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Bleu Blanc Beurk 
actuel n°38, samedi 13 mars 2010
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De nombreux Marocains, arrivĂ©s trĂšs jeunes en France, se font expulser. Perdus dans un pays qu’ils ne reconnaissent plus, ils sont livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes. TĂ©moignages.

Oh la la la la, j’ai envie de pleurer, je suis trop contente, je suis folle de joie ! Je sauterai dans le premier avion Ă  destination de la France », se fĂ©licite Najlae. Cette lycĂ©enne, battue par son frĂšre en France et expulsĂ©e au Maroc, a Ă©tĂ© autorisĂ©e Ă  revenir grĂące Ă  un « geste humanitaire » du prĂ©sident Nicolas Sarkozy, le 8 mars dernier. InterrogĂ© sur LCI, Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’IntĂ©gration, de l’IdentitĂ© nationale et du DĂ©veloppement solidaire a dĂ©clarĂ©: « La loi ne disait pas qu’elle pouvait rester en France, et c’est Ă  bon droit que le prĂ©fet l’avait Ă©loignĂ©e ».

En 2009, la France a expulsĂ© 29 000 Ă©trangers en situation irrĂ©guliĂšre. 2 000 de plus que les objectifs ïŹxĂ©s par Nicolas Sarkozy. À cause du durcissement de la lĂ©gislation anti-immigration, ces quotas n’ont cessĂ© de croĂźtre d’annĂ©e en annĂ©e (la reconduction Ă  la frontiĂšre a concernĂ© 25 000 personnes en 2006 et 2007, puis 26 000 en 2008). Parmi ces expulsĂ©s, de nombreux jeunes Ă  peine majeurs qui ont passĂ© toute leur adolescence dans l’Hexagone. Ils se retrouvent au Maroc sans repĂšres, sans famille, sans argent et parfois sans maĂźtrise de la langue. « Ils sont tous arrivĂ©s en France lĂ©galement, la plupart du temps grĂące Ă  un tuteur, vers l’ñge de 13 ans. À leur majoritĂ©, ils sombrent soudainement dans l’illĂ©galitĂ© car on leur refuse un titre de sĂ©jour, ou qu’on ne reconnaĂźt pas la Kafala marocaine », explique Lucille Daumas, membre de la section marocaine de RESF (RĂ©seau Ă©ducation sans frontiĂšres), une association crĂ©Ă©e en 2006 par des enseignants du LycĂ©e Descartes de Rabat, devant la multiplication des cas de jeunes expulsĂ©s. Cette ONG est le pendant marocain de RESF France, un collectif crĂ©Ă© spontanĂ©ment par des parents d’élĂšve et des professeurs qui ont vu soudainement leur Ă©lĂšves ou leurs camarades disparaĂźtre. Pour ces jeunes, c’est le seul recours.

Selon la lĂ©gislation française, tout Ă©tranger arrivĂ© en France aprĂšs l’ñge de 13 ans, ayant des « parents connus » au Maroc peut ĂȘtre expulsĂ© Ă  sa majoritĂ©. Parfois ces jeunes sont renvoyĂ©s alors qu’ils sont en cours de scolaritĂ© (le cas de Alae-eddine), en stage (Salima) et mĂȘme en ayant un cursus scolaire modĂšle (Djihad Errais). Combien sont-ils ? « DifïŹcile Ă  dire. À RESF Maroc, nous en avons rĂ©pertoriĂ© une vingtaine depuis deux ans. Ce sont les cas que nous a signalĂ©s RESF France. Nous savons que ce n’est qu’une inïŹme partie des arrivĂ©es », se dĂ©sole Lucille Daumas.

Certains n’ont mĂȘme pas la chance d’entrer en contact avec l’ONG. Pire, la cadence des expulsions s’accĂ©lĂšre. En fĂ©vrier, RESF Maroc en a rĂ©pertoriĂ© cinq. En plus du mauvais traitement reçu en France, ils sont trĂšs mal accueillis au Maroc. Ce qui ne devait ĂȘtre qu’un contrĂŽle d’identitĂ© se transforme en interrogatoire et en garde Ă  vue qui peut durer des heures.

