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Avec les évadés de Tindouf
actuel n°43, samedi 17 avril 2010
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Pour heureuse qu’elle soit, la vague de retour de centaines de jeunes Sahraouis des camps de Tindouf au Maroc pose plus d’une question. Le calendrier d’un ralliement aussi massif, les contrôles d’identité des arrivants, la stratégie de l’état, l’avenir même de jeunes en mal de qualification face aux limites d’une prise en charge intégrale… autant d’interrogations qui pèsent sur ce dossier. Enquête.
Alors, combien en avons-nous aujourd’hui ? » La question pourrait paraître triviale. Il n’en est rien. à l’instar de ce jeune journaliste de la télévision régionale de Laâyoune, dès son entrée au siège de la chaîne en cette fin de matinée du dimanche 11 avril, elle ferait même partie du quotidien de nos confrères locaux depuis quelques jours. « Aujourd’hui ? Ils sont dix, dont deux militaires, et ils seront à la wilaya en début d’après-midi. Il est prévu que sept autres arrivent mardi. On s’organise comment ? », rétorque un collègue. Un « marronnier » ? Peut-être, mais présenté à chaque fois comme un véritable événement… devenu tendance aujourd’hui.
On l’aura compris, c’est bien de ces groupes, de plus en plus nombreux, en provenance de Tindouf et qui regagnent le Maroc, dont parlent nos confrères. « Il ne se passe pas un jour sans qu’on apprenne que de nouveaux ralliés sont arrivés », nous confie notre collègue de la télévision régionale en nous offrant un bol du célèbre zrigue, ce lait onctueux, typiquement sahraoui. Pour la seule wilaya de Laâyoune, ils sont plus de 325 à être rentrés depuis août dernier. Et à ces derniers convient-il d’en ajouter presque autant pour les autres provinces du Sud. Leur flux n’est que plus massif, atteignant même un chiffre record de 135 ralliés en mars dernier (là encore pour la seule Laâyoune). Les derniers ralliés sont âgés pour la plupart entre 20 et 30 ans.
Le retour ou la mort
De plus en plus nombreux, ils sont également de plus en plus jeunes (à 90 % de sexe masculin), et c’est bien là la grande nouveauté. Peut-on même parler de ralliés stricto sensu, dans la mesure où la plupart d’entre eux sont nés dans les camps de Tindouf et n’avaient encore jamais vu le Maroc ?
Si certains brillent par leur niveau d’instruction et une formation de qualité, la plupart d’entre eux n’ont jamais dépassé le stade du collège. Après les dirigeants et membres influents du Polisario, voici donc venu le temps des laissés pour compte de Tindouf. Mais pourquoi maintenant ?
Sa jeunesse peut surprendre, mais Abdi Oulad Salama Oulad Nafaâ est bel et bien cheikh de la tribu Laâyaycha. Et quand il vous reçoit, c’est en prince. à la question du choix du calendrier retenu par les ralliés, il avance la thèse de la « maturité » des populations des camps.
« Ce n’est pas le début, puisque les retours ont commencé en 1991 après l’appel de la patrie clémente et miséricordieuse de feu Hassan II, et ce ne sera pas la fin. Le caractère massif des retours tient aux nouvelles technologies et à la télévision dont les jeunes sont de grands consommateurs », dit-il. Autre raison, la jeunesse des ralliés. « Sans famille à entretenir, ils sont plus libres de leurs mouvements, plus rapides et aventuriers et ont une plus grande influence les uns sur les autres », ajoute-t-il. Les faits le confirment. Les jeunes ralliés entrent au Maroc comme les émigrés clandestins arrivent en Europe : au risque de leur propre vie. Les voies de passage terrestres sont au nombre de trois (cf carte ci-contre).
