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RĂ©fugiĂ©s:  Le dĂ©sarroi des rapatriĂ©s de Libye
actuel n°118, vendredi 25 novembre 2011
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Ils ont Ă©chappĂ© Ă  l‘horreur de la guerre. Mais depuis leur retour au pays, les rapatriĂ©s de Libye peinent Ă  se reconstruire. Déçus par le manque d’assistance et de soutien des autoritĂ©s, beaucoup envisagent dĂ©jĂ  de repartir. Or la stabilitĂ© dans ce pays en reconstruction est loin d’ĂȘtre garantie. TĂ©moignages.


***

Repartir. PrĂšs de huit mois aprĂšs son retour au pays, Mohamed n’a que cette idĂ©e en tĂȘte. « Je vais retourner en Libye, mĂȘme si les choses s’annoncent difficiles. Je sais que je vais devoir attendre pour obtenir un visa. Je patienterai le temps qu’il faudra. Mais c’est une certitude, je repartirai », affirme-t-il avec conviction.

AgĂ© de 40 ans, pĂšre d’un petit garçon, cet ancien employĂ© d’une sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine a passĂ© plus de dix ans dans ce pays avant d’ĂȘtre contraint de fuir lorsque la guerre a Ă©clatĂ© le 15 fĂ©vrier dernier. Aujourd’hui, malgrĂ© toute sa dĂ©termination, Mohamed Ă©prouve des difficultĂ©s Ă  refaire sa vie dans son pays natal. « Je n’ai pas rĂ©ussi Ă  trouver un emploi. Je traverse une vĂ©ritable galĂšre », tĂ©moigne t-il.

Une réinsertion trÚs difficile

Comme lui, prĂšs de 18 000 Marocains ont Ă©tĂ© rapatriĂ©s par le ministĂšre chargĂ© de la CommunautĂ© marocaine rĂ©sidant Ă  l’étranger, au dĂ©but du mois de mars, alors que 2 000 autres sont revenus au pays par leurs propres moyens avant le dĂ©clenchement de l’opĂ©ration militaire de l’OTAN.

GĂ©rant d’un petit cafĂ© durant 14 ans Ă  Misrata, Abderrahim a Ă©tĂ© contraint, lui aussi, de quitter la Libye Ă  la hĂąte. Le retour au pays de cet homme de 42 ans est teintĂ© de dĂ©ception. « Je suis revenu au Maroc pour y trouver protection et paix. Mais en dĂ©finitive, c’est la misĂšre et le chĂŽmage qui m’attendaient. Je dois dĂ©sormais mener une autre guerre pour survivre. J’ai vraiment l’impression d’ĂȘtre devenu un Ă©tranger dans mon propre pays. »

Dans sa fuite, il n’a pas pris grand-chose. Juste une valise et rien d’autre. Il n’a pas pu rĂ©cupĂ©rer ses Ă©conomies car, dans le chaos gĂ©nĂ©ral, les portes des banques sont restĂ©es closes. AprĂšs avoir gagnĂ© la Tunisie par ses propres moyens, il a pu avec soulagement monter Ă  bord d’un avion affrĂ©tĂ© par le gouvernement.

« C’est dur de laisser 14 ans d’une vie derriĂšre soi. Mais j’étais vivant et convaincu que j’allais rebondir », martĂšle-t-il. Si l’accueil fut chaleureux lors de son arrivĂ©e Ă  l’aĂ©roport de Casablanca – il y avait lĂ  nombre d’officiels et de journalistes –, sa condition est rapidement tombĂ©e dans l’oubli.

Aujourd’hui, il se dit déçu par le sort qui lui a Ă©tĂ© rĂ©servĂ© aprĂšs son retour de Libye et dĂ©plore l’absence d’un soutien qui aurait pu lui permettre de se rĂ©insĂ©rer. « Nous sommes dans une prĂ©caritĂ© absolue. Nous avons fui une guerre. Nous demandons seulement de l’aide afin de vivre dignement et de pouvoir recommencer quelque chose, rien d’autre. Mais visiblement personne ne nous a entendus. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé », confie-t-il.

 

Une demande d’aide toujours en attente

Regroupés au sein de la Coordination nationale de soutien des Marocains de Libye, Abderrahim et les autres rapatriés ont haussé le ton à de nombreuses reprises pour se faire entendre par les autorités.