Drames familiaux

« La responsabilitĂ© incombe d’abord Ă  la France, puis aux autoritĂ©s marocaines qui ne facilitent pas le retour et la rĂ©insertion de ces jeunes. Ni le consul ni personne d’autre n’est, par exemple, venu voir Hassan (voir tĂ©moignage, page 20) Ă  son arrivĂ© Ă  Oujda », explique Hicham Baraka, prĂ©sident de l’Association Beni Znassen pour la culture, le dĂ©veloppement et la solidaritĂ© (ABCDS) qui avait recueilli le jeune Hassan un peu par hasard.

Une fois dĂ©barquĂ©s, ces jeunes sont lĂąchĂ©s dans la nature. Un drame familial, oĂč tout simplement la pauvretĂ© de leurs parents, les empĂȘchent d’avoir recours Ă  leurs proches au Maroc. Djihad Errais est un de ces cas extrĂȘmes ; et le plus ancien rĂ©pertoriĂ©. ElĂšve modĂšle, dĂ©lĂ©guĂ© de sa classe, il avait dĂ©crochĂ© une place dans le meilleur lycĂ©e hĂŽtelier de Paris. ArrivĂ© Ă  14 ans en France, il sera expulsĂ© le 19 mai 2007 parce qu’il lui « manquait un certiïŹcat d’études sur son dossier administratif ». Aujourd’hui, il habite Ă  Ouarzazate avec son pĂšre, vendeur de lĂ©gumes. « Je suis perdu. La France m’a appris plein de choses mais a gĂąchĂ© ma vie. Il n’y a plus rien Ă  faire », tĂ©moigne Djihad. «La rĂ©insertion de ces jeunes est impossible au Maroc. La solution Ă  ce problĂšme ne peut venir que de la France », conclut, rĂ©voltĂ©e, Lucille Daumas.

Zakaria Choukrallah

 

Najlae Lhimer, 19 ans, expulsée le 20 février 2010

« Je suis arrivée au Maroc, larguée et sans le sou »

Mardi 9 mars, Siham Habchi, la prĂ©sidente de « Ni putes ni soumises » annonçait enïŹn Ă  Najlae que le prĂ©sident français avait ordonnĂ© que l’on rĂ©gularise sa situation. Vivant en France depuis septembre 2005, Najlae avait quittĂ© Oujda pour Ă©chapper Ă  un mariage forcĂ©. « Je n’avais que 14 ans et mon pĂšre parlait dĂ©jĂ  de me faire arrĂȘter l’école pour pouvoir me marier. Lors d’un sĂ©jour chez mon frĂšre et sa femme, ils m’ont demandĂ© si je voulais rester vivre avec eux. Mes parents ont acceptĂ©. Au dĂ©but tout se passait trĂšs bien, mais dĂšs que mon frĂšre a divorcĂ©, il a commencĂ© Ă  me battre. La veille de mon expulsion, il m’avait tellement frappĂ©e que j’ai perdu connaissance. C’était pour une banale histoire de cigarette. Le lendemain, il s’est mĂȘme mis Ă  me menacer de mort en prĂ©textant avoir entendu des ragots sur mon compte. Il disait qu’avant cela, il allait me dĂ©ïŹgurer pour ĂȘtre sĂ»r que plus personne ne parlerait de moi dans le quartier. »