Identification, la grande Ă©nigme
Une prise en charge et des procédures d’accueil pour le moins éprouvées. Elles commencent dès l’arrivée du rallié à la ceinture de sécurité constituée par les forces armées et par la gendarmerie royale, stationnées sur place. Passé un délai d’une à deux semaines, et si rien n’est à signaler, les services de la wilaya dont le concerné dit être issu sont prévenus. Ceux-ci, dès l’arrivée du rallié, le placent parmi ses proches et membres de sa tribu. « Cette démarche participe à l’ancrage du rallié dans son environnement », nous explique ce jeune et courtois responsable à la wilaya de Laâyoune, entre deux doléances à régler en faveur de ses nombreux visiteurs sahraouis.
Elle va de l’inscription à l’état civil à l’octroi d’un logement d’office. Ce « don » est valable tant pour les célibataires que pour les personnes mariées, mais à la seule et nouvelle condition que le bénéficiaire ne le vende ni ne le cède. Ce qui fait grincer bien des dents du côté des bénéficiaires ! à cela s’ajoute un « salaire » fixe mensuel équivalant au SMIC (1 650 dirhams), accordé par l’Entraide nationale, à moins que le bénéficiaire ne soit recruté en tant que fonctionnaire. Un montant mensuel complété par une dotation de départ d’une valeur moyenne de 10 000 dirhams pour aider les bénéficiaires.
Si ces jeunes sont motivés, c’est semble t-il d’abord pour des raisons économiques (voir l’interview d’Ahmed Kher). Cheikh Nafaâ consent que, sans scolarité, avec des parents dépendants des aides internationales, les privilèges et autres opportunités de réussite étant l’apanage de la gente au pouvoir et de sa progéniture, ces jeunes n’ont rien à perdre à quitter les camps. « Un réalisme auquel le Polisario oppose une logique de promotion des têtes brûlées qui agissent de l’intérieur comme Aminatou Haïdar », explique Mohamed Talib, membre du Corcas (Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes) et militant associatif de la ville. Partout à Laâyoune, des voix s’élèvent pour s’interroger sur les modalités de vérification de l’identité des nouveaux arrivants. Sont-ils tous des ralliés ? Pas sûr…
Faux papiers
D’après des sources concordantes, certains d’entre eux ont toujours habité le Sahara marocain ! Voulant accéder aux privilèges octroyés aux polisariens convertis, ils partiraient ainsi à Tindouf où ils séjourneraient pendant un an puis reviendraient pour bénéficier de la générosité de l’état. Mieux encore, certains d’entre eux seraient issus de pays comme la Mauritanie. Le souvenir de l’opération Gjijimate est dans toutes les mémoires. Initiée à des fins d’autopromotion d’une notabilité locale, Gjijimate était censée être un exploit en matière de ralliement puisqu’une centaine de personnes se disant ralliées ont pu accéder aux privilèges précités… pour tout revendre et repartir en Mauritanie, pays dont ils étaient bel et bien issus.
« Et ça continue… Plusieurs de ceux qui se présentent ces jours-ci comme des ralliés ne le sont pas en vérité. Une bonne partie d’entre eux viennent en fait en présentant de faux papiers. C’est devenu un business ! », nous explique Ahmadou Bamba Hafed, arrivé au Maroc depuis un mois après avoir été journaliste pour Radio Polisario (Lire son témoignage page 19). Pour obtenir une fausse carte, il suffirait de débourser l’équivalent de 700 dirhams en dinars algériens.
à la wilaya, on affirme que pour vérifier ces identités, pas moins de deux enquêtes sont menées. Une par les services militaires et de gendarmerie qui accueillent en premier lieu les ralliés à la frontière. Et une autre au niveau de la wilaya. Le règlement de ces dossiers pose le problème de justice sociale. Des jeunes, venus de Tindouf, sont ainsi pris en charge intégralement alors que d’autres, au Sahara comme dans le reste du pays, n’ont droit… à rien. Cette question d’équité mérite attention.
