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Crise, le Maroc en danger ?
actuel n°49, samedi 29 mai 2010
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Les chiffres ne sont pas encore alarmants, et les pouvoirs publics affirment maĂźtriser la situation. Mais si la crise europĂ©enne sâenlise comme le craignent les Ă©conomistes, le Maroc nâĂ©chappera pas Ă la rĂ©cession. Tour dâhorizon des clignotants.
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La crise sâĂ©tend comme une traĂźnĂ©e de poudre au sein de la zone euro. AprĂšs le choc dâune GrĂšce au bord de la faillite , les yeux sont actuellement rivĂ©s sur lâEspagne, lâun de nos principaux partenaires commerciaux. MalgrĂ© les dĂ©clarations rassurantes des pouvoirs publics, la question est posĂ©e de savoir jusquâĂ quel point le Maroc est en mesure de rĂ©sister Ă la tornade europĂ©enne. A en croire de hauts responsables du ministĂšre des Finances, «âla situation de nos finances publiques est maĂźtrisĂ©e, le TrĂ©sor nâa pas le couteau sous la gorge et rien ne lâoblige Ă emprunter sur le marchĂ© international, Ă nâimporte quelle conditionâ». Il nâempĂȘche, lâanalyse des facteurs dĂ©clencheurs de la crise en GrĂšce incite Ă la prudence. Et, surtout, Ă lâintrospection.
La crainte dâun scĂ©nario Ă la grecque est prise au sĂ©rieux par certains Ă©conomistes marocains, face Ă la perte de confiance des marchĂ©s Ă lâĂ©gard de lâUE, de son plan de sauvetage et de sa monnaie unique. «âLe gouvernement ressasse que le Maroc est Ă lâabri et que les signaux de reprise se multiplient, alors que la situation est loin dâĂȘtre reluisanteâ!â», observe lâĂ©conomiste Najib Akesbi, professeur Ă lâIAV de Rabat. Pour lui, le retour sur le marchĂ© international est un constat dâĂ©chec et non une performanceâ: « AprĂšs le cycle dâajustement structurel, le Maroc est contraint de revenir Ă la case dĂ©partâ!â», dĂ©plore-t-il. Le recours Ă lâendettement extĂ©rieur serait, selon lui, une solution de facilitĂ©, que le Maroc paiera cher. «âLa crise ne peut perdurer et nous attendrons le moment opportun pour optimiser le coĂ»t de lâempruntâ», rĂ©itĂšre-t-on au ministĂšre des Finances.
Pour Najib Akesbi, nombre dâindicateurs sont dĂ©jĂ dans le rouge et risquent de se dĂ©grader si la crise grecque se propage dans dâautres pays de la zone euro. De fait, lâĂ©conomie marocaine est liĂ©e par des accords de partenariat et demeure donc largement tributaire de la demande europĂ©enne et des transferts des MRE. Sur ces deux registres, il faut sâattendre Ă un net repli des flux, avec des consĂ©quences nĂ©fastes sur les recettes en devises. «âMĂȘme si les autoritĂ©s affirment avoir une marge de manĆuvre suffisante, lâĂ©tau va se resserrer avec lâentrĂ©e en vigueur de la politique dâaustĂ©ritĂ© dans la zone UE qui plombera la demande des consommateurs et touristes europĂ©ens et les flux des MRE, population vulnĂ©rable dans les pays dâaccueilâ», affirme Mehdi Lahlou, professeur Ă lâINSEA de Rabat.
DĂ©ficit abyssal Quant au dĂ©ficit de la balance commerciale, dĂ©jĂ abyssal (42 milliards de dirhams Ă fin mars 2010), il ne peut que sâaggraver. Et pour cause, les partenaires europĂ©ens achĂšteront moins de produits marocains et chercheront davantage Ă Ă©couler leurs marchandises. «âDe plus, au niveau de lâendettement, nos principaux bailleurs de fonds sont europĂ©ens», relĂšve Akesbi. Fatalement, âle Maroc devrait donc tout naturellement ĂȘtre impactĂ© par les politiques de rigueur draconiennes mises en Ćuvre au sein de lâUnion europĂ©enne. Compte tenu de ses faiblesses structurelles, le Maroc est-il pour autant exposĂ©, Ă terme, aux mĂȘmes risques que la GrĂšceâ? «âNous ne sommes pas du tout dans le mĂȘme cas de figure car la GrĂšce a falsifiĂ© ses comptes et affiche un dĂ©ficit public de 12,9â% contre 3â% pour le Maroc. Son taux de surendettement atteint 115â% contre 47â% du PIB chez nous», assure ce haut fonctionnaire.
