Alors que la Commission chargée de réviser la Constitution est à l’œuvre, des ONG, des syndicats et des personnalités politiques montent au créneau, craignant que la voix des femmes ne soit pas entendue ou prise en compte.
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Des revendications, les femmes en ont ! Déjà , contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’égalité des genres n’est pas garantie par la Constitution actuelle – datant de 1996 – qui affirme seulement, dans son article 8, que « l’homme et la femme jouissent de droits politiques égaux ».
Rien sur l’égalité en matière de droits civiques, économiques, juridiques, sociaux ou encore culturels. Et pour cause, l’égalité pleine et entière sans distinction de genre achoppe sur des questions aussi sensibles que l’héritage ou les relations sexuelles hors mariage, deux questions dans lesquelles les femmes sont clairement désavantagées en raison de leur sexe.
La future mouture apportera-t-elle des changements palpables sur ce registre ? Rien n’est moins sûr. Dans le discours du 9 mars, Mohammed VI a bien évoqué « l’égalité de tous devant la loi », et la nécessité de « renforcer la participation de la femme à la gestion des affaires régionales et, d’une manière générale, à l’exercice des droits politiques.
A cet effet, il convient de prévoir des dispositions à même d’encourager, par la loi, l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives ». Mais si, dans cette dernière phrase, les féministes voient un appel à instaurer des quotas et autres initiatives pour arriver à la parité en politique, le discours ne revient pas davantage sur le sujet.
Et fidèles à la tradition, les partis politiques ne se sont guère aventurés à être plus réformistes que le roi. Exception faite cependant de l’USFP qui est allé le plus loin, prenant en compte, selon Latifa Jbabdi, « les revendications de la société civile et des féministes à travers des propositions détaillées ».
Mais les autres partis se sont contentés d’évoquer la question de manière générale. Le PPS évoque cependant dans son mémorandum destiné à la Commission, l’égalité et l’institution de la parité à travers l’instauration de quotas : « La Constitution garantit l’égalité entre les sexes quant à la jouissance de tous les droits civils et politiques, à travers des mécanismes de discrimination positive vis-à -vis des femmes concernant la représentativité électorale. »
Printemps féministe
Le PJD, de son côté, a demandé « à ce que soit promulguée l’égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines », explique Lahcen Daoudi, avant d’ajouter « sauf si cela entre en contradiction avec l’islam : comme pour la question de l’héritage qui est détaillée de manière claire et complète dans le Coran ». Une égalité quelque peu limitée donc. D’autre part, pour le PJD, pas question d’inscrire la responsabilité de l’Etat dans l’application de la parité. « C’est à chaque parti de la mettre en œuvre en son sein, et aux Marocaines de l’encourager en votant pour les partis qui ouvrent leur porte aux femmes », explique-t-il.
Enfin, « dans ses propositions à la Commission, le Mouvement populaire (MP) a évoqué l’égalité des chances, sans donner de détails », regrette Hakima El Haïté, membre du bureau politique du parti et vice-présidente de l’Internationale libérale des femmes. C’est ce qui a poussé cette dernière à lancer un collectif.
« Avec les associations Women’s tribune, Women Forum et ESPOD, nous avons fondé le Collectif action parité (CAP). J’ai été déçue par les positions des partis politiques sur le sujet de l’égalité et de la parité – et ce, dès 2007 – et par leurs propositions aussi vagues que succinctes à la Commission. On a rassemblé des ONG qui militent pour les droits humains, et depuis, une dizaine d’associations se sont déjà ralliées au collectif. »
Visiblement, la déception de Hakima El Haïté est partagée par bien d’autres. Ainsi, un réseau intitulé le « Printemps féministe pour la démocratie et l’égalité », qui rassemble des féministes et des « droits de l’hommistes » mais aussi des syndicats et des partis politiques (dont l’USFP), a vu le jour, avec le même cheval de bataille : militer pour la prise en compte des droits humains des femmes dans l’actuelle réforme constitutionnelle.
D’ailleurs, leurs propositions sont pratiquement similaires (voir encadré). Egalité dans tous les domaines, parité, criminalisation de la discrimination, etc. Et c’est encourageant, le MP a depuis intégré ces principes dans son mémorandum. Des principes qui, s’ils sont pris en compte par la Commission, ont le pouvoir de changer, de manière aussi pratique que radicale, la vie des Marocaines et de leur famille.
Amanda Chapon |