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ONA - SNI: Ils ont osé
actuel n°41, samedi 3 avril 2010
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La rĂ©organisation des holdings SNI et ONA bouscule le paysage Ă©conomique, financier et industriel du Maroc. Et tĂ©moigne de lâessouffiement dâun modĂšle qui a longtemps pesĂ© sur la vie Ă©conomique du pays. Place Ă un scĂ©nario plus conforme aux canons de la nouvelle gouvernance.
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Oser dĂ©nouer les fils dâun inextricable Ă©cheveau de holdings et de filiales. Oser « tuer » un conglomĂ©rat mythique vieux de plusieurs dĂ©cennies, que lâon disait essouffiĂ©, engoncĂ© dans une administration sclĂ©rosante, qui voyait les meilleures de ses filiales critiquer parfois ouvertement une tutelle souvent en quĂȘte de lĂ©gitimitĂ© et les moins performantes se satisfaire discrĂštement du manque dâexpertise de ladite tutelle.
Les diffĂ©rents managers qui se sont succĂ©dĂ© â Ă un rythme quâon qualifiera pudiquement de soutenu !!! â notamment depuis 1999, ont bien pu insuffier quelques petits virages stratĂ©giques en imposant leur touche personnelle, lâ ADN de la « structure » ONA sâavĂ©rera tenace.
Alors que chaque semaine un changement majeur - encore un - est annoncĂ© comme certain, cette fois-ci, ni psychodrame, ni coup de tĂȘte, ni conseil dâadministration sollicitĂ© pour gestion de crise. « Nous avons pris le temps de rĂ©fiĂ©chir sereinement, câest lâaboutissement dâun long processus de maturation », dĂ©clare Ă actuel Hassan Bouhemou, PDG de la SNI.
Pour lâheure, tout est lĂ . Ou presque. « Nous » est assurĂ©ment un cercle restreint. TrĂšs restreint. Lâhistoire des opĂ©rations industrielles ou financiĂšres importantes sâĂ©crit, dâabord, dans la plus grande discrĂ©tion. La rĂ©organisation spectaculaire des holdings SNI et ONA nâa pas Ă©chappĂ© Ă cette rĂšgle dâairain. Ăpoustoufiant !
Tout le monde garde Ă lâesprit lâacquisition de Wafabank par BCM il y a sept ans, ou encore la fameuse rotation dâactifs entre SNI, ONA et Siger. Des mouvements dâenvergure du holding royal, majeurs dans le paysage national et aux consĂ©quences qui se mesurent encore Ă heure fixeâŠ
Loin de lâeffervescence de Casablanca sur le rĂŽle dominant du Makhzen Ă©conomique, loin des interrogations des investisseurs sur les sous-performances chroniques de sociĂ©tĂ©s ou holdings cotĂ©s en Bourse, loin des dĂ©bats Ă peine feutrĂ©s au fil des couloirs des sociĂ©tĂ©s filiales, câest probablement chez lâactionnaire de rĂ©fĂ©rence que sâest conceptualisĂ©e lâopĂ©ration qui vient bousculer le thĂ©Ăątre des opĂ©rations financiĂšres et industrielles du Maroc.
Cercle restreint
Selon les informations recoupĂ©es par actuel, sous le sceau de lâanonymat, les personnes qui ont menĂ© la danse se comptent sur les doigts dâune seule main. Du moins jusquâaux toutes derniĂšres semaines pour les uns, voire le jeudi 25 mars, - date dĂ©sormais historique du conseil de SNI et ONA - pour les dirigeants des principales filiales.
Le tsunami qui se dessine ne doit pourtant rien au hasard, encore moins Ă lâimprovisation de lâun de ces montages dont les banques dâaffaires ou les cabinets conseils aiment se faire valoir. Que les unes, ou les autres, aient - in fine - contribuĂ© au scĂ©nario retenu nâest pas un mystĂšre. Toute nouvelle construction innovante se doit de faire appel aux meilleurs architectes. La banque Lazard et Jean Peyrelevade sont de ceux-lĂ .