Tarik Qattab |
Les Trois Routes
Bien que plus courtes, les voies d’évasion les plus dangereuses restent les chemins menant de Tindouf à Mahbass et Haouza. Aux postes d’observations et patrouilles, installés par le Polisario et l’armée algérienne, s’ajoutent les champs de mine qui parsèment toute la ceinture de sécurité, héritage de la guerre des sables. Pour contourner le risque, les évadés empruntent les pistes des patrouilles de la Minurso, ces forces onusiennes censées superviser et veiller au respect du cessez-le feu. Ou alors ils font appel aux services des « pros » du Sahara. Ces passeurs, véritables renards du désert sont des experts en contrebande et trafics en tout genre entre le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie. La voie la plus sécurisée, autrement plus longue, reste celle via la Mauritanie, où la population de Tindouf a le droit de circuler avec une autorisation. Une fois sur place, certains n’hésitent pas à s’adresser au consulat marocain le plus proche et sont illico pris en charge.
Le conflit du Sahara pour les nuls
Depuis le cessez-le-feu en 1991 et l’échec de l’option du referendum d’autodétermination, ce conflit ne cesse de s’enliser. Rappel des positions des uns et des autres.
• Le Maroc, après avoir abandonné l’option du referendum, propose un règlement du conflit par l’octroi d’une large autonomie à ses provinces du Sud. S’il s’est engagé dans des négociations, c’est sur cette seule et unique base.
• Le Polisario, attaché au referendum d’autodétermination, avec l’indépendance pour option, rejette en bloc le projet d’autonomie. Pour mettre la pression sur le Maroc, le Front joue la carte des droits de l’Homme pour affaiblir la proposition marocaine.
• L’Algérie, au nom de la sacrosainte règle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, continue de soutenir politiquement, d’héberger et d’appuyer militairement le Front Polisario.
• Les états-Unis, la France et l’Espagne appuient plus au moins expressément le projet d’autonomie comme base d’un dialogue sérieux entre les parties en conflit. Sans pour autant leur forcer la main.
• L’ONU, face aux résistances opposées par toutes les parties, appelle à une solution politique négociée, l’autodétermination s’étant avérée impraticable sur le terrain. Et pour cause, l’impossibilité de recenser les populations à même de s’exprimer en cas de referendum. |
Evasion : mode d’emploi
Agés de 20 à 30 ans, tous ont eu une bonne raison pour quitter Tindouf. Au risque de leur vie, mais aussi dans l’espoir d’une vie meilleure. Ils racontent à actuel leurs mésaventures et le récit de leur échappée.
Mohamed Ould Saïloume Oulda Nafaâ, 21 ans, chômeur
Je suis issu du camp d’Aousserd, j’ai à peine atteint le collège et j’ai décidé de partir par pur dégoût. Avec un cousin, nous sommes sortis des camps à pied à destination de Haouza. En chemin, nous avons rencontré un éleveur de chameaux qui disposait d’une Land Rover et à qui il aura suffi de dire que nos étions perdus pour qu’il propose de nous embarquer. Arrivés près de la ceinture de sécurité, nous sommes descendus et avons repris notre marche à pied. à la vue de soldats marocains, nous avons commencé à les héler et c’est eux qui sont venus nous chercher. Le tout a duré plus de six heures. Aujourd’hui, j’hésite à reprendre mes études, mais j’y pense. Bien que si je m’écoutais, je chercherais plutôt un travail.
Abderabbou Boujemaâ, 29 ans, bricoleur
Avec mon seul brevet, je savais que je n’avais plus d’avenir à Tindouf. Nous étions trois proches à prendre la décision de partir. Nous sommes entrés via la Mauritanie, vers laquelle nous étions en droit d’aller moyennant autorisation, dans trois voitures séparées. Mais les quinze jours de route nous ont épuisés. Nous ne connaissions pas les routes et zones à éviter. Le risque de rouler sur des champs de mine était réel. Mais tout cela est derrière moi, bien que ma famille, encore dans les camps, me manque. Mais nous arrivons à garder le contact par téléphone.
