĂ© de proposer au CongrĂšs de couper les vivres au Maroc arguant que les financements, qui sont dĂ©bloquĂ©s par le Millenium Challenge Corporation (MCC) au Royaume, devraient ĂȘtre revus Ă la baisse ou carrĂ©ment annulĂ©s suite Ă lâexpulsion des 40 AmĂ©ricains accusĂ©s dâĂ©vangĂ©lisation. Dans une lettre Ă la secrĂ©taire dâĂ©tat amĂ©ricaine Hillary Clinton, Wolf a ainsi prĂ©cisĂ© quâ«âau moment oĂč les Ătats-Unis croulent sous les dettes extĂ©rieures, il est inacceptable de ponctionner 697,5 millions de dollars de lâargent des contribuables pour les offrir Ă une nation qui fait fi des droits les plus Ă©lĂ©mentaires des citoyens et expulse des citoyens amĂ©ricains rĂ©sidant au Maroc sans Ă©gard pour la loiâ».
La question devra dâailleurs ĂȘtre dĂ©battue au cours dâune rĂ©union du congrĂšs le 17 juin prochain. Le conservateur Wolf est membre du puissant lobby House Appropriations Committee et Ă ce titre, il a une grande capacitĂ© de nuisance mais cela influera-t-il sur les relations entre les deux pays ?
Au moment oĂč Wolf sâĂ©chinait Ă convaincre les sĂ©nateurs de prononcer des sanctions Ă©conomiques contre le Maroc, Barack Obama venait juste de prendre congĂ© dâune dizaine dâhommes dâaffaires marocains triĂ©s sur le volet. Miloud Chaabi, Mohamed Horani, Moulay Ahmed Essakalli, Mohamed Benamour et quelques autres hommes dâaffaires Ă©taient invitĂ©s Ă participer Ă un sommet des entrepreneurs, initiĂ© par le prĂ©sident amĂ©ricain lui-mĂȘme. Si le sommet entrepreneurial avait pour objectif de permettre Ă ses acteurs de faire part de leur expertise, chacun dans son domaine dâactivitĂ©, tout en faisant la promotion des opportunitĂ©s dâinvestissement au Maroc, la rencontre a surtout servi au prĂ©sident Obama Ă souligner les grands desseins de lâAmĂ©rique pour le monde arabe.
Les participants ont ainsi eu droit Ă un discours fleuve dont on retiendra quâObama plaide pour une nouvelle page tournĂ©e dans les relations avec le monde arabomusulman. «âIl existe au cĆur de chacun dâentre vous, et chez des millions de personnes dans le monde qui pensent, comme nous, que lâavenir appartient non pas Ă ceux qui chercheraient Ă nous diviser, mais Ă ceux qui sâunissentâ; non pas Ă ceux qui voudraient dĂ©truire, mais aux bĂątisseursâ; non pas aux prisonniers du passĂ©, mais Ă ceux qui, comme nous, croient avec confiance et conviction en un avenir de justice et de progrĂšs, et en la dignitĂ© de tout ĂȘtre humain, indĂ©pendamment de sa race et de sa religion.â» Commentaire de lâun des heureux Ă©lusâ: «âCâĂ©tait essentiellement une rencontre marquĂ©e par une symbolique trĂšs forte de la rĂ©conciliation de lâAmĂ©rique dâObama avec le monde musulman.â»
«âWe try, we fail, we fixâ», disent les AmĂ©ricains. (On essaye, on se trompe, on rebondit), autrement dit, le pragmatisme amĂ©ricain nâa pas dâĂ©tats dâĂąme. Les bavures de lâarmĂ©e amĂ©ricaine, Guantanamo, tout ça appartient au passĂ©, et des pays comme le Maroc sont des partenaires gĂ©ostratĂ©giques incontournables : pas question de les lĂącher.
