Sur Internet (www.charteenvironnement.ma), tous les Marocains peuvent participer aux dĂ©bats sur la future Charte de lâenvironnement. Voici des contributions supplĂ©mentaires : « actuel » a demandĂ© Ă dix personnalitĂ©s ce quâil faudrait faire pour vivre dans un Maroc plus vertâŠ
La Charte de lâenvironnement sera dĂ©mocratique ou ne sera pas. Ainsi en ont dĂ©cidĂ©, et câest tant mieux, ses chevilles ouvriĂšres. Par les larges dĂ©bats prĂ©vus Ă lâĂ©chelle rĂ©gionale et les concertations en cours avec les ONG travaillant dans ce domaine, ce projet de vĂ©ritable constitution dâun Maroc respectueux de lâenvironnement se veut consensuel, mais aussi engageant.
Mieux vaut tard que jamais, la parole est libĂ©rĂ©e. Ce qui relevait du fatalisme se traduit par des soucis et inquiĂ©tudes concrĂštes. Il aura pour cela fallu un discours royal (du TrĂŽne), des directives claires et prĂ©cises. Une dynamique est lancĂ©e, sans garanties de vĂ©ritables changements, Ă moins dâune rĂ©volution dans les mentalitĂ©s. Ce quâil faut, pour le moment, croire.
Le dĂ©bat a le mĂ©rite de faire sâinterroger citoyens lambda comme acteurs politiques, Ă©conomiques et sociaux sur les chances de rĂ©ussite dâun programme qui aura force de loi. Chacun y va de ses idĂ©es dâaujourdâhui et des prioritĂ©s de demain. En attendant que le projet prenne forme, actuel sâinvite aux dĂ©bats, en interpellant nombre de personnalitĂ©s, plus ou moins engagĂ©es dans la prĂ©servation de lâenvironnement, mais ayant toutes leur mot Ă dire.
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Nouzha Skalli, Ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité
Une affaire de comportement.
La question de la gestion de lâeau est trĂšs importante, mais aussi la question plus large de la gestion collective des ressources et richesses qui nĂ©cessite quelques ajustements. Cette approche permettrait dâenvisager une gestion plus durable, plus juste, plus solidaire, de nos ressources. LâĂ©cologie, la prĂ©servation de notre environnement, sont pour moi intimement liĂ©es au dĂ©veloppement humain. DerniĂšrement, des dĂ©cisions stratĂ©giques importantes ont Ă©tĂ© prises, notamment en ce qui concerne lâĂ©nergie renouvelable. Mais câest surtout la concertation sur la charte environnementale qui me rend optimiste : une concertation implique une large mobilisation. Or, les dĂ©cisions gouvernementales ne sont pas sufïŹsantes, il faut impliquer les collectivitĂ©s territoriales, changer les comportements collectifs et individuels.
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Abdelhamid Amine, Vice-prĂ©sident de lâAMDH
Lâenvironnement, un droit de lâHomme
Le droit Ă un environnement sain est trĂšs important : sa dĂ©gradation est une atteinte aux droits humains. Ce nâest pas un problĂšme de deuxiĂšme catĂ©gorie, qui ne concernerait que les intellectuels. Si, Ă lâAMDH, on a dâabord fait cette erreur, on lâa rectiïŹĂ© il y a deux ou trois ans, en crĂ©ant une commission chargĂ©e de travailler sur le sujet. La prioritĂ©, câest de mieux gĂ©rer et de prĂ©server les forĂȘts. Si on continue Ă agir comme on le fait actuellement, on vivra bientĂŽt dans un pays dĂ©sertique. Nâoublions pas que le Maroc Ă©tait lâun des premiers Ă ratiïŹer les conventions sur lâenvironnement ! (Le Maroc a signĂ© la Convention Cadre sur les changements climatiques au Sommet de Rio en 1992, et lâa ratiïŹĂ©e le 28 dĂ©cembre 1995. Le pays a Ă©galement ratiïŹĂ© le Protocole de Kyoto le 25 janvier 2002, entre autres, ndlr).