Battue pour la Ă©niĂšme fois et couverte de bleus, Najlae dĂ©cide de se rĂ©fugier chez l’une de ses amies, et de porter plainte. Bizarrement on lui demande de se prĂ©senter au poste une deuxiĂšme fois : « J’y suis retournĂ©e l’aprĂšs midi comme convenu et c’est lĂ  que l’on m’a dit que je devais ĂȘtre placĂ©e en garde Ă  vue pour sĂ©jour illĂ©gal. J’ai tentĂ© de leur expliquer qu’on venait de lancer un recours au niveau de la prĂ©fecture pour rĂ©gler ma situation, mais rien Ă  faire. On m’a conduite dans une cellule Ă  Montargis oĂč j’ai passĂ© la nuit et le lendemain on m’a escortĂ©e Ă  l’aĂ©roport. Je suis arrivĂ©e au Maroc samedi matin, complĂštement larguĂ©e et sans le sou. Un gendarme m’y attendait pour m’emmener au commissariat du MaĂąrif. J’étais dans une cellule pleine de monde. Les autres dĂ©tenus ont commencĂ© Ă  m’embĂȘter. J’avais vraiment trĂšs peur. Les policiers eux-mĂȘmes ont commencĂ© Ă  me railler. L’un d’eux leur a expliquĂ© que je me prenais pour le centre du monde parce qu’il y avait plein de Français derriĂšre moi. Un autre m’a dit que lui mĂȘme avait ouvert l’arcade sourciliĂšre de sa sƓur parce qu’elle ne voulait pas se marier et qu’elle avait ïŹni par ïŹler doux. Ça a continuĂ© comme ça jusqu’au lendemain oĂč deux avocates sont venues me chercher. En sortant, ma famille m’attendait dehors. Je me suis cachĂ©e. Je ne voulais pas les voir. Je suis montĂ©e dans une voiture avec les gens du RESF et nous sommes allĂ©s Ă  Rabat. » Maintenant que son calvaire a pris ïŹn, Najlae va regagner incessamment la France oĂč l’attend un emploi dans l’hĂŽtellerie.

Sarko plus souple

Le retour en France de Najlae Lhimer et auparavant ceux de Mohamed Abourar et de Salima Boulhazar, ces derniĂšres semaines, ouvrent des espoirs. Selon le ministre français de l’Immigration, Eric Besson, cette dĂ©cision est un prĂ©cĂ©dent avant l ’assouplissement des conditions d’accueil des femmes. «Une proposition de loi adoptĂ©e en premiĂšre lecture sera discutĂ©e prochainement au SĂ©nat (
) Ce sera une inïŹ‚exion pour plus de gĂ©nĂ©rositĂ© encore », a prĂ©cisĂ© le ministre.

S.D.C.

Salima Boulazhar, 18 ans, expulsée le 4 février 2010

«Je ne sais pas pourquoi le préfet a fait tout cela »

Salima a rĂ©ussi a arracher une promesse Ă  Patrick StĂ©fanini, prĂ©fet d’Auvergne et du Puy-de-DĂŽme et proche de Brice Hortefeux : « Si elle demande un visa long sĂ©jour au Maroc, elle pourra revenir. » GrĂące Ă  cette dĂ©claration soutirĂ©e par France Inter, les autoritĂ©s locales de Clermont-Ferrand ont Ă©tĂ© acculĂ©es Ă  accepter son retour, qui s’est effectuĂ© ïŹnalement le dimanche 7 mars. Pourtant, il Ă©tait possible d’épargner Ă  cette frĂȘle jeune ïŹlle qui avait trouvĂ© sa voie (elle entamait un contrat d’apprentissage en cuisine avec promesse d’embauche) tant de souffrance. NĂ©e d’une liaison hors mariage, reniĂ©e comme sa sƓur jumelle par ses parents biologiques, elle est Ă©levĂ©e par sa grand-mĂšre Ă  Bouznika puis Ă  la mort de cette derniĂšre, par sa tante qui adopte les deux sƓurs par Kafala Ă  l’ñge de 13 ans. La Kafala marocaine n’étant pas reconnue par la France, la police dĂ©barque au domicile de la tante et arrĂȘte Salima. Sa sƓur, elle, se cache. Salima va passer treize jours au centre de rĂ©tention, oĂč elle est la plus jeune pensionnaire. « Il y avait plein de camĂ©ras au centre. Ils ont mĂȘme cassĂ© mon portable et je pense qu’ils mettaient des somnifĂšres dans le cafĂ©. » Le 4 fĂ©vrier, elle est expulsĂ©e au Maroc, pays dont elle ignore la langue et les coutumes. « Salima ne connaĂźt pas les codes qu’observent les jeunes ïŹlles marocaines », explique Najat qui l’hĂ©bergeait dans son appartement Ă  Mohammedia. Sans repĂšres, la jeune ïŹlle passait ses journĂ©es Ă  la maison et ne sortait le week-end qu’avec la famille d’accueil. « Je n’ai rien Ă  dire. Je ne sais pas pourquoi le prĂ©fet a fait tout cela. Je veux juste rentrer. Je ne peux pas rester ici, trop d’histoires se sont passĂ©es dans ma famille », sanglote Salima. Son calvaire a donc pris ïŹn. Mais Ă  quel prix et Ă  quoi bon ?