Les deux Ă©conomies prĂ©sentent toutefois Ă certains Ă©gards des carences similairesâ: faiblesse de la compĂ©titivitĂ©, poids de lâinformel estimĂ© entre 30 et 40% du PIB, fraude fiscale Ă©rigĂ©e en sport national, aggravation des inĂ©galitĂ©s sociales, dĂ©penses publiques plĂ©thoriques, charge incompressible de la masse salariale des fonctionnaires⊠Autant de similitudes qui en inquiĂšteraient plus dâun. En opĂ©rant voici quelques semaines une opĂ©ration vĂ©ritĂ© sur les comptes laissĂ©s par ses prĂ©dĂ©cesseurs, le nouveau gouvernement grec nâa eu dâautre choix ââavec lâaide du FMI et de lâUnion europĂ©enneââ que dâimposer un plan dâaustĂ©ritĂ© drastique. Avec Ă la clĂ©, la rĂ©duction des dĂ©penses publiques et des dĂ©penses de santĂ©, le gel des salaires et des primes des fonctionnaires ainsi que le recul de lâĂąge de la retraite. Face Ă lâampleur des dĂ©ficits Ă rĂ©sorber, conjuguĂ©e Ă lâabsence de croissance et Ă la mise en Ćuvre de ce programme dâaustĂ©ritĂ©, la GrĂšce entame donc une pĂ©riode de restructuration et de ralentissement Ă©conomique qui pourrait ĂȘtre accompagnĂ©e de troubles sociaux non nĂ©gligeables.
Croissance en berne De plus, il ne faut pas sous-estimer le risque de contagion dans les autres pays de la zone euro, notamment en Espagne et au Portugal, puis en Italie et en Irlande. Tous ces pays affichent des similitudes avec la GrĂšce, en particulier des niveaux dâendettement public Ă©levĂ©s et une croissance en berne. Autant dire que pour doper sa croissance et limiter la dĂ©gradation de ses finances publiques, le Maroc devrait, dâurgence, se choisir une autre locomotive.
Mouna Kably & Khadija El Hassani |
Réforme fiscale : un chantier inachevé
LancĂ©e en 2005, la rĂ©forme fiscale engagĂ©e au Maroc nâa pas encore atteint tous ses objectifs. AxĂ©e sur la simplification et lâharmonisation ainsi que lâĂ©largissement de lâassiette fiscale et la modernisation de lâadministration fiscale, cette rĂ©forme met en jeu des intĂ©rĂȘts divergents Ă la fois des patrons, des salariĂ©s et de lâEtat. Pour lâheure, des amĂ©liorations notables sont Ă relever, comme la hausse de la part des recettes gĂ©nĂ©rĂ©es par lâIS (soit 30â% des recettes globales). Depuis 2007, elles dĂ©passent celles de lâIR (17â%). ParallĂšlement, le taux de lâIS est passĂ© de 35â% Ă 30%, suscitant un manque Ă gagner pour lâEtat de 2 milliards de dirhams, et celui de lâIR de 42â% Ă 38â%. Cette derniĂšre mesure a permis dâinjecter dans lâĂ©conomie 9,4 milliards de dirhams entre 2009 et 2010.
Mais en dĂ©pit de lâamĂ©lioration du rendement des impĂŽts, le systĂšme prĂ©sente encore des failles dans lesquelles nâhĂ©sitent pas Ă sâengouffrer certains contribuables.
Pour aller de lâavant, deux dĂ©fis sâimposent au fiscâ: intĂ©grer les activitĂ©s informelles par le biais de nouveaux mĂ©canismes et accĂ©lĂ©rer la rĂ©forme de la TVA axĂ©e sur lâharmonisation et la baisse de taux. La tĂąche nâest pas aisĂ©e car lâessentiel des recettes de la TVA est adossĂ© au taux de 20â%. Et pour rĂ©duire ce taux, il faudra tenir compte du caractĂšre spĂ©cifique des denrĂ©es de premiĂšre nĂ©cessitĂ© qui, elles, bĂ©nĂ©ficient de lâexonĂ©rationâŠDans ce cas, passer de lâexonĂ©ration Ă un taux de 7â% ou 10â% risque de provoquer une vĂ©ritable levĂ©e de bouclier.