Dâautant plus que de ce cĂŽtĂ©-ci de lâAtlantique, on croit Obama sur paroleâ; mis Ă part quelques barbus chauffĂ©s Ă blanc par les images des exactions des GI en Afghanistan, servies en boucle par Al Jazeera, il nây a pas grand monde prĂȘt Ă cracher sur une green card amĂ©ricaine. De mĂȘme, on ne trouvera pas beaucoup de Marocains totalement indiffĂ©rents Ă la musique, au cinĂ©ma, aux produits de consommation courante, aux accessoires technologiques⊠bref, Ă toute cette modernitĂ© made in USA dans laquelle baignent les gĂ©nĂ©rations montantes. Ă cet effet, il faut noter que sur les 55 000 heureux Ă©lus dans le monde qui dĂ©crochent chaque annĂ©e la fameuse carte de rĂ©sidence amĂ©ricaine, les Marocains trĂŽnent toujours Ă la premiĂšre place.
Pour le Marocain lambda, ces privilĂ©giĂ©s qui incarnent le modĂšle vivant du rĂȘve amĂ©ricain Ă©voquent Ă©galement le visage dâune Ă©migration propre, sans heurts, qui dĂ©bouche nĂ©cessairement sur lâintĂ©gration. Pour Hammadi Bekouchi, auteur de La diaspora marocaine, un chance ou un handicapâ? (aux Ă©ditions Eddif), lâimmigration marocaine aux Ă©tats-Unis est trĂšs particuliĂšre. «âMis Ă part quelques cas individuels, les success stories sont rares. Il sâagit, dans la majoritĂ© des cas, dâimmigrĂ©s issus de classes pauvres. ArrivĂ©s en AmĂ©rique par le biais de la carte verte ou du regroupement familial, ils sont contraints de faire des petits mĂ©tiers qui leur permettent de vivre dĂ©cemment mais pas plus. Câest ce qui explique que les transferts en provenance des Ă©tats-Unis reprĂ©sentent moins de 1â% du total des transferts des MRE.â» PrĂ©cision de taille, le professeur Ă la Sorbonne fait remarquer que les Marocains sont trĂšs vite happĂ©s par le melting-pot amĂ©ricain et ne reviennent pas au pays. «âEn moins de deux ans, ils dĂ©crochent la nationalitĂ© et sâintĂšgrent trĂšs vite dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine. RĂ©sultat, contrairement aux MRE dâEurope, ils sont tous prĂȘts Ă sâengager dans lâarmĂ©e pour dĂ©fendre les valeurs et les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains.â» Ils sont ainsi prĂšs de 1 500 Marocains Ă dĂ©fendre la banniĂšre Ă©toilĂ©e en Irak au sein de lâarmĂ©e amĂ©ricaine ! Câest ce que lâon appelle le paradoxe amĂ©ricain.
Abdellatif El Azizi |
Que fait la CIA au Maroc ?
Les agents de la centrale surveillent particuliĂšrement les islamistes radicaux mais sâintĂ©ressent aussi aux intellectuels, aux journalistes ou aux entrepreneurs.
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Il est de notoriĂ©tĂ© publique que lâadministration amĂ©ricaine travaille avec les marocains pour la lutte contre Al-QaĂŻda au Maghreb islamique. Depuis 2001, plusieurs dĂ©lĂ©gations reprĂ©sentant diffĂ©rents services amĂ©ricains du renseignement dont le FBI, la CIA et la NSA, ont effectuĂ© des visites secrĂštes au Maroc, dans le cadre notamment de la coopĂ©ration antiterroriste avec les services du cru. Mais lâouverture du bureau de la CIA Ă Rabat ne date pas du 11 septembre. DĂ©jĂ lors de lâassassinat de Mehdi Benbarka en 1965, le nom dâun mystĂ©rieux «âcolonel Martinâ», un gradĂ© de la CIA avait Ă©tĂ© citĂ© dans lâaffaire. Quel rĂŽle joue la section de la CIA Ă Rabatâ? DâaprĂšs plusieurs documents de la CIA dĂ©classifiĂ©s en 2â000 par lâadministration amĂ©ricaine, on apprend que les moindres faits et gestes de HassanâII Ă©taient consignĂ©s par les agents de la centrale. Ă titre dâexemple, en 1975, deux semaines avant le dĂ©part de la Marche verte, William Colby avait Ă©crit une correspondance urgente Ă Henry Kissinger, secrĂ©taire dâĂ©tat amĂ©ricain, pour le prĂ©venir des intentions du roi du Maroc concernant le Sahara. Sur le terrain, si les James Bond de la CIA se concentrent sur la collecte et la coordination des informations concernant les islamistes, avec un intĂ©rĂȘt particulier pour les salafistes radicaux, des agents «âplus softâ» frĂ©quentent assidĂ»ment les intellectuels, la sociĂ©tĂ© civile, les journalistes, histoire de tĂąter le pouls dâune sociĂ©tĂ© considĂ©rĂ©e comme assez complexe. Bien entendu, tout ce beau monde dispose de couvertures diverses, câest pour cela que ces «âhonorables correspondantsâ» bĂ©nĂ©ficient dâune marge de manĆuvre plus grande que les diplomates rattachĂ©s Ă lâambassade.
