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Code pĂ©nal : rĂ©forme ou rĂ©formette ? 
Actuel n°63, samedi 2 octobre 2010
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Les cadres du ministère de la Justice se triturent les méninges pour réformer de fond en comble le code pénal. Quelles sont les mesures proposées ? Le point.


***

La réforme du code de procédure pénale semble sur la bonne voie si on en juge par les premières informations relatives à cette révision majeure attendue depuis des décennies. « Les consultations pour la réalisation de la mouture du texte avant qu’il ne devienne un projet de loi ont commencé. Cela avance doucement, mais il faut relativiser en rappelant qu’une des premières décisions du ministre Mohamed Naciri, lors de sa prise de fonction, a été de désigner une commission et d’ordonner des expertises de spécialistes sur cette question », explique Me Mustapha Ramid, avocat et président du groupe parlementaire du PJD.

Le débat sur la révision du code pénal ne date pas d’aujourd’hui. Bien avant Naciri, feu Mohamed Bouzoubaâ, ministre de la Justice sous le gouvernement Youssoufi s’y était déjà essayé en adoptant, lors des assises de la Justice en 2004, des mécanismes permettant la résolution des contentieux simples et la révision des courtes peines privatives de liberté. Bien que certains aient été rendus effectifs, ces efforts n’avaient pas abouti au nouveau code pénal voulu.

Ministère en ébullition

Aujourd’hui, la donne a changé. Depuis le discours royal de 2009, insistant sur la nécessité de réformer la Justice, le ministère de tutelle semble en ébullition et enchaîne les détails sur le futur texte, véritable ossature de tout le (nouveau) système judiciaire marocain.

Ainsi, après l’annonce par le ministre de l’introduction des peines alternatives, un représentant du ministère de la Justice a révélé de nouvelles dispositions au cours d’une conférence organisée par l’Observatoire marocain des prisons. Celles-ci sont actuellement discutées par la commission en charge de la rédaction de la nouvelle mouture. On découvre que le département de la Justice planche actuellement sur la remise de peine en cas d’auto-délation à l’image des systèmes anglo-saxons. « Si l’accusé reconnaît les faits qui lui sont reprochés, il peut bénéficier de la perpétuité au lieu de la peine de mort, d’un emprisonnement de trente ans au lieu de la perpétuité et de vingt ans de prison au lieu de trente, et ainsi de suite », a expliqué Abdeslam Bouhouch, de la Direction des affaires pénales lors de la conférence précitée.

Selon la même source, l’arsenal juridique sera également renforcé par de nouveaux textes, notamment la criminalisation du non-respect du droit à l’image et de la publication par la presse de propos tenus dans un cadre privé.

Vaste opération de dépoussiérage

Si ces propositions filtrent encore au compte-gouttes et ne sont pas officielles, elles indiquent néanmoins la tendance vers laquelle se dirige la commission. Il s’agira d’une vaste opération de dépoussiérage, bien loin des quelques ajouts et amendements effectués sur le texte en 2004, au gré de l’adoption par le Maroc de la loi antiterroriste voulue par l’administration Bush (les textes sur la lutte contre le terrorisme, ceux régissant l’entrée et l’établissement des étrangers, l’immigration illicite, la protection des systèmes informatiques).

Reste à savoir quelle sera la méthode adoptée par le ministère de la Justice dans cette phase de préparation, des juristes lui reprochant d’ores et déjà de maintenir le secret sur les travaux en cours.

Zakaria Choukrallah

LES PRINCIPALES DISPOSITIONS EN DEBAT

• Les peines alternatives

L’introduction des peines alternatives est une des principales nouveautés qui feront très probablement partie du nouveau code pénal. Cette piste de réflexion est la plus médiatisée depuis le début du débat sur la réforme du code pénal. Objectif principal : éviter la prison aux auteurs des délits les moins graves et réduire ainsi la surpopulation carcérale. Cette mesure remporte également l’adhésion du CCDH (Conseil consultatif des droits de l’Homme) qui en fait sa principale revendication. « Cette disposition figure dans tous les systèmes modernes, elle permet une meilleure réinsertion en plus de désengorger les prisons », nous explique Mohamed Raïssouni, responsable de la commission de la justice, de la législation et de la politique pénale au CCDH. La mise en place des peines alternatives a déjà été testée sur certains profils, comme les mineurs qui sont dirigés vers des centres de redressement et non pas des prisons. La preuve qu’elle est facilement applicable.

• L’abandon familial

L’article 479 qui punit d’un mois à un an de prison les cas d’abandon de famille devrait être un des premiers à disparaître, vu qu’il ne sert à rien d’envoyer en prison un père de famille incapable de payer la pension alimentaire de ses enfants. La contrainte de corps devrait donc être abandonnée et la problématique de la prise en charge des enfants abandonnés deviendrait du ressort exclusif du Fonds de solidarité social, chargé de payer la pension en cas d’incapacité du père. « Cela étant, il convient d’accélérer la mise en place de ce fonds avant de retirer cette loi », précise Me Mustapha Ramid.

• L’atteinte aux sacralités

Ce volet a très peu de chances d’aboutir, et pour cause, il touche à de profondes « hypocrisies » dans le système judiciaire marocain estime Me Benameur. « Il y a certaines lois qu’il faudrait préciser. Je pense à l’atteinte aux sacralités, à la monarchie, à la religion islamique et aux mœurs publiques. Ce sont là des concepts qu’il faut expliquer pour éviter toute interprétation erronée », confie l’avocat qui remet en question le fait même de criminaliser certains de ces actes qui relèvent pour la plupart « des libertés individuelles et de la liberté d’expression ».

• La parité hommes-femmes

Malgré les amendements introduits en 2003, le code pénal est loin de consacrer l’égalité des sexes. Avortement, violence conjugale, adultère, dispositions faisant la différence entre femmes mariées et non mariées, etc. L’actuel code pénal regorge de dispositions que les féministes voudraient voir disparaître. «La philosophie même du texte est marquée par un esprit patriarcale et conservateur», commente Samira Bikarden, coordinatrice de la coalition «Printemps de la Dignité» à l’ADFM, chargée de réfléchir au nouveau texte. Si des formulations pourraient changer, l’avortement et l’adultère survivront sûrement au nouveau texte.

• L’exception judiciaire

L’exception judicaire est une disposition dont l’objectif est de prémunir la justice contre l’ingérence de l’exécutif. « Elle est en principe destinée aux juges, eu égard à leur rôle sacré de défendre les droits. Le souci est que cette disposition a été élargie à trop de justiciables. Elle concerne non seulement de hauts responsables comme les ministres, mais également les walis, les caïd, etc. C’est devenu un moyen d’échapper à la justice », estime Me Abderrahman Benameur qui espère, sans se faire trop d’illusions, que cette disposition se limitera aux seuls juges.

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