Z. C.

Alae-eddine El Jaadi, 20 ans, expulsé le 18 juin 2009

« On t’ouvre la cage aprĂšs t’avoir coupĂ© les ailes »

Un look de jeune banlieusard, les Ă©couteurs vissĂ©s aux oreilles, Alae-eddine dĂ©barque du train qui le ramĂšne de Sidi Slimane oĂč il vit avec ses parents, ses deux petites sƓurs et ses deux frĂšres. Cela fait maintenant neuf mois qu’il a Ă©tĂ© expulsĂ© de Lyon oĂč il a passĂ© cinq ans aux cĂŽtĂ©s de sa tante, française, qui l’a adoptĂ© par Kafala. Son expulsion rocambolesque a particuliĂšrement retenu l’opinion publique française. Avant le contrĂŽle d’identitĂ© fatal, il Ă©chappe Ă  deux tentatives d’expulsion en se rĂ©fugiant chez Georges Gumpel, lui-mĂȘme enfant cachĂ© sous Vichy. A cause de l’aura mĂ©diatique qui l’entoure, Alae-eddine est sauvagement battu par des policiers au centre de rĂ©tention. « Cinq policiers m’ont tirĂ© de mon lit vers deux heures du matin, ils m’ont immobilisĂ© Ă  l’aide de ceintures puis m’ont rouĂ© de coups. Ils portaient des gants et venaient donc spĂ©cialement pour moi. » Une fois au Maroc, l’accueil est glacial. AprĂšs quatre heures de dĂ©tention en cellule, il passe devant le juge. « Smyet Bak ? Smyet Mok ? Signe ici ! Et maintenant, tu peux sortir », les propos du magistrat rĂ©sonnent encore dans la tĂȘte de Alae-eddine. MĂȘme s’il parle arabe, Alae-eddine ne se fait toujours pas au Maroc et passe ses journĂ©es « Ă  traĂźner avec des potes ». « Comment je vais aujourd’hui? C’est la merde. On t’ouvre la cage aprĂšs t’avoir coupĂ© les ailes. J’ai l’impression d’ĂȘtre revenu en arriĂšre. » ConsidĂ©rĂ© comme un Marocain par la France et comme un Français par ses amis marocains, Alae-eddine vit dans l’incomprĂ©hension. « Aux yeux des gens ici, je suis un looser qui n’a pas rĂ©ussi Ă  rester lĂ -bas. » DĂ©semparĂ©, le jeune homme survit grĂące Ă  la pension de retraite de son pĂšre, ancien militaire, et cherche du travail dans un centre d’appel. Son CAP de plĂątrier plaquiste ne lui sert Ă  rien ici. Alae-eddine a peur de sombrer dans la dĂ©pression. « Je connais un Marseillais expulsĂ© qui a perdu la tĂȘte Ă  force d’attendre. Il parle en français tout seul dans la rue. Moi, je vis avec l’espoir de retourner chez moi. J’attends », raconte-t-il, inquiet. Son rĂȘve ? « Chez Georges Gumpel, je suis devenu un militant. A Lyon, je levais ma banderole devant le prĂ©fet alors que je n’avais pas de papiers. J’aimerais militer aux cĂŽtĂ©s de Georges pour la Palestine. »