Ă tous ceux qui pourraient sâĂ©tonner du dĂ©tail du scĂ©nario validĂ© voici une semaine, comme du timing retenu, Hassan Bouhemou observe simplement et ironiquement que « tout se tient ». Les sous-performances du groupe, Ă©conomiques mais surtout boursiĂšres, nâavaient ces derniĂšres annĂ©es Ă©chappĂ© Ă personne. Encore fallait-il patienter pour bĂ©nĂ©ficier de la meilleure « fenĂȘtre de tir ».
Câest vraisemblablement Ă lâautomne 2008 que tout sâest jouĂ©. En annonçant que ce nâĂ©tait pas en 2009, mais en 2010 que lâadministration fiscale prĂ©voyait dâallĂ©ger les dispositions fiscales liĂ©es aux opĂ©rations de fusion, le ministĂšre des Finances faisait entrevoir une possibilitĂ© pour donner le top dĂ©part dâun processus de rĂ©fiexion qui a abouti Ă cette rĂ©organisation inĂ©dite des holdings SNI et ONA. « Nous nâĂ©tions pas Ă une annĂ©e prĂšs » reconnaĂźt Hassan Bouhemou. Mais câĂ©tait clairement le dernier verrou, celui qui permettait de modĂ©liser un plan dâaction tout au long de lâannĂ©e 2009, et dâĂȘtre prĂȘt au printemps 2010.
Manque de lisibilité
Cette « coĂŻncidence » appelle Ă©videmment un certain nombre dâinterrogations. Pourtant toutes les associations professionnelles rĂ©clament cette remise Ă niveau du rĂ©gime fiscal des holdings de longue date, tant le systĂšme prĂ©cĂ©dent allait Ă lâencontre du bon sens et des dispositions en place depuis de nombreuses annĂ©es chez nos voisins europĂ©ens, pour certains encore plus incitatives que celles introduites au Maroc.
Entre la prise de contrĂŽle de SNI par ONA en 1999 et la « rotation » opĂ©rĂ©e au bĂ©nĂ©fi ce de SNI sur ONA en 2003, lâhistoire retiendra que lâensemble souffrait dâun manque cruel de lisibilitĂ©. Certes ONA disposait de positions stratĂ©giques au cĆur de secteurs phares de lâĂ©conomie. Il fallait dĂ©mĂȘler tout cela. Pour autant, si la clarification sâest opĂ©rĂ©e sur le plan capitalistique en 2003, lâaffirmation dâune rĂ©orientation stratĂ©gique adaptĂ©e aux nouveaux dĂ©fis de lâĂ©conomie nationale, comme de la mondialisation, sâest trop fait attendre.
DĂšs 2003, nous a affirmĂ© le prĂ©sident de la SNI, il fallait rendre lâensemble cohĂ©rent et gouvernable. « Nous avions hĂ©ritĂ© dâun portefeuille comportant certains contresens stratĂ©giques, et des dĂ©sĂ©quilibres partenariaux. »
Un groupe multi-métiers
Pourtant, depuis dix ans, le groupe avait appris Ă vivre dans un nouvel environnement, plus concurrentiel. Il a Ă©galement choisi dâexplorer de nouveaux secteurs : les tĂ©lĂ©coms, lâĂ©nergie⊠tous hautement capitalistiques. Investissements rendus possibles par la capacitĂ© dâONA Ă prendre plus de risques de par sa taille, mais aussi grĂące Ă la stabilitĂ© de son actionnariat.
Pour autant, le management sâest heurtĂ© Ă quelques dysfonctionnements. Souvent, gouverner efficacement un vaste groupe multi-mĂ©tiers et prĂ©tendre contrĂŽler lâexcellence opĂ©rationnelle de tous ces mĂ©tiers nâest pas la meilleure façon de faire⊠Pour un fin connaisseur des arcanes de lâĂ©conomie nationale, la petite rĂ©volution Ă laquelle le groupe se prĂ©pare repose sur trois convictions, nourries au fil des Ă©vĂ©nements qui ont jalonnĂ© la vie du holding et de ses filiales ces derniĂšres annĂ©es.