Blanchiment dâargent
Dâun autre cĂŽtĂ©, le FBI, qui possĂšde Ă©galement un bureau Ă Rabat, se concentre essentiellement sur les crimes transnationaux, le blanchiment dâargent, le trafic de drogue et la falsification de documents officiels. Il y a aussi la fameuse station dâĂ©coute de la NSA installĂ©e dans la pĂ©riphĂ©rie de Tanger. Mais comme dans dâautres pays, les agents de la CIA sont de plus en plus chargĂ©s de la collecte et de lâexploitation dâinformations concernant les contrats juteux et les activitĂ©s dâentreprises influentes ayant pignon sur rue. Câest ce que lâon appelle lâintelligence Ă©conomique. Quant Ă la soutraitance de la torture, au centre de TĂ©mara, câest une autre histoire.
Abdellatif El Azizi
Libre-échange Un accord pas assez rentabilisé
Pour lâheure, lâaccord de libre-Ă©change conclu avec les Ă©tats-Unis nâa pas encore bouleversĂ© les relations commerciales entre les deux pays. La palette des produits exportĂ©s vers le pays de lâOncle Sam est toujours aussi rĂ©duite. De plus, la valorisation des produits exportĂ©s demeure insuffisante. Enfin, force est de constater que le Royaume nâa pas encore rĂ©ussi Ă attirer un nombre suffisant dâinvestisseurs amĂ©ricains ayant des visĂ©es commerciales sur les marchĂ©s europĂ©ens et africains, et dĂ©sireux de crĂ©er des filiales marocaines. Pourtant, il gagnerait Ă mettre en avant son positionnement gĂ©ographique privilĂ©giĂ©, au carrefour des Ă©tats-Unis, de lâEurope et de lâAfrique.
Selon les donnĂ©es disponibles de lâOffice des changes, les transactions globales effectuĂ©es dans le cadre de lâALE ont progressĂ© de 36â% entre 2006 et 2008, dĂ©passant les 11 milliards de dirhams. Mais cette hausse des Ă©changes fait ressortir une aggravation du dĂ©ficit commercial de plus de 31â%. Comme il fallait sây attendre, les importations continuent de prĂ©dominer, totalisant 8,3 milliards de dirhams. Toutefois, lâĂ©cart entre les importations et les exportations tend Ă se rĂ©duire, grĂące Ă la forte croissance des exportations. En 2008, les recettes drainĂ©es sâĂ©levaient Ă 2,8âmilliards de dirhams contre 125 millions de dirhams en 2007. Ce qui est Ă lâorigine de la nette amĂ©lioration du taux de couverture des importations par les exportations, qui passe de 1,5â% Ă 33,8â% en lâespace dâune annĂ©e.
Au niveau des produits, le Maroc a achetĂ©, dans le cadre de lâALE avec les USA, essentiellement des produits Ă©nergĂ©tiques et des huiles vĂ©gĂ©tales brutes. Quant Ă la forte croissance des exportations effectuĂ©es dans le cadre de lâALE, elle Ă©mane surtout des ventes des phosphates qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de lâenvolĂ©e exceptionnelle des cours sur les marchĂ©s internationaux.
Mouna kably
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Lâoncle Sam Ă Sidi Moumen
Boubker Mazoz aide les plus dĂ©munis Ă sâen sortir grĂące Ă ses amis amĂ©ricains. Un exemple Ă suivre des deux cĂŽtĂ©s de lâAtlantique.
