De prĂ©sumĂ©s espions aux arrĂȘts au Maroc, en passant par les rapports de services belges ou hollandais qui accusent les services marocains dâactivisme, le moins que lâon puisse dire, câest que la communautĂ© du renseignement est en Ă©bullition. Ces grands dĂ©ballages au timing bien calculĂ© rĂ©vĂšlent une guerre de lâombre qui fait rage dans ce monde passionnant de lâespionnage.
Les journalistes, câest connu, raffolent dâhistoires dâespionnage. Les mĂ©dias ibĂ©riques sâen sont donnĂ©s Ă cĆur joie pour commenter lâhistoire scabreuse dâun faux imam marocain installĂ© en Espagne et employĂ© par les services locaux. Lâimam de la mosquĂ©e Algar du village de CarthagĂšne, prĂšs de Valence, accusĂ© de harcĂšlement sexuel et de tentative de viol de ïŹllettes marocaines ĂągĂ©es de 6 Ă 11 ans, serait de surcroĂźt un agent des services espagnols.
Câest le quotidien local de Valence La Verdad qui a ouvert le bal en afïŹrmant que les bureaux du CNI (services espagnols) ont tentĂ© dâĂ©touffer lâaffaire au lendemain des plaintes dĂ©posĂ©es par des parents. Pour enfoncer le clou, le quotidien espagnol ABC a indiquĂ© que les services espagnols ont recrutĂ© lâimam (Amine B.) en 2004, juste aprĂšs les attentats du 11 mars de Madrid. « Le concernĂ© rĂ©digeait des rapports pĂ©riodiques sur ses compatriotes et sur les islamistes au proïŹt des services espagnols », ajoute le quotidien. On apprend aussi que le faux imam mais vĂ©ritable espion rĂ©sidait en Espagne depuis 18 ans, quâil Ă©tait rentrĂ© Ă Tanger le 3 fĂ©vrier dernier et que les agents des services espagnols opĂ©rant au Maroc suivaient tous ses mouvements, de peur quâil ne rĂ©vĂšle ses connexions espagnoles aux Marocains. Les agents auraient ainsi convaincu lâimam de retourner en Espagne, en lui garantissant une mise en libertĂ© rapide en cas dâincarcĂ©rationâŠ
Quelques semaines auparavant, câest en Belgique que les services de renseignements tentent de retourner la situation Ă leur avantage en accusant leurs homologues marocains dâavoir concoctĂ© un dossier prĂ©fabriquĂ© pour faire tomber Belliraj et son rĂ©seau. Ce dernier aurait Ă©tĂ© « un tuyauteur en or » pour les services belges. Au lendemain de son arrestation en 2008, le quotidien ïŹamand De Tijd afïŹrmait que Belliraj a « donnĂ© des informations cruciales » Ă la SĂ»retĂ© de l'Etat, « ce qui a permis de dĂ©jouer un attentat dans un autre pays europĂ©en ». Au Maroc, Abdelkader Belliraj qui a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă la perpĂ©tuitĂ© en 2009, est accusĂ© d'avoir fomentĂ© des attentats avec d'autres suspects.