Un, la meilleure façon de crĂ©er de la valeur ajoutĂ©e, câest de laisser les gens travailler et libĂ©rer les Ă©nergies. Deux, lâattention portĂ©e Ă chaque actif doit ĂȘtre proportionnelle aux capitaux engagĂ©s mais aussi aux dĂ©fis que rencontrent ces actifs. Trois, en dĂ©pit de la libertĂ© laissĂ©e aux managements des filiales, et dĂšs lors que sont empilĂ©es les mĂ©tiers par strates successives, la position de majoritaire confine parfois Ă une certaine cĂ©citĂ© et au manque de luciditĂ©.
Reste donc au nouvel holding Ă Ă©crire une toute autre histoire. Celle dâun holding dâinvestissement « actionnaire professionnel, catalyseur de crĂ©ation de valeur dans des entreprises leaders et incubateurs de projets structurants ». Au-delĂ des mots, et de la douce mĂ©lodie des communicants, câest un pan entier du paysage Ă©conomique, financier, industriel et boursier qui va sâen trouver chamboulĂ©.
Dâaucuns, partenaires ou concurrents, observent dĂ©jĂ non sans gourmandise dâĂ©ventuelles proies (lire pages 20 Ă 23). Dâautres â investisseurs institutionnels, nationaux et Ă©trangers, ou tout simplement privĂ©s â se rĂ©jouissent de voir, enfin, la Bourse de Casablanca bĂ©nĂ©ficier de « papier » ! Le nouveau holding, que devrait prĂ©sider Hassan Bouhemou, et ses filiales ne sont pas prĂšs de quitter le devant de la scĂšne. Une scĂšne que lâon souhaite plus conforme aux exigences dâune bonne gouvernance.
Henri Loizeau |
Une opération en quatre étapes
SNI et ONA sâapprĂȘtent Ă laisser place Ă un holding unique, non cotĂ©, au terme de quatre Ă©tapes :
1 - Offres publiques de retrait. Deux offres publiques de retrait (OPR) seront dĂ©posĂ©es sur les titres SNI et ONA aux prix dâoffre de 1 900 DH pour lâaction SNI et 1 650 DH pour lâaction ONA. Des prix dâoffre qui feront lâobjet dâune attestation dâĂ©quitĂ© dĂ©livrĂ©e par un expert indĂ©pendant, approuvĂ© par le CDVM.
2 - Radiation de la cote. Les OPR seront suivies de la radiation des deux titres de la Bourse de Casablanca
3 - Fusion SNI/ONA. Un projet de fusion de SNI et ONA sera proposé aux actionnaires des deux entités dans le cadre de leurs assemblées générales extraordinaires.
4 - Optimisation et rationalisation du pĂ©rimĂštre du groupe. Le nouvel holding dâinvestissement procĂ©dera Ă une rĂ©duction progressive de son pĂ©rimĂštre Ă travers la cession sur le marchĂ© boursier du contrĂŽle dâentitĂ©s autonomisĂ©es. Premiers dossiers, ceux de Cosumar, Lesieur et le trio Centrale LaitiĂšre/Bimo/Sotherma. |
ONA : La fin dâun mythe et ses raisons
La disparition dâONA et de SNI au profit dâun holding dâinvestissement unique, non cotĂ©, sâinscrit dans une logique historique. Et porteuse dâavenir.
ONA, le vieux bateau amiral du capitalisme industriel marocain, a dĂ©cidĂ© de se saborder. Le secret a Ă©tĂ© bien gardĂ©, ce qui en soi est une performance. Ce jeudi 25 mars en fin dâaprĂšs-midi, dans les milieux dâaffaires de Casablanca oĂč chacun se targue de pouvoir chuchoter les derniers scoops, les esprits ont Ă©tĂ© surpris.
