Pour Mohamed El Maâzouzi, le porte-parole des « Winners » du Wydad, la répression n’éradiquera pas le hooliganisme.
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« On provoque la haine chez les supporters »
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Les « Winners », groupe de supporters du club du Wydad, côtoient lors des matchs de leur équipe les hooligans. Le 14 avril, de graves incidents ont émaillé la rencontre entre leur équipe et celle des FAR, poussant leur club à décider de jouer à huis clos le restant de la saison. Ils sont les premières victimes d’un phénomène qui gagne de plus en plus de terrains. Le point.
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Quel regard portez-vous sur le hooliganisme de plus en plus répandu dans nos stades et que faites-vous en tant qu’association de supporters pour en atténuer les conséquences ?
N’importe quelle personne normalement constituée ne peut que s’élever contre ce phénomène. Il ne faut pas faire porter le chapeau aux associations de supporters quand la société elle-même ne réussit pas à combattre ce fléau. Le problème est très profond. Il est d’abord éducatif. Ce sont des gens venus de milieux défavorisés qui ont développé une haine des classes plus nanties et qui profitent des matchs pour déverser leurs tensions.
Et concrètement, que faites-vous à votre niveau ?
Nous essayons de canaliser cette force négative en la transformant en force positive, à travers des activités comme la création de tifos par exemple.
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Vous côtoyez les hooligans lors des matchs. Qu’est-ce qui motive les casseurs et qui sont-ils ?
A l’origine, le mot hooliganisme avait un arrière-plan politique puisqu’il s’agissait de groupes aux positions idéologiques différentes qui s’affrontaient en Angleterre. Chez nous, ce n’est pas cela. Ce sont des jeunes qui manquent de civisme et qui jettent des pierres sur les forces de l’ordre ou sur les supporters adverses. Ce sont aussi des groupes criminels qui profitent des matchs pour agresser dans les tribunes et puis à l’extérieur. Il faut agir avant que des esprits mal intentionnés n’instrumentalisent cette colère à des fins idéologiques justement.
Pourquoi à votre avis n’arrive-t-on pas à contrôler les casseurs ?
Les organisateurs ont du mal à gérer les portes du stade. Les forces de l’ordre interviennent parfois violemment, ce qui provoque la haine chez les supporters. Et la haine engendre la haine. Le plus grave aujourd’hui, c’est qu’ils s’en prennent également aux forces de l’ordre. Le problème est en train de s’aggraver. Les organisateurs ne suivent pas du tout l’évolution du public. Le nombre de supporters est plus important et leur nature varie. Quand les autorités et les organisateurs voient sur facebook des insultes, des tensions, il faudrait qu’ils prennent des mesures pour intervenir de manière préventive. Quand les supporters de deux villes s’affrontent, leur acheminement aux abords du stade doit être organisé judicieusement. A mon avis, la formation est indispensable aussi pour effectuer une meilleure analyse de la situation et éviter la casse.
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Il y a pourtant une loi contre le hooliganisme qui est censée encadrer les dépassements. Qu’en pensez-vous ?
Cette loi a été élaborée sans la participation de la société civile et sans la compréhension préalable du public. Seules les mesures coercitives sont mises en avant.
Il faut penser en amont avant d’élaborer une loi qui ne règle à elle seule aucun problème. La décision de jouer les matchs du Wydad à huis clos ne réglera pas non plus le problème car c'est une solution temporaire.
Certains préconisent de déplacer le stade Mohammed V à l’extérieur de la ville…
Tous les stades dans le monde se trouvent à l’intérieur des villes. Ce sont les lobbys de l’immobilier qui poussent vers le déplacement du stade car ils sont intéressés par l’attractivité du terrain où se trouve le complexe Mohammed V. Ce n’est pas la solution car les agressions se produisent aussi le long du chemin menant vers le stade. S’ils font cela, ils vont tuer le sport.
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Alors quelle est, à votre sens, la meilleure approche à adopter pour tenter d'endiguer le phénomène du hooliganisme ?
La logique corrective à travers la répression a montré ses limites car le problème est beaucoup plus compliqué que cela. La solution est que tout le monde se penche sur la situation et que l’on inculque à ces jeunes l’amour de la patrie, le sentiment nationaliste. L’ère de la carotte et du bâton est terminée depuis la nouvelle Constitution. Ce qui se passe dans les stades n’est qu’un condensé de ce qui traverse notre société. Il faut que les responsables se rapprochent du peuple un peu plus et qu’ils cessent de s’adresser aux supporters avec la présomption de criminalité. Ça ne réglera pas le problème de réfléchir ainsi. Le problème est éducatif, je le répète.
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Propos recueillis par Zakaria Choukrallah |