Au lendemain de son arrestation, le parquet fĂ©dĂ©ral avait qualiïŹĂ© de « sĂ©rieuse » l'enquĂȘte qui a permis aux autoritĂ©s marocaines de dĂ©manteler la cellule terroriste prĂ©sumĂ©e dirigĂ©e par le Belgo-Marocain. Ce qui nâa pas empĂȘchĂ© les services belges, apparemment dĂ©pitĂ©s quâun de leur agent ait Ă©tĂ© « cuisinĂ© » longuement par les services marocains, de rendre public en janvier 2010 un rapport particuliĂšrement virulent sur lâaffaire. Le texte de la SĂ»retĂ© de lâEtat belge (Ă©quivalent de la DGED) est explicite : « Le Maroc peut ĂȘtre citĂ© Ă titre dâexemple aïŹn d'illustrer ce travail dâactivitĂ© de renseignement par un service Ă©tranger vis-Ă -vis dâune communautĂ© en Belgique. En 2008, la SĂ»retĂ© de lâĂtat a demandĂ© le rappel de trois ofïŹciers du renseignement, travaillant sous couverture diplomatique Ă lâambassade du Maroc, en raison des activitĂ©s clandestines de renseignement quâils menaient en Belgique. »
DĂ©ballages
MĂȘme son de cloche du cĂŽtĂ© des services hollandais, lâAIVD, dont le dernier rapport annuel attire lâattention sur « le travail des services de renseignements marocains qui visent surtout Ă surveiller les processus de radicalisation, la prĂ©vention dâattentats au Maroc et lâafïŹliation Ă des groupes dâopposition interdits au Maroc ». Lâ AIVD rappelle que les renseignements marocains ont tentĂ© de monter un rĂ©seau dâinformation aux Pays-Bas. Ces services ont Ă©galement essayĂ© dâaccĂ©der Ă des banques de donnĂ©es conïŹdentielles. «Dans ce but, le service de renseignement marocain a, en 2008, recrutĂ© des fonctionnaires de police nĂ©erlandais dâorigine marocaine. Sur dĂ©nonciation de lâAIVD, un certain nombre de diplomates marocains en poste aux Pays-Bas ont Ă©tĂ© rappelĂ©s au Maroc », prĂ©cise le rapport. En juillet dernier, les autoritĂ©s nĂ©erlandaises avaient dĂ©cidĂ© de poursuivre en justice Redouane Lemhaouli, ancien commissaire de police de Rotterdam. Le fonctionnaire dâorigine marocaine soupçonnĂ© « dâavoir transmis des informations issues des registres de police au gouvernement marocain entre 2006 et mai 2008 » avait Ă©tĂ© dĂ©mis de ses fonctions. Dans la foulĂ©e, deux personnes en poste Ă l'ambassade du Maroc aux Pays-Bas avaient Ă©tĂ© rappelĂ©es par Rabat aprĂšs des protestations du ministre nĂ©erlandais des Affaires Ă©trangĂšres Ă ce sujet, qu'il avait qualiïŹĂ© « d'affaire particuliĂšrement fĂącheuse ».
Pourquoi ces dĂ©ballages Ă rĂ©pĂ©tition et quâest-ce qui a attisĂ© une guerre des services oĂč les us et coutumes du renseignement font que le linge sale est souvent lavĂ© en famille ? Les spĂ©cialistes de la question voient dans ce regain de tension entre les services marocains et les James Bond Ă©trangers des raisons conjoncturelles dont la discrĂ©tion du palais. « Avec lâavĂšnement du nouveau rĂšgne, les services Ă©trangers nâont plus rien Ă se mettre sous la dent. Sous Hassan II, chaque ofïŹcine avait ses entrĂ©es au palais, certains services allaient allĂšgrement au-delĂ du second cercle et des gens comme Basri ou encore le gĂ©nĂ©ral Harchi, ex-patron de la DGED, avaient des relations Ă©troites avec les patrons des services dâautres pays.
Aujourdâhui, ces mĂȘmes services Ă©trangers sont dans le ïŹou total par rapport Ă ce qui se dĂ©cide en haut lieu », analyse un journaliste espagnol bien informĂ©. De plus, les enjeux actuels sont tels que les espions ne sâoccupent plus seulement de questions de dĂ©fense, de sĂ©curitĂ© ou de terrorisme mais frayent dans des domaines aussi divers que la stratĂ©gie politique, les enjeux pĂ©troliers ou Ă©conomiques... DâoĂč « cet amour inconsidĂ©rĂ© » pour le Royaume, jugĂ© par les services Ă©trangers comme un pays Ă la croisĂ©e de centres dâintĂ©rĂȘts. Ceci peut expliquer la recrudescence de cette guerre du renseignement au Maroc devenu un terrain de manĆuvre privilĂ©giĂ© pour les services secrets de nombreux pays.