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Les AmĂ©ricains le considĂšrent comme un hĂ©ros et câest vrai quâil est adulĂ© quand il arrive dans les quartiers. Ils trouvent aussi quâil ressemble Ă Omar Sharif mais ce sont des AmĂ©ricains. Et lui lâest un peu devenu, amĂ©ricain⊠Quand il vous tend la doc sur ses associations de quartiers, il sâexcuse car elles sont en anglais, il ponctue frĂ©quemment ses phrases dâexpressions made in USA et avoue sans complexe son amĂ©ricophilie profonde : «âCâest lĂ -bas, Ă 17 ans, que jâai appris le volontariat. Rien Ă voir avec les associations Ă la marocaine ou Ă la française, que lâon crĂ©e pour faire carriĂšre. LĂ -bas, tout le monde aide tout le monde.â»
Une bonne philosophie quâil a su transposer au Maroc toute sa vie. Aujourdâhui, Boubker Mazoz a quittĂ© son poste aux relations publiques de Dar America Ă Casablanca, mais il continue ses activitĂ©s associatives. Ce nâest pas la voix de lâAmĂ©rique. Câest son cĆur. PrĂ©sident de lâAssociation marocaine des villes jumelĂ©es, il a rĂ©activĂ© les liens entre les deux sisters cities de Casablanca et de Chicago. Sous son Ă©gide, les Harlem globe trotters ont marquĂ© des paniers au LycĂ©e MohammedâV et des danseurs et des musiciens sont venus faire swinguer les quartiers de la ville blanche. Mais son job va au-delĂ des activitĂ©s classiques et des Ă©changes convenus entre villes jumelĂ©es.
Une Ă©quipe de Lacrosse
Câest au cĆur de Sidi Moumen quâon retrouve le logo de lâassociation sur les locaux du centre culturel de⊠sorry, du «âSidi Moumen Cultural Centerâ». Câest bien comme ça que ça sâappelle. «â350 000 habitants Ă Sidi Moumen et pas un seul centre culturelâ! Ni lâĂ©tat, ni les entreprises, ni la sociĂ©tĂ© civile nâont fait le moindre geste. Alors, on lâa faitâ», souligne-t-il. Ici, on donne des cours dâanglais, mais aussi dâinformatique, de thĂ©Ăątre, de musique et mĂȘme de Lacrosse, un sport amĂ©rindien proche du hockey dont la seule Ă©quipe africaine est celle de Sidi Moumenâ! Ce sont essentiellement des diplĂŽmĂ©s issus des quartiers pauvres qui encadrent les jeunes, Ă lâimage de Soukaina Hamia, toute jeune (23 ans) prĂ©sidente de lâAssociation Idmaj qui regroupe les bĂ©nĂ©voles. «âCes jeunes diplĂŽmĂ©s, ce sont des ââroles modelsââ, des exemples Ă suivre. Ils prouvent quâon peut rĂ©ussir sans passer par la dĂ©linquanceâ!ââ»
Et ces «âroles modelsâ» sont souvent relayĂ©s par des AmĂ©ricains comme cette famille qui vient passer cet Ă©tĂ© trois semaines de vacances Ă Sidi Moumen, dans ce quartier oĂč la plupart des Casablancais nâosent pas mettre les pieds ! Quant Ă lâĂ©quipe de Lacrosse, elle est entraĂźnĂ©e par le mari de Madame la consuleâŠ
Altruistes ou inconscients ces AmĂ©ricainsâ? Pragmatiques, surtoutâ: «âIls savaient bien que dans ces quartiers, il y avait des problĂšmes dâextrĂ©misme et que lâAmĂ©rique nâĂ©tait pas trĂšs bien vue⊠Il est difficile dâapprendre Ă accepter lâautre sans le connaĂźtre. Il fallait une ouverture vers lâextĂ©rieur pour les jeunes de Sidi Moumen.â» Alors, depuis 2006, il y a des Ă©changes entre les lycĂ©ens du quartier le plus stigmatisĂ© de la mĂ©tropole et des Ă©tudiants de Chicago.
Câest lâune des plus grandes rĂ©ussites de Mazozâ: envoyer les ouled el houma de lâautre cĂŽtĂ© de lâAtlantique. Et quand ils reviennent, ils sont mĂ»rs pour devenir des «âroles modelsâ». Mais le plus Ă©tonnant dans cette expĂ©rience originale, câest que la mĂ©thode Mazoz de leadership par lâexemple est aujourdâhui Ă©tudiĂ©e par des chercheurs amĂ©ricains qui viennent en pĂšlerinage Ă Casa Ă©tudier les «âroles modelsâ» de Sidi Moumen.
