Laics et islamistes, le débat
Sommes-nous prĂȘts Ă sĂ©parer le religieux et le politique ? La laĂŻcitĂ© reprĂ©sente-t-elle notre planche de salut ? actuel Ă invitĂ© deux intellectuels, un laĂŻc et un islamiste, pour y voir plus clair. Arguments et contre-arguments.
Ahmed Assid, philosophe
LA SOCIĂTĂ ET LA LAĂCITĂ
Les Marocains ne demandent quâĂ ĂȘtre laĂŻcs Ceux qui estiment que la sociĂ©tĂ© nâest pas prĂȘte sont rĂ©fractaires au changement. Câest toujours lâĂ©lite qui opĂšre les bouleversements. Cela sâest vĂ©riïŹĂ© en France, oĂč les philosophes des LumiĂšres ont conduit Ă la rĂ©volution ; au Japon, oĂč lâempereur et une petite Ă©lite ont entrepris de moderniser le pays. Au Maroc, câest une Ă©lite arabo-andalouse qui a imposĂ© le modĂšle arabo-musulman. Un Ătat laĂŻque protĂšge lâislam et les croyances de tout le monde.
LES INSTITUTIONS ET LA LAĂCITĂ
Compatible avec notre systĂšme politique... La commanderie des croyants nâest pas lâapanage des seuls musulmans. Qui a toujours protĂ©gĂ© les juifs marocains ? Le sultan, amir al mouminine. Pour rĂ©ussir la transition dĂ©mocratique, il est fondamental de reconnaĂźtre la diversitĂ© religieuse. Il faut entamer une rĂ©forme constitutionnelle qui aille dans ce sens, tout en maintenant les prĂ©rogatives religieuses du roi.
... mais de toutes les maniĂšres, les politiques sont frileux La diffusion de lâidĂ©ologie wahhabite pour contrer la gauche a eu des effets dĂ©vastateurs. ConsĂ©quence : nous vivons aujourdâhui dans un Ătat Ă la fois moderne et traditionnel-religieux. Le consensus politique Ă©tabli avec un Makhzen de plus en plus puissant empĂȘche ces forces progressistes dâĂȘtre vĂ©ritablement sincĂšres. La gauche rĂ©clame la « modernitĂ© », la « dĂ©mocratie ». Mais dans le fond, il sâagit bien de revendications laĂŻques. Tant que ce statu quo durera, nous nâavancerons jamais vers la modernitĂ©.
RELIGION ET LAĂCITĂ
LaĂŻciser, ce nâest pas encourager lâathĂ©isme Câest de la dĂ©sinformation. Lâobjectif des intĂ©gristes est de manipuler la population Ă travers la religion. Câest dans cette optique quâils entretiennent lâamalgame entre la laĂŻcitĂ© et lâathĂ©isme. Un Ătat laĂŻque propose au contraire de protĂ©ger les croyances de tout le monde.
NOTRE HISTOIRE ET LA LAĂCITĂ
Nous avons toujours Ă©tĂ© laĂŻques La laĂŻcitĂ© relĂšve de notre histoire, de notre patrimoine en plus dâĂȘtre un concept universel. Il ne sâagit pas dâune valeur importĂ©e comme se plaisent Ă le dire les intĂ©gristes. Le Maroc a toujours Ă©tĂ© de tradition laĂŻque. Nos ancĂȘtres sĂ©paraient le terrestre et le divin. Les affaires politiques relevaient du conseil Ă©lu, Ă la tĂȘte duquel il y avait « lâamghar » (chef de tribu). La religion et le spirituel Ă©taient la chasse gardĂ©e du « fquih » (qui ne siĂ©geait pas au sein de la JamaĂą).
Mustapha El KhalïŹ , membre dirigeant du PJD
LA SOCIĂTĂ ET LA LAĂCITĂ
Ă lâencontre des aspirations de la sociĂ©tĂ© marocaine Câest une revendication irrĂ©aliste, qui Ă©mane dâune minoritĂ© qui va Ă lâencontre des aspirations de la sociĂ©tĂ© marocaine. La laĂŻcisation ne va pas de pair avec la dĂ©mocratisation. Il y a mĂȘme parfois contradiction entre les deux. Plusieurs exemples le prouvent : la Tunisie qui est restĂ©e un Ătat policier, la Turquie militaire dâAtatĂŒrk ou la France qui a encore peur du hijab.
Le Maroc nâest pas de facto laĂŻque Câest un vieil argument. Le Maroc nâest pas de facto un Ătat laĂŻque. Il est vrai quâil existe des contradictions dans notre sociĂ©tĂ©. Il faut lâavouer, certains prĂ©ceptes de lâislam ne sont pas respectĂ©s. La consommation de lâalcool est par exemple rĂ©pandue. Mais cela ne veut pas dire quâelle soit tolĂ©rĂ©e. Si vous demandez Ă un alcoolique quel est son rĂ©fĂ©rentiel, il vous rĂ©pondra naturellement que câest lâislam. Faire de telles lectures, câest simpliïŹer trop rapidement nos rĂ©alitĂ©s sociales. Si nous nous rĂ©fĂ©rons aux sondages dâopinion, il est clair que les Marocains rĂ©clament que la religion joue un rĂŽle dans leur vie politique et sociale.
LES INSTITUTIONS ET LA LAĂCITĂ
Incompatible avec Imarat Al Mouminine Il y a des Ătats dĂ©mocratiques oĂč la religion est trĂšs prĂ©sente. Comme le Royaume-Uni, oĂč la reine est aussi chef de lâĂglise. Le rĂ©fĂ©rentiel du Maroc est religieux. Nous sommes pour la distinction entre la sphĂšre politique et religieuse. Mais attention, nous nâappelons pas Ă une laĂŻcitĂ© light. Notre rĂ©fĂ©rence est le prophĂšte qui distinguait entre ses prĂ©rogatives religieuses et ses responsabilitĂ©s de chef dâĂtat. tout en restant ouvert au dialogue (Choura).
RELIGION ET LAĂCITĂ
LaĂŻcitĂ© et athĂ©isme, mĂȘme combat Nous ne faisons pas du tout lâamalgame entre la laĂŻcitĂ© et lâathĂ©isme. LĂ nâest pas la question. Cela Ă©tant dit, nous combattons ces deux phĂ©nomĂšnes.
NOTRE HISTOIRE ET LA LAĂCITĂ
Un concept importĂ© PrĂ©tendre cela, câest simpliïŹer et travestir lâHistoire. Oui le fquih nâintervenait pas dans les affaires de la communautĂ©, mais câest oublier le rĂŽle dâarbitrage des zaouĂŻas quand il y avait conïŹit politique. Cette interprĂ©tation erronĂ©e est basĂ©e sur les travaux biaisĂ©s de certains anthropologues orientalistes. |