Le Mossad: Ăternels cousins
La disparition de lâex-numĂ©ro deux du Mossad, David Kimche, dĂ©cĂ©dĂ© en IsraĂ«l le 9 mars 2010, a rompu lâune des derniĂšres courroies de transmission entre le Mossad et le Maroc. Ambassadeur informel entre Rabat et Tel-Aviv depuis les annĂ©es 1960, cet espion qui entretenait des relations Ă©troites avec la communautĂ© juive marocaine, en connaĂźt un bout sur lâaffaire Ben Barka qui aurait dâailleurs Ă©tĂ© recrutĂ© par le Mossad comme lâafïŹrme ShmuĂ«l Segev, journaliste israĂ©lien, dans son ouvrage La ïŹliĂšre marocaine. Kimche est aussi dĂ©crit par Ian Black et Benny Morris, auteurs de Guerres secrĂštes dâIsraĂ«l, comme lâhomme qui a facilitĂ© lâentrĂ©e du gĂ©nĂ©ral Oufkir dans les bonnes grĂąces du Mossad et lui aurait fourni une aide logistique pour organiser Ă Paris l'enlĂšvement de Ben Barka devenu trop encombrant pour les IsraĂ©liens. Oufkir comme le gĂ©nĂ©ral Dlimi sont rentrĂ©s Ă plusieurs reprises en IsraĂ«l, munis dâun passeport israĂ©lien dĂ©livrĂ© Ă Paris. Mais les relations avec le Maroc nâont pas toujours Ă©tĂ© au beau ïŹxe. En effet, une effroyable bavure va mettre ïŹ n Ă ces relations privilĂ©giĂ©es. Le 7 janvier 1974, Ă Lillehammer en NorvĂšge, Ahmed Bouchiki, le frĂšre du fondateur des Gipsy Kings, est tuĂ© par balles. Il avait Ă©tĂ© confondu avec Ali Hassan Salameh, le cerveau du massacre de Munich. IsraĂ«l reconnaĂźtra la bavure et versera, en 1996, des dommages et intĂ©rĂȘts Ă la famille Bouchiki. Aujourdâhui, les homme de Dagan recrutent Ă tour de bras des Marocaines qui hantent les cabarets de luxe libanais pour piĂ©ger des dignitaires arabes.
La DGSE : Chasse gardée !
Ce nâest pas pour rien que lâex-patron de la direction stratĂ©gie de la DGSE, Bruno Joubert, vient dâĂȘtre nommĂ© ambassadeur de la France au Maroc. Il connaĂźt bien lâAfrique, le Maghreb en gĂ©nĂ©ral, et le Maroc en particulier. De 1977 Ă 2001, il a travaillĂ© sur les dossiers africains Ă la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© extĂ©rieure (DGSE). « Depuis une dĂ©cennie, la DGSE a profondĂ©ment rĂ©orientĂ© ses missions sur le Maroc », souligne un proche de ces milieux. Qui rappelle que vers la ïŹ n des annĂ©es 90, un bateau-espion, Le Berry, qui patrouillait en MĂ©diterranĂ©e, a Ă©tĂ© utilisĂ© par la DGSE aussi bien pour se faire une idĂ©e prĂ©cise de lâĂ©volution de « la sale guerre » en AlgĂ©rie que pour intercepter toutes les communications en rapport avec des nĂ©gociations de gros contrats au Maroc ou en Tunisie. La DGSE possĂšde des ordinateurs Cray qui permettent de collecter et de fusionner le renseignement tout en cassant les codes de cryptographie. La dĂ©signation par Sarkozy dâun coordonnateur national du renseignement, l'ambassadeur Bernard Bajolet, ne changera rien Ă la donne puisque la nomination de Patrick Calvar - ancien responsable du renseignement intĂ©rieur et un habituĂ© de Rabat -, comme directeur du renseignement de la DGSE en dit long sur la volontĂ© de lâElysĂ©e de prĂ©server ses relais au Maroc.