Mohamed Kouri Fatehm, 25 ans, maçon
Je suis né dans le camp de Laâyoune à Lahmada dans une famille de six frères et sœurs, encore là -bas. Dans les camps, j’ai eu droit à si peu, y compris en matière d’éducation, puisque je n’ai pas pu passer le cap du primaire. Pour survivre, je travaillais en tant que maçon, si tant est qu’on peut parler de constructions à Tindouf. Je suis revenu au Maroc cela fait quinze jours, mais il m’aura fallu deux mois de réflexion pour que je me décide. Tout le bien que les ralliés nous disaient du Maroc, par téléphone notamment, n’avait d’égal que la peur d’être pris en captivité sur le chemin du retour. Avec quatre de mes amis, nous nous sommes cependant encouragés mutuellement et, ensemble, nous avons embarqué de jour dans une Mercedes et sommes partis. Il nous aura fallu moins de 3 heures pour arriver de Rabouni au Sud-Est algérien au point d’accès Mahbass, puis la ville de Gluimim, où nous pouvions enfin souffler. Entre-temps, et avec la chaleur, nous devions aussi supporter la peur des unités mobiles du Polisario et des gardes-frontières algériens. Le plus important pour moi aujourd’hui est que je puisse me reposer mais je rêve de me lancer dans la construction. Cette fois, en tant que promoteur.
Bachri Salek, 23 ans, chĂ´meur
Moi, ce sont les images diffusées à la télévision régionale de Laâyoune qui m’ont convaincu de partir. J’étais tout seul à prendre la route vers l’accès de Mahbess et je n’ai mis que cinq jours à bord d’une vieille Land Rover. J’ai roulé de jour et de nuit et je me disais que ce serait soit le Maroc, soit la mort. Cela fait un mois que je suis rentré. Je n’ai pour l’heure aucune visibilité. Je voudrais partir à Dakhla pour lancer une affaire. Mon seul capital est le logement qui m’a été accordé, mais je ne peux ni le vendre ni le céder.
Ahmadou Bamba Hafed, 29 ans, journaliste
J’ai commencé à travailler dès l’âge de 16 ans en tant que journaliste à Radio Polisario. Licencié en journalisme en 2002 (Lybie), avec un stage de 6 mois à la radio nationale algérienne, je n’ai cessé depuis de gravir les échelons, de directeur de la station de radio régionale du camp de Dakhla de Tindouf à correspondant spécial, chargé de couvrir tous les événements parlementaires et gouvernementaux du Front Polisario, puis spécialiste des événements à caractère « national » et des médias marocains. Une expérience qui m’a permis de m’approcher des dirigeants du Front, mais aussi de suivre la décadence dans laquelle sont tombés la plupart d’entre eux. Le déclic est venu à l’issue de l’un des rounds de négociation entre le Maroc et le Front. A la question concernant une quelconque perspective de solution au conflit, un haut responsable du Front, partie prenante aux négociations, m’a répondu que ses perspectives à lui étaient assurées, dans la mesure où il avait la nationalité américaine, « le reste n’est que théâtre et autres bénéfices », m’a-t-il avoué. A elle seule, cette phrase résume tout notre vécu dans les camps. Vous aviez d’une part des dirigeants, du moins certains parmi eux, qui ne cherchaient que leur bien-être personnel et une population qui vit un véritable enfer. Si les aides internationales étaient bien gérées et distribuées équitablement aux concernés, je pense qu’aucun réfugié ne serait revenu au Maroc. Mais c’est loin d’être le cas.