Recueilli par Zakaria Choukrallah

Hassan Bouyahyaoui, 22 ans, expulsé le 10 mars 2 009

« J’essaye d’échapper Ă  la mort »

« Je vais m’asseoir sur la tĂ©lĂ©. De toutes les maniĂšres, elle ne marche pas. » À 19 heures, Hassan vient de rentrer du boulot. Une militante lui a trouvĂ© un emploi dans un garage Ă  TĂ©mara. C’est elle Ă©galement qui l’hĂ©berge en lui prĂȘtant une villa oĂč il a installĂ© un mobilier sommaire : une petite bonbonne de gaz, des chaises, un lit Ă  mĂȘme le sol et c’est presque tout. Son quotidien consiste Ă  travailler six jours par semaine, Ă  fumer, boire du cafĂ© et rencontrer les deux seuls amis qu’il s’est faits Ă  TĂ©mara . « Je gagne 10 dirhams de l’heure, mon meilleur salaire Ă  ce jour est de 1 800 dirhams. De quoi m’acheter des clopes et payer le transport. Au Maroc, il faut travailler et fermer sa gueule », se dĂ©sole Hassan qui enchaĂźne cigarette sur cigarette : « Le tabac est devenu mon compagnon. C’est de la survie. J’essaye d’échapper Ă  la mort et de ne pas devenir un clochard. » Le visage fermĂ© et la mine triste, ce jeune arrivĂ© Ă  Montpellier Ă  l’ñge de 15 ans et expulsĂ© en mars 2009 s’inquiĂšte pour sa famille. Son pĂšre, handicapĂ© Ă  80 % n’a personne pour s’occuper de lui et les nouvelles sont mauvaises.

« A l’heure oĂč je vous parle, mon pĂšre est Ă  l’hĂŽpital. Depuis mon expulsion, il est tout le temps malade
 Je reprĂ©sente beaucoup pour lui, on Ă©tait une famille. » Tout s’est enchaĂźnĂ© trĂšs vite pour Hassan. A sa majoritĂ©, il demande un titre de sĂ©jour. En lieu et place, on lui remet six autorisations provisoires de six mois. Sa seconde demande de titre de sĂ©jour est Ă©galement refusĂ©e et cette fois, il aura droit Ă  un OQTF (ordre de quitter le territoire français). ArrĂȘtĂ©, mis dans un bateau Ă  destination d’Oujda, il erre dans les rues de la ville de l’Oriental et se fait agresser Ă  plusieurs reprises. « Je dormais le jour dans une association et le soir je passais des nuit blanches. » GrĂące Ă  RESF, il s’installe Ă  TĂ©mara en attendant des jours meilleurs . « Les jours passent, puis les mois et bientĂŽt les annĂ©es. Qui sait ce que l’on va devenir
 » Z. C.

Amina Hourrane, 25 ans, expulsée le 5 février 2010

« J’ai eu peur »