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Lahcen Daoudi, Parlementaire PJD
Halte au gaspillage
Le problĂšme le plus pressant, câest lâĂ©puisement et la pollution des nappes phrĂ©atiques. Câest un problĂšme capital au Maroc. Il faut rĂ©agir rapidement. LâĂ©cologie, câest dâabord lâanti-gaspillage. Or, le consumĂ©risme rĂ©git notre sociĂ©tĂ© : acheter une grosse voiture, construire une plus grande villa que le voisin⊠Le mode de vie de lâadministration (gouvernement) est un indicateur : pourquoi les fonctionnaires de Rabat nâutilisent-ils pas des voitures Ă©lectriques ? Il faut montrer lâexemple, passer aux actes. Pour un musulman, la nature est une crĂ©ation divine que lâon doit respecter.
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Driss Jaydane, Ă©crivain.
Les actions contre les effets de comâ
Pour moi, la prioritĂ©, câest la pollution de lâair dans les villes et son cortĂšge de consĂ©quences sur la santĂ©. Il y a des mesures Ă prendre rapidement, comme installer des dispositifs (pots catalytiques) sur les pots dâĂ©chappement des voitures et limiter la pollution des industries. Surtout Ă Casablanca, oĂč la pollution est galopante, ce qui a de graves consĂ©quences, notamment sur la santĂ© des enfants : ils dĂ©veloppent des maladies respiratoires. Il en est de lâĂ©cologie comme il en est de toutes les prĂ©occupations au Maroc : on fait des discours. Certes, il y a des militants sincĂšres, des ONG qui font du bon boulot, des universitaires et des chercheurs qui tirent la sonnette dâalarme depuis des annĂ©es. Mais quand les politiques sâemparent du problĂšme, câest une maniĂšre de faire de la diplomatie opportuniste pour sâinscrire dans le discours des nations⊠Une vaste hypocrisie pour moi. Câest de la comâ.
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Nadia Yassine, Al Adl Wal Ihsane
Raviver une « tradition islamique »
Je pense que la lutte contre la pollution avec un grand P, devrait ĂȘtre notre prioritĂ©. Notamment la pollution chimique et industrielle. Les lois sont trop laxistes, et elles ne sont pas appliquĂ©es, Ă cause de la corruption et du laisser-aller ambiants⊠Dans lâabsolu, ce qui se fait en ce moment, câest bien : mais pourquoi faut-il toujours attendre que la France fasse quelque chose pour quâensuite on la singe ? Alors que la protection de lâenvironnement appartient Ă la tradition islamique. JâespĂšre dâailleurs que cette nouvelle attitude nâest pas juste une mode, mais une prise de conscience durable.
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RĂ©da Allali, musicien, chroniqueur
Faire comme chez soi⊠partout
Il faut commencer par Ă©duquer les gens, pour quâils aient le rĂ©ïŹexe de ne pas salir autour dâeux : le degrĂ© zĂ©ro de lâĂ©cologie ! DĂšs quâon met le nez dehors, on voit des ordures, des poubelles, on est confrontĂ© quotidiennement Ă la pollution. Tous ces plastiques noirs qui sâamoncĂšlent, qui volent, mĂȘme dans le dĂ©sert⊠Câest un problĂšme quâon ne peut pas ignorer. Comme tout le monde, je pense que les politiques actuelles sont insufïŹsantes. Au Maroc, il ne faut pas se voiler la face, on est en retard sur les autres pays en matiĂšre de lutte contre la dĂ©gradation de lâenvironnement : on en est Ă essayer dâempĂȘcher les gens de balancer des ordures par la fenĂȘtre de leur voiture ! Dâailleurs, câest aussi une question politique, un problĂšme de dĂ©mocratie. Si le Marocain ne respecte pas lâespace public, câest parce quâil ne sây sent pas chez lui. Les Marocains ne considĂšrent pas que la rue leur appartienne. Pendant longtemps, on a dit aux gens : « Occupe-toi de chez toi, de ta maison. » Dâailleurs dans lâinconscient collectif au Maroc, la rue est sale. Câest un paradoxe : nos rues sont sales, alors que nos maisons, quel que soit le niveau social des occupants, sont propres.