Le CNI : Le Maroc Ă tout prix
Les services de renseignements espagnols nâont pas assez de leurs dizaines dâespions pour surveiller le Royaume. Le Maroc est la Mecque des barbouzes espagnoles qui nâont aucun scrupule Ă se faire remplacer rĂ©guliĂšrement. Câest ce qui sâest passĂ© lâannĂ©e derniĂšre Ă TĂ©touan et Ă Nador oĂč ces « honorables correspondants » ont Ă©tĂ© priĂ©s de quitter les lieux en raison dâun prosĂ©lytisme offensif effectuĂ© Ă dĂ©couvert. Au menu des agents espagnols affectĂ©s au Maroc, la montĂ©e de l'islamisme en Espagne, le dossier de Sebta et Melilla, l'Ă©migration clandestine, le traïŹc de drogue et le Sahara. Au Maroc, le CNI fait feu de tout bois pour recruter au sein des milieux d'af faires, des ONG ou encore parmi les couples mixtes. Dans cette guerre sans merci que se livrent les services des deux pays, les patrons des ofïŹcines se regardent en chiens de faĂŻence. Du cĂŽtĂ© marocain, le gĂ©nĂ©ral Harchi a sautĂ© aprĂšs lâincident de lâĂźlot Leila. En Espagne, aprĂšs la dĂ©mission dâAlberto Saiz, directeur du CNI (Centre national d'intelligence) en 2009, les mĂ©dias espagnols ont accusĂ© les services marocains dâĂȘtre derriĂšre une sĂ©rie d'articles Ă charge du quotidien El Mundo, qui l'accusaient, photos Ă lâappui, d'utiliser des fonds publics pour ïŹnancer des voyages privĂ©s. Il a Ă©tĂ© remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral FĂ©lix Sanz Roldan, un proche de JosĂ© Luis Rodriguez Zapatero.
Le DRS : Les frĂšres ennemis
Le DRS algĂ©rien qui a remplacĂ© la SĂ©curitĂ© militaire (SM), la police politique du rĂ©gime depuis 1962, est depuis 1990 sous la coupe du gĂ©nĂ©ral major Mohamed MĂ©diĂšne, dit « TouïŹk », un ennemi irrĂ©ductible du Royaume. Ses trois directions principales : la Direction du contre-espionnage (DCE), la Direction centrale de la sĂ©curitĂ© de lâarmĂ©e (DCSA), et les services extĂ©rieurs de la DRS, la DDSE dont les agents sâoccupent en prioritĂ© du Maroc. ParticuliĂšrement efïŹcaces, les agents de la DRS font preuve dâun activisme Ă©tonnant aussi bien en Espagne, en France quâaux EtatsUnis oĂč ils traquent le moindre faux pas du Maroc en matiĂšre de droits de lâHomme ou de diplomatie. HĂ©ritiers dâune tradition du KGB communiste, les services algĂ©riens excellent notamment dans la manipulation. En Espagne oĂč la DRS a rĂ©ussi Ă faire publier pas moins de 60 ouvrages espagnols sur le Polisario sans compter un lobbying actif aux Ătats-Unis. Lâaffaire Aminatou HadaĂŻr avait Ă©tĂ© menĂ©e de main de maĂźtre par les services algĂ©riens qui ont rĂ©ussi Ă en faire « une Gandhi sahraouie » alors que, depuis plusieurs annĂ©es, les AlgĂ©riens, par Front Polisario interposĂ©, manipulent des groupes de jeunes Ă LaĂąyoune notamment, pour provoquer une « Intifada sahraouie »
La CIA : L'Amérique chez elle ?