Amina a au moins eu la chance d’arriver adulte (Ă  l’ñge de 20 ans) Ă  ClermontFerrand. MariĂ©e Ă  un Français depuis quatre ans, elle aurait pu ĂȘtre naturalisĂ©e au bout de la cinquiĂšme annĂ©e. La procĂ©dure pour l’obtention de la carte de sĂ©jour allait bon train et Amina ne s’attendait pas du tout Ă  se faire renvoyer au Maroc le 5 fĂ©vrier dernier. Tout s’est passĂ© trĂšs vite pour ce petit bout de femme qui ne parle qu’amazigh et français. « Les policiers sont arrivĂ©s par surprise Ă  la maison. On m’a emmenĂ©e sans rien m’expliquer. J’ai passĂ© trois heures au commissariat puis on m’a envoyĂ©e dans cette prison qu’ils appellent centre de rĂ©tention, explique Amina. Ca m’a fait rigoler au dĂ©but tellement c’était incroyable. J’ai eu peur, puis j’ai trouvĂ© tout cela ridicule », se rappelle-t-elle. Le cauchemar commence vĂ©ritablement dans le centre de rĂ©tention de Lyon oĂč elle rencontre Salima (voir tĂ©moignage). L’ambiance est tendue. AprĂšs le centre et le rapatriement en avion escortĂ© par « deux policiĂšres baraquĂ©es », lĂ  voilĂ  Ă  l’aĂ©roport de Casablanca. S’ensuit une garde Ă  vue de trois heures et un transfert Ă  un commissariat. « T’es contente de rentrer au Maroc ? », lui demande un policier. « Non », rĂ©pond Amina. « T’es raciste alors? », rĂ©torque l’agent. « Ils voulaient mĂȘme dĂ©crocher mon visa, croyant qu’il Ă©tait traïŹquĂ© », s’insurge la jeune femme. Une fois ces « procĂ©dures » ïŹ nies, Amina est relĂąchĂ©e dans le quartier casablancais du MaĂąrif. « Les gens me regardaient. J’avais peur. J’ai pris un taxi et je lui ai demandĂ© de m’emmener dans un petit hĂŽtel » , raconte-t-elle. Aujourd’hui, logĂ©e chez des bĂ©nĂ©voles, elle rĂ©pĂšte : « Je n’ai rien fait, c’est la vĂ©ritĂ©. » Z. C.

Cette France qu’on prĂ©fĂšre...

À travers l’école et le RĂ©seau Ă©ducation sans frontiĂšres (RESF), de nombreux Français soutiennent les camarades de classe de leurs enfants, menacĂ©s d’expulsion.

Mohamed Abourar est revenu du Maroc le 27 fĂ©vrier dernier. Un succĂšs pour RĂ©seau Ă©ducation sans frontiĂšres (RESF) et bien entendu pour ce jeune Marocain de 18 ans scolarisĂ© en premiĂšre annĂ©e de bac pro au lycĂ©e Valmy Ă  Colombes. Il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 17 janvier puis expulsĂ© le 23. Une manifestation, organisĂ©e par le biais de RESF, a rassemblĂ© le 6 fĂ©vrier une centaine de personnes dans les rues de la ville. Le ministĂšre de l’Immigration avait fait savoir ĂȘtre « disposĂ© Ă  un examen bienveillant » de sa demande de visa. « Malheureusement, le retour d’un expulsĂ© se rĂ©sume au simple fait du prince », afïŹ rme Richard Moyon, membre de RESF, professeur de français et d’histoire au lycĂ©e professionnel Jean JaurĂšs de Chatenay Malabry ; le lycĂ©e oĂč, en juin 2004, RESF est nĂ©. « DĂšs l’arrestation de la personne sans papiers, nous devons ĂȘtre trĂšs rapides, nous explique Brigitte Wieser, membre de RESF Ă  Paris depuis 2004 Ă©galement. La garde Ă  vue dure 24 heures ; c’est Ă  ce moment-lĂ  que le prĂ©fet dĂ©cide de la mise en rĂ©tention. » La plupart du temps, la libĂ©ration a lieu pendant cette garde Ă  vue, grĂące Ă  la mobilisation organisĂ©e par RESF. « Les manifestations sont trĂšs efïŹcaces, continue Brigitte. Ce qu’ils (les pouvoirs publics, ndlr) craignent avant tout, c’est le dĂ©sordre. »