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Nabil Ayouch, cinéaste et acteur économique et social
Fédérer tous les citoyens
En qualitĂ© de citoyen et de Casablancais je subis de plein fouet les mĂ©faits de la pollution. Et en tant que membre du conseil dâadministration de la Fondation Mohammed VI pour lâenvironnement, je suis interpellĂ© Ă plus dâun titre par cette problĂ©matique. La prioritĂ© Ă mon avis en matiĂšre de sauvegarde de lâenvironnement est de fĂ©dĂ©rer tous les citoyens et forces vives du pays autour de projets concrets. Ceux relatifs aux Ă©nergies renouvelables en premier. Avec le travail amorcĂ© au niveau du solaire, nous avons une bonne base pour servir de rĂ©fĂ©rence en la matiĂšre. Il faut Ă©galement quâon en arrive Ă ce que chacun admette et assume ses responsabilitĂ©s individuelles et agisse au sein dâun programme comme la Charte de lâenvironnement, une excellente initiative dont les initiateurs ont eu lâintelligence dâimpliquer tous les Marocains. Reste Ă peauïŹner la mĂ©thode en Ă©tant plus Ă lâĂ©coute de la sociĂ©tĂ© civile. Dâautant que, face Ă la pudeur, voire la lĂ©gĂšretĂ© avec laquelle les pouvoirs publics ont traitĂ© la problĂ©matique dans le passĂ©, câest celle-ci qui a comblĂ© le vide. PoussĂ© par une ferme volontĂ© du chef dâEtat, le Maroc sâest dĂ©couvert une vocation. A nous dâen faire un terrain dâexcellence.
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Fouad Abdelmoumni, homme dâaffaires et militant associatif
Reconnaßtre les erreurs passées
Jâavoue que ma conscience Ă©cologiste ne dĂ©passe guĂšre celle de mes faits et gestes quotidiens et ma responsabilitĂ© personnelle quant Ă la non-dĂ©gradation de lâenvironnement. Mais je sais que je suis le citoyen dâun pays aride oĂč ni les conditions de vie, ni les mĂ©thodes de gouvernance ne favorisent un dĂ©veloppement durable. Les enjeux Ă©cologiques restent extrĂȘmement minorĂ©s. Et le pays tarde Ă reconnaĂźtre que les orientations dâantan, voulant que le Maroc soit un pays agricole, sont erronĂ©es. Tout comme le discours des Ă©lites, stipulant quâil faut Ă tout prix ïŹ xer les « campagnards », est surannĂ©, irrĂ©alisable. Nous sommes dans une logique de saupoudrage, loin de toute organisation et rationalitĂ© Ă mĂȘme de nous inscrire dans un dĂ©veloppement durable dont notre Ă©conomie et notre environnement sortiraient gagnants.
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Ghita El Khayat, psychiatre
LâĂ©cologie, dĂšs la maternelle
Ă mon avis, les Marocains ne sont pas assez citoyens. LâĂ©ducation Ă lâenvironnement est inexistante. Câest la qualitĂ© de notre citoyennetĂ© quâil faudra dâabord dĂ©velopper et dĂšs la maternelle. Câest cela qui empĂȘchera des personnes Ă bord de voitures de luxe de jeter des canettes et autres mouchoirs de leurs fenĂȘtres. Câest cela qui fera que la propretĂ© ne sâarrĂȘtera pas une fois passĂ© le seuil de nos maisons. Pour Casablanca, la prioritĂ© reste le dĂ©veloppement des espaces verts et le renouvellement des transports en commun, vĂ©tustes et polluants. Le ramassage des ordures ne tient pas compte de la dimension Ă©cologique, notamment en matiĂšre de rĂ©cupĂ©ration. Mais lĂ oĂč il y a le plus de travail Ă faire, câest sur les mentalitĂ©s et cette prĂ©cieuse et rare notion de convivialitĂ© dans la ville.
Amanda Chapon et Tariq Qattab
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