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Qui veut la peau de Terrab 
Actuel n°87, samedi 26 mars 2011
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Les émeutes de Khouribga ne sont pas qu’un événement local. De puissants lobbies combattent la gestion de Mostafa Terrab à l’OCP.


***

C’était écrit. La prise en main énergique de l’OCP par Terrab mettrait le mastodonte au pas sans autre impact qu’une grogne rentrée des caciques dérangés dans leur sommeil profond.

Et Khouribga, la patrie de l’OCP, aurait pu gérer ces sit-in à répétition sans trop de heurts si le style de l’homme ne dérangeait pas autant.

On ne reviendra pas sur les détails du mardi noir. La police qui tentait de désinstaller le campement de fortune érigé par des centaines de demandeurs d’emploi a été accueillie à coups de pierre avant que des casseurs ne s’attaquent aux locaux de l’OCP.

Pourquoi a-t-on laissé la situation pourrir ? Pour quelles raisons les manifestants, dont 800 anciens mineurs et 170 de leurs fils, n’ont pas reçu d’ultimatum pour quitter les lieux avant d’être violemment chargés par les forces de l’ordre ? Sans oublier que les casseurs à l’origine des dégâts ne faisaient pas partie des protestataires.

Promesses d’emploi inespérées

C’est à ces questions que devra répondre l’enquête déclenchée par la police. Mais, d’ores et déjà, il est admis que l’actuelle direction de l’OCP fait face à de solides résistances au sein du groupe comme au niveau de la classe politique ou encore de lobbies du monde des affaires.

Au lendemain des événements de Khouribga, les équipes de Terrab ont pris le taureau par les cornes pour accoucher dans l’urgence de solutions immédiates censées répondre à la crise.

On n’en saura pas plus, puisque les équipes travaillent dans la confidentialité la plus absolue, mais ce qui est certain, c’est que les réponses seront à la mesure des attentes.

Ces décisions n’iront pas à l’encontre de la politique de Terrab, qui avait mis un point d’honneur, dès son arrivée à la tête du groupe, à dégraisser au maximum le mammouth avant d’instaurer un management où la méritocratie ne serait pas un vain mot.

Mais elles devront satisfaire beaucoup de monde. Rigueur, transparence, gestion des ressources humaines à l’américaine. Déjà, de nombreuses activités ont été externalisées, les écoles du groupe font l’objet d’un vaste projet de gestion déléguée et les recrutements sont réalisés sur la base de CV en béton.

Ni les cadres ni même les directeurs centraux n’ont échappé à la curée. Au début, tout le monde était dubitatif, les arguments de Terrab avaient du mal à prendre auprès de l’opinion.

« Malgré ses méthodes musclées, en dépit de la pression des syndicats et les coups bas des partis auxquels ils sont affiliés, l’homme a réussi à mettre de son côté une partie de la classe économique et une partie des cadres », précise l’un d’eux.

Partie de poker

Mais depuis, 20 février oblige, les attaques se concentrent désormais sur l’homme. On a même essayé de le suggérer au poste de Premier ministre sans que ce ballon d’essai n’ait trouvé d’écho auprès des décideurs.

Maintenant on essaie de bouleverser la donne en mettant le siège de l’OCP à feu et à sang. Dans cette partie de poker, le seul qui semble jouer franc-jeu, avançant à visage découvert, c’est le patron du groupe. Qui a pris un malin plaisir à rédiger lui-même le moindre détail de la nouvelle stratégie du groupe.

Que cache alors ce charivari qui ne semble pas connaître de répit ? Pourquoi Terrab dérange-t-il autant ? L’OCP est paradoxalement un groupe où l’on peut encore influer sur le cours des choses.

S’entourant d’une nouvelle équipe de managers, Mostafa Terrab a ainsi concocté un ambitieux plan stratégique censé muscler l’OCP en vue de la libéralisation du secteur. Sa mission est d’autant plus délicate que l’OCP a pris un sérieux retard dans sa modernisation à cause notamment d’effectifs pléthoriques.

Sans compter la résistance de lobbies qui se sont engraissés à l’ombre de Karim Lamrani et Mourad Cherif, entre autres. On ne s’attardera guère sur les intérêts de ces opportunistes qui ont profité trop longtemps des marchés de gré à gré octroyés par les prédécesseur de Terrab.

Ou encore sur le chantier, attribué au turc Tekfen pour un coût de 4 milliards de dollars, en vue de la construction du pipeline pour le transport du phosphate.

Ce qui est certain, c’est que depuis ce fameux juin 1941 où le roi Mohammed V, accompagné du prince Moulay Hassan, a visité les mines de Khouribga, l’OCP est devenu un enjeu politique majeur et une vache à lait pour de nombreux affairistes qui gravitaient autour du pouvoir de l’époque.

Pour l’anecdote, tous les Marocains se souviennent de cette fameuse promesse de Mehdi Benbarka qui s’engageait à fournir un salaire à vie à chaque citoyen grâce aux recettes des phosphates. Entre la gauche et l’OCP, la rancune a la dent dure.

Terrab avait bien signé, en 2010, une « charte du dialogue social », sorte de trêve avec les syndicats représentés au sein du groupe sur lesquels règnent la CDT et la FDT de l’USFP, l’UNTM du PJD et l’UGTM de l’Istiqlal.

Mais ces derniers n’ont pas pour autant définitivement enterré la hache de guerre, puisque les débrayages et les sit-in ont redémarré de plus belle à Youssoufia, Khouribga et même à Casablanca.

Si la mainmise sur le groupe par de puissants lobbies a jusqu’à présent échoué, c’est pour une raison toute simple. Le maréchal Lyautey, alors résident général de France au Maroc, avait verrouillé par le dahir de août 1920, les statuts du groupe pour empêcher sa cession à des privés.

Depuis, les bénéfices (1,7 milliard de dollars) de l’or blanc servent, essentiellement, à alimenter la caisse de compensation et dans une certaine mesure le budget de fonctionnement de l’Etat. A suivre...

Abdellatif El Azizi

Khouribga : Phosphate city

Khouribga ne survivrait pas une seconde à la disparition de l’OCP. Toute la vie de la cité tourne autour de la principale zone minière du pays. L’or blanc sur lequel dort la cité est le garant de cette survie.

Des terrils à perte de vue qui valent de l’or avec trois mines à ciel ouvert : Sidi Chennane (10 millions de tonnes par an), Sidi Daoui et Merah Lahrach emploient l’essentiel de la main-d’œuvre du groupe.

D’où cette explosion démographique qui a commencé avec l’arrivée des travailleurs au cours des années soixante avant que l’OCP ne leur offre des lotissements qui les ont contraints à se sédentariser.

Quelque 6 000 salariés de l’OCP n’ont pas coupé les ponts avec les 10 000 retraités qui n’ont pas quitté Khouribga. Jusqu’à une date récente, la quasi-totalité des infrastructures de la ville et des services publics était gérée par l’Office.

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