Eric Le Braz
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Des ONG trĂšs politiques
Associations, services secrets et lobbys... les relations sont souvent trĂšs poreuses.
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Ils vivent en immersion dans le pays, parlent mieux la darija ou lâamazigh que bien des Marocains et ont le cĆur sur la mainâ: ces AmĂ©ricains aident Ă lâĂ©ducation des aveugles, encouragent les petits entrepreneurs et vont installer des pompes Ă eau dans les douars. Au total, ils sont prĂšs de 4â000 Ă avoir sillonnĂ© le Maroc depuis une cinquantaine dâannĂ©es au sein des peace corps, une association prĂ©sente dans 77 pays. Les peace corps, câest un service civil pour bien des AmĂ©ricains. Câest aussi une bonne prĂ©pa-CIAâ: de nombreux anciens volontaires sont devenus de redoutables agents. Dâautres crĂ©ent des ONG comme les fondateurs de la High Atlas Foundation. Cette association plante des arbres fruitiers, installe des systĂšmes dâirrigation et soutient des coopĂ©ratives de femmes dans tout le Royaume. Accessoirement, son prĂ©sident Jason Yossef Ben Meir Ă©crit des articles plus politiques sur le PAM ou la dĂ©centralisation au Sahara.
Parmi les principaux donateurs de cette association, on trouve la National Endowment of Democraty, un organisme financĂ© en partie par le dĂ©partement dâĂ©tat amĂ©ricain, quâon soupçonne de liens avec la CIA et qui a Ă©tĂ© accusĂ© de diffĂ©rents mĂ©faits, du coup dâĂ©tat avortĂ© contre Chavez en 2002, au renversement dâAristide en HaĂŻti deux ans plus tard.
Le maillage amĂ©ricain au Maroc, câest aussi une politique active de voyages dâĂ©tudes et de dĂ©couverte outre-Atlantique. On ne compte plus les universitaires, artistes ou politiques gĂ©nĂ©reusement invitĂ©s par lâoncle Sam pour quelques semaines. Lâoccasion de dĂ©couvrir lâAmĂ©rique sous son meilleur jour. Puis dâĂȘtre son relais auprĂšs de lâopinion publique marocaine. Cette entreprise de sĂ©duction commence parfois trĂšs tĂŽt puisque les AmĂ©ricains peuvent aussi prendre en charge la scolaritĂ© de nos meilleurs Ă©lĂ©ments. TrĂšs active dans ce domaine, le Tangier Legation Institute for Moroccan Studies octroie des bourses dâĂ©tudes pour les Ă©tudiants dĂ©sireux dâĂ©tudier aux Ă©tats-Unis. Son prĂ©sident, William Zartman, est un membre du North Africa Policy Paper, un lobby en faveur du projet marocain dâautonomie du Sahara. Rien ne se perd, tout se transforme.
E. L. B. |
Un alliĂ© historique et stratĂ©gique pour lâAmĂ©rique
Nous sommes les plus vieux amis des Ă©tats-Unis. MalgrĂ© quelques anicroches, les relations entre les deux pays ont toujours Ă©tĂ© correctes. Et elles le restent, nous confirme Samuel Kaplan, lâambassadeur des Ă©tats-Unis dans le Royaume.
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LâintĂ©rĂȘt des Ă©tats-Unis dâAmĂ©rique pour le Maroc ne date pas dâhier. Depuis la reconnaissance de lâIndĂ©pendance de la jeune RĂ©publique amĂ©ricaine par le sultan Sidi Mohammed, un 20 fĂ©vrier 1778, lâattention portĂ©e par les gouvernements successifs amĂ©ricains Ă lâEmpire chĂ©rifien nâa jamais faibli. Câest une vieille histoire dâamitiĂ© entre les deux pays qui perdure, car cimentĂ©e par des intĂ©rĂȘts communs Ă©vidents.
La politique amĂ©ricaine sâest toujours dĂ©veloppĂ©e et continue de se dĂ©velopper suivant une constante gĂ©opolitiqueâ: la position stratĂ©gique du Maroc, trait dâunion entre lâAfrique et lâEurope reprĂ©sente une base importante pour toute action militaire, commerciale et politique vers ladite Europe, lâAfrique du Nord, le Moyen-Orient et enfin les pays dâAfrique subsahariens.