Que fait la CIA au Maroc ? Le journal The Washington Post avait rĂ©vĂ©lĂ© quelques mois Ă peine aprĂšs le 11 septembre l'existence d'un rĂ©seau mondial de prisons secrĂštes, gĂ©rĂ© par lâagence amĂ©ricaine. Le quotidien prĂ©cisait que de telles prisons se trouveraient entre autres au Maroc, en Afghanistan et dans des pays d'Europe de l'Est. Au-delĂ de ces connexions conjoncturelles, le Maroc est un centre nĂ©vralgique pour les services amĂ©ricains. Ce nâest donc pas Ă©tonnant que la CIA ait une antenne au Maroc. Depuis 2001, plusieurs dĂ©lĂ©gations reprĂ©sentant diffĂ©rents services amĂ©ricains de renseignement dont le FBI, la CIA et la NSA ont effectuĂ© des visites secrĂštes au Maroc dans le cadre de la coopĂ©ration antiterroriste avec les services marocains. Les hommes de Leon Edward Panetta ont un bureau Ă Rabat qui tourne Ă plein rĂ©gime pour mener des activitĂ©s dâespionnage et nâhĂ©sitent pas Ă entretenir des « rapports cordiaux » avec des hommes politiques, la sociĂ©tĂ© civile et mĂȘme des journalistes. Ce qui nâest pas une exception : les services de renseignements des Ătats-Unis ont mis au point une mĂ©thodologie dâingĂ©rence qui leur permet de pĂ©nĂ©trer et dâinïŹltrer tous les secteurs de la sociĂ©tĂ© civile dans des pays prĂ©sentant des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques et stratĂ©giques. Câest justement le cas du Maroc oĂč la base dâĂ©coute de la National Security Agency (NSA), et les drones qui surveillent les frontiĂšres algĂ©ro-marocaines sont dâun apport prĂ©cieux qui complĂšte le travail des agents de la CIA. En plus de la NSA, le NRO (National Reconnaissance OfïŹce) est lâoreille de lâAmĂ©rique dans le monde. GrĂące notamment Ă ses satellites espions de reconnaissance et dâĂ©coute (Keyhole, Lacrosse ou Rhyolite) qui permettent la transmission des images en temps rĂ©el.
Dossier réalisé par Abdellatif El Azizi |
Le spleen de nos agents
Agent secret, le mĂ©tier ne fait plus rĂȘver si lâon en croit les Ă©chos qui nous parviennent de tous les services⊠Cela fait bien longtemps que les candidats ne se bousculent plus au portillon. La normalisation des services - notamment la DGED oĂč les dĂ©rapages ne sont plus permis et oĂč les agents sont non seulement tenus Ă une culture du rĂ©sultat mais Ă©galement soumis Ă des restrictions ïŹnanciĂšres drastiques -, a Ă©loignĂ© les mĂ©tiers du renseignement des clichĂ©s vĂ©hiculĂ©s par le cinĂ©ma ou les romans de gare. Les salaires ne sont pas mirobolants mĂȘme si les primes sont consĂ©quentes et surtout, les temps ont bien changĂ©. « Depuis lâarrivĂ©e de Yassine Mansouri, il reste difïŹcile, mĂȘme pour un gradĂ© des services de se servir de ses fonctions pour sâenrichir, comme le faisaient allĂšgrement les anciens qui ont bĂąti des fortunes colossales », prĂ©cise un cadre. RĂ©sultat, ces emplois trĂšs spĂ©ciaux qui exigent, de plus en plus, des compĂ©tences techniques, linguistiques et psychologiques pointues font que lâespionnage Ă la marocaine manque cruellement de bras et de cerveaux. Alors que plus que si des services comme la CIA ou le Mossad proposent des offres dâemploi sur le Net, et que le FSB russe offre (ofïŹciellement) des primes allĂ©chantes aux agents doubles, chez nous, le recrutement reste toujours aussi discret. Les fonctionnaires et contractuels du renseignement qui Ă©taient notamment recrutĂ©s parmi les ïŹics, les ofïŹciers de lâarmĂ©e, les historiens ou les politologues dâantan, nâont plus la cote ; aujourdâhui, les services apprĂ©cient davantage les journalistes, les sociologues et mĂȘme les ingĂ©nieurs en informatique Ă©lectronique ou les scientiïŹques.
