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MĂ©dias  La rĂ©forme, maintenant !
actuel n°126, vendredi 27 janvier 2012
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Le nouveau ministre de la Communication promet une refonte des médias publics, le droit d’accès à l’information et une batterie de mesures. Réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué ? Voici quelques pistes de réflexion et éléments de réponses.

S’il y a une réforme sur laquelle il y a unanimité et urgence, c’est bien celle des médias. Dans les tuyaux depuis les années 2000, initiée par le ministre de la Communication, Nabil Benabdellah, puis mise entre parenthèses lors du passage de Khalid Naciri, elle semble enfin sur les bons rails à l’ère du pjdiste Mustapha El Khalfi.

 Cette urgence, le rapport 2012 de Human Rights Watch (HRW), publiĂ© le 22 janvier, la met sur un pied d’égalitĂ© avec la rĂ©forme de la justice. HRW rappelle que le 25 mars 2011, des centaines de journalistes des mĂ©dias publics ont manifestĂ© pour rĂ©clamer « davantage d’indĂ©pendance Ă©ditoriale ». HRW cloue surtout au pilori les mĂ©dias tĂ©lĂ©visuels publics. « La tĂ©lĂ©vision publique marocaine laisse peu de place Ă  la critique directe du gouvernement sur les sujets sensibles […] Les journalistes du secteur public, aussi bien que les spectateurs, se demandent si le processus de rĂ©forme enclenchĂ© par le roi se traduira par une dĂ©cision d’ouvrir l’audiovisuel Ă  des programmes plus vivants, plus provocateurs, et Ă  des dĂ©bats sur les sujets dĂ©cisifs. »

 Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, ne s’y est pas trompĂ© en rendant d’abord visite aux journalistes des chaĂ®nes publiques et de l’agence Maghreb Arab Press (MAP). Dans la dĂ©claration gouvernementale, le nouvel exĂ©cutif ambitionne de « dĂ©mocratiser » les mĂ©dias et de « revoir le cahier des charges des chaĂ®nes, diversifier l’offre Ă  travers la crĂ©ation de nouvelles chaĂ®nes, garantir le droit d’accès Ă  l’information, revoir le code de la presse, mettre en place la justice des pairs et garantir les droits sociaux… »

 Ce listing de mesures n’est pas nouveau, mais sa mise en Ĺ“uvre s’est toujours heurtĂ©e au manque de volontĂ© politique. Aujourd’hui, la pression de la rue, le vent de rĂ©forme et l’arrivĂ© du PJD au gouvernement redonnent espoir. Et il y a au moins trois niveaux que devrait concerner la rĂ©forme.

 

MĂ©dias audiovisuels publics

De l’indépendance et des chaînes privées

La télévision marocaine n’est pas affranchie du contrôle politique et cela est aisément vérifiable. Un seul exemple peut le démontrer : à l’heure où la presse écrite a suivi les manifestations du 20-Février tout au long de l’année, la télévision publique a paru hésitante.

 Elle en a parlĂ© Ă  certaines occasions, allant mĂŞme jusqu’à inviter des leaders du mouvement Ă  s’exprimer, tandis qu’à d’autres moments, elle a omis de traiter ces informations ou les a abordĂ©es sous un angle « orienté », dĂ©nonce le M20. A tel point que des journalistes de 2M ont, par exemple, Ă©tĂ© chassĂ©s des manifestations Ă  cause de ce parti-pris.

 Mohamed El Wafy, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du syndicat de 2M affiliĂ© Ă  l’UMT, explique le malaise : « La rĂ©daction n’est pas souveraine. Parfois, la hiĂ©rarchie de l’information ou le contenu des sujets sont changĂ©s quelques minutes avant la prise d’antenne.

 Des Ă©vĂ©nements majeurs sont partiellement ou pas du tout couverts, Ă  l’image de la contestation sociale. » Le syndicat demande en plus de la « dĂ©mocratisation de la ligne Ă©ditoriale », « l’ouverture au pluralisme politique, culturel et social, l’instauration d’un conseil de la rĂ©daction qui travaille de manière professionnelle ».

 Ces exigences sont les mĂŞmes pour la première chaĂ®ne. La problĂ©matique du pluralisme est compliquĂ©e dans le cas de 2M Ă  cause de la dĂ©pendance envers la publicitĂ©, première et principale source de revenus pour la chaĂ®ne, contrairement Ă  Al Oula qui vit essentiellement des subventions. Dès lors, il devient injuste de demander Ă  la chaĂ®ne d’assurer un service public et de contenter les annonceurs, lesquels ont besoin de programmes de divertissements pour attirer les tĂ©lĂ©spectateurs.

