A l’heure où toutes les grandes agglomérations optent pour le tramway, Agadir fait exception et choisit le « Busway » : un couloir de bus, beaucoup moins onéreux que le transport sur rail.
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Imaginez un couloir séparé de la circulation automobile, dans lequel circulent des bus flambant neufs très confortables et ponctuels. C’est ce dont rêve aujourd’hui Agadir qui a décidé d’être la première ville du Royaume à se doter du Busway. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un concept à mi-chemin entre le tramway et le transport en commun classique. Il offre l’avantage d’être moins cher que le tramway, à la fois pour les usagers et pour la ville.
Si tout se passe bien, il devrait rouler dans Agadir d’ici quatorze mois, soit avant la fin de l’année 2013, sur un tronçon de treize kilomètres. La mairie de la ville vient de lancer officiellement l’étude de faisabilité. Le projet est financé à hauteur de 380 200 euros (environ 4 200 000 dirhams) par la commune urbaine d’Agadir, auxquels s’ajoutent 689 480 euros apportés par un don français. Au total, c’est un peu plus d’un million d’euros qui seront investis. Le Busway d’Agadir devrait donc coûter une douzaine de millions de dirhams, sans compter le prix des véhicules à acquérir. Rien à voir avec les quelque 6,4 milliards de dirhams nécessaires au tramway de Casablanca qui entrera en service le 12 décembre 2012. Quoi qu’il en soit, l’écart de prix entre les deux formules interpelle.
Pourquoi Agadir s’oriente-t-elle vers cette solution inédite au Maroc, et encore peu présente en Europe par exemple ?
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Idée de socialistes…
L’idée a germé en 2005 dans la tête de Tarik Kabbage, maire socialiste de la ville. Celui-ci est proche de Jean-Marc Ayrault, l’actuel Premier ministre français, qui a doté Nantes – dont il était le maire – du Busway. Le jumelage d’Agadir avec Nantes a fait le reste, et a permis à Tarik Kabbage de bénéficier d’un programme d’aide aux collectivités locales. En 2006, cette réflexion aboutit à un accord de coopération signé avec Nantes métropole, dont l’aboutissement est aujourd’hui le projet de Busway.
Busway au prix du bus
« Le Busway est un transport urbain de qualité qui va permettre de transporter un grand nombre de passagers, et en plus, ce sera jusqu’à 15 fois moins cher qu’un tramway ! », s’enorgueillit Tarik Kabbage, qui veut mettre en place un « réseau maillé », c’est-à -dire une structure dans laquelle les différents moyens de transport de la ville sont interconnectés, billetterie comprise. « Il est aberrant de devoir acheter un ticket pour le tram et un autre pour le bus. Compte tenu du pouvoir d’achat limité des usagers, le prix du ticket sera similaire à celui du bus normal », promet encore le maire. Pour être efficace, un réseau Busway doit disposer d’un parc important de bus. La ville d’Agadir espère un véhicule par station toutes les cinq minutes, pour transporter plus de 2 000 passagers par heure. En revanche, il n’est pas question d’énergie électrique, le grand argument écologique du tramway. La ville songe à des bus à moteur diesel, mais « propres et pas très polluants », assure Kabbage.
L’idée des couloirs de bus, ou « bus à haut niveau de service » (BHNS) pour reprendre l’appellation savante des spécialistes, enchante Omar Balafrej, président de l’association « Clarté, ambition, courage », qui milite pour l’abandon du TGV et remet en question le choix du tramway. « Les couloirs de bus sont le tramway du pauvre. Plusieurs pays d’Amérique latine ont fait ce choix, en adéquation avec le pouvoir d’achat local. Le tramway est certes beau mais la solution reste déficitaire. En définitive, c’est la collectivité qui doit sans cesse financer », explique Balafrej.
Si le Busway est plus adapté aux besoins des Marocains, pourquoi n’a-t-il pas été retenu par les autres villes ? Pourquoi le ministère du Transport envisage-t-il, à terme, la construction de lignes de tramway dans toutes les grandes agglomérations ?
Pneu ou rails ?
Le seul projet de tramway opérationnel à ce jour est celui de Rabat. Lamghari Essakel, PDG de la Société du tramway Rabat-Salé, explique que les deux solutions, busway et tramway, ne sont pas en concurrence. « Que ce soit sur pneu ou sur rail, les deux technologies se respectent. Si nous avons opté pour le rail, c’est pour la robustesse et la durabilité du système. La majorité des réseaux de transport de masse dans le monde optent pour le rail. En France par exemple, il n’y a que quelques villes qui ont opté pour le pneu », argumente Lamghari Essakel. Pour ce dernier, il ne faut pas faire de calcul à court terme. Il explique que le tramway peut également être bon marché : « Nous proposons des formules d’abonnement qui conviennent bien. Si un étudiant utilise 100 fois sa carte de tramway payée 150 dirhams pour venir de Salé à Rabat, son voyage ne lui coûtera pas plus que 1,5 dirham ! C’est beaucoup moins cher que le bus dans ce cas ! ». Le maire d’Agadir explique, lui aussi, qu’il pourra toujours installer des rails et transformer son busway en tramway en cas de nécessité. En attendant, le choix du busway semble correspondre aux besoins d’une ville comme Agadir. Rendez-vous est donc pris pour 2013.
Zakaria Choukrallah |
Le Busway a trouvé sa voie
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Trolleybus, trambus, busway… Les appellations diffèrent selon les pays et la nature du réseau : de longs couloirs séparés de la circulation, des passages plus ouverts, des pneus collés comme les roues du tramway sur les rails ou des roues normales de bus… Quelle que soit la forme qu’il prend, le bus à haut niveau de service (BHNS) a été adopté par beaucoup de pays, essentiellement en Amérique, où il est appelé Bus Rapid Transit (BRT). Son principal avantage est son coût au kilomètre moins élevé. Cette solution est très utilisée aux Etats-Unis et au Canada, où il profite du réseau autoroutier étoffé sur lequel il circule. On le retrouve aussi au Brésil, dans la ville de Curitiba ou encore en Equateur, et un peu moins en Europe, dans des villes comme Nantes ou Istanbul. A Bogota, par exemple, le Transmileno transporte plus de passagers que le métro classique pour un coût moins cher. Au Canada, le busway coûte 4 fois moins cher que le tramway et peut gravir les pentes, contrairement à son alter ego sur rail. Mais pour autant, il ne remplace pas le tramway. Dans les grandes villes, tramway, busway et autres transports en commun sont complémentaires, et leur mise en place est décidée en fonction des budgets et des attentes des usagers. |
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