Personne ne pouvait imaginer pareil coup de thĂ©Ăątre ! Et pourtant, Ă y regarder de plus prĂšs, ce qui sâest passĂ© Ă©tait-il vraiment improbable ? ONA, auquel lâexpression de « holding royal » servait de deuxiĂšme nom, Ă©tait une vieille maison. Au registre des cĂ©lĂ©britĂ©s, il nây avait plus que les fantĂŽmes de ses fondateurs, comme Jean Ăpinat, ou de ses dirigeants mythiques comme FĂ©lix Nataf qui hantaient encore les murs de son siĂšge historique, rue dâAlger.
Le vieil immeuble, style annĂ©es folles, et ses boiseries fatiguĂ©es, servaient de palliatif pour loger les filiales non cotĂ©es comme ONAPAR ou lâUniversitĂ© du Groupe. La direction avait depuis longtemps dĂ©mĂ©nagĂ©, rejoignant du cĂŽtĂ© de lâavenue Moulay Youssef et des Twin, les nouvelles vedettes comme Attijariwafa bank, Managem ou Centrale LaitiĂšre. Mais, pour en comprendre la rĂ©cente Ă©volution, câest moins la gĂ©ographie des siĂšges de ses filiales que lâhistoire du groupe qui est le meilleur guide.
LâancĂȘtre dâONA, lâOmnium Nord-Africain, est en 1934 une pure crĂ©ation coloniale. Le Groupe, qui entre en Bourse en 1945, fait office de fer de lance du capitalisme français et de son redĂ©ploiement aprĂšs-guerre dâIndochine vers lâAfrique du Nord. LâOmnium hĂ©rite de la Compagnie GĂ©nĂ©rale de Transport et de Tourisme crĂ©Ă©e en 1919.
Sa diversification, qui a dĂ©butĂ© dans les mines, se poursuit aprĂšs la marocanisation des annĂ©es 70 dans lâagro-industrie, la finance, le textile, la chimie. La mĂȘme culture le pousse dans les annĂ©es 90 vers les mĂ©tiers de la communication, du multimĂ©dia, de la grande distribution et de lâimmobilier.
Ă partir des annĂ©es 1995-1999, avec lâentrĂ©e Ă son tour de table des capitaux royaux, ONA se recentre sur des mĂ©tiers stratĂ©giques : les mines, lâagroalimentaire, la distribution et la banque-assurance. Une doctrine sous-tend ces ajustements : il sâagit de projeter un opĂ©rateur marocain sur des secteurs nĂ©vralgiques, Ă forte intensitĂ© de capital, lĂ oĂč les entrepreneurs locaux ne peuvent, ou ne veulent, pas prendre de risque.
La trajectoire dâONA est en rĂ©alitĂ© indissociable de celle des deux grands bras financiers qui lâont tour Ă tour portĂ©, depuis lâorigine. Il y eut dâabord, jusquâĂ sa marocanisation, la banque Paribas et, ensuite, la SNI. CrĂ©Ă©e en 1966, SNI a dâabord incarnĂ© la culture politique du plan et lâĂ©poque du pilotage de lâĂ©conomie par lâĂtat. DestinĂ© Ă animer lâinvestissement institutionnel, le holding mĂšne tambour battant le mouvement de la marocanisation dans des secteurs clĂ©s tels que la finance, lâindustrie et les mines.
Puis SNI est privatisĂ©e en 1994, avec 51 % du capital attribuĂ© Ă un consortium dâinvestisseurs nationaux et internationaux, conduit par la Banque Commerciale du Maroc. Une stratĂ©gie de partenariats avec des leaders mondiaux tels que Lafarge et Marcial Ucin est alors engagĂ©e.
Une pertinence contestée
En 1999, ONA prend le contrĂŽle de SNI. LâopĂ©ration surprend tant il est rare quâun conglomĂ©rat de mĂ©tiers fasse le choix de devenir aussi un holding dâinvestissement. Une dĂ©marche provisoire. Car moins de quatre ans plus tard, en 2003, le tir sera corrigĂ© par rotation dâactifs. SNI devient alors lâactionnaire de rĂ©fĂ©rence dâONA avec prĂšs de 30 % du capital.