Technologies Les miracles des Ă©coutes
ParanoĂŻaques, ne lisez pas ce qui suit. En juillet 2008, une vingtaine de parlementaires sont Ă©pinglĂ©s pour corruption et frappĂ©s dâinĂ©ligibilitĂ© lors du renouvellement du tiers de la Chambre des conseillers. Une premiĂšre qui a fait jaser Ă lâĂ©poque. Et pour cause : ce coup de ïŹ let spectaculaire a Ă©tĂ© rendu possible grĂące aux Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques. Ă lâinstar de tous les pays du monde, les diffĂ©rents services de renseignements marocains disposent dâun important arsenal pour ïŹ ltrer nos conversations tĂ©lĂ©phoniques, mails, sms et allĂ©es et venues quand la sĂ©curitĂ© nationale est en jeu ou quand une enquĂȘte est ouverte. Depuis les attentats du 16 mai 2003, cet attirail a Ă©tĂ© renforcĂ© grĂące notamment Ă lâexpertise amĂ©ricaine. Peu dâinformations ïŹltrent sur les dĂ©dales trĂšs secrets de nos chambres dâĂ©coutes. Si la NSA (National Security Agency) amĂ©ricaine dispose de hubs connectĂ©s aux plus grands opĂ©rateurs nationaux, le Maroc a Ă©galement fait du chemin en la matiĂšre. Au quartier gĂ©nĂ©ral de la DGST Ă TĂ©mara, les opĂ©rateurs de la PCR (Police des communications radioĂ©lectriques) fournissent chaque jour des rapports sur les communications nationales et internationales⊠et ce depuis les annĂ©es 1960, quand Hassan II a modernisĂ© ce service pour se prĂ©munir des coups dâĂtat. Le modus operandi est Ă la fois simple Ă comprendre et difïŹcile Ă maĂźtriser par nos services vu le ïŹot de donnĂ©es. Au sein de super serveurs informatiques, un tri par mot clĂ© est effectuĂ© grĂące aux technologies de reconnaissance vocale et dâĂ©criture (pour les mails et les fax par exemple). En dehors des murs de la DGST, la traque continue. Si auparavant il fallait un branchement ïŹlaire pour capter les discussions, le GSM fournit dĂ©sormais des informations bien plus prĂ©cises. MĂȘme sâil est en veille, un tĂ©lĂ©phone mobile fournit la position (grĂące Ă lâantenne relais), sans parler de lâheure des appels, des numĂ©ros contactĂ©s, etc. GrĂące Ă la biomĂ©trie (carte nationale, passeport), la police dispose dâinformations consultables en un clic. Si on ajoute Ă cela les camĂ©ras de surveillance qui Ă©quipent de plus en plus lâespace public (dans le jargon, on appelle cela « surveillance par CCTV », closed circuit television system, systĂšme de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ©), il va de soi que Big Brother a les moyens de nous surveiller. Z. C
Données personnelles Des secrets de polichinelle
Au-delĂ de lâincident diplomatique quâelle a provoquĂ©, la rĂ©cente liquidation du dirigeant du Hamas Mahmoud al-Mabhouh Ă DubaĂŻ interpelle sur le respect des libertĂ©s publiques. Les minutes prĂ©cĂ©dant lâassassinat, perpĂ©trĂ© probablement par des agents du Mossad (service de renseignement externe israĂ©lien), ont Ă©tĂ© ïŹlmĂ©es au dĂ©tail prĂšs par les camĂ©ras de surveillance de lâhĂŽtel. Et lâidentitĂ© des tueurs prĂ©sumĂ©s a Ă©tĂ© rendue publique quelques heures aprĂšs lâexĂ©cution. Ce qui a servi Ă dĂ©noncer de prĂ©sumĂ©s assassins, peut trĂšs bien ĂȘtre utilisĂ© Ă lâencontre de simples citoyens. Au Ătats-Unis, le Patriot Act a grandement facilitĂ© lâinterception des conversations tĂ©lĂ©phoniques. En France, on estime Ă 200 000 le nombre d'Ă©coutes sauvages non autorisĂ©es dans un cadre lĂ©gal. Soit dix fois plus que celles qui transitent normalement par un juge... Quâen est-il pour le Maroc ? La loi antiterroriste votĂ©e au lendemain des attentats de 2003 et bien avant elle le code de procĂ©dure pĂ©nale (adoptĂ© le 14 juin 2001) ont mis Ă mal lâarticle 11 de la Constitution qui stipule que la correspondance est privĂ©e. Les articles 40 et 49 de la loi antiterroriste donnent toutes les latitudes « a u Parquet pour agir Ă travers les Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques et l'interception des correspondances via les divers moyens de communication » . En guise de garde-fou, une loi sur la protection des donnĂ©es personnelles a Ă©tĂ© promulguĂ©e. Elle nâattend plus que la mise en place dâune commission pour ĂȘtre exĂ©cutable. Mais lĂ encore, les impĂ©ratifs de « sĂ©curitĂ© nationale » la dĂ©samorcent et facilitent les dĂ©passements. Bref, la loi existe mais ne met personne Ă lâabri. Que ce soit au Maroc ou ailleurs. Z. C.