M. K. |
Interview
HervĂ© Juvin, prĂ©sident dâEurogroup Instituteâ «âCopier les pays avancĂ©s est source dâillusion destructriceâ»
LâĂ©conomie du Royaume est moins exposĂ©e Ă la crise car elle dĂ©pend plus de son agriculture que des marchĂ©s financiers. Mais attention Ă la contrefaçon chinoise. HervĂ© Juvin, prĂ©sident dâEurogroup Institute, dĂ©livrait son analyse de la crise de la mondialisation et des voies de sortie Ă lâhorizon 2020, lors de la confĂ©rence organisĂ©e le 24 mai dernier par RAM.
Le poids de lâinformel reprĂ©senterait 40â% du PIB du Maroc tout comme en GrĂšce. Ne sommes-nous pas exposĂ©s au mĂȘme risque ?
HERVE JUVIN : Le problĂšme de lâinformel en GrĂšce est Ă relativiser car il se pourrait que son Ă©conomie reparte grĂące Ă cette activitĂ© souterraine qui jouerait le rĂŽle de soupape de sĂ©curitĂ©. Mais attention, cette soupape de sĂ©curitĂ© pour la population dĂ©munie ne peut fonctionner durablement car ce nâest pas en travaillant au noir que les mĂ©nages pourront contracter des crĂ©dits, acquĂ©rir des logements et les autres biens de consommation.
Les cas de la GrĂšce et du Maroc sont trĂšs diffĂ©rents. Le premier est un pays membre de lâUE, qui a menti sur ses comptes et les chiffres de ses finances publiques. Câest un dĂ©lit trĂšs grave. Dâailleurs, lâEspagne est dans la mĂȘme situation et ses comptes suscitent bien des doutes au sein de la communautĂ© financiĂšre depuis des annĂ©es dĂ©jĂ . Cependant, en pĂ©riode de croissance et dâabondance des liquiditĂ©s, les instances europĂ©ennes fermaient les yeux. Depuis, la situation est devenue insoutenable et lâUE doit dĂ©sormais instaurer une opĂ©ration de vĂ©ritĂ© des comptes qui sera lourde et douloureuse mais vitale pour lâEurope.
Le cas du Maroc est diffĂ©rent, tout dâabord, parce quâil nâest pas dans la zone UE. De plus, lâĂ©conomie du Royaume est beaucoup moins interdĂ©pendante du reste du monde car elle est encore largement tributaire de son agriculture, bien plus que des marchĂ©s financiers internationaux. Avec le recul, câest une bonne chose, dâautant plus que la pluie a Ă©tĂ© abondante durant ces deux derniĂšres annĂ©es. De ce fait, le Maroc est encore extrĂȘmement protĂ©gĂ© dans ce domaine.
Dans ce cas, quel est le risque auquel est exposé le Maroc ?
Je serais beaucoup plus attentif aux mouvements de dĂ©sindustrialisation et de destruction de lâartisanat local, notamment du tapis et dâautres produits authentiques du Maroc, Ă cause de la contrefaçon chinoise. Ce phĂ©nomĂšne, qui a dĂ©jĂ touchĂ© gravement plusieurs pays dâAfrique, tue lâactivitĂ© de milliers de petits artisans locaux. Pour Ă©viter le pire, le Maroc doit rester vigilant dans ses nĂ©gociations commerciales avec la Chine pour prĂ©server les activitĂ©s gĂ©nĂ©ratrices de revenus pour des milliers de citoyens. Sinon, il pourrait subir des basculements Ă©conomiques et sociaux lourds de consĂ©quences. Le Maroc tente Ă©galement de rattraper son retard en crĂ©ant une place financiĂšre Ă vocation rĂ©gionale.
Quelles sont ses chances de réussite ?
