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Internet Peut mieux faire!
actuel n°33, samedi 6 février 2010
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Le pays est encore trĂšs en retard sur le registre de l’e-gouvernement. Cependant, un plan ambitieux devrait rĂ©volutionner les TIC Ă  l’horizon 2013. Pourquoi sommes-nous donc Ă  la traĂźne ? actuel fait le point.

LES MOINS

E-GOUVERNEMENT Pourquoi ça bloque

Tout d’abord, un chiffre qui refroidit : le Maroc est classĂ© 126Ăšme sur 192Ăšme pays dans le dernier rapport 2010 UN Global E-Government Readiness Survey, devancĂ© par la Tunisie (66Ăšme), Oman (82Ăšme), l’Égypte (86Ăšme) et mĂȘme
 la Libye (114Ăšme)! Ce rĂ©sultat est loin d’ĂȘtre anodin, car il s’agit du classement de rĂ©fĂ©rence Ă©tabli par les Nations unies et ïŹgurant parmi les prioritĂ©s du plan Maroc Numeric 2013.

Qu’est-ce qui cloche ? MalgrĂ© tous les efforts dĂ©ployĂ©s par le Royaume pour booster l’administration en ligne, cette derniĂšre accuse un retard inadmissible, Ă  part dans certains secteurs pionniers (sĂ©curitĂ© sociale, douane, justice). Pour une fois, le gouvernement ne balaie pas du revers de la main ce rĂ©sultat. L’Agence nationale de la rĂ©glementation des tĂ©lĂ©communications (ANRT) le reconnaĂźt : le Maroc est Ă  la traĂźne comparĂ© Ă  des pays comme la Jordanie, la Bulgarie ou l’üle Maurice. Le dĂ©partement de Ahmed RĂ©da Chami en est conscient Ă©galement et parle d’une « situation contrastĂ©e » dans le secteur des technologies de l’information, et notamment dans la mise en place du e-gouvernement. La corruption endĂ©mique et le manque de transparence sont les principaux freins. « Se mettre sur Internet, c’est accepter la critique. Les organismes publics, et a fortiori les partis politiques, ne sont pas encore prĂȘts au dĂ©bat », assĂšne le sociologue Jamal Khalil. Cela Ă©tant, il convient de relativiser les rĂ©sultats du classement : le Maroc ïŹgurait Ă  la 140Ăšme position en 2008. Un espoir (qui reste Ă  concrĂ©tiser) : le pays projette de passer de 16 services publics « connectĂ©s » Ă  89 en 2013. À suivre.

DROITS DE L’HOMME Ennemi d’Internet ?

Qu’on l’écrive une bonne fois pour toutes : le Maroc n’est pas un pays ennemi de l’Internet, comme la Tunisie par exemple
 mais il n’est pas non plus un pays oĂč le bonheur numĂ©rique rĂšgne. Nous sommes huitiĂšme dans le top ten du site Global voices rĂ©pertoriant les pays qui persĂ©cutent leurs bloggeurs. Les raisons de cette mise en garde ? DĂ©but dĂ©cembre dernier, des manifestations Ă©clatent dans la petite bourgade de Taghjijt, dans la rĂ©gion d’Agadir. Un bloggeur, Bachir Hazzam, publie le communiquĂ© des manifestants et Ă©cope pour cela de 4 mois de prison ferme. Son PV mentionne une accusation kafkaĂŻenne : « Diffusion de fausses informations portant atteinte Ă  l’image du Royaume concernant les droits humains. » Pire : Abdellah Boukfou, gĂ©rant d’un cybercafĂ©, est condamnĂ©, lui, Ă  un an de prison pour avoir servi « d’intermĂ©diaire ». InquiĂ©tant mais loin d’ĂȘtre un prĂ©cĂ©dent. La Blogoma (blogosphĂšre marocaine) se rappelle encore de Fouad Mourtada, condamnĂ© Ă  la prison puis graciĂ© pour avoir crĂ©Ă© un faux proïŹl du prince Moulay Rachid sur Facebook. Le cas du bloggeur Mohamed Erraji est Ă©galement restĂ© dans les annales. Ce jeune homme d’Agadir a Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ© pour avoir osĂ© critiquer la politique royale dans un de ses billets, avant de voir sa peine muĂ©e en emprisonnement avec sursis. L’étau se resserre et se desserre donc continuellement autour des libertĂ©s sur l’Internet, ce qui ne prĂ©sage rien de bon. La dynamique de la Blogoma est, elle, bien ancrĂ©e et irrĂ©versible. « C’est le point le plus positif : tout peut ĂȘtre mis sur Internet, ce qu’on ne voit pas Ă  la tĂ©lĂ© par exemple », analyse le sociologue Jamal Khalil.