DĂ©claration d’abandon

Le succĂšs d’une mobilisation repose sur l’école. « Le rĂ©seau va bien au-delĂ  des militants de toujours, soutient Brigitte. Les parents d’élĂšves, les professeurs et les Ă©lĂšves n’admettent pas que des gens soient arrĂȘtĂ©s alors qu’ils n’ont commis aucun dĂ©lit, surtout lorsque cela concerne un de leurs camarades de classe. » Suite Ă  une mise en rĂ©tention, la personne menacĂ©e d’expulsion a 48 heures pour prĂ©senter un dossier au tribunal administratif qui dĂ©cidera ou non de formuler un arrĂȘtĂ© de reconduite Ă  la frontiĂšre. GrĂące Ă  Internet et Ă  un appel Ă  signatures pour les pĂ©titions, la mobilisation ne ïŹ‚Ă©chit pas. « Les pĂ©titions mettent Ă  mal l’argument qui consiste Ă  dire que le sans-papiers n’aurait pas d’attache en France », estime Brigitte. Les mineurs (moins de 18 ans) ne peuvent ĂȘtre expulsĂ©s. « Mais lorsque les parents sont expulsĂ©s, ils ne partent Ă©videmment pas sans leur enfant. Mais, dans un cas d’expulsion d’une famille chinoise Ă  Clermont Ferrand, l’un des deux enfants, nĂ© en France, n’avait pas la nationalitĂ© chinoise. Impossible d’obtenir un laissez-passer chinois, les autoritĂ©s françaises ont donc essayĂ© de faire signer aux parents une dĂ©claration d’abandon. » Un cas isolĂ© qui tĂ©moigne nĂ©anmoins de la dĂ©termination du gouvernement. « Certains mineurs reçoivent une lettre signiïŹant leur obligation de quitter le territoire le jour de leurs 18 ans », prĂ©cise Brigitte.

Depuis 2004, le rĂ©seau a bien grandi. Ce mouvement peu centralisĂ© rĂ©unit les classiques de la dĂ©fense des immigrĂ©s (Ligue des droits de l’homme, Cimade...), collectifs de dĂ©fense de sans-papiers, mouvements d’extrĂȘme gauche, syndicats (Syndicat de la magistrature, Sud Education), associations religieuses, mouvements de parents d’élĂšves (FCPE), partis politiques. « Il y a une vĂ©ritable Ă©volution des consciences, estime Richard. On entend les gens dire que la prĂ©sence des politiques dans une manifestation est une dĂ©marche Ă©lectoraliste. Mais je trouve ça formidable que pour gagner des voix, il faille soutenir les sans-papiers. »

Yannick Demoustier, Ă  Paris

Pendant ce temps, en Espagne


En Espagne, la situation est un peu plus humaine mĂȘme si ce sont les jeunes qui dĂ©rangent. Avec l’Italie, ce pays reste le principal point de chute des mineurs marocains en Europe. Ils seraient prĂšs de 5 000 Ă  ĂȘtre ballottĂ©s entre la volontĂ© des autoritĂ©s locales de s’en dĂ©barrasser (comme c’était le cas en Andalousie, qui voulait renvoyer au Maroc 1 000 mineurs non accompagnĂ©s) et le manque de volontĂ© marocaine de les rĂ©cupĂ©rer, comme stipulĂ© dans la Convention signĂ©e en 2003 entre les deux pays et portant sur le rapatriement assistĂ© des mineurs non accompagnĂ©s. En attendant, tout un systĂšme a Ă©tĂ© mis en place pour les accueillir. Sans ĂȘtre parfait, il a au moins le mĂ©rite d’exister. Introduisant le principe de responsabilitĂ© partagĂ©e, ce dispositif se ïŹxe comme prioritĂ© l’intĂ©rĂȘt du mineur. LogĂ©s dans des centres d’accueil dĂ©diĂ©s, les mineurs vivant dans ce pays reçoivent une formation en vue de leur rĂ©insertion dans la vie active. Les intĂ©ressĂ©s restent cependant menacĂ©s de reconduction aux frontiĂšres Ă  tout moment. Comme pour dĂ©jouer les rĂ©sistances marocaines, l’Espagne anticipe en ïŹnançant la construction au Maroc de centres d’accueil et de formation des mineurs expulsĂ©s. Une façon aussi d’éviter des scĂ©narios Ă  la française. Un premier centre a dĂ©jĂ  vu le jour Ă  Tanger et la construction d’un deuxiĂšme a Ă©tĂ© achevĂ©e Ă  Nador.

T.Q

BILLET : Mais que font nos consuls ?

Italie, une trentaine de jeunes Marocains en situation irrĂ©guliĂšre, traquĂ©s par le froid et la police, font le tour des consulats du Maroc pour trouver un autocar censĂ© les rapatrier au bercail. RĂ©ponse des services consulaires : « On n’a pas de budget. » Arabie saoudite : un ami de l’une des pĂšlerines victimes d’un accident de la route tente de faire venir en urgence le consul du Maroc sur place pour signer un document concernant une intervention chirurgicale urgente et dĂ©licate. Le consul Ă©tant aux abonnĂ©s absents, le chirurgien dĂ©cide de surseoir Ă  son autorisation. Quant Ă  Najlae Lhimer, au moment oĂč elle a reçu la notiïŹcation de son expulsion, elle n’a pas pensĂ© une seconde Ă  chercher appui auprĂšs du consulat de son pays. On pourrait multiplier les exemples mais le moins que l’on puisse dire, c’est que nos consuls ont mauvaise presse. En thĂ©orie, les activitĂ©s consulaires consistent Ă  prĂ©server et Ă  dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts des Marocains Ă  l’étranger. Le consulat dĂ©livre des passeports, des attestations, effectue des recherches de nationalitĂ©, dresse des actes d’état civil, transmet des piĂšces judiciaires, lĂ©galise des documents, rend visite aux ressortissants marocains incarcĂ©rĂ©s et entretient des contacts avec les autoritĂ©s locales dans la recherche des personnes portĂ©es disparues... Dans les faits, et Ă  de rares exceptions prĂšs, les services consulaires ne s’acquittent pas de leurs tĂąches, se contentant d’assurer un service minimum. Pour nos consuls, l’époque des rĂ©ceptions et des petits fours n’est pas encore rĂ©volue. Hommes de rĂ©seaux, agents Ă©conomiques, voire vĂ©ritables managers de reprĂ©sentations commerciales, les consuls sont recrutĂ©s pour leur connaissance du terrain et leur maĂźtrise du lobbying
 sauf chez nous oĂč ces diplomates sont souvent choisis sur des critĂšres non professionnels.

Abdellatif El Azizi

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N°143 : Cheikh Maghraoui :  Cet homme est dangereux
N°142 : Affaire Benallou :  Une nouvelle bombe Ă  retardement
N°141 : Etre Noir au Maroc 
N°140 : Faut-il abandonner le français ? 
N°139 : Entretien avec Hamid Benalfdil : DG du CRI du Grand Casablanca.
N°138 : Le sexe au temps du cĂ©libat 
N°137 : ONG: La face cachĂ©e de la sociĂ©tĂ© civile
N°136 : Le modĂšle turc : Mythe ou rĂ©alitĂ© ?
N°135 : Caisse marocaine des retraites : La bombe Ă  retardement
N°134 : Qui a tuĂ© Amina ? 
N°133 : Moralisation de la vie publique : Le spectre de la campagne d’assainissement plane
N°132 : DĂ©linquance :  Le Maroc a peur
N°131 : 14 femmes  pour Benkirane
N°130 : Le rĂ©veil des salafistes  Demain la charia ?
N°129 : Dilapidation des deniers publics:  Benallou et l'ONDA... pour commencer
N°128 : DSK   Le marocain
N°127 : Conservation fonciĂšre : piĂšges, magouilles, corruption
N°126 : Les enfants perdus  de Casablanca
N°125 : PJD  Les rois du marketing
N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques
  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du pĂšre
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumiĂšre
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : HarcĂšlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂŽt sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangĂšre/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piĂšge  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
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Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier
  
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
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Actuel n°84 : Rumeurs, intox : Ă  qui profite le crime ? 
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Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un systĂšme  
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Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
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 racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
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N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cƓur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂŽmĂ©s chĂŽmeurs : le gouvernement pris au piĂšge
N°51 : 2M : SuccĂšs public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux
 Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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