Les marchĂ©s financiers sont largement Ă lâorigine de la croissance mondiale de ces deux derniĂšres dĂ©cennies. Par rapport aux courants dâĂ©changes Ă venir et notamment avec lâAfrique subsaharienne, la place de Casablanca pourrait, en se dotant dâun marchĂ© boursier de rĂ©fĂ©rence, devenir une place leader pour lâAfrique de lâOuest par exemple. Mais il ne faut pas ĂȘtre naĂŻf. Le Maroc doit Ă©viter de copier les marchĂ©s amĂ©ricains ou europĂ©ens et Ă©carter certains mĂ©canismes, comme la titrisation par exemple. Rattraper et copier les pays avancĂ©s sont des pratiques trĂšs dangereuses et sources dâillusions destructrices. Avec dâautres pays partenaires, le Maroc est en mesure dâinventer ses propres outils de travail et modes de fonctionnement de son marchĂ© financier. Lâimportant est de crĂ©er sa propre voie pour sâassurer que le financement via les actions et obligations soit affectĂ© au dĂ©veloppement de lâactivitĂ© rĂ©elle.
Quel serait, selon vous, le moment opportun pour lever des fonds sur le marché international ?
Jâai une certitude : la crise nâest pas terminĂ©e. Nous rentrons dans une deuxiĂšme phase de la crise internationale, celle de la dette souveraine des Etats. A certains Ă©gards, elle est beaucoup plus grave que celle de la dette privĂ©e. De ce fait, il ne faut pas espĂ©rer un retour Ă lâĂ©quilibre des marchĂ©s financiers dans les 6 prochains mois, voire mĂȘme, dans lâannĂ©e qui vient.
Le problĂšme de la dette souveraine amĂ©ricaine, qui est encore devant nous, se posera avec plus dâacuitĂ© que celui de la dette souveraine europĂ©enne. Par ailleurs, se posera Ă©galement le problĂšme de lâĂ©quilibre financier de grands pays comme la Chine. Nous sommes donc entrĂ©s dans une nouvelle phase de la crise qui sera probablement plus longue et plus douloureuse. Sa sortie passe par la reconstruction de nouveaux Ă©quilibres politiques et sociaux, ce qui requiert du temps. De ce fait, Ă court terme, il faut rester extrĂȘmement prudent avant dâenvisager une sortie sur le marchĂ© international.
Lâavenir de lâeuro est-il rĂ©ellement menacĂ©?
Lâeuro ne va pas exploser car cela reprĂ©senterait un coĂ»t considĂ©rable pour les pays membres. LâAllemagne est consciente de lâenjeu pour son Ă©conomie car si lâUE disparaissait, elle se retrouverait privĂ©e de dĂ©bouchĂ©s aussi importants que lâEspagne, le Portugal ou lâItalie. Paradoxalement, cette crise va faciliter la reprise en main de lâUE. En rĂ©alitĂ©, la situation est moins grave quâon ne le dit. La gĂ©nĂ©ralisation des dĂ©ficits publics va favoriser le retour Ă la virtuositĂ© et Ă lâorthodoxie financiĂšre prĂŽnĂ©es par lâAllemagne. De plus, les pays membres de lâUE devront se soumettre Ă une autoritĂ© supranationale qui sera certainement dominĂ©e par lâAllemagne, pour valider leurs budgets. Ce qui constitue un tournant historique pour la zone euro.
Propos recueillis par Mouna Kably
HERVE JUVIN dĂ©veloppe une activitĂ© de conseil en stratĂ©gie auprĂšs dâentreprises privĂ©es, dâinstitutions internationales et de gouvernements dans diffĂ©rents pays europĂ©ens, en Afrique et en Chine. Il est lâauteur de plusieurs ouvrages, notamment LâOccident mondialisĂ© - controverse sur la culture planĂ©taire (Grasset, 2010)â; Bienvenue dans la crise du monde (Eurogroup Consulting, 2009)â; Produire le monde - pour une croissance Ă©cologique (Gallimard, 2008)⊠HervĂ© Juvin est Ă©galement chroniqueur au Monde, LâExpansion et Les Echos. |
Union europĂ©enneâ La valse des plans de rigueur
Les uns aprĂšs les autres, les pays de lâUE prennent la voie de lâaustĂ©ritĂ©, au risque de casser une croissance encore fragile.
AprĂšs la GrĂšce, câest au tour du Portugal, de lâEspagne, de la Grande Bretagne, de lâItalie et de lâIrlande dâemprunter le chemin de la rigueur. Au menu, une lutte drastique contre les dĂ©ficits budgĂ©taires pour rassurer les marchĂ©s financiers, au risque de provoquer la colĂšre de la rue. Le Portugal a ouvert le bal, mi-mai, en annonçant des mesures dâaustĂ©ritĂ© sans prĂ©cĂ©dent qui entraĂźnent une levĂ©e de bouclier des syndicats.