La pĂ©riode de dĂ©colonisation verra une AmĂ©rique rĂ©solue Ă sâimpliquer aux cotĂ©s du Maroc. DĂšs la naissance de la question sahraouie, les Ă©tats-Unis vont jouer un rĂŽle fondamental dans ce dossier. Les Ă©vĂ©nements du 11 septembre resserreront les liens pour des questions sĂ©curitaires.
Ă lâopposĂ© de lâAlgĂ©rie, qui sâĂ©tait jetĂ©e les yeux fermĂ©s dans les bras de lâancienne URSS, le Maroc, comme la Tunisie, avait fait le choix de lâOccident. On notera que lâambigĂŒitĂ© des relations amĂ©ricaines avec Alger vient du fait que le choix du bloc soviĂ©tique, fait par l âAlgĂ©rie, est toujours ancrĂ© dans la mĂ©moire des sĂ©nateurs et du CongrĂšs Ă Washington. Restent les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, spĂ©cialement pĂ©troliers et gaziers, qui sâexpriment suivant les besoins du moment.
Aujourdâhui, la politique amĂ©ricaine au Maroc est dominĂ©e par la guerre contre le terrorisme et la consolidation des relations avec le monde arabe au travers de ce type de pays. Avec le Maroc, câest la lâhistoire dâun long fleuve tranquille. Mais lâamitiĂ© entre deux Ă©tats nâest pas viable, si des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, stratĂ©giques, ne venaient consolider ces relations (voir notre encadrĂ© sur lâaccord de Libre-Ă©change).
Câest dans ce sens que lâaccord de libre-Ă©change (FTA) signĂ© entre les Ă©tats-Unis et le Maroc a pour but de dĂ©velopper les activitĂ©s commerciales entre les deux pays ainsi que la consolidation des investissements US dans le Royaume.
Les deux parties regrettent de constater que pour le moment, les importations des Ă©tats-Unis augmentent beaucoup plus vite que les exportations. Il semble que les milieux dâaffaires marocains ne saisissent pas encore les avantages dâun tel accord.
Pour les investissements amĂ©ricains, des entreprises comme Boeing, General Electric, Fruit of the Loom, Dell et Delphi Corporation ont choisi de dĂ©centraliser certaines de leurs activitĂ©s au Maroc. Si ces investissements ont ralenti en 2008 et 2009 Ă cause de la crise financiĂšre mondiale, lâadministration amĂ©ricaine considĂšre quâils se poursuivront Ă un rythme plus soutenu dĂšs la reprise Ă©conomique.
NĂ©anmoins, Washington est convaincue quâil existe encore des freins aux investissements Ă©trangers au Maroc. Des nĂ©gociations sont en cours entre les deux capitales pour y remĂ©dier.
Base américaine
LâAmĂ©rique souhaite la stabilitĂ© du Maroc et une situation Ă©conomique viable. Câest lâune des conditions essentielles pour faire barriĂšre au terrorisme islamique. Câest dans le cadre de cette politique que lâaide amĂ©ricaine au Maroc a Ă©tĂ© multipliĂ©e par 20 depuis 1974. Le Maroc a reçu un cinquiĂšme du volume global de lâaide amĂ©ricaine Ă lâAfrique. Quant Ă lâaide militaire, elle est passĂ©e de 4,1 millions de dollars en 1974 Ă prĂšs de 10 millions en 1978. Elle sâĂ©lĂšve aujourdâhui Ă plus de 20 millions de dollars. En 2005, le Royaume a bĂ©nĂ©ficiĂ© de 80â% de lâaide totale amĂ©ricaine pour le Maghreb.
Pour Washington, si dans le passĂ© le Maroc a Ă©tĂ© un rempart au communisme, il a, aujourdâhui, Ă jouer un rĂŽle non nĂ©gligeable dans la lutte contre lâislamisme.
La politique marocaine de lâadministration Obama est dâailleurs tout Ă fait en phase avec le CongrĂšs et les lobbies amĂ©ricains, qui considĂšrent le Maroc comme un modĂšle de dĂ©mocratie dans le monde arabe.
