Alors que le texte a Ă©tĂ© adoptĂ© au Parlement, 58 syndicats de transporteurs remontent au crĂ©neau contre le projet de code et annoncent une grĂšve le 8 fĂ©vrier⊠Au risque de susciter lâire dâautres opĂ©rateurs du transport.
Dâaucuns croyaient le dĂ©bat sur le nouveau code de la route clos. Les grandes polĂ©miques ayant pris ïŹ n avec la rĂ©cente adoption du projet de loi par les deux Chambres du Parlement. CâĂ©tait compter sans le poids des rĂ©fractaires qui remettent sur la table les dispositions dâun texte qui nâen ïŹ nit pas de susciter la contestation.
Dernier fait en date, lâappel Ă la grĂšve lancĂ© par un collectif de 58 syndicats et organisations de professionnels du transport, reprĂ©sentant essentiellement les chauffeurs de taxis, de bus et les camionneurs. Le dĂ©brayage devra avoir lieu le 8 fĂ©vrier pour une durĂ©e de 24 heures, « reconductibles », prĂ©cise lâune des tĂȘtes de pont du mouvement, Mohamed Mahdi, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUnion des syndicats professionnels du transport au Maroc. Les grĂ©vistes entendent ainsi faire pression contre un texte qui est pourtant dans la derniĂšre ligne droite avant sa promulgation. Il ne reste plus que sa publication au Bulletin ofïŹciel pour quâil devienne exĂ©cutoire.
Pour faire barrage, les contestataires brandissent la menace de porter lâaffaire devant le Conseil constitutionnel. Mohamed Mahdi a cependant du mal Ă soutenir une telle option, le texte ne prĂ©sentant au premier abord aucune disposition qui serait jugĂ©e anticonstitutionnelle. « Câest Ă lâĂ©tude », se contente-t-il de nous dire sur ce volet. « Du moment que la loi est en parfaite inadĂ©quation avec la rĂ©alitĂ© du pays et, surtout, avec le pouvoir dâachat des Marocains, pourquoi sâest-on acharnĂ© Ă la faire adopter ? »
Et de pointer du doigt les dispositions qui fĂąchent toujours. Ă commencer par les peines dâemprisonnement stipulĂ©es contre lâauteur dâun accident mortel ou ayant entraĂźnĂ© une blessure grave. Ă cela sâajoutent les amendes jugĂ©es lourdes dans certains cas (voir encadrĂ©). « Et que dire du retrait du permis de conduire pendant six mois quant un conducteur a Ă©puisĂ© ses trente points. A-t-on rĂ©ïŹĂ©chi au sort de ce dernier et celui de sa famille pendant cette pĂ©riode », renchĂ©rit le syndicaliste.
Ăpres et (inutiles ?) nĂ©gociations
Si lâargumentaire paraĂźt soutenable, il a un air de dĂ©jĂ vu. Il fait Ă©galement ïŹ dâun Ă©lĂ©ment important, Ă©rigĂ© en contre-argument par le ministĂšre de lâĂquipement et du Transport, qui sâest refusĂ© de commenter lâannonce de la grĂšve Ă lâheure oĂč nous mettions sous presse : celui quâune loi est censĂ©e ĂȘtre dissuasive et que le dispositif en place, pour dur quâil puisse ĂȘtre, est Ă©laborĂ© pour mettre ïŹn aux infractions sans parler des dĂ©gĂąts matĂ©riels et pertes humaines quâelles entraĂźnent.
Certains opĂ©rateurs ont fait leur cette thĂšse. Parmi eux, la puissante FĂ©dĂ©ration du transport, affiliĂ©e Ă la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale des entreprises du Maroc (CGEM), et celle-lĂ mĂȘme dont le ministre de tutelle sâĂ©tait attirĂ© les faveurs Ă la suite dâĂąpres, mais ïŹnalement salvatrices, nĂ©gociations avec les professionnels du secteur. Celles-ci se sont dĂ©roulĂ©es tout au long de lâannĂ©e 2009 et ont servi de prĂ©lude Ă lâadoption du texte, par la chambre des Conseillers, mardi 5 janvier. Que la premiĂšre Chambre suive relevait de la simple formalitĂ©.
Et câest ce qui sâest produit lundi 18 du mĂȘme mois. PrĂ©sidĂ©e par Abdelilah Hifdi (voir entretien), la fĂ©dĂ©ration prĂ©citĂ©e, qui regroupe 16 organisations nationales de transport et de logistique aux plans urbain, national et international, de personnes et de marchandises, invoque dĂ©sormais lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral pour expliquer sa dĂ©cision de soutenir le projet. « Dâautant que le dĂ©partement de tutelle a pris en considĂ©ration les dolĂ©ances des syndicats et organisations les plus reprĂ©sentatives du secteur. Et le dialogue est engagĂ© depuis dĂ©jĂ trois ans. »
« Dâabord respectons la loi ! »
« Cette grĂšve nâest autre quâune perte dâĂ©nergie qui risque en plus de porter atteinte aux citoyens », rĂ©sume Larbi Ziati, professeur universitaire, spĂ©cialisĂ© en Ă©conomie du transport. Un intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral que sâapproprient les grĂ©vistes. « Avant dâen arriver Ă un texte qui rappelle Ă©trangement celui de la France, le ministĂšre aurait dĂ» sâatteler Ă cette grave problĂ©matique quâest lâinfrastructure routiĂšre. Il nây a quâĂ voir le nombre dâaccidents de voitures provoquĂ©s Ă cause du tunnel de Brahim Roudani Ă Casablanca pour comprendre que les drames enregistrĂ©s sur nos routes ne sont pas le simple fait des conducteurs.
Faisons dâabord respecter la loi et changeons-lĂ quand les conditions matĂ©rielles et de vie pour les professionnels seront rĂ©unies », martĂšle encore le syndicaliste. Les enjeux politiques ne sont jamais loin. Mahdi se demande pourquoi partis et acteurs politiques Ă©taient tous contre le projet en 2009, peu avant les Ă©lections communales, avec les blocages Ă rĂ©pĂ©tition dont le code a fait lâobjet dans lâhĂ©micycle, et ce qui a pu changer entre temps. « Alors quâau fond, la mouture de texte nâa Ă©tĂ© que lĂ©gĂšrement modiïŹĂ©e. Jâen conclus quâun secteur Ă©conomique tout entier et des centaines de milliers dâemplois nâĂ©taient pour certains quâun prĂ©texte Ă©lectoraliste », dit-il.
En attendant, ce sont les Marocains, dont les dĂ©placements et les biens de consommations dĂ©pendent essentiellement des transporteurs, qui vont trinquer. Le triste souvenir de la grĂšve de neuf jours observĂ©e en 2009 et qui a totalement bloquĂ© lâĂ©conomie du pays, risque dâĂȘtre encore ravivĂ©.
Tarik Qattab |