Autre déclic : le retour d’Ahmeddou Ould Souilem, le tout nouvel ambassadeur du Maroc à Madrid, une personne que j’ai en grande estime. J’ai donc décidé de partir en soufflant l’idée à quinze de mes proches. Après avoir obtenu une autorisation du ministère des Territoires occupés et de la Communauté, nous nous sommes dirigés vers la Mauritanie via Rabouni. Auparavant, je me suis arrangé pour nous débrouiller avec une voiture officielle du Polisario, histoire de donner un peu de piquant à notre aventure. Sur notre route, nous longions la ceinture de sécurité, dans l’espoir de trouver un accès ou d’être repérés par l’armée marocaine. Mais ce sont surtout les patrouilles du Polisario qui nous poursuivaient et nous sommaient de nous éloigner du mur. Nos manœuvres ont duré plus de trois jours jusqu’à ce que nous ayons atteint l’accès de Guergaâte. Aujourd’hui, je me suis fixé comme objectif de dénoncer la direction du Polisario et ses pratiques mafieuses. Peut-être en créant une association dédiée. |
Entretien avec... Ahmed Kher : « ça passe ou ça casse » Ancien dirigeant au Polisario et rallié
Aujourd’hui militant des droits de l’Homme, Ahmed Kher explique les derniers ralliements par le ras-le-bol des populations de Tindouf, et insiste sur la nécessité d’établir un contrôle ferme de l’identité des arrivants.
Il fut un temps où les ralliés arrivaient au compte-gouttes. Aujourd’hui, officiels comme observateurs ont du mal à suivre un flux de plus en plus massif. Comment expliquez-vous cela ?
Ahmed Kher : Ces centaines n’ont fait que suivre les milliers. On compte aujourd’hui quelque 9 000 ralliés. Le caractère massif de ces ralliements s’explique à mon avis par le fait que les espoirs des populations de Tindouf se sont avérés faux. Cela explique aussi le caractère un peu suicidaire de ces évasions puisqu’auparavant, les gens optaient pour des moyens et des voies sécurisés pour rentrer. Là , c’est la logique de « ça passe ou ça casse » qui prime. On croirait avoir affaire à des immigrés clandestins. Ces jeunes refusent que leur sort ressemble à celui de leurs pères qui les avaient emmenés dans les camps en 1975-1976 et qui sont aujourd’hui morts et enterrés dans ce grand désert qu’est Lahmada.
Les ralliés sont aussi de plus en plus jeunes…
Chaque époque enfante ses ralliés. Si dans les années 1990, les retours s’expliquaient par des raisons politiques, ceux d’aujourd’hui se justifient par une volonté légitime de s’intégrer dans une société digne de ce nom et de trouver des solutions concrètes à des problèmes réels, à commencer par la grande pauvreté et l’absence de perspectives d’avenir.
La fuite serait-elle devenue Ă©galement plus facile ?
En effet, le seul mot d’ordre aujourd’hui dans les camps est le relâchement, sur les plans tant idéologique que sécuritaire. Et ce n’est pas la présence de contrebandiers et trafiquants en tout genre dans la région, ainsi que de réseaux terroristes, qui arrange les affaires du Front. Fuir est devenu plus facile.
Ces arrivées suscitent des craintes, notamment sur l’identité réelle de certains ralliés. Qu’en dites-vous ?
Un vieux dicton sahraoui nous dit que « Ceux qui viennent du désert ne sont pas tous nos cousins et chers ». La présence des populations sahraouies au Maghreb est similaire à celle des Kurdes. Au même titre que nous trouvons des Kurdes iraniens, irakiens, syriens et turcs, nous rencontrons des Sahraouis algériens, marocains, mauritaniens et même maliens. Et tout le travail est de savoir qui est qui. Il est inconcevable que les problèmes de chômage dans des pays comme la Mauritanie soient réglés sur le dos de la cause nationale et par l’exploitation de ce dossier. Si le Polisario accepte la présence dans ses rangs de Sahraouis algériens ou autres, il n’a qu’à assumer ses responsabilités. Mais ce n’est pas le problème du Maroc et nos autorités doivent agir en conséquence. Et la carte d’appartenance au Polisario ne doit pas être un visa d’accès au pays, ni de citoyenneté marocaine. Malheureusement, les cas de Mauritaniens qui sont passés par le Polisario pour accéder aux avantages accordés aux ralliés existent. Ces abus supposent un contrôle ferme des entrées et l’établissement de listes de ceux qui sont partis. C’est le seul de moyen de savoir qui est en droit de revenir.
