Une visite de l’animalerie de Aïn Sebaâ, c’est un petit tour au royaume de la tristesse et de la désolation. La tristesse du regard apathique des animaux. Et l’état désolant des installations. Reportage.
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Dès l’entrée du zoo, un air de déliquescence assumé accueille le visiteur. Sur la billetterie qui mériterait un bon coup de peinture, un panneau annonce le tarif : 1 DH pour les enfants, et 2 DH pour les adultes.
Des tarifs, les mêmes depuis plus de vingt ans, qui expliquent en partie le succès du zoo pendant les jours fériés et les week-ends. Mais en cette fin de mois d’août, les visiteurs sont rares. Et l’on peut compter sur les doigts d’une main les employés croisés pendant toute la durée de la visite. Ce qui accentue l’impression d’abandon qui règne sur les lieux.
D’autant plus qu’en ce début d’après-midi, l’ombre est chiche, et la chaleur semble écraser les « habitants » du parc animalier. A droite après l’entrée, biches et cerfs s’abritent à l’ombre du seul arbre de leur enclos. Ils ne sont pas les plus mal lotis.
Dans de nombreuses cages, l’auvent censé abriter les animaux des rayons du soleil est avachi, ou inexistant. On bifurque vers la gauche, pour aller voir les « rois » du zoo. Les trois lions de l’Atlas se partagent deux – vraiment petits  – enclos, et à l’heure du repas, quelques quartiers de viande.
Si l’un d’entre eux seulement paraît maigre, ils semblent également léthargiques. Une expression partagée par tous les animaux du zoo, même les singes, qui attendent, accrochés aux barreaux, qu’un visiteur leur jette de la nourriture à travers les trous béants du grillage censé l’en empêcher.
D’ailleurs, quand les grands oiseaux s’approchent, alors qu’un visiteur passe devant eux, ce n’est pas par curiosité, ni par besoin de compagnie. Ils ont faim, tout simplement. Et sont accros à la « junk food ». A voir les emballages qui jonchent le sol des enclos, on comprend vite que l’émeu australien est manifestement habitué à recevoir petits gâteaux, chips, pop corn, etc.
En fait, les seuls animaux qui semblent un minimum « actifs » sont ceux qui, nourris par les visiteurs, quémandent des friandises. Les ours en font partie. Même s’ils sont relativement chanceux – leur enclos est l’un des rares dont le bassin est rempli d’eau – , on ne peut s’empêcher de déplorer leur poil râpé. L’un d’entre eux, carrément efflanqué, n’est que l’ombre de ses cousins canadiens.
Absence d’hygiène
Si deux bambins, accompagnés de leur père, passent émerveillés des lions aux ours, quatre jeunes Casablancais, eux, semblent désabusés du spectacle qui leur est offert. « Quel manque d’entretien, ça ne mérite pas le nom de zoo », lance Badr, dont c’est la première –  et probablement la dernière  –  visite. Pour Bouchra, qui a visité le zoo de Dakar au Sénégal, la comparaison est décevante. Elle renchérit : « Cela n’a rien à voir, c’est tellement sale ! »
Car les peintures écaillées, les murs décrépis, les grilles trouées… ce n’est pas le plus grave. Ni le besoin criant de rénovation du zoo qui choque les visiteurs. Des enclos sales, des déchets qui s’amoncellent, au détour d’un chemin, dans un coin qui sert de décharge improvisée, donnent au « parc animalier » des allures de dépotoir.
En s’enfonçant dans le zoo, l’état des cages ne s’améliore pas. Les odeurs non plus. Plusieurs cages sont vides. D’autres, au contraire, ont des occupants inattendus : des mouettes, ou encore des rats si gros que l’espace d’un instant, on se demande s’ils ne font pas partie des espèces présentées au public.
Quelques minutes plus tard, la terre qui vibre légèrement au passage d’un train qui passe juste derrière le mur auquel sont adossés les enclos des poneys ou des lamas, ne tire même pas les pauvres bêtes de leur léthargie.
Des chèvres pour l’Aïd
En sortant, on repasse devant l’enclos qui héberge un troupeau conséquent de petites chèvres. Elles seules ont l’air de bien se plaire à Aïn Sebaâ. Mais quand on demande à l’un des employés de la billetterie où se trouve le responsable du zoo, il répond par une question : « C’est pour acheter un animal ? »
Sans se démonter, malgré notre surprise, on prend l’air intéressé, et on demande quels animaux sont à vendre. « Les chèvres, mais pas maintenant. Revenez une semaine avant l’Aïd. » Pas si bien loties les chèvres !
Près de la sortie, le papa et ses deux jeunes enfants sont toujours là . Lui est assis à l’ombre pendant que sa progéniture gambade, insouciante. Quelle portée pédagogique peut bien avoir une visite dans ce zoo où les animaux sont (mal) traités comme quantité négligeable, voire monnayable ?
Il n’a rien d’un « centre de conservation de la nature ». Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en visitant le zoo de Aïn Sebaâ, on ne découvre pas grand-chose sur l’environnement ou les habitudes des espèces représentées. On n’apprend pas à les respecter. Seulement à les plaindre.
A.C. |