DĂšs lors, ce qui sâest dĂ©cidĂ© le 25 mars dernier nâest, au final, que la consĂ©cration logique dâune opĂ©ration de clarification qui devait couver dans les cartons depuis des annĂ©es. Sâil revient Ă SNI, ou Ă sa nouvelle appellation, de poursuivre son rĂŽle historique de holding dâinvestissement, on peut sâinterroger sur la disparition dâONA.
En vĂ©ritĂ©, observateurs et experts ont sans doute eu tort de ne pas suffisamment prĂȘter attention au communiquĂ© par lequel le Conseil dâadministration dâONA avait accompagnĂ©, le 11 avril 2008, le limogeage de son prĂ©sident, SaĂąd Bendidi, et la dĂ©signation de son successeur, Mouatassim Belghazi.
RĂ©trospectivement, tout y Ă©tait annoncĂ© ! CâĂ©tait la premiĂšre fois au Maroc quâun Conseil dâadministration reconnaissait publiquement un Ă©chec industriel et en tirait les consĂ©quences. Bien plus que la sanction contre une Ă©quipe de direction, câest la remise en cause de la pertinence mĂȘme du format du conglomĂ©rat qui Ă©tait annoncĂ©e.
Pour preuve, câest SNI qui a Ă©tĂ© directement chargĂ© du sauvetage de Wana. Le cĂŽtĂ© inĂ©dit, mĂ©diatisĂ© mais somme toute anecdotique du dĂ©barquement dâun PDG, avait occultĂ© lâessentiel : SNI, actionnaire de rĂ©fĂ©rence du conglomĂ©rat ONA, prenait alors directement en main lâorientation et le contrĂŽle du management dâune filiale de ce conglomĂ©rat (Wana). Ajoutez Ă cela que le mĂȘme communiquĂ© â autre premiĂšre - assignait au nouveau PDG de produire, sous trois mois, un plan stratĂ©gique et organisationnel, et lâon comprend aujourdâhui que ce nâĂ©tait pas un organigramme qui Ă©tait attendu mais bien une refonte complĂšte des structures.
Un plan de rupture
Ce que les conseils dâadministration dâONA et de SNI ont adoptĂ© le 25 mars est un plan de rupture. Minutieusement concoctĂ©, il a Ă©tĂ© accompagnĂ© par de grandes signatures, Lazard, la star des banques dâaffaires, et la banque Leonardo prĂ©sidĂ©e par un certain Jean Peyrelevade ex-prĂ©sident de lâUAP, du Groupe Suez et du CrĂ©dit Lyonnais, pendant la pĂ©riode de son redressement.
Câest dire que les promoteurs du projet nâont rien laissĂ© au hasard. On sâest rendu compte, nous explique-t-on du cĂŽtĂ© de certains administrateurs, que lâeffet de cascade produit par lâenchevĂȘtrement des deux holdings est devenu sans objet. On fait remarquer que les Ă©quipes du holding de contrĂŽle se sont empĂȘtrĂ©es dans les tĂąches administratives, en se dĂ©tournant de leur vraie mission, Ă savoir le pilotage stratĂ©gique. Mais la lourdeur des organigrammes ne suffit pas Ă expliquer ce chambardement.
La fin dâONA trouve sa vĂ©ritable signification dans la conjonction de deux facteurs essentiels. Le premier est politique. Et a tout lâair dâun coup de pied dans la fourmiliĂšre. Lâimage de « lâactionnaire de rĂ©fĂ©rence », lâappellation pudique du « palais », ont pu encombrer la gouvernance dâONA.
Ayant dâautres prioritĂ©s que de suivre au quotidien les tracas managĂ©riaux dâun conglomĂ©rat de mĂ©tiers tous aussi diffĂ©rents et compliquĂ©s les uns que les autres, il semble bien que câest en haut lieu quâil a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de siffier la fin de la rĂ©crĂ©ation. Le choix est logique et plein de sagesse. La moindre et la plus banale pĂ©ripĂ©tie, comme il sâen rencontre dans la vie quotidienne de toute entreprise, donnait immanquablement lieu, dĂšs lors quâil sâagissait dâONA, Ă mille spĂ©culations sur la volontĂ© royale.