Qu’en est-il des liens entre les tribus qui dépassent le simple cadre national propre à chaque pays ?
Cela est vrai. Mais à ma connaissance, le problème de la répartition géographique des populations sahraouies est réglé depuis la dernière indépendance dans la région, soit celle de l’Algérie. Et je crois que depuis, nous sommes passés d’une logique de tribus à celle de citoyens. Si le Polisario continue de constituer un melting pot dans lequel se retrouvent plusieurs nationalités, je ne vois pas pourquoi le Maroc doit faire sienne une telle problématique. La notion de la patrie clémente et miséricordieuse est valable pour tous les Marocains. C’est sous cette bannière qu’Abraham Serfaty et Abderrahmane Youssoufi sont rentrés au pays. Et c’est à ce titre que les Sahraouis ont commencé à regagner le Maroc. La clémence et la miséricorde de notre pays est donc exclusive aux seuls Marocains et à une époque bien déterminée.
Quel crédit accordez-vous à la thèse d’infiltration ?
Les responsables du Polisario cherchent justement à faire réagir le Maroc en affirmant qu’à travers les ralliements, ils ont réussi à infiltrer des membres qui peuvent leur être utiles à n’importe quel moment. Une telle assertion peut relever de la pure propagande, pour réduire l’impact de cette tendance, comme elle peut être partiellement fondée. Nous disposons d’appareils et de services compétents pour distinguer le bon grain de l’ivraie. Tout comme des consulats, des commissions, des chefs de tribus - qui ont joué un grand rôle sur le registre de l’identification des Sahraouis pour le projet de referendum - , et d’anciens responsables du Polisario travaillent et collaborent sur ce dossier. Ce qu’il faut, c’est unir tous ces efforts dans le cadre d’une seule commission. L’effort doit être national.
Laâyoune TV, l’arme de séduction massive
La bâtisse, élégante sans être imposante, ne paie pas de mine de l’extérieur. Y pénétrer, c’est découvrir une véritable fabrique à idées… et programmes télévisés. Nous sommes bien à Laâyoune TV, la chaîne régionale sur laquelle personne n’aurait misé au moment de son lancement en 2005. Aujourd’hui, non seulement elle remplit son cahier des charges, en diffusant pendant trois heures par jour (bientôt portées à cinq) une information et des programmes de proximité destinés aux trois régions composant le Sahara, mais aussi aux camps de Tindouf, « mais c’est à travers elle qu’on a découvert ce que Laâyoune et les autres villes du Sud étaient devenues. Et cela n’a pas manqué de nous séduire », nous dit Moulay Ahmed Bachir, rallié depuis mardi 13 avril. Ceci, grâce à des bureaux installés dans les plus grandes villes du Sud (Dakhla, Smara…), une équipe de 70 journalistes, techniciens et administrateurs, et une vision portée par son directeur général, Mohamed Laghdaf Eddah : « être une voix libre pour tous les Sahraouis et valoriser la culture de la région et son dialectal, le hassani ». Et ça plaît. A telle enseigne que le Polisario a répliqué en créant sa propre chaîne de télévision en mai dernier, à l’aide de financements italiens. Présentée comme le premier jalon du projet d’autonomie des provinces du Sud, la chaîne, filiale à 100% de la SNRT, est aussi un exemple d’égalité entre tous les citoyens. La preuve : le principe de double solde, valable dans toutes les fonctions publiques au Sud, ne s’applique pas à Laâyoune TV. |
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