Des manifestations ont Ă©tĂ© organisĂ©es devant les wilayas de plusieurs provinces du pays. Certains rapatriĂ©s ont mĂȘme campĂ© durant plusieurs semaines Ă  Rabat devant le ministĂšre chargĂ© de la CommunautĂ© marocaine rĂ©sidant Ă  l’étranger. En vain. « D’annexe en ministĂšre, chacun s’est renvoyĂ© la balle. Aucun officiel n’a Ă©tĂ© en mesure de nous venir en aide. Aucune proposition ne nous a Ă©tĂ© faite », explique-t-il.

La dĂ©ception de Abderrahim se lit sur son visage. Il dĂ©nonce les atermoiements des autoritĂ©s. « Peu avant notre prise en charge et notre rapatriement, des fonctionnaires de l’Etat nous ont promis une indemnitĂ© de 20 000 Ă  40 000 dirhams ainsi que des logements sociaux pour nous aider Ă   recommencer une vie au Maroc. Mais nous n’avons rien obtenu de tout cela. Notre survie, on la doit Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© de nos familles ou Ă  la solidaritĂ© des habitants », ajoute-t-il avec amertume.

AgĂ©e de 54 ans, Fatima a vĂ©cu la mĂȘme mĂ©saventure. Cette ancienne femme de mĂ©nage  a vĂ©cu plus de dix ans Ă  Tripoli. Elle comptait refaire sa vie dans son pays natal. Mais aujourd’hui, elle peine Ă  contenir son exaspĂ©ration, et ses bagages sont dĂ©jĂ  prĂȘts. Fatima veut repartir dĂšs que possible.

« Je n’en peux plus. C‘est difficile de solliciter continuellement l’aide des autres. Je n’ai pas d’emploi et aucun revenu. Je voudrais tellement pouvoir retrouver ma vie d’avant. Une vie dĂ©cente », confie-t-elle.

Les autorités affirment avoir fait le nécessaire

Pour les autoritĂ©s, tout a Ă©tĂ© fait dans les rĂšgles. Une cellule a Ă©tĂ© mise en place pour gĂ©rer le retour des rapatriĂ©s dĂšs le dĂ©but de la guerre civile et de nombreux blessĂ©s ont Ă©tĂ© pris en charge dans les hĂŽpitaux de la capitale. Selon le reprĂ©sentant des affaires sociales de cette cellule, JaĂąfar Debbar, l’Etat a bien rempli son rĂŽle. « Les obligations qui nous incombent ont Ă©tĂ© assurĂ©es.

A savoir, l’obligation de protĂ©ger la vie des Marocains rĂ©sidant en Libye et le rapatriement de ceux qui souhaitaient revenir au pays. Nous avons Ă©galement procĂ©dĂ© Ă  l’insertion Ă©ducative des enfants. De plus, les blessĂ©s ont pu bĂ©nĂ©ficier d’une assistance mĂ©dicale, et un accord conclu avec la sociĂ©tĂ© El Omrane  permet aux rapatriĂ©s d’accĂ©der Ă  des logements sociaux.

Pour ce qui est du domaine de l’emploi, il nous est difficile d’intervenir sur ce point car il faut savoir que la plupart de ces rapatriĂ©s sont des ouvriers. Concernant les indemnitĂ©s, tout cela n’est qu’une rumeur. L’Etat n’a jamais pris d’engagement dans ce domaine. Rendez-vous compte ! Si c’était vraiment le cas, les 160 000 Marocains rĂ©sidant en Libye seraient tous revenus ! », argumente-t-il.

L’attente du dĂ©part des rapatriĂ©s de Libye sera peut-ĂȘtre moins longue que prĂ©vue. Suspendus durant prĂšs de huit mois, les vols entre Casablanca et Tripoli ont repris le 21 novembre. Et selon un fonctionnaire du consulat libyen, des accords entre l’Etat marocain et le Conseil national de transition, visant Ă  faciliter le transit des rapatriĂ©s, sont en cours de discussion.

L’impatience gagne dĂ©jĂ  les rapatriĂ©s, comme le prouve la file d’attente quotidienne devant le consulat de Libye Ă  Rabat. Certains ont mĂȘme pris leurs propres dispositions afin de regagner leur pays d’accueil, comme l’explique Ali, rapatriĂ© et candidat au dĂ©part lui aussi.

« Plusieurs rapatriĂ©s sont dĂ©jĂ  repartis il y a quelques jours. Ils ont embarquĂ© pour Tunis et, aujourd’hui, ils attendent un laissez-passer au poste frontiĂšre de Ras Jdir. D’autres sont toujours coincĂ©s Ă  l’aĂ©roport de Carthage. Mieux vaut parfois compter sur soi-mĂȘme », conclut Ali avec dĂ©pit.

Hasna Belmekki

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