Mais les attentes sont grandes du cĂŽtĂ© de Rabat. La question du Sahara, les relations avec lâAlgĂ©rie, la rĂ©ouverture des frontiĂšres algĂ©ro-marocaines, sont autant de dossiers pour lesquels le Maroc aimerait bien trouver Ă ses cĂŽtĂ©s cet alliĂ© de longue date, plus volontariste.
Pour Samuel Kaplan, ambassadeur des Ă©tats-Unis au Maroc, «âWashington soutient le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâONU et son envoyĂ© personnel pour le Sahara, Christopher Ross, dans leurs efforts Ă trouver une solution pacifique, acceptable par les deux parties, pour ce conflit. Les Ă©tats-Unis considĂšrent que la proposition marocaine dâautonomie est une option sĂ©rieuse et crĂ©dible, qui peut servir comme base de nĂ©gociationsâ». Par ailleurs, concernant lâAFRICOM, lâĂ©tat-major des forces US pour lâAfrique, lâambassadeur dĂ©ment catĂ©goriquement lâinstallation dâune base amĂ©ricaine aux alentours de Tan Tan ou ailleurs au Maroc. Il cite Ă cet effet lâambassadeur J. Anthony Holmes, Deputy to the Commander for Civil-Military Activities (DCMA) of United States Africa Command (AFRICOM) qui a prĂ©cisĂ© que «âlâĂ©tat-major dâAFRICOM ne sera pas transfĂ©rĂ© en Afrique, il restera Ă Stuttgart, en Allemagneâ».
Etroite coopération
«âCe qui nâempĂȘche pas les AmĂ©ricains dâĂȘtre particuliĂšrement satisfaits de leurs relations bilatĂ©rales avec le Maroc concernant la sĂ©curitĂ©. Ă titre dâexemple, ââAfrican Lionââ, des manĆuvres bilatĂ©rales militaires annuelles, actuellement en cours, sont les plus importantes sur le sol africain et soulignent la qualitĂ© de cette coopĂ©ration militaire. Ă la fin de cet exercice, les troupes amĂ©ricaines retourneront dans leurs bases aux Ă©tats-Unis ou en Europe, et aucun de ces militaires ne restera au Marocâ», insiste Samuel Kaplan. En avril 2007, 170 membres du CongrĂšs amĂ©ricain (dĂ©mocrates et rĂ©publicains) avaient adressĂ© au prĂ©sident amĂ©ricain une lettre dans laquelle ils lui demandaient de soutenir lâinitiative du Maroc pour le rĂšglement de lâaffaire du Sahara.
Cinq anciens ambassadeurs amĂ©ricains au Maroc ont publiĂ©, dans le Middle East Time du 6 octobre 2008, un article oĂč ils rappellent la position de Washington en faveur du plan dâautonomie proposĂ© par le Maroc. Marc C. Ginsberg, Michael Ussery, Thomas A. Nassif, Margaret Tutwiler et Frederick Vreeland considĂšrent lâautonomie comme lâunique solution au problĂšme du Sahara. Dans la politique Ă©trangĂšre des USA, le Maroc continue dâĂȘtre un pilier de la prĂ©sence amĂ©ricaine au Maghreb et au Proche-Orient, (spĂ©cialement pour le processus de paix au Moyen-Orient). Lors de son audition par la commission des affaires Ă©trangĂšres du SĂ©nat amĂ©ricain, Kaplan a enfoncĂ© le clouâ: «âPays de tolĂ©rance, le Maroc est un alliĂ© stratĂ©gique, un partenaire majeur et un ami durable.â»
Le principal objectif pour Washington est de dĂ©velopper, au sein du Maghreb, une Ă©troite coopĂ©ration militaire, Ă©conomique, le tout liĂ© Ă la sĂ©curitĂ©. Câest dans ce contexte que les USA tentent de mettre en place une politique rĂ©gionale et que le conflit du Sahara acquiert une nouvelle dimension en raison des consĂ©quences que pourrait entraĂźner sa non-rĂ©solution.
Mais lâAmĂ©rique, comme tous les Ă©tats, nâa pas dâamis, mais des intĂ©rĂȘts. Reste Ă savoir si les Marocains feront le choix de faire coĂŻncider leurs intĂ©rĂȘts avec ceux de la premiĂšre puissance mondiale du moment, pour leur propre bĂ©nĂ©fice.
Jibrail Bennouna |
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