MONDE RURAL ET ÉCOLES « zones blanches »

Les « zones blanches » sont les endroits dĂ©connectĂ©s, invisibles sur la carte mondiale. Au Maroc, ces zones d’ombre sont lĂ©gion : dans le monde rural mais aussi dans les Ă©coles. Pour y pallier, le ministĂšre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies projette de crĂ©er 400 centres d’accĂšs communautaire (CAC) dans nos campagnes et d’équiper en connexion internet 100 % des Ă©coles Ă  l’horizon 2013. En tout, cela fait quand mĂȘme 9 260 Ă©coles Ă  couvrir, 200 000 enseignants Ă  former et des parties entiĂšres de la carte Ă  faire Ă©merger du nĂ©ant. Des plans comme Injaz, mis en place pour aider les jeunes ingĂ©nieurs Ă  s’équiper en ordinateurs portables ou NaïŹd@, qui propose des ristournes importantes sur l’équipement Ă  l’intention des enseignants, ambitionnent (et rĂ©ussissent) Ă  accompagner cette mutation. Peut-ĂȘtre qu’un jour, les rĂ©gions les plus reculĂ©es suivront le modĂšle de Rhamna, zone pilote pour la mise en place de la 3G ? Pourvu que cela proïŹte au plus grand nombre...

LES PLUS

DANS LES MÉNAGES D’abord du ludique

En 2008, seul un foyer sur dix a accĂšs Ă  l’Internet. Mais les connexions vont bon train, grĂące notamment Ă  l’ADSL, puis Ă  la 3G en forte progression ces derniĂšres annĂ©es. Pour preuve, les cybercafĂ©s sont en dĂ©clin (baisse des demandes de 44 % en 2008). Cela Ă©tant, la maniĂšre de consommer le Net est encore sous-dĂ©veloppĂ©e dans le Royaume. Plus de 90 % des internautes marocains utilisent la toile « pour chercher de l’information ». « L’attitude adoptĂ©e par nos internautes consiste Ă  dire : je suis lĂ , je regarde mais je ne suis pas moi-mĂȘme producteur d’information. C’est propre Ă  une phase de dĂ©couverte », estime le sociologue Jamal Khalil. Le nombre inïŹme d’utilisateurs de mail en est la preuve, bien que la notion de partage soit de plus en plus prĂ©sente Ă  travers les rĂ©seaux sociaux. L’utilisation, mĂȘme dans ce cas, reste essentiellement ludique et, de toutes les maniĂšres, limitĂ©e Ă  une petite partie de la population. « Qui a l’Internet ? Au Maroc, c’est un outil c’est tout. On est loin de la mutation de la sociĂ©tĂ© pour la simple raison que ça ne bouleverse que ceux qui ont les moyens de changer », conclut le professeur Khalil.

OFFSHORING Précurseur mais pas leader

Dans le domaine de l’économie, le pire cĂŽtoie le meilleur. Le pays est trĂšs en avance sur le plan de l’offshoring : connexion de qualitĂ© et Ă  faible coĂ»t, entreprises marocaines leader dans la monĂ©tique
 Tout cela a permis au Maroc d’ĂȘtre une destination offshore de premier ordre pour les entreprises NTIC. Ce constat positif est pourtant Ă  nuancer. Selon Abderrazak Mazini, juriste spĂ©cialisĂ© et observateur averti de ce secteur Ă©conomique, « les infrastructures d’acheminement modernes ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©es, mais l’usage du Web ne suit pas ». En effet, l’ANRT estime Ă  42 % le nombre d’entreprises prĂ©sentes sur le net en 2007. Loin d’ĂȘtre positif, ce chiffre rĂ©vĂšle une stagnation et mĂȘme une rĂ©gression par rapport Ă  2005 qui avait enregistrĂ© 43 % d’entreprises online. Dans le domaine de la consommation, le Maroc est Ă  la traĂźne. En termes de e-commerce notamment. Mis Ă  part quelques niches – les cybermarchĂ©s par exemple – peu d’entreprises ont osĂ© sauter le pas. Et l’ANRT de diagnostiquer les carences : « Faible pouvoir d’achat, absence de cadre lĂ©gislatif, faible diffusion des cartes de paiement, lĂ©gislation de change
 » Autre volet Ă  la traĂźne : la rĂšglementation. Une loi sur la protection des donnĂ©es personnelles a bien Ă©tĂ© promulguĂ©e et ces mesures dites d’accompagnement ïŹgurent en bonne place dans le plan Maroc Numeric 2013. Mais jusque-lĂ , notre pays semble « rĂ©glementer en urgence et sans dĂ©bat », estime Abderrazak Mazini, « Des juges Ă©minents ignorent encore les composantes d’une loi sur la reconnaissance de l’écrit et des signatures Ă©lectroniques. Le vide rĂ©glementaire constitue un handicap de taille pour le dĂ©veloppement des NTIC », conclut notre juriste.

Zakaria Choukrallah

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