Boosté par le vent de révolte du 20-Février,  un groupe d’étudiants marocains de France investit la politique au Maroc pour la rendre digeste et accessible à tous. Leurs atouts : une détermination sans faille, des propositions et de l’enthousiasme.

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Retenez bien ce nom : l’association Capdema  – pour Cap Démocratie Maroc – car c’est peut-être d’eux que viendra, en partie, le changement. Capdema est une ONG basée en France, composée de jeunes étudiants marocains, pour la plupart inscrits à Science Po. Ils ont pris le pari de militer pour la démocratie et les droits de l’homme en tant que force de proposition.

 

Du 12 au 14 juillet, l’association a organisé son premier événement,  ne cachant pas son ambition de fédérer au Maroc aussi, afin de proposer des espaces de débat et, pourquoi pas, d’ouvrir une antenne en profitant de l’expérience des membres rentrés au pays.

L’université d’été qu’ils ont organisée à Rabat sur le thème « Penser la démocratie après le 20 février » a beau avoir été organisée avec les moyens du bord, et coordonnée depuis Paris, elle n’en a pas moins été un franc succès.

Une belle brochette d’experts et de professeurs ont répondu à l’appel de ces jeunes pour débattre autour de la démocratie, de la réforme constitutionnelle et de la jeunesse. Il fallait voir Fouad Abdelmoumni, Najib Akesbi, Omar Balafrej, Maâti Mounjib, Mustapha Bouaziz, Lahcen Daoudi et d’autres intellectuels et politiques parler à bâtons rompus avec les jeunes de Capdema  et leurs invités.

Des « vingtfévrieristes », mais aussi des « royalistes » et des curieux ont pris part aux ateliers pour étudier, par exemple, l’avenir du mouvement de contestation au Maroc. « Notre objectif principal est de profiter de la dynamique enclenchée par le 20-Février pour réfléchir. Il faut que les jeunes sortent de la rencontre avec de nouvelles idées, autrement nous aurons échoué », explique Sara Kadaoui, responsable de communication au sein de l’ONG et étudiante en deuxième année à Science Po.

Un think tank indépendant

L’aventure Capdema a commencé il y a cinq ans, quand une bande d’amis de Sciences Po Paris décide de se retrouver autour d’un café pour débattre de démocratie et d’Etat de droit. Petit à petit le groupe s’agrandit, atteint sa vitesse de croisière en 2007 quand les partis commencent à peine à remettre sur la table les réformes constitutionnelles. Le petit groupe s’élargit, organise des conférences « démocafés », puis des échanges avec des invités et devient, en 2009, une association de droit français.

Aujourd’hui, ils sont une centaine de membres, de sensibilités différentes, mais travaillent comme un think tank indépendant et engagé. A leur actif, un projet de réforme constitutionnelle en bonne et due forme (voir encadré), plusieurs conférences et actuellement une réflexion sur une loi de finances alternative.

Ils sont également actifs sur le terrain des droits de l’homme, notamment à travers le suivi des affaires de Zahra Boudkour, cette étudiante de gauche incarcérée pour son militantisme à Marrakech, et du jeune Ahmed Boukili, emprisonné puis gracié dans le cadre de la loi antiterroriste.

« Notre approche est essentiellement pédagogique. Nous voulons participer à la politisation des jeunes. C’est pour cela que nous privilégions les cadres informels où les jeunes peuvent doucement s’initier », explique Youssef Benkirane, 25 ans et déjà auteur d’une chronique publiée par le journal Le Monde.

Le regard de Capdema sur les promesses de réforme du régime marocain est critique et sans concession, notamment en ce qui concerne la Constitution. « L’esprit de cette Constitution n’est pas démocratique car elle n’a pas été participative. La campagne a été bâclée et le débat expédié en deux mois.

Si l’on voulait vraiment réconcilier les Marocains avec la politique, il aurait fallu permettre le débat sur l’espace public suffisamment longtemps pour que les gens se sentent concernés, puissent suivre les travaux de la commission sur le Net, etc. Sur le fond, la séparation des pouvoirs s’arrête au roi », explique Younès Benmoumen, président de Capdema.

Nuances et exigence

D’ailleurs, Capdema n’a pas envoyé son draft à la commission Mennouni, en raison de son refus de la méthode adoptée, mais aussi parce que l’association n’a pas eu le temps de finaliser sa copie dans les délais impartis alors qu’elle avait commencé à travailler dessus avant même le discours du 9 mars !

Capdema partage en grande partie les valeurs du mouvement du 20-Février et apporte un soutien de taille en étant une force de proposition très ouverte.  Â«â€‰J’ai remarqué que les militants actifs au Maroc ne sont pas toujours suffisamment nuancés », assène un membre de Capdema.

Les nuances ne les empêchent pas d’être exigeants et de refuser les « transitions interminables qui font rater le coche de la modernité et de la démocratie au Maroc ». Younès Benmoumen précise : « Nous avons coutume de dire que les jeunes sont l’avenir. Oui, mais il ne faut pas oublier que l’on est également le présent.

C’est pour cela que l’on débat aujourd’hui. » A la fin de la première journée de la rencontre, les jeunes de Capdema ne sont pas peu fiers : « Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est une bande de ‘‘brahech’’, de 19 à 25 ans à tout casser, qui a organisé tout cela ! », se félicite une organisatrice. Frais et engagés, on vous dit.