Le renseignement pour les nuls
Agent de pénétration
Câest le summum du renseignement : tous les services du monde rĂȘvent de pouvoir placer un tel agent dans un service de renseignement Ă©tranger dans le but dây collecter le maximum dâinformations. Ces gĂ©nies de lâespionnage, principalement attachĂ©s Ă analyser les qualitĂ©s et la psychologie des hommes qui les entourent, doivent ĂȘtre capables de saisir lâambiance rĂ©gnant dans un pays, une organisation ou un systĂšme politique.
Agent double
Dans le jargon des ofïŹcines, tous les patrons craignent le processus MICE (Money, Ideology, Constraint, Ego). La peur de voir un agent de renseignement retournĂ© par une agence dâun pays adverse, et amenĂ© Ă trahir tout en continuant Ă travailler dans son service. Les motivations sont souvent liĂ©es Ă lâargent, Ă lâidĂ©ologie politique ou au chantage (sexuel, entre autres).
Diplomates
Faux diplomates et vrais espions, les professionnels du renseignement qui opĂšrent sous une couverture dite lĂ©gale, dans une ambassade en tant quâattachĂ©s militaires, directeurs de nâimporte quel service sont lĂ©gion. Leur activisme est surveillĂ© de prĂšs et en cas de dĂ©rapage, ils sont priĂ©s de quitter illico le pays hĂŽte.
Spécialistes de la provoc
Ces fauteurs de troubles professionnels doivent dâabord inïŹltrer des groupes clandestins avant de leur faire commettre des actes illĂ©gaux, qui ont pour objectif essentiel de les discrĂ©diter auprĂšs de lâopinion publique. Les salaïŹstes de tout poil en connaissent un bout sur le procĂ©dĂ©.
Lobbyistes
Ils sont recrutĂ©s dans le but de promouvoir les intĂ©rĂȘts dâun pays donnĂ©. Hommes politiques, Ă©crivains, dĂ©putĂ©s, ils sont approchĂ©s en fonction de lâinïŹuence ou plus encore de lâautoritĂ© quâils reprĂ©sentent pour tenter dâinïŹ uencer lâopinion publique.
Agent dormant
« La taupe » est le type mĂȘme de lâagent secret implantĂ© dans un pays Ă©tranger, exerçant une activitĂ© normale, « une sorte de monsieur tout le monde », dont les activitĂ©s sont gelĂ©es pour une pĂ©riode donnĂ©e, avant dâĂȘtre « rĂ©veillĂ©es » pour une mission prĂ©cise.
Honorable correspondant
Un honorable correspondant est un collaborateur bĂ©nĂ©vole des services secrets. Il s'agit dâautochtones, travaillant dans de grandes entreprises nationales ou le plus souvent dans des sociĂ©tĂ©s privĂ©es Ă l'Ă©tranger, qui acceptent de collaborer avec les services. |
|