Après la Belgique et la France, le gouvernement Zapatero s’apprête à interdire le voile intégral. Les Marocains montent au front, la plupart pour appuyer la mesure...
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C’est au tour du voisin du Nord d’interdire le port de la burqa dans les lieux publics. Première autonomie à introduire des mesures bannissant l’accès des voilées intégrales aux espaces municipaux, la Catalogne. Cela a commencé par des villes comme Lleida ou Tarragona pour s’élargir à Barcelone, dont le maire socialiste, Jordi Hereu, vient d’annoncer l’adoption imminente d’un arrêté en la matière. Au niveau national, le ministre espagnol de la Justice, Francisco Caamano, vient également d’annoncer qu’une loi sur les libertés religieuses était en cours d’élaboration. Parmi ses principales mesures, la restriction de l’usage du niqab dans les lieux publics. Pour ce dernier, cité par AFP, le voile intégral pose non seulement un sérieux problème de sécurité, mais il porte aussi atteinte à la dignité des femmes.
Et comme pour jeter de l’huile sur le feu, le Partido Popular, première formation d’opposition, a également présenté une motion pour que le sujet soit débattu au Sénat espagnol. Principale concernée par cette mesure, la communauté marocaine qui constitue de loin le gros des musulmans d’Espagne avec plus de 800 000 ressortissants. Les responsables de plusieurs mosquées de Catalogne n’ont d’ailleurs pas tardé à déposer un recours contre ces interdictions devant le Tribunal constitutionnel espagnol.
Un débat dans l’air du temps
Si un débat pareil a toute sa place dans un pays européen, le tout est de savoir si le choix du moment n’est pas fortuit.
« Nous sommes à la veille des élections régionales d’octobre prochain. Et le débat sur le niqab est dans l’air du temps. Il est donc tout à fait naturel que les principales formations surfent sur la vague et se positionnent du point de vue électoraliste », observe Kamal Rahmouni, président de l’Association marocaine des travailleurs et immigrés marocains en Espagne (ATIME).
Mais pas seulement. Même parmi les représentants de la communauté marocaine, des voix commencent à s’élever en appui à la mesure. Mohamed Azahaf, coordinateur fédéral du groupe arabe au sein du PSOE (Parti socialiste, gouvernement) en fait partie.
« Face à la montée du phénomène de la burqa, il était parfaitement normal que l’État réagisse. Ne serait-ce que pour défendre les valeurs de laïcité sur lesquelles il est bâti. Sans parler des risques pour la sécurité de l’État et des problèmes d’identification des personnes voilées dans un pays où le terrorisme islamiste a déjà sévi et fait des centaines de morts », explique-t-il. Même son de cloche pour Ahmed Abair, président de l’Amicale des immigrés marocains en Catalogne.
Au-delà des tentatives de récupération politique, il est clair que le voile intégral pose un problème d’identité religieuse des musulmans d’Espagne. Et l’on sait qu’il n’a rien de marocain », affirme l’acteur associatif, tout en faisant part d’un grande inquiétude quant à l’émergence d’acteurs et de valeurs salafistes au sein de la communauté. Les personnes interrogées restent unanimes sur ce constat.
« En face, l’islam marocain, forcément plus tolérant, perd du terrain. Bien que plus nombreux, les musulmans marocains ou d’origine marocaine doivent se rendre à des mosquées financées par les Saoudiens pour faire leur prière. Et ce sont des imams syriens ou égyptiens qui les guident et prononcent le prêche », ironise Nabil Driouch, journaliste et écrivain marocain installé à Madrid. Il s’agit là d’un choix de l’État espagnol qui, en voulant noyer l’islam marocain, a fini par ouvrir la boîte de Pandore. Le débat ne fait que commencer.
Tarik Qattab |