Retards à répétition, perte de bagages, manque d’assistance… rien ne va plus entre Royal Air Maroc et ses clients. La compagnie annonce un dispositif pour améliorer cette situation. La colère n’est pas moins aiguë.
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F. G. est directrice de communication auprès d’un grand groupe immobilier de la place. Chaque fin de semaine, elle doit se déplacer de Casablanca à Oujda où le groupe compte de nombreux projets. « Depuis février dernier, aucun vol, ni de départ ni de retour, n’est parti à l’heure. Et les retards vont en empirant. » Le bouquet ? Le vol AT 456 Casablanca-Oujda du 8 juillet dernier. « Mon billet était déjà payé, mais à mon arrivée à l’aéroport, on m’a refusé l’accès au vol sous prétexte que l’avion était surbooké. J’ai dû faire un scandale pour qu’on m’accorde le privilège de prendre ce vol. Une fois dans l’avion, je me suis rendu compte que celui-ci était à moitié vide. Et alors que le vol ne dure que 1h10, nous sommes partis avec plus de 2 heures de retard », nous dit-elle.
M.M., elle, est journaliste. Pour couvrir le dernier Festival Timitar, elle a dû se déplacer à Agadir. C’était à bord du vol AT 62 418. Il lui fallu non seulement supporter les deux heures de retard enregistrées ce jour-là , mais aussi la contrariété de perdre ses bagages à l’arrivée. « Lors de ma réclamation, on m’a proposé de remplir un dossier et promis de m’appeler. Pendant les cinq jours où je suis restée à Agadir, personne ne m’a contactée. De retour à Casablanca, j’ai dû partir à l’aéroport et bénéficier d’un passe-droit pour accéder à l’endroit réservé aux bagages. Et c’est là que j’ai fini par les retrouver, réalisant du même coup qu’ils n’avaient jamais quitté l’aéroport Mohammed V », relate notre consœur.
De pareilles situations sont devenues le lot de (très) nombreux voyageurs qui empruntent des vols Royal Air Maroc. Vols retardés, ou annulés, longues heures d’attente sans aucune explication, perte de bagages, absence de communication... Les griefs contre RAM se suivent et se ressemblent. Au point que les représentants de la nation montent également au créneau. Le député istiqlalien Omar Hejjira a récemment interpellé Driss Benhima, le directeur général de RAM, sur les raisons de ces retards.
En guise d’explication, la compagnie avance que les perturbations sont dues aux mouvements sociaux dans les aéroports européens, et qui ont culminé par une grève observée le 21 juillet en protestation contre la fusion du contrôle aérien en Europe. Les restrictions de trafic aérien qui en découlent se traduisent par une réduction des programmes qui concerne aussi bien les vols au départ et à l’arrivée des aéroports français et espagnols notamment, que les vols transitant par l’espace aérien français. Et les informations sur les éventuels retards ne sont fournies par le contrôle aérien qu’une ou deux heures avant les départs de vols. La compagnie annonce par la même occasion la mise en place d’un dispositif censé atténuer les retards. « Ce dispositif consiste notamment dans le regroupement de plusieurs vols et le recours à de gros porteurs, une façon de contourner les restrictions et de transporter le plus grand nombre de voyageurs », précise Rajae Bensaoud, directrice de la communication au sein de RAM.
Crescendo de récriminations
Mais que dire des retards et autres désagréments sur des vols intérieurs ou, surtout, ceux desservant l’Afrique subsaharienne, fer de lance de la nouvelle stratégie commerciale de la compagnie nationale ? « Le système de rotation des vols adopté par RAM fait que les vols intérieurs et vers l’Afrique subsaharienne ne sont que la continuité des vols en provenance d’Europe. Quand il y a blocage en France par exemple, cela se ressent sur tout l’itinéraire », explique Bensaoud. Mais, là encore, les récriminations des passagers vont crescendo, rejaillissant sur l’image de la compagnie. Le retard enregistré du vol AT 503 reliant dimanche 4 juillet Casablanca à Dakar, avait même donné lieu à un léger accrochage entre des clients à bout de patience et les agents de RAM, après 20 heures d’attente sans information et la distribution de bons d’achats de boisson pour seule compensation. Certains passagers en ont profité pour décrier le monopole de RAM sur certaines destinations africaines.
Oscar B, un Sénégalais résidant au Maroc, en sait quelque chose : « Même arrivé à l’aéroport deux heures à l’avance, des dizaines de passagers en colère étaient amassés devant les comptoirs d’enregistrement. La compagnie avait tellement surbooké ses vols qu’avant l’ouverture de l’enregistrement, le nôtre était déjà plein ! Pire : des passagers attendaient à l’aéroport depuis cinq jours ! On nous propose de nous rendre à l’hôtel Atlas Airport pour la nuit. Le lendemain, c’est au prix d’un scandale retentissant que RAM nous trouve finalement une place sur le vol du soir. » Autres soucis majeurs, les pertes de plus en plus récurrentes de bagages et la saturation du centre d’appels de la compagnie. Rajae Bensaoud, qui affirme que Royal Air Maroc reste aux normes internationales quant à son système de handling (transport de bagages), précise que les équipes du call center ont été renforcées pour mieux répondre aux attentes des clients. Elle en veut pour preuve le fait que 1 300 clients, soit 75 % des passagers du 21 juillet au départ d’Orly (où atterrissent et décollent vingt vols RAM par jour) ont été contactés et informés la veille des changements de vols. Des efforts qui n’atténuent en rien la colère de plus en plus visible des clients RAM. Faire un tour à l’aéroport Mohammed V, avec la tension persistante qui y règne, c’est en mesurer toute l’ampleur (lire aussi témoignages).
Tarik Qattab |