 Afin d’assurer le pluralisme, il devient urgent de rationnaliser les subventions, mais aussi de libĂ©raliser le secteur des tĂ©lĂ©visions. C’est ce que rĂ©clame Younès Boumehdi, patron de Hit Radio, qui avait soumissionnĂ© sans succès pour une licence de tĂ©lĂ©vision. « En 2015, le Maroc basculera vers la tĂ©lĂ©vision numĂ©rique et il faudra du contenu », explique-t-il. La loi est donc condamnĂ©e Ă  Ă©voluer ne serait-ce que pour cela, mais aussi pour permettre une bouffĂ©e d’air frais et la professionnalisation du secteur.

 La loi rĂ©gissant l’audiovisuel doit aussi changer, ainsi que les statuts de la Haca, haute autoritĂ© de la communication audiovisuelle. De plus, « au Maroc il n’existe aucun cadre lĂ©gal encadrant la crĂ©ation d’une web TV ou d’une web radio », critique Younès Boumehdi qui fustige l’absence de rĂ©flexion sur les nouvelles technologies. L’initiative Daba TV s’est, par exemple, heurtĂ©e Ă  ces problèmes en se voyant contrainte d’arrĂŞter de produire du contenu vidĂ©o Ă  cause de l’absence d’autorisation de tournage.

 

Presse Ă©crite

Rachid Niny doit ĂŞtre le dernier

Les réformes entamées en 2011 sont entachées par la présence d’un détenu d’opinion des plus gênant : le journaliste Rachid Niny. Condamné en mai dernier à un an de prison, l’ex-directeur d’Al Massae fait les frais du code de la presse qui maintient les peines privatives de liberté, et du fait qu’un journaliste marocain peut être condamné par le code pénal pour un délit d’opinion.

 Les journalistes de la presse Ă©crite rĂ©clament, depuis des annĂ©es, un nouveau code de la presse qui supprime les peines de prison, les crimes de lèse-majestĂ© et d’insulte Ă  fonctionnaire. Ils appellent Ă  la mise en place de la justice des pairs et de juridictions spĂ©cialisĂ©es pour Ă©viter les amendes disproportionnĂ©es et les procès politiques.

 Le prĂ©sident du Syndicat des journalistes marocains, Redouane El Hafiani, appelle Ă©galement Ă  la concrĂ©tisation du droit d’accès Ă  l’information et de la protection des sources. « Il faut aussi distinguer par la loi ce qui relève du confidentiel ou pas, et garantir l’indĂ©pendance du journaliste qui fait souvent les frais de lignes Ă©ditoriales volontairement floues.

 On peut imaginer par exemple le conditionnement des aides par cette clartĂ© et l’élection d’un comitĂ© Ă©ditorial au sein des journaux », propose Redouane El Hafiani qui espère qu’ainsi la presse jouera pleinement son rĂ´le de contre-pouvoir. Pour cela, il faudrait Ă©galement amĂ©liorer les conditions de travail, garantir des droits sociaux aux journalistes et lutter ainsi contre leur prĂ©carisation. « Il faut revoir la convention cadre, le Smig journalistique, l’aide au logement par exemple. Il faut aussi faire respecter les droits Ă  45 jours de congĂ©s annuels, le droit Ă  la formation, etc. », poursuit-il.

 

MĂ©dias sur Internet

Pas encore reconnus

Febrayer.com, Goud.ma, Lakome.com, Yabiladi.com, Hespress.com… Ces dernières années ont vu l’éclosion de plusieurs sites d’actualités qui se trouvent aujourd’hui en dehors de toute législation.

 Les portails d’information jouissent d’une grande marge de libertĂ© mais font aussi les frais de la dĂ©sorganisation, de la prĂ©caritĂ©, de l’absence d’aides et de la raretĂ© des revenus publicitaires. Comment prĂ©server ces marges de libertĂ© tout en rĂ©pondant Ă  la nĂ©cessaire organisation du secteur ? Ahmed Najim, fondateur de Goud.ma, prĂ©conise d’appliquer les mĂŞmes droits et devoirs qu’à la presse Ă©crite. Mais après la dĂ©mocratisation des lois bien sĂ»r ! « L’Etat ne reconnaĂ®t pas la presse Ă©lectronique. La seule fois oĂą il l’a fait, c’était pour dĂ©livrer un message nĂ©gatif : ma convocation au commissariat pour la publication d’un sondage (les sondages ont Ă©tĂ© interdits pendant la pĂ©riode de la campagne Ă©lectorale, ndlr). »

 Ahmed Najim accuse l’Etat de favoriser la dĂ©sorganisation en ignorant ces mĂ©dias qui commencent Ă  avoir un lectorat beaucoup plus important que celui de la presse traditionnelle. Hespress est ainsi le septième site en termes de visites au Maroc, selon l’outil de mesure d’audience Alexia, et cumule plus de 100 000  visiteurs uniques par jour.

 Le fondateur de Goud espère que la presse Ă©lectronique bĂ©nĂ©ficiera Ă©galement des aides publiques, surtout que les revenus publicitaires ne sont pas pour l’heure dĂ©veloppĂ©s. L’espoir est grand de voir se professionnaliser davantage un secteur qui participe du nouveau visage mĂ©diatique.

Zakaria Choukrallah

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