LâEspagne a pris le relais, une semaine plus tard, en dĂ©crĂ©tant une Ă©conomie de 15 milliards dâeuros Ă lâhorizon 2011. Son plan dâaustĂ©ritĂ© de 50 milliards dâeuros avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© entĂ©rinĂ© en janvier, avec lâespoir de ramener le dĂ©ficit budgĂ©taire de 11â% Ă 6â% en 2011 puis Ă 3â% en 2013. Les marchĂ©s restent, pour lâheure, sceptiques et impassibles face Ă ces effets dâannonce.
A son tour, Londres a fini par cĂ©der aux sirĂšnes des marchĂ©s financiers en arrĂȘtant, le 24 mai dernier, un plan de rĂ©duction des dĂ©penses publiques de 7,3 milliards dâeuros, en attendant des mesures encore plus Ă©nergiques en juin prochain visant Ă rĂ©duire le dĂ©ficit public qui caracole Ă 11% du PIB.
Evasion fiscale Mardi, câĂ©tait au tour de lâItalie dâentrer dans la danse en annonçant le gel des salaires des fonctionnaires au cours des trois prochaines annĂ©es, la rĂ©duction des dĂ©penses des ministĂšres et des collectivitĂ©s locales, la baisse des salaires des hauts fonctionnaires et le report de lâĂąge de la retraite. Sans oublier la lutte renforcĂ©e contre lâĂ©vasion fiscale. Le gouvernement de Silvio Berlusconi sâengage ainsi Ă rĂ©duire le dĂ©ficit budgĂ©taire de 5,3% Ă 2,7% en 2012 en Ă©conomisant 24 milliards dâeuros en deux ansâŠ
De son cĂŽtĂ©, lâIrlande sâest imposĂ©e une baisse des allocations sociales et une rĂ©duction des salaires des fonctionnaires pour tenter de rĂ©duire son dĂ©ficit qui explose Ă 20â% du PIB. Entre-temps, les manifestations en GrĂšce se succĂšdent depuis lâannonce du plan dâaustĂ©ritĂ© promis par le gouvernement en contrepartie du programme de sauvetage adoptĂ© par la Commission europĂ©enne et le FMI, pour un montant historique de 750 milliards dâeuros.
Mouna Kably
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Addiction Ă la fraude fiscale
La GrĂšce a plongĂ© essentiellement parce que les recettes fiscales grecques Ă©taient devenues insuffisantes pour compenser les dĂ©penses publiques. Dans ce pays, comme au Maroc, la fraude fiscale est un sport national. Pour faire payer les fraudeurs, le gouvernement grec a dĂ©veloppĂ© tout un arsenal. Ainsi, des critĂšres objectifs de niveau de vie sont instaurĂ©s pour pouvoir sĂ©vir contre les propriĂ©taires de yacht, piscine, et autres signes extĂ©rieurs de richesse dĂ©clarant des revenus sans rapport avec leur train de vie. Au menu Ă©galement, lâabolition du rĂ©gime dâimposition forfaitaire dont bĂ©nĂ©ficiaient de nombreuses professions, notamment les chauffeurs de taxi et autres ingĂ©nieurs civils. Le texte prĂ©voit par ailleurs de gĂ©nĂ©raliser la saisie informatique des transactions Ă©conomiques, interdit les Ă©changes en espĂšces supĂ©rieurs Ă 1â500 euros, et rĂ©tablit lâimpĂŽt sur les successions. Le Royaume devrait en prendre de la graine. A maux similaires, remĂšdes similaires. Au Maroc, les fraudes Ă lâimpĂŽt coĂ»tent plus de 15 milliards de dirhams par an Ă lâEtat mais lâenjeu est peut-ĂȘtre moins financier que politique. Le problĂšme, câest que chez nous, la dĂ©sertion civique est prise pour ce quâelle nâest pasâ: une implacable fatalitĂ© qui tiendrait aux gĂšnes de ce peuple. Le fatalisme ambiant dâun gouvernement en panne dâidĂ©es renforce, au lieu de la combattre, la rĂ©sistance Ă des systĂšmes alternatifs auxquels nombre de pays ont eu recours pour faire passer les rĂ©calcitrants Ă la caisse. Il est curieux que, au lieu dâanticiper la crise, le pouvoir renonce encore Ă la prendre au sĂ©rieux.
Abdellatif El Azizi |
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