Câest au Palais quâil est sans cesse revenu dâendosser, sans quâil y puisse rien, les bourdes techniques ou les poussĂ©es dâĂ©go de plusieurs managers. Ainsi, les dĂ©faillances et les Ă©checs des actes de gestion Ă©taient domiciliĂ©s Ă Rabat, tandis que les succĂšs Ă©taient fiattĂ©s dans les salons de Casablanca et les mĂ©dias.
Le deuxiĂšme facteur est Ă©conomique. LâĂšre est en effet rĂ©volue des holdings en cascades. Ce genre de montage ayant dĂ©sormais mauvaise presse un peu partout dans le monde. Si les marchĂ©s font la part belle aux grandes entreprises, ils se mĂ©fient en revanche des architectures trop sophistiquĂ©es. Câest ainsi que les mastodontes corĂ©ens ont Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©s au cours des derniĂšres annĂ©es, et le mĂȘme vent de simplifi cation souffi e sur la France.
Des groupes comme Lazard (20002004), Wendel (2002) et BollorĂ© (2006) ont rĂ©duit ou supprimĂ© le nombre de holdings Ă travers plusieurs opĂ©rations dâoffres publiques et/ou de fusions. Quant Ă la dĂ©cision de radier ONA et SNI de la Bourse de Casablanca, elle est certainement spectaculaire, mais ne revĂȘt quâune portĂ©e technique limitĂ©e.
Les deux opĂ©rateurs nâĂ©taient pas en tant que tels de vĂ©ritables acteurs du marchĂ© financier car ce sont leurs composantes qui faisaient et qui vont continuer Ă faire publiquement appel Ă lâĂ©pargne. ONA et SNI ont jusquâici fonctionnĂ© par la mise en rĂ©serve de leurs bĂ©nĂ©fices et par recours aux instruments de dette (crĂ©dits bancaires, Ă©missions obligataires).
Ce que le nouvel ensemble continuera de faire, mais avec cette assurance de sobriĂ©tĂ© et de sĂ©rĂ©nitĂ© que requiĂšrent la culture et le rang dâun investisseur soucieux de travailler pour le long terme.
Yanis Bouhdou |
ONA â SNI: des filiales trĂšs trĂšs convoitĂ©es
La cession attendue du contrĂŽle dâune partie des ïŹliales « matures » dâONA et SNI au marchĂ© boursier alimente les rumeurs. Et ouvre la porte Ă toutes les hypothĂšses. Nouveaux partenariats ? Nouveaux investisseurs ? Premiers Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse.
Les supputations vont bon train. Quelques jours Ă peine aprĂšs lâannonce par les holdings ONA-SNI de la rĂ©organisation de leur portefeuille de ïŹliales et de la cession du contrĂŽle de certaines de ces ïŹliales au marchĂ© (Ă commencer par Cosumar, Centrale LaitiĂšre et Lesieur, les plus matures), des noms dâinvestisseurs potentiellement intĂ©ressĂ©s par des prises de participations au sein de ces entitĂ©s commencent dĂ©jĂ Ă circuler.
Parmi eux, de puissants Ă©trangers, dont le groupe coopĂ©ratif français Tereos (marques de sucre BĂ©ghin-Say et La Perruche), ou encore Danone. DeuxiĂšme sucrier europĂ©en, le groupe coopĂ©ratif français, issu en 2002 de la fusion entre BĂ©ghin-Say et Union SDA, afïŹche de grosses ambitions dans les marchĂ©s Ă©mergents. Selon nos informations, il serait intĂ©ressĂ© par une prise de participation dans la ïŹliale sucriĂšre Cosumar.
Les rumeurs font Ă©galement Ă©tat de lâintĂ©rĂȘt de groupes locaux pour ces premiĂšres ïŹliales agroalimentaires dont le capital sera davantage ouvert au marchĂ©. En tĂȘte des structures citĂ©es ïŹgure le groupe Holmarcom (famille Bensalah), et en particulier sa ïŹliale Les Eaux minĂ©rales dâOulmĂšs (marques OulmĂšs et Sidi Ali).
Cette derniĂšre, pour renforcer son positionnement sur ce segment trĂšs disputĂ©, pourrait ĂȘtre intĂ©ressĂ©e par une prise de participation dans la ïŹliale Sotherma (marque AĂŻn SaĂŻss). Ce qui lui permettrait dâĂ©toffer sa gamme dâeaux minĂ©rales. Cependant, selon des sources proches du top management, « rien nâest encore dĂ©cidĂ© ».
Recherche de partenariat
Plus catĂ©gorique, Omar ChaĂąbi, du groupe Ă©ponyme, rĂ©fute Ă©nergiquement toute information sur une Ă©ventuelle prise de participation dans lâune des ïŹliales des holding ONA-SNI concernĂ©es par la cession de contrĂŽle au marchĂ©.
Autres noms qui reviennent avec insistance, celui de SaĂŻd El Alj, du groupe Unimer, et celui dâEl Hachmi Boutgueray, PDG de Anwar Invest, lâun des plus grands groupes de lâagroalimentaire au Maroc. Ce dernier, propriĂ©taire entre autres de la biscuiterie Stock Pralim (marque Excello), pourrait porter un intĂ©rĂȘt tout naturel pour Bimo, autre ïŹliale du groupe ONA.
Ă noter que cette ïŹliale, en partenariat avec Danone, a rĂ©ussi, en lâespace de quelques annĂ©es, Ă se hisser au rang de leader de lâindustrie biscuitiĂšre au Maroc avec une part de marchĂ© de 42 %. Autant dâarguments qui ne laisseraient pas insensible tout investisseur averti. Mais peut-ĂȘtre pas le patron de Stock Pralim, du moins pas dans lâimmĂ©diat. « Pour lâheure, nous ne sommes intĂ©ressĂ©s par aucune des ïŹliales de lâONA », se contente de rĂ©pondre une source proche du management de lâentreprise. Chez Bimo, aujourdâhui Ă 50/50 avec Kraft â qui vient de rĂ©aliser son OPA sur Cadbury â tout reste possible en termes dâactionnariat, mĂȘme si lâon peut penser que Kraft sera sans doute plus enclin Ă parfaire son partenariat avec son alliĂ© marocain.
Danone, que prĂ©side Franck Riboud, pourrait en revanche regarder de trĂšs prĂšs lâopportunitĂ© qui lui est aujourdâhui offerte dâoptimiser sa prĂ©sence sur le marchĂ© marocain. Actionnaire Ă plus de 29 % de Centrale LaitiĂšre, le groupe français qui afïŹche ses intentions de se dĂ©velopper dans tous les pays Ă©mergents, aura lĂ une occasion inespĂ©rĂ©e de monter en puissance au sein de Centrale LaitiĂšre, et dây tenir une position majoritaire, favorable Ă la consolidation des rĂ©sultats dans son bilan.
Une opportunitĂ© sans doute partagĂ©e par Centrale LaitiĂšre dont les relations avec Danone sâavĂšrent rĂ©ciproquement enrichissantes. De mĂȘme, actionnaire Ă 30 % de Sotherma aux cĂŽtĂ©s dâONA et de membres de la famille royale, Danone devrait montrer de lâintĂ©rĂȘt Ă toute ouverture du capital.
Renforcement de Lesieur
Sâagissant de Lesieur Maroc, câest tout naturellement lâhypothĂšse dâun renforcement de Lesieur France dans son capital qui prĂ©vaut, mais un retour de Savola sur le banc des prĂ©tendants nâest pas Ă exclure. Pour lâheure, les intĂ©ressĂ©s prĂ©fĂšrent attendre avant de communiquer sur la question.
Le nouveau holding (qui nâa pas encore de nom) crĂ©Ă© par la fusion ONA-SNI a dĂ©cidĂ© de mettre en Bourse, dans un premier temps, les actions dĂ©tenues sur Centrale LaitiĂšre (Ă hauteur de 55 % par lâONA et 8,3 % par la SNI), la Cosumar (55 % ONA et 7,09 % SNI) et Lesieur (55 % ONA, 20 % SNI). Ces structures sont considĂ©rĂ©es comme les plus mĂ»res, ayant atteint leur vitesse de croisiĂšre.
Dans les faits, toutes ces ïŹliales ont, en effet, un dĂ©nominateur commun : une position confortable puisquâelles sont leaders sur leurs marchĂ©s et ont atteint un stade de « dĂ©veloppement pĂ©renne ». Autant d'arguments qui justiïŹent la dĂ©cision du futur holding d'investissement nĂ© de la fusion ONA-SNI de les autonomiser Ă travers la cession de leur contrĂŽle au marchĂ© via des offres publiques de vente ou des introductions en Bourse.
Une dĂ©marche qui se traduira sur le terrain par une ouverture accrue Ă la concurrence d'activitĂ©s stratĂ©giques comme le sucre, le lait ou encore lâhuile de table. Une « mini-rĂ©volution » qui devrait sonner le dĂ©but dâune nouvelle Ăšre pour le paysage Ă©conomique marocain, mais aussi et surtout pour le consommateur marocain. Cette opĂ©ration, qui devra ĂȘtre bouclĂ©e dans les douze prochains mois, ne sera sĂ»rement pas isolĂ©e.
Elle nâest que le prĂ©lude dâun processus qui concernera dâautres ïŹliales « matures » ou appelĂ©es Ă lâĂȘtre, telles que Attijariwafa bank, Wafa Assurances. Autant de ïŹeurons de lâĂ©conomie nationale qui ont bien de quoi sĂ©duire les investisseurs Ă©trangers et locaux. Pas de doute donc, les candidats se bousculeront bientĂŽt au portillon.
Khadija El Hassani
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Quid des autres ïŹliales ?
Trois modes dâactionnariat dans ses filiales sont dĂ©sormais prĂ©vus par le nouvel ensemble ONA-SNI. Dans sa stratĂ©gie de rĂ©organisation du portefeuille de filiales, le nouveau groupe distingue les actifs mĂ»rs Ă cĂ©der Ă court terme (cette annĂ©e ou dans les 2 Ă 3 ans Ă venir), oĂč il sera actionnaire signiïŹcatif (20 Ă 40 %) et actif dans les comitĂ©s et organes de gouvernance, mais sans exercice du contrĂŽle.
Ă cĂŽtĂ©, deux autres catĂ©gories sont dĂ©ïŹnies. La premiĂšre regroupe les actifs oĂč la nouvelle entitĂ© est co-actionnaire stratĂ©gique (20 Ă 50 %) et dont la gestion opĂ©rationnelle est conïŹĂ©e Ă un partenaire mĂ©tier de classe mondiale (Lafarge, Sonasid, Renault MarocâŠ). La seconde concerne des sociĂ©tĂ©s nâayant pas encore atteint leur maturitĂ©, soit du fait du dĂ©veloppement de nouveaux projets, soit parce quâelles sont en phase de croissance (Wana, Marjane, Onapar, NarevaâŠ). Le nouveau groupe est actionnaire unique ou majoritaire sur ces structures.
Ă premiĂšre vue, une telle rĂ©organisation laisse supposer que le nouveau groupe prĂ©fĂšre cĂ©der les entreprises qui nâont plus de potentiel de croissance important pour ne garder que celles qui, au contraire, prĂ©sentent de meilleures perspectives de dĂ©veloppement. Il sâagit en particulier des ïŹliales dĂ©diĂ©es Ă des activitĂ©s qui ont le vent en poupe comme les nouvelles technologies (Wana), les Ă©nergies renouvelables (Nareva qui se positionne dĂ©jĂ comme un futur acteur incontournable dans le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables, Ă©olienne aujourdâhui et probablement solaire demain) ou encore la grande distribution (Marjane-Acima). Des secteurs, qui aujourdâhui avec toutes les politiques sectorielles et/ou lâarrivĂ©e de nouvelles enseignes internationales (Carrefour dans la grande distribution, par exemple), sont en pleine Ă©bullition. La course au